Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse
Thématique : Responsabilité du diagnostiqueur et préjudices liés à la présence d’amiante dans un bien immobilier
→ RésuméAcquisition de la propriétéLe 8 mars 2019, les époux [C] ont acquis une maison à [Localité 6] pour 181 000 euros. L’acte de vente a inclus un diagnostic technique réalisé par M. [E] [P], qui a signalé la présence d’amiante uniquement sur la toiture du garage. Découverte de l’amiante supplémentaireLe 23 juillet 2019, un diagnostic supplémentaire effectué par la société Diagamter a révélé la présence d’amiante sur d’autres parties de la maison, notamment les plaques de bardage et les jouées d’une lucarne. Procédures judiciaires engagéesLes époux [C] ont assigné plusieurs parties, dont les vendeurs et le diagnostiqueur, devant le tribunal judiciaire de Mulhouse pour demander une expertise judiciaire. Une expertise a été ordonnée le 22 juin 2021, et le rapport a été déposé le 25 mars 2022. Demande d’indemnisationLe 15 mars 2023, les époux [C] ont introduit une action en justice contre M. [P] et la Sa Gan Assurances pour obtenir réparation de leurs préjudices, incluant des frais de désamiantage et un préjudice moral. Arguments des époux [C]Les époux [C] soutiennent que M. [P] a commis une faute en omettant de mentionner la présence d’amiante dans certaines parties de la maison, ce qui leur a causé un préjudice financier et moral. Réponse des défendeursM. [P] et la Sa Gan Assurances ont contesté les demandes des époux [C], arguant que le diagnostic erroné ne justifiait pas les montants demandés et que les travaux de dépose des plaques d’amiante ne leur incombaient pas. Décision du tribunalLe tribunal a condamné M. [P] et la Sa Gan Assurances à verser 5 181 euros aux époux [C] pour les travaux de désamiantage, ainsi qu’une somme de 1 500 euros au titre des frais de justice. Les autres demandes des époux [C] ont été rejetées. Conséquences financièresLes défendeurs ont été condamnés aux dépens de la procédure, incluant les frais d’expertise judiciaire, et l’exécution provisoire du jugement a été ordonnée. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
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[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
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Première Chambre Civile
MINUTE n°
N° RG 23/00172
N° Portalis DB2G-W-B7H-IGEG
KG/BD
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :
Madame [T] [R] [W] épouse [C]
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [I] [A] [C] représenté par son tuteur l’[…]
demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Estelle BOUCARD, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 95
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
Compagnie d’assurance GAN ASSURANCES
dont le siège social est sis [Adresse 4]
Monsieur [E] [P] exerçant sous l’enseigne […]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître Thomas WETTERER de l’AARPI WETTERER – CHARLES, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 22
– partie défenderesse –
[…] représentant M. [I] [C] sous mesure de tutelle selon jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 7 décembre 2023
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Estelle BOUCARD, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 95
– partie intervenante –
CONCERNE : Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier
Jugement contradictoire en premier ressort
Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique reçu le 8 mars 2019 par Me [F] [H], notaire à [Localité 6] (68), M. [I] [C] et Mme [T] [W] épouse [C] (ci-après dénommés les époux [C]) ont acquis auprès de Mme [B] [S] épouse [M], M. [D] [S], M. [K] [N] et Mme [X] [S] épouse [N] une maison d’habitation sise [Adresse 2] à [Localité 6] au prix de 181 000 euros.
Le diagnostic technique portant sur la présence d’amiante, réalisé par M. [E] [P], exerçant sous l’enseigne […], annexé à l’acte de vente a mentionné la présence d’amiante sur la toiture du garage attenant à l’immeuble.
Le 23 juillet 2019, les époux [C] ont fait réaliser un diagnostic, confié à la société Diagamter, qui a révélé la présence d’amiante sur les plaques de bardage recouvrant le pignon arrière de la maison et les jouées d’une lucarne.
Par assignation signifiée les 23 et 25 février 2021, les époux [C] ont attrait, notamment, Mme [B] [S] épouse [M], M. [D] [S], M. [K] [N] et Mme [X] [S] épouse [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Suivant assignation signifiée le 19 avril 2021, les défendeurs ont appelé en la cause M. [E] [P], exerçant sous l’enseigne […].
Par décision du 22 juin 2021, le juge des référés a, notamment, ordonné une expertise confiée à M. [Y] [L] (RG n° 21/00119).
Par décision en date du 12 octobre 2021, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la Sa Gan Assurances, en sa qualité d’assureur de M. [P].
L’expert a déposé son rapport le 25 mars 2022.
Suivant acte introductif d’instance, déposé par voie électronique le 15 mars 2023, signifié les 31 mars 2023 et 7 avril 2023, les époux [C] ont attrait M. [P], exerçant sous l’enseigne […], et la Sa Gan Assurances devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de les voir condamner à les indemniser de leurs préjudices.
Aux termes de leurs dernières conclusions et acte d’intervention volontaire notifiées par voie électronique le 22 mai 2024, Mme [C] et M. [C], représenté par son tuteur, l’[…], demandent au tribunal de :
– les déclarer recevables et bien fondés en leur demande ;
– condamner solidairement M. [P] exploitant sous I’enseigne […] et la compagnie d’assurance Gan à leur payer la somme de 13 326 € au titre des frais de désamiantage et de remise en état, montant augmenté des intérêts au taux légal à compter du 06 juin 2022 ;
– condamner solidairement M. [P] exploitant sous I’enseigne […] et la compagnie d’assurance Gan à leur payer une somme de 3 000 € en réparation de leur préjudice moral et de jouissance ;
– condamner solidairement les défendeurs à leur payer une somme de 2 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de procédure de référé, le coût de I’expertise judiciaire de M. [L] ;
– ordonner I’exécution provisoire du jugement à intervenir.
A l’appui de leurs demandes, les époux [C] soutiennent, au visa des articles 1240 et suivants du code civil, pour l’essentiel :
– que M. [P] a commis une faute, son rapport ne faisant pas mention de la présence d’amiante dans le revêtement des jouées de la lucarne et du pignon arrière de la maison,
– qu’ils subissent un préjudice correspondant à la perte de chance d’avoir pu négocier à la baisse le prix d’achat du bien correspondant au coût des travaux de désamiantage et à la remise en état du chien-assis et du pignon arrière de la maison après désamiantage,
– qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la présence d’amiante non détectée à tort caractérise pour l’acquéreur la certitude du préjudice correspondant aux travaux de désamiantage et que l’indemnisation doit comprendre le préjudice immatériel résultant de la privation de jouissance du bien pendant le temps des travaux de désamiantage de sorte que les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que seul le préjudice résultant du surcoût lié au traitement de l’amiante est indemnisable.
Par conclusions signifiées par Rpva le 12 octobre 2023, M. [P] exerçant sous l’enseigne […] et la Sa Gan Assurances sollicitent du tribunal de :
– fixer le montant des dommages et intérêts pouvant revenir aux époux [C] à une somme totale de 2 310 € ;
– rejeter toute demande formée par les [C] qui excéderait ce montant ;
– rejeter la demande formée par les époux [C] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, M. [P] et la Sa Gan Assurances font valoir, en substance :
– que la responsabilité civile de M. [P] et la garantie due par la Sa Gan Assurances ne sont pas contestées,
– que l’expert judiciaire a relevé qu’il n’existe aucune obligation de procéder à l’enlèvement des plaques d’amiante, les plaques étant en parfait état et n’étant pas constituées de matériaux friables, de sorte que le préjudice des époux [C] n’est constitué que du coût de désamiantage en vue d’une dépose future, dans la mesure où les travaux de dépose qui seront réalisés relèvent de l’entretien courant de l’immeuble,
– que le coût du désamiantage doit être évalué au regard du devis établi par la société Batichoc, tel que rectifié par l’expert, les travaux de dépose devant rester à la charge des époux [C], étant précisé que le devis établi par la société CEH, produit par les demandeurs, ne peut pas être retenu puisqu’il vise également des travaux d’isolation thermique, de diagnostic et de repérage de l’amiante,
– que les époux [C] ne justifient ni du préjudice de jouissance, ni du préjudice moral dont ils sollicitent l’indemnisation, étant rappelé que la dépose ne s’imposant pas, ils ne sont pas empêchés de jouir du bien et ne sont pas affectés par la présence d’amiante,
– que les époux [C], qui ont refusé la proposition d’indemnisation faite par la Sa Gan Assurances et ont fait le choix de s’en remettre à justice, doivent supporter les frais irrépétibles.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 11 juillet 2024.
Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
CONSTATE l’intervention volontaire de l’[…], en sa qualité de tuteur de M. [I] [C] ;
CONDAMNE in solidum M. [E] [P], exploitant sous l’enseigne […], et la Sa Gan Assurances à verser à M. [I] [C], représenté par son tuteur, l’[…], et à Mme [T] [W] épouse [C] les sommes suivantes :
– 5.181,00 € (CINQ MILLE CENT QUATRE-VINGT-UN EUROS) au titre du coût des travaux de désamiantage,
– 1.500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
REJETTE, pour le surplus, la demande de dommages et intérêts formée par M. [I] [C], représenté par son tuteur, l’[…], et Mme [T] [W] épouse [C] ;
CONDAMNE in solidum M. [E] [P], exploitant sous l’enseigne […], et la Sa Gan Assurances aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé-expertise n° RG 21/00119 et les frais d’expertise judiciaire ;
CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.
Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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