Tribunal judiciaire de Mulhouse, 26 novembre 2024, RG n° 23/00459
Tribunal judiciaire de Mulhouse, 26 novembre 2024, RG n° 23/00459

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse

Thématique : Succession et répartition des indemnités : enjeux de l’actif successoral et droits des héritiers.

Résumé

Décès et héritiers

[M] [X] est décédé en 2009, laissant derrière lui un conjoint survivant, Mme [O] [G], et plusieurs enfants issus de deux unions. Les enfants de la première union, Mmes [P] [X], [Z] [X], et [R] [X], ainsi que les enfants de la seconde union, MM. [V] et [A] [X] et Mmes [F], [D], et [J] [X], sont les héritiers désignés. Certaines des filles de la première union ont renoncé à la succession, ce qui a conduit à une dévolution successorale établie par un certificat collectif d’héritiers.

Condamnation de l’Epic Sncf Mobilités

En janvier 2018, la cour d’appel de Paris a condamné l’Epic Sncf Mobilités à verser des indemnités aux ayants droit de M. [X] pour divers préjudices, totalisant 144 271 euros. Ces indemnités comprenaient des dommages et intérêts pour le déroulement de carrière, les droits à pension de retraite, la formation, et un préjudice moral.

Liquidation-partage et contestation

En décembre 2018, un acte de liquidation-partage a été établi, répartissant les indemnités entre Mme [G] et ses enfants, excluant Mme [P] [X]. Cette dernière a contesté cette exclusion, arguant que les indemnités constituaient un actif successoral devant être partagé entre tous les héritiers. En octobre 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a ouvert une procédure de partage judiciaire.

Procédure judiciaire et demandes de Mme [P] [X]

En août 2023, Mme [P] [X] a introduit une action en justice pour faire reconnaître les indemnités comme un actif successoral, demander l’annulation de l’acte de partage de 2018, et obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral. Elle a soutenu que les indemnités devaient être partagées entre tous les héritiers, y compris elle-même.

Réponse des consorts [G]-[X]

Les consorts [G]-[X] ont contesté les demandes de Mme [P] [X], affirmant que les indemnités ne constituaient pas un actif successoral et que l’acte de partage de 2018 était valide. Ils ont également rejeté les accusations de recel successoral, arguant qu’il n’y avait pas eu de dissimulation intentionnelle de leur part.

Décision du tribunal

Le tribunal a annulé l’acte de liquidation-partage de décembre 2018, considérant que les indemnités devaient être qualifiées d’actif successoral. Cependant, il a rejeté les demandes de Mme [P] [X] concernant le recel successoral, estimant qu’elle n’avait pas prouvé l’intention frauduleuse des consorts [G]-[X]. Les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral ont également été rejetées.

Conclusion et renvoi devant le notaire

Le tribunal a ordonné le renvoi des parties devant le notaire pour poursuivre les opérations de partage judiciaire, tout en précisant que chaque partie conserverait les frais engagés. L’exécution provisoire du jugement a été constatée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
———————————
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
—————————-
Première Chambre Civile

MINUTE n° 24/640
N° RG 23/00459
N° Portalis DB2G-W-B7H-IMET

KG/BD
République Française

Au Nom du Peuple Français

JUGEMENT

DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :

Madame [P] [X] épouse [L]
demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 86

– partie demanderesse –

A l’encontre de :

Madame [J] [X]
demeurant [Adresse 4]

Madame [D] [X]
demeurant [Adresse 4]

Madame [F] [X]
demeurant [Adresse 1]

Monsieur [V] [X] représenté par son tuteur l’association [7]
demeurant [Adresse 4]

Monsieur [A] [X]
demeurant [Adresse 4]

Madame [O] [G] veuve [X]
demeurant [Adresse 4]

représentés par Maître Alexandre TABAK de la SELARL ALEXANDRE TABAK AVOCAT, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 81

– partie défenderesse –

CONCERNE : Demande relative au rapport à succession

Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier

Jugement contradictoire en premier ressort

Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :

EXPOSÉ DU LITIGE

[M] [X], domicilié à [Localité 5] (68), est décédé le [Date décès 2] 2009, laissant pour lui succéder :
– son conjoint survivant en seconde noces, Mme [O] [G] épouse [X],
– ses enfants issus d’une première union, Mmes [P] [X] épouse [L] (ci-après dénommée Mme [P] [X]), [Z] [X] épouse [I] et [R] [X],
– les enfants issus de son union avec Mme [G], MM. [V] et [A] [X] et Mmes [F], [D] et [J] [X].

Mmes [Z] [X] épouse [I] et Mme [R] [X] ayant renoncé à la succession de leur père pour leur propre compte et pour le compte de leurs enfants, le certificat collectif d’héritiers délivré le 31 mai 2013 par le tribunal d’instance de Mulhouse a établi la dévolution successorale, Mme [G] épouse [X] recueillant, en sa qualité de conjoint survivant, 6/24ème de la succession en pleine propriété, et les six enfants successibles recueillant chacun 3/24ème de la succession en pleine propriété.

Suivant arrêt rendu le 31 janvier 2018, la cour d’appel de Paris a, notamment, condamné l’Epic Sncf Mobilités à verser aux ayant-droits de M. [X] les sommes suivantes :
– 134 821 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec le déroulement de carrière,
– 1 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en lien avec les droits à pension de retraite,
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la formation,
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et pour inaction dans le dossier,
– 150 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant acte de liquidation-partage reçu en l’étude de Me [Y] [E], notaire à [Localité 5], les 7 et 10 décembre 2018, la somme de 137 152,45 euros correspondant à l’indemnité due par la [8] en vertu de la décision précitée, a été répartie, après déduction des frais correspondant à l’acte de partage, entre Mme [G] épouse [X] et ses cinq enfants (ci-après dénommés les consorts [G]-[X]), à l’exclusion de Mme [P] [X] qui n’avait pas la qualité d’intimé à la procédure.

Estimant que ces indemnités constituaient un actif successoral, Mme [P] [X] a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de partage de ces sommes.

Par décision du 27 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Mulhouse a ouvert une procédure de partage judiciaire et désigné Me [U] [H], notaire à Mulhouse, pour y procéder.

Me [H] a dressé un procès-verbal de difficultés le 25 mai 2023.

Suivant acte introductif d’instance déposé au greffe le 8 août 2023, et signifié les 1er et 15 septembre 2023, Mme [P] [X] épouse [L] a attrait Mme [O] [G] épouse [X], M. [V] [X], représenté par son tuteur, l’association [7], M. [A] [X], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins, notamment, de :
– dire que les condamnations prononcées par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 31 janvier 2018 à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités constituent un actif successoral devant être soumis à partage,
– annuler l’acte de liquidation partage reçu par Me [E] les 7 et 10 décembre 2018 et, subsidiairement, dire que l’actif doit faire l’objet d’un complément de partage,
– dire que les défendeurs ne pourront prétendre à aucune part dans l’actif ainsi recelé,
– condamner les défendeurs à l’indemniser du préjudice moral subi.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2024, Mme [P] [X] demande au tribunal de :

Statuant sur la première difficulté :
– dire que l’intégralité des condamnations prononcées par la Cour de Paris à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités aux ayants droit de M. [X] son arrêt du 31 janvier 2018 constitue un actif successoral ;
– dire que cet actif successoral devait être soumis à partage entre l’ensemble des héritiers de M. [X], en ce compris Mme [P] [X] épouse [L] ;
– dire que l’acte de liquidation-partage de liquidités dans la succession de M. [M] [X] reçu par Me [Y] [E] en date des 7 et 10 décembre 2018 est nul et de nul effet ;
– à titre subsidiaire, si le tribunal ne devait dire que l’acte de partage du 7 décembre 2018 est nul, dire que les condamnations à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités portant sur un montant de 144 271 € constituent un actif qui devra faire l’objet d’un complément de partage ;

Statuant sur la deuxième difficulté :
– dire que les consorts [G]-[X] se sont rendus coupables du délit civil de recel successoral dans la succession de M. [M] [X] ;
– dire que les défendeurs ne peuvent prétendre à aucun droit sur l’actif recelé constitué par les condamnations prononcées par la Cour de Paris à l’encontre de l’Epic Sncf Mobilités dans son arrêt du 31 janvier 2018 et représentant une somme de 144 271 € ;
– dire que les défendeurs devront solidairement restituer l’intégralité de l’actif recelé d’un montant de 144 271 € ;
– dire que les défendeurs seront solidairement tenus de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont ils ont eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession,
– dire que ces différentes restitutions devront être assorties des intérêts au taux légal à compter de la requête en partage judiciaire enregistrée au greffe en date du 14 juin 2022 ;
– dire que les intérêts produiront eux-mêmes des intérêts ;
– fixer ses droits sur l’indemnité due par la société l’Epic Sncf Mobilités au titre de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 31 janvier 2018 (RG S15/11390 et 17/0444) à un montant de 144 271 € ;
– dire que les frais de l’acte de partage judiciaire seront à la charge des défendeurs ;
– renvoyer les parties devant Me [H], notaire à [Localité 5] pour la poursuite des débats ;

En tout état de cause,
– condamner solidairement les défendeurs à lui payer une somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral qu’elle a subi du fait du recel successoral dont elle a été victime et en tout état de cause en raison de son omission dans l’acte de partage reçu par Maître [Y] [E] en date des 7 et 10 décembre 2018 ;
– condamner solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens ainsi qu’à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l’appui de ses demandes, Mme [P] [X] soutient, pour l’essentiel :
– qu’en vertu de l’article 724 du code civil, l’action patrimoniale en réparation du préjudice se transmet de plein droit aux héritiers du de cujus, ce texte n’imposant pas que l’héritier ait été partie à l’instance,
– que l’arrêt de la cour d’appel de Paris a alloué les indemnités aux demandeurs, en leur qualité d’ayant-droits du défunt, de sorte qu’il s’agit d’un actif successoral devant être soumis à partage entre tous les héritiers, ce que les demandeurs et le notaire en charge de la succession ont confirmé,
– qu’en vertu de l’article 887-1 du code civil, l’acte de partage reçu par Me [E] les 7 et 10 décembre 2018 doit être annulé puisqu’elle a été écartée de ce partage,
– que, subsidiairement, les parties doivent être renvoyées devant le notaire pour procéder à un complément de partage,
– qu’en application de l’article 778 du code civil, les défendeurs l’ont volontairement tenue à l’écart de la procédure et se sont abstenus de partager les condamnations avec elle, alors qu’ils avaient conscience de ses droits sur ces sommes, de sorte qu’ils se sont rendus coupable du délit civil de recel successoral et ne peuvent donc prétendre à aucune part dans l’actif recelé,
– que l’attitude des défendeurs lui a causé un préjudice moral qu’il convient d’indemniser.

Par conclusions signifiées par Rpva le 9 juillet 2024, les consorts [G]-[X] sollicitent du tribunal de :

A titre principal,
– juger que l’indemnité [8] ne constitue pas un actif successoral devant être soumis à partage ;
– débouter Mme [P] [X] de sa demande tendant à obtenir la nullité de l’acte de liquidation partage de liquidités des 7 et 10 décembre 2018 ;
– juger que l’action en recel successoral est non fondée ;
– débouter Mme [P] [X] de sa demande tendant à ce qu’il soit dit que les défendeurs se sont rendus coupabledu délit civil de recel successoral ;
– débouter la demanderesse de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire,
– renvoyer les parties devant le notaire en charge du partage judiciaire aux fins de partage de l’indemnité de la [8] ;

En tout état de cause,
– juger que tous les frais de l’acte de partage judiciaire seront à la charge de la demanderesse ;
– condamner la demanderesse à leur payer un montant à hauteur de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [G]-[X] font valoir, en substance :
– que lorsque les sommes ont été allouées par la Cour d’appel de Paris, un partage amiable de la succession était intervenu tant en France qu’au Maroc de sorte que les héritiers n’étaient plus en indivision,
– que, comme cela été indiqué par le notaire en charge du partage des indemnités, les sommes ont été allouées aux ayant-droits de M. [X] et en leur qualité d’intimés à la procédure, Mme [P] [X] ne pouvant y prétendre à aucune part puisqu’elle n’était pas partie à la procédure alors qu’elle était informée de son existence,
– que les indemnités ainsi perçues résultent d’une action en justice intentée par les héritiers du défunt, et non par le défunt lui-même, et n’entrent donc pas dans l’hérédité,
– que l’acte notarié de partage ne souffre d’aucun vice de forme ou vice du consentement de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’annuler, la seule omission d’un bien donnant lieu à partage complémentaire, en vertu de l’article 892 du code civil,
– que l’action en recel successoral est dénuée de tout fondement, les héritiers n’étant plus en indivision,
– qu’en tout état de cause, Mme [P] [X] ne rapporte pas la preuve de leur intention frauduleuse puisqu’elle avait connaissance de la procédure engagée aux fins d’indemnisation et que M. [A] [X] a indiqué à leur conseil que la demanderesse avait droit à sa part sur ces sommes.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 11 juillet 2024.

Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

PRONONCE l’annulation de l’acte de liquidation – partage de liquidités en date des 7 et 10 décembre 2018 reçu par Me [Y] [E], notaire à [Localité 5] ;

REJETTE pour le surplus, les demandes formées par Mme [P] [X] épouse [L] ;

REJETTE la demande formée par Mme [O] [G] veuve [X], M. [A] [X], M. [V] [X], représenté par son tuteur, l’association [7], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X] au titre des frais de l’acte de partage judiciaire ;

ORDONNE le renvoi des parties devant Me [U] [H], notaire à [Localité 5], aux fins de poursuite des opérations de partage judiciaire ;

REJETTE la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [P] [X] épouse [L] ;

REJETTE la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [O] [G] veuve [X], M. [A] [X], M. [V] [X], représenté par son tuteur, l’association [7], Mme [F] [X], Mme [D] [X] et Mme [J] [X] ;

DIT que chaque partie conservera les frais qu’elle a engagés au titre des dépens ;

CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.

Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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