Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse
Thématique : Propriété mobilière et preuve de possession
→ RésuméM. [K] [F] est décédé, laissant pour lui succéder Mme [H] [R] et Mme [N] [F]. Le tribunal de Guebwiller a ouvert une procédure de partage judiciaire le 12 février 2007. Le 14 février 2008, le tribunal de Colmar a ordonné la vente aux enchères d’un bâtiment, adjugé à M. [T] [P] pour 152 000 euros. Le 25 janvier 2023, Mme [R] a assigné M. [P] pour la restitution de biens mobiliers, mais la médiation n’a pas eu lieu. Le tribunal a rejeté sa demande, constatant qu’elle ne justifiait ni la propriété ni la possession des biens revendiqués.
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
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[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
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Première Chambre Civile
MINUTE n°
N° RG 23/00046 – N° Portalis DB2G-W-B7H-IDSS
KG/BD
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :
Madame [H] [R]
demeurant [Adresse 5]
représentée par Maître Olivier NAHON de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS ZIMMERMANN & ASSOCIES, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 27
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
Monsieur [T] [P]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-julien KOLB, avocat au barreau de MULHOUSE,
vestiaire : 61
– partie défenderesse –
CONCERNE : Autres demandes en matière de libéralités
Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier
Jugement contradictoire en premier ressort
Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [K] [F] est décédé, laissant pour lui succéder Mme [H] [R] épouse [F], son épouse, et Mme [N] [F] épouse [G], sa soeur.
Suivant décision du 12 février 2007, le tribunal d’instance de Guebwiller a ordonné l’ouverture d’une procédure de partage judiciaire.
Par décision du 14 février 2008, le tribunal d’instance de Colmar a, notamment, ordonné la vente aux enchères publiques d’un bâtiment destiné à l’hotellerie et la restauration sis [Adresse 1] à [Localité 8] (68), cadastré section 2 n° [Cadastre 2], lieudit [Localité 7].
Selon procès-verbal d’adjudication dressé le 29 juin 2022 par Me [I], notaire, M. [T] [P] a été déclaré adjudicataire du bien immobilier au prix de 152 000 euros.
Suivant acte introductif d’instance, déposé par voie électronique le 25 janvier 2023, signifié le 27 février 2023, Mme [R] a attrait M. [P] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins de le voir condamné, sous astreinte, à lui remettre les biens mobiliers se trouvant dans l’immeuble vendu.
Par ordonnance du 12 mai 2023, le juge de la mise en état a fait injonction aux parties de rencontrer un médiateur, lequel a indiqué, par courriel du 3 octobre 2023, qu’il n’a pas été possible d’entamer un processus de médiation.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024, Mme [R] demande au tribunal de :
– déclarer irrecevable et mal fondé M. [P] en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner M. [P] à lui remettre les biens mobiliers suivants :
* table ronde dans le coin, vaisselle dans le placard arrière + ustensiles de bar + 3 tabourets de bar (restaurant),
* meuble en bois dans le couloir (1er étage ancien immeuble),
* canapé et fauteuil x 2 + petite table de chevet + table avec blason (demier étage ancien immeuble),
* petit fauteuil dans chambre couleur kaki,
* effets personnels de feu M. [F] (son ancienne chambre),
* table en inox x 3 + lave vaisselle professionnel + ancienne gazinière à bois + ustensiles de cuisine,
* table ronde + bureau + congélateur bleu (bureau),
* tonneau mural avec inscription “famille [F]”,
* 9 fauteuils en skaï (partie supérieure immeuble récent),
* 2 meubles de salon + table centrale et chaises + petites commodes de coin (appartement – salon),
* petits meubles avec les portes vitrées (couloir appartement),
* ancienne gazinière à bois (cuisine),
* coiffeuse, petit meuble de coin, vaisselle et décoration de noël et autre entreposés (chambre 1),
* fauteuils couleur vert beige + armoire X2,
* machine à chantilly + crepière professionnelle, tireuses à bières + poele à bois + tracteur professionnel (cave et garage et grande salle),
* parquet et tronçonneuse (grande salle),
sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
– condamner M. [P] au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de la procédure ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
A l’appui de ses demandes, Mme [R] soutient, pour l’essentiel :
– que l’adjudication ne portait que sur l’immeuble, et non sur le mobilier dont elle est proriétaire, de sorte que M. [P] ne possède aucun droit sur ces meubles,
– que M. [P] invoque la présomption de propriété alors qu’il sait ne pas être le propriétaire des meubles.
Par conclusions signifiées par Rpva le 7 mai 2024, M. [P] sollicite du tribunal de :
– débouter Mme [R] de l’ensemble de ses fins, moyens et conclusions,
– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, M. [P] fait valoir, au visa des articles 544, 711 et suivants et 1363 du code civil, et de l’article 9 du code de procédure civile, en substance :
– qu’il ressort tant du cahier des charges que du procès-verbal d’adjudication qu’il a acquis l’immeuble en l’état, avec tout ce qu’il comprenait et tout ce qui l’occupait, étant précisé que le bien était garni de meubles dans un état de délabrement avancé,
– que Mme [R] a eu toute lattitude pour procéder à la reprise du mobilier avant la vente,
– que Mme [R] n’a jamais émis de contestation quant au sort du mobilier et n’a pas sollicité la réalisation d’un inventaire ou une dissociation du mobilier qu’elle souhaitait conserver,
– qu’en tout état de cause, elle ne justifie pas de ce qui se trouvait dans l’immeuble lors de la vente, la liste communiquée ayant été rédigée par elle-même de sorte qu’elle est dénuée de toute force probante.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 11 juilet 2024.
Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
MOTIFS
A titre liminaire, il est relevé que Mme [R] vise, au sein de ses dernières conclusions, Mme [N] [F], qui aurait été appelé en déclaration de jugement commun alors qu’elle ne forme aucune demande à son encontre et ne justifie pas de la signification de l’acte introductif d’instance à son égard, malgré la demande qui lui a été faite en ce sens par message Rpva du 15 octobre 2024, de sorte qu’il y a lieu de considérer que Mme [F] n’est pas partie à la présente procédure.
Sur la demande de restitution des biens meubles formée par Mme [R]
L’article 544 du code civil dispose : “La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements”.
Il est constant que la propriété d’un bien se prouve par tous moyens (Cass. 1re civ., 11 janvier 2000).
En vertu de l’article 9 du code de procédure civile, il appartient à Mme [R] d’apporter la preuve de la propriété des biens dont elle sollicite la restitution et de leur possession par le défendeur, étant rappelé que nul ne peut se constituer de titre à soi-même, en application des dispositions de l’article 1363 du code civil.
En l’espèce, il est constant que, suivant procès-verbal d’adjudiciation dressé par Me [S] [I], notaire à Soultz, le 29 juin 2022, M. [P] a été déclaré adjudicataire de l’immeuble sis à [Localité 8], cadastré section 2 n° [Cadastre 2], en exécution du jugement du tribunal d’instance du 14 février 2018 ordonnant la vente aux enchères publiques de divers biens immobiliers dépendant de la succession de [K] [F].
Il est précisé, en page 8 du procès-verbal d’adjudication, que “l’adjudicataire sera propriétaire du ou des biens vendus à compter du jour où l’adjudication sera définitive. Il en aura la jouissance à compter du jour du paiement du prix et des frais, par la prise de possession réelle, lesdits biens étant libres de toute location ou toute occupation quelconque. Il est ici rappelé que l’adjudicataire fera son affaire personnelle de la situation locative ou d’occupation des biens à lui adjugés”.
Il en ressort, comme l’affirme la demanderesse, que seul le bien immobilier a fait l’objet d’une vente à M. [P], à l’exception des meubles garnissant ledit bien, dont le sort n’a pas été réglé, étant observé que la mention selon laquelle l’adjudicataire fera son affaire personnelle de la situation locative ou d’occupation des biens, ne se rapportait qu’à l’hypothèse d’une personne se trouvant dans les lieux, titulaire d’un titre (situation locative) ou non (situation d’occupation), et non aux meubles.
Cependant, force est de constater que Mme [R] ne justifie ni de la propriété des biens dont elle sollicite la restitution, ni de leur possession par M. [P], les documents qu’elle produit étant dénués de valeur probante puisqu’elle a établi elle-même la liste des biens et que les photographies, qui représentent l’immeuble et non les biens dont la restitution est sollicitée, sont dépourvues de tout élément de contexte.
Si M. [P] reconnaît, par courrier du 17 octobre 2022, que les biens meubles personnels laissés dans le bien ont été débarrassés par ses soins, ce courrier est insuffisant pour établir qu’il ait pu détenir ou détienne encore les biens précisément revendiqués par Mme [R].
Dans ces conditions, la demande formée par Mme [R] ne peut pas prospérer et sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [P]
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Le droit d’action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l’intention malicieuse et de la conscience d’un acharnement procédural voué à l’échec, sans autre but que de retarder l’instance ou de décourager la partie adverse. Le principe du droit d’agir implique qu’il ne suffise pas que la décision judiciaire retienne le caractère infondé des prétentions pour caractériser l’abus de l’exercice du droit.
En l’espèce, M. [P] n’indique pas de façon circonstanciée en quoi l’action exercée par Mme [R] serait constitutive d’un abus de droit, étant rappelé que le caractère infondé des prétentions n’est pas suffisant pour caractériser un tel abus et alors qu’il reconnaît que certains meubles étaient présents dans le bien immobilier qu’il a acquis lorsqu’il en est entré en possession.
Par conséquent, la demande de dommages et intérêts formée par M. [P] sera rejetée.
Sur les autres demandes
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Mme [R], partie perdante au procès, sera condamnée aux dépens.
Elle sera également condamnée à payer à M. [P], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 1 200 euros.
La demande de Mme [R], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.
L’exécution provisoire est de droit, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
REJETTE la demande en restitution formée par Mme [H] [R] ;
REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par M. [T] [P] ;
CONDAMNE Mme [H] [R] à verser à M. [T] [P], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1.200,00 € (MILLE DEUX CENTS EUROS) ;
REJETTE la demande de Mme [H] [R], formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [H] [R] aux dépens ;
CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.
Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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