Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse
Thématique : Responsabilité contractuelle et désordres de construction : enjeux de la garantie décennale et des normes applicables.
→ RésuméContexte de l’affaireLes époux [U] ont engagé la Sarl Kleinhans Espaces Verts pour la construction d’une piscine sur leur terrain à [Localité 5] pour un montant de 29 231,44 euros, selon une facture datée du 23 mars 2012. En 2017, ils ont constaté des infiltrations d’eau derrière le liner de la piscine, ce qui a conduit à une expertise amiable en 2020. Procédures judiciairesLes époux [U] ont assigné la Sarl Kleinhans Espaces Verts en février 2021 pour demander une expertise judiciaire. Le juge des référés a ordonné une expertise qui a été réalisée et dont le rapport a été déposé en avril 2022. En février 2023, les époux [U] ont demandé une indemnisation pour leurs préjudices. Demandes des époux [U]Dans leurs conclusions de mai 2024, les époux [U] ont demandé des indemnités pour divers préjudices, incluant le coût des réparations, des frais de pompage, la remise en état des plages, un préjudice moral, et les frais d’expertise judiciaire. Ils ont fondé leurs demandes sur la responsabilité décennale et contractuelle de l’entrepreneur. Réponse de la Sarl Kleinhans Espaces VertsLa Sarl Kleinhans Espaces Verts a contesté les demandes des époux [U], arguant que celles-ci étaient prescrites et que les désordres allégués ne relevaient pas de sa responsabilité. Elle a également demandé des frais d’avocat et la condamnation des époux aux dépens. Analyse de la responsabilitéLe tribunal a examiné la responsabilité civile décennale et contractuelle de la Sarl Kleinhans Espaces Verts. Il a constaté que les désordres affectant les margelles ne compromettaient pas la solidité de l’ouvrage, ce qui excluait la responsabilité décennale. Cependant, des manquements aux règles de l’art concernant les infiltrations et la non-conformité du couvercle du regard ont été établis. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription et a condamné la Sarl Kleinhans Espaces Verts à verser des indemnités aux époux [U] pour le coût des travaux de remise en état, les frais de pompage, et un préjudice moral. La demande de la Sarl Kleinhans au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée, et elle a été condamnée aux dépens. L’exécution provisoire du jugement a été constatée. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
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[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
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Première Chambre Civile
MINUTE n°
N° RG 23/00067 – N° Portalis DB2G-W-B7H-IDRW
KG/BD
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :
Monsieur [R] [U]
demeurant [Adresse 2]
Madame [G] [Z] épouse [U]
demeurant [Adresse 2]
représentés par Maître Caroline BACH, avocat postulant, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire: 26 et Maître Serge HECKEL, avocat plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG,
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
S.A.R.L. KLEINHANS ESPACES VERTS
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Alban PIERRE de la SCP SCP KETTERLIN-KELLER ET PIERRE, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 24
– partie défenderesse –
CONCERNE : Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier
Jugement contradictoire en premier ressort
Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [U] et Mme [G] [Z] épouse [U] (ci-après dénommés les époux [U]) ont confié à la Sarl Kleinhans Espaces Verts les travaux de construction d’une piscine sur un terrain sis à [Localité 5] (68) pour un montant de 29 231,44 euros toutes taxes comprises suivant facture n° 3429 du 23 mars 2012.
Courant 2017, les époux [U] ont constaté l’apparition d’eau derrière le liner de la piscine.
Une expertise amiable contradictoire, diligentée par l’assureur des époux [U], a été réalisée par la société Eurisk, qui a établi un rapport le 15 juin 2020.
Suivant assignation en date du 11 février 2021, les époux [U] ont attrait la Sarl Kleinhans Espaces Verts devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par décision du 23 avril 2021, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M. [N] [C] (RG n°21/00093).
L’expert a déposé son rapport le 4 avril 2022.
Par exploit de commissaire de justice en date du 3 février 2023, les époux [U] ont fait assigner la Sarl Kleinhans Espaces Verts devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins d’indemnisation de leurs préjudices.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2024, les époux [U] demandent au tribunal de :
– condamner la société Kleinhans Espaces Verts à leur verser la somme de 5 016 € au titre du coût des remèdes aux désordres, malfaçons et non-conformités,
– condamner la société Kleinhans Espaces Verts à leur verser la somme de 156 € au titre des frais de pompage,
– condamner la société Kleinhans Espaces Verts à leur verser la somme de 1 188 € au titre de la remise en état des plages,
– condamner la société Kleinhans Espaces Verts à leur verser la somme de 2 000 € au titre du préjudice moral et de jouissance,
– condamner la société Kleinhans Espaces Verts à leur verser la somme de 3 448,74 € au titre des frais d’expertise judiciaire,
– condamner la société Kleinhans Espaces Verts aux entiers dépens, y compris ceux de l’expertise judiciaire, ainsi qu’à verser 3 500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
A l’appui de leurs demandes, les époux [U] soutiennent, au visa des articles 1792, 1792-2, 1217 et 1231-1 du code civil, pour l’essentiel :
– que le désordre déjà existant affectant les margelles compromet la solidité de l’ouvrage de sorte qu’il revêt un caractère décennal, et, à défaut, engage la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur,
– que les infiltrations et l’absence de couvercle engagent la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur,
– que l’expert a relevé que les infiltrations proviennent d’un manquement aux règles de l’art, les parois de la piscine étant trop étanches, que le décollement des margelles provient d’une mauvaise exécution, le produit de collage n’étant pas adapté au support, et que l’absence du couvercle de regard en fond prévu au devis relève de la non exécution de la prestation,
– que la norme CSTB NF T54-804 à laquelle se réfère l’expert a été établie en février 2008 et révisée en juin 2019 de sorte qu’elle était applicable lors de l’exécution des travaux litigieux,
– que l’expert a évalué à la somme de 5 016 euros le coût des travaux de remise en état,
– qu’il convient également de les indemniser des frais de pompage qu’ils ont été contraints d’effectuer et dont ils justifient par la production d’une facture,
– qu’il doivent, en outre, être indemnisés du coût de la remise en état des plages dont les dalles s’affaissent, du préjudice moral et de jouissance et des frais d’expertise judiciaire qui était nécessaire pour déterminer avec exhaustivité les désordres et les préjudices.
Par conclusions signifiées par Rpva le 29 mars 2024, la Sarl Kleinhans Espaces Verts sollicite du tribunal de :
– déclarer les demandes formées par les époux [U] prescrites,
– inviter les époux [U] à préciser les fondements juridiques de leurs demandes respectives,
– les débouter de l’ensemble de leurs demandes,
– les condamner au paiement de la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers frais et dépens y compris ceux de la procédure d’expertise judiciaire RG n° 21/00093.
Au soutien de ses prétentions, la Sarl Kleinhans Espaces Verts fait valoir, en substance :
– que, s’agissant des margelles, les demandeurs ne précisent pas le fondement juridique de leur demande,
– que l’expert a retenu que les margelles peuvent se décoller à terme de sorte que ce désordre futur ne peut pas revêtir de caractère décennal, à défaut de révéler de façon certaine sa gravité dans le délai de dix ans suivant la réception qui a expiré le 23 mars 2022,
– que ce désordre ne relève pas davantage de sa responsabilité contractuelle puisque les demandeurs ne caractérisent aucune faute qui lui soit imputable,
– que, s’agissant de l’absence de trou d’évacuation dans le bac de la piscine, la norme CSTB NF T54-804 évoquée par l’expert a été homologuée en 2019, soit postérieurement aux travaux litigieux,
– que, s’agissant du couvercle du regard, la non-conformité du matériau du couvercle était apparente lors de la réception et n’entraîne aucun désordre de sorte que sa responsabilité ne peut pas être engagée,
– que, lors de l’expertise, les demandeurs ignoraient la présence de ce regard de sorte que la question de sa manoeuvrabilité n’est pas primordiale,
– que la mesure d’expertise judiciaire n’était pas nécessaire, au regard de la mesure d’expertise amiable,
– que les époux [U] ayant bénéficié d’une protection juridique, les frais irrépétibles doivent être supportés à égalité par les parties.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2024.
Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Sarl Kleinhans Espaces Verts ;
CONDAMNE la Sarl Kleinhans Espaces Verts à verser à M. [R] [U] et Mme [G] [Z] épouse [U] les sommes suivantes :
– 5.016,00 € (CINQ MILLE SEIZE EUROS) toutes taxes comprises au titre du coût des travaux de remise en état,
– 156,00 € (CENT CINQUANTE-SIX EUROS) au titre des frais de pompage,
– 500,00 € (CINQ CENTS EUROS) au titre du préjudice moral,
– 1.500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE, pour le surplus, la demande de dommages et intérêts formée par M. [R] [U] et Mme [G] [Z] épouse [U] ;
REJETTE la demande de la Sarl Kleinhans Espaces Verts, formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sarl Kleinhans Espaces Verts aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé-expertise RG n° 21/00093 et les frais d’expertise judiciaire ;
CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.
Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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