Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Mulhouse
Thématique : Responsabilité contractuelle et désordres de construction : enjeux d’indemnisation et de conformité.
→ RésuméMme [R] [S] a signé un contrat de construction avec la Sarl Maisons Individuelles d’Alsace le 4 juillet 2018. Après la réception des travaux le 25 juin 2020, elle a signalé des désordres, sans réponse satisfaisante de la Sarl. Elle a donc assigné la société en justice pour obtenir une expertise. Le rapport a révélé plusieurs problèmes, entraînant une demande d’indemnisation pour préjudices matériels et frais d’expertise. Le tribunal a condamné la Sarl à verser des sommes pour les travaux nécessaires, tout en rejetant la demande de préjudice de jouissance et en considérant certains frais comme irrépétibles.
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MULHOUSE
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[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
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Première Chambre Civile
MINUTE n°
N° RG 22/00367
N° Portalis DB2G-W-B7G-H2VY
KG/BD
République Française
Au Nom du Peuple Français
JUGEMENT
DU 26 novembre 2024
Dans la procédure introduite par :
Madame [R] [S]
demeurant [Adresse 5] – [Localité 7]
représentée par Maître Thomas GRIMAL de la SELARL GRIMAL GATIN BENOIT, avocats au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 29
– partie demanderesse –
A l’encontre de :
S.A.R.L. MAISONS INDIVIDUELLES D’ALSACE, exerçant sous l’enseigne S.A.R.L. […]
dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 4]
représentée par Me Marine DALLAMANO, avocat au barreau de MULHOUSE, vestiaire : 35
– partie défenderesse –
CONCERNE : Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
Le Tribunal composé de Blandine DITSCH, Juge au Tribunal de céans, statuant à Juge unique, et de Thomas SINT, Greffier
Jugement contradictoire en premier ressort
Après avoir à l’audience publique du 15 octobre 2024, entendu les avocats des parties en leurs conclusions et plaidoiries, et en avoir délibéré conformément à la loi, statuant comme suit, par jugement mis à disposition au greffe ce jour :
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 4 juillet 2018, Mme [R] [S] a conclu avec la Sarl Maisons Individuelles d’Alsace, exerçant sous l’enseigne […] (ci-après dénommée la Sarl […]), un contrat de construction d’une maison individuelle d’habitation sur un terrain situé à [Localité 7] (68).
La réception est intervenue le 25 juin 2020 selon procès-verbal supportant la mention “avec réserves”.
Par courriers adressé à la Sarl […] les 1er et 18 juillet 2020, Mme [S] a formulé un certain nombre de réserves.
Déplorant divers désordres, Mme [S] a, par assignation délivrée le 22 janvier 2021, attrait la Sarl […] devant le juge des référés du tribunal judiciaire aux fins de voir ordonner une expertise.
Suivant décision du 9 mars 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire a ordonné une expertise confiée à Mme [O] [U] (RG n° 21/00071).
L’expert a déposé son rapport le 22 février 2022.
Suivant acte introductif d’instance, déposé par voie électronique le 24 juin 2022, signifié le 27 juillet 2022, Mme [S] a attrait la Sarl […] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse aux fins d’indemnisation de ses préjudices.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2024 et adressées au juge de la mise en état, Mme [S] demande au tribunal de :
– condamner la Sarl […] à lui payer la somme de 14 609,51 € ;
– condamner la Sarl […] à lui payer la somme de 16 000 € au titre du préjudice de jouissance ;
– condamner la Sarl […] à lui payer la somme de 2 749,20 € au titre du préjudice matériel en remboursement des frais de M. [J] ;
– condamner la Sarl […] à lui payer la somme de 600,00 € au titre des frais réglés entre les mains du géomètre-expert dans le cadre des opérations d’expertise et préconisés par l’expert judiciaire ;
– condamner la Sarl […] à lui payer la somme de 7 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Sarl […] en tous les frais et dépens, y compris le coût de la procédure en référé expertise RG 21/00071.
A l’appui de ses demandes, Mme [S] soutient, au visa des articles 1792-6, 1217 et 1231-1 du code civil, pour l’essentiel :
– que les opérations d’expertise ont mis en évidence un certain nombre de désordres affectant les travaux réalisés par la Sarl […],
– que, s’agissant de la problématique d’étanchéité à l’air, les opérations d’expertise ont mis en évidence une perméabilité à l’air, contrairement aux prescriptions contractuelles à laquelle il n’a été remédié que grâce aux dites opérations et aux observations de M. [J], expert privé, et ce indépendamment de l’installation d’un poêle,
– que l’expert a constaté un désordre portant sur l’humidité du vide-sanitaire dû à l’absence de ventilation en nombre suffisant et en surface qui n’a pu être solutionné qu’en suite de l’intervention de l’expert judiciaire,
– que l’expert a relevé d’autres désordres relatifs à l’absence de finition de l’appui de la porte d’entrée et de la porte-fenêtre, à la non-conformité de l’isolant dans les combles, à l’habillage de la baignoire, à l’appui de la fenêtre de l’étage, à l’entrée d’eau dans le garage ainsi qu’au niveau d’implantation de la maison,
– que, s’agissant plus précisément du niveau altimétrique de la maison, l’expert a relevé que les cotes altimétriques figurant sur les plans du permis de construire modificatif demandé après la réception des travaux à son insu n’étaient conformes ni à la réalité, ni à la réglementation du lotissement, de sorte que la maison, construite en zone inondable, est enfouie de 30 centimètres ce qui occasionne l’humidité du vide-sanitaire, une arrivée d’eau dans le garage à chaque forte pluie et l’impossibilité d’obtenir le certificat de conformité et, partant, de revendre le bien,
– que les désordres apparents ont fait l’objet de réserves, les autres désordres étant cachés à la réception,
– qu’il convient donc de l’indemniser du préjudice matériel comprenant le coût des travaux de remise en état et les frais de recours à un géomètre-expert,
– qu’elle subi également un préjudice de jouissance puisqu’elle a vécu pendant plusieurs mois dans une maison présentant des courants d’air et une humidité importante, qu’elle a été contrainte de déménager ses meubles à plusieurs reprises pour pouvoir accéder au vide sanitaire et n’a pas pu effectuer les travaux d’aménagement extérieur,
– que le coût de l’intervention de M. [J], expert privé dont l’intervention a été nécessaire, doit également être indemnisé, étant précisé que l’expert privé n’était pas présent aux opérations de réception.
Par conclusions signifiées par Rpva le 20 mars 2024, la Sarl […] sollicite du tribunal de :
A titre principal,
– lui donner acte de ce qu’elle accepte d’intervenir au titre des travaux sur les appuis de la porte d’entrée et de la porte fenêtre, ou le cas échéant de verser à Mme [S] la somme de 450,00 € toutes taxes comprises conformément au rapport d’expertise du 22 février 2022 ;
– lui donner acte de ce qu’elle accepte d’intervenir au titre de la mise en place de l’isolant, ou le cas échéant, de verser à Mme [S] la somme de 1.644,00 € toutes taxes comprises conformément au rapport d’expertise du 22 février 2022 ;
– débouter Mme [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions pour le surplus ;
Subsidiairement si la juridiction de céans devait retenir sa responsabilité de la quant à l’altimétrie de l’ouvrage,
– lui donner acte de ce qu’elle accepte d’intervenir pour le dépôt du permis de construire modificatif, au besoin l’y condamner ;
En tout état de cause,
– débouter Mme [S] de sa demande en condamnation à son égard à tous les frais et dépens ;
– condamner Mme [S] à lui verser la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [S] à l’ensemble des frais et dépens, y compris ceux de la procédure en référé portant numéro RG 21/00071.
Au soutien de ses prétentions, la Sarl […] fait valoir, en substance :
– que, s’agissait de la problématique d’étanchéité à l’air, si le test AirTest 3E a relevé des infiltrations, tout en étant conforme au seuil réglementaire, l’ensemble des infiltrations ne lui est pas imputable puisqu’il résulte du diagnostic que certaines d’entre elles proviennent des réseaux électriques et des fourreaux, de la pose des spots et d’un poêle à bois effectuées par Mme [S],
– que, s’agissant des appuis de la porte d’entrée et de la porte-fenêtre, Mme [S] a refusé sa proposition d’intervention amiable et, qu’en tout état de cause, Mme [U] a chiffré le coût des travaux de reprise à la somme de 450 euros toutes taxes comprises,
– que, s’agissant de la pose de l’isolant dans les combles, elle maintient sa proposition gracieuse d’intervention,
– que, s’agissant de l’habillage de la baignoire, l’expert a relevé que la jupe de la baignoire reste dans le cadre des tolérances de pose de sorte que la demande de Mme [S] doit être rejetée,
– que, s’agissant de l’appui de fenêtre de l’étage, Mme [U] n’a pas retenu sa responsabilité, ce désordre ayant été causé après la réception et n’a pas fait l’objet de réserve,
– que, s’agissant du niveau d’implantation de la maison, l’expert judiciaire a interprété le “niveau moyen fini de la voirie d’accès au lot considéré” comme étant la moyenne entre les niveaux des deux extrêmités de la parcelle (établi à 223,375) alors que M. [W], ingénieur et expert, a précisé que ce niveau correspond à la moyenne des quatre points relevés au niveau de l’accès à la parcelle (établi à 223.30), de sorte que la construction est conforme au règlement du lotissement de copropriété, ce qui est confirmé par le courriel de Mme [K], responsable du service instructeur ADS Syndicat des communes de l’Ile Napoléon qui prend en considération un niveau moyen à 223.31, étant rappelé que le permis de construire modificatif a été validé,
– que, subsidiairement, le montant de la condamnation au titre de ce désordre doit être ramené à de plus justes proportions puisqu’une non-conformité de seulement 1cm serait constatée selon l’interprétation de Mme [K] et que la construction est conforme au PLU actuel, étant rappelé que les dispositions du règlement de lotissement deviendront caduques le 13 juin 2027 au profit des seules règles du PLU, et qu’elle est la plus à même de déposer une demande de permis de construire modificatif puisqu’elle dispose de l’ensemble des éléments factuels et informatiques,
– que, s’agissant de l’entrée d’eau dans le garage, l’expert n’a pas constaté de désordre a rappelé que l’altimétrie du garage est conforme et a estimé que la non-réalisation des aménagements extérieurs participe aux désordres, de sorte que sa responsabilité ne peut pas être engagée,
– que les demandes formées par Mme [S] au titre du préjudice matériel, à l’exception des appuis de la porte d’entrée et de la porte-fenêtre et de la pose de l’isolant, doivent être rejetées, M. [J] ayant assisté Mme [S] lors des opérations de réception, assistance qui ne saurait lui être imputée, et n’ayant pas été convoquée aux opérations d’expertise auxquelles sa présence n’était pas nécessaire,
– que les frais du géomètre-expert sont inclus dans les frais d’expertise judiciaire,
– que Mme [S] ne justifie pas du préjudice de jouissance allegué, étant rappelé que l’étanchéité à l’air de la maison respectait les normes règlementaires, que le désordre relatif au taux d’humidité dans la maison n’a jamais été évoqué et que Mme [S] n’a jamais donné suite à ses propositions d’intervention.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2024.
Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal “donner acte” ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4,5 et 31 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Il est également relevé que les conclusions déposées le 11 juin 2024 par Mme [S] sont adressées, en leur première page, à M. le juge de la mise en état, le dispositif faisant, quant à lui, mention du tribunal de sorte que, le conseil de la Sarl […] ayant confirmé, à l’audience, avoir eu connaissance de ces conclusions et ne pas souhaiter y répondre, il sera considéré que celles-ci saisissent bien le tribunal, malgré l’erreur de plume contenue en première page.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [S]
Les constructeurs auxquels les désordres sont imputables peuvent engager leurs responsabilités spécifiques, décennale, biennale ou de parfait achèvement, en vertu des articles 1792 et suivants du code civil, de même que leur responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l’article 1231-1 du code civil pour les désordres réservés à la réception, voire pour les dommages dits intermédiaires à condition que ces derniers aient été cachés au moment de la réception.
Les dispositions de l’article 1792 du code civil prévoient que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Il est constant que le délai d’un an stipulé aux dispositions précitée est un délai de forclusion qui n’est susceptible que d’interruption (Cass. Civ.3ème, 16 mars 2023, n° 21-24.574).
Cependant, le juge n’a pas le pouvoir de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de la forclusion (Cass. Civ. 1ère, 20 octobre 1983).
La garantie de parfait achèvement ne peut être sollicitée qu’à l’égard des vices ayant fait l’objet de réserves à la réception, ou dans le délai d’un an à compter de la dite réception, à condition qu’ils se soient révélés postérieurement à la réception.
L’article 1231-1 du code civil dispose quant à lui : “le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure”.
La responsabilité contractuelle de droit commun de l’entrepreneur ainsi édictée subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement due par celui-ci (Cass. 3e civ., 27 janv. 2010, n° 08-21.085), le constructeur étant tenu d’une obligation de résultat s’agissant des désordres réservés (Cass. 3e civ., 2 févr. 2017, n° 15-29.420).
De même, les dispositions de l’article 1792-6 ne sont pas exclusives de l’application des dispositions de l’article 1792 du même code. Il en résulte que le maître de l’ouvrage peut demander, sur le fondement de la garantie décennale, réparation des désordres qui se sont révélés à l’intérieur du délai de la garantie de parfait achèvement (Cass. 3e civ., 4 févr. 1987, n° 85-16.584).
Conformément au droit commun de la preuve édicté à l’article 9 du code de procédure civile, il appartient à Mme [S], qui sollicite une indemnisation, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
A cet égard, il est rappelé qu’en vertu de l’article 246 du code de procédure civile, le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert.
1. Sur les désordres et les responsabilités
a) Sur l’absence d’étanchéité à l’air
En l’espèce, la notice descriptive annexée au contrat de construction de maison individuelle du 4 juillet 2018 stipule, en page 9, que le constructeur est tenu d’une obligation de “vérification par étude thermique avec mesure des déperditions par zone, prise en compte de l’orientation des menuiseries extérieures, optimisation de la puissance calorifique, ajustement des épaisseurs d’isolant, de la nature de la VMC et des grilles d’entrée d’air”, la mise en oeuvre générale des éléments constitutifs du bâti devant être conforme à la règlementation thermique RT 2012.
S’agissant de l’étanchéité à l’air, l’expert a relevé, après test d’étanchéité réalisé par la société Air Test 3E le 1er septembre 2021, que le résultat de 0,78 n’est pas conforme à l’objectif fixé par le cahier des charges de la règlementation thermique RT 2012, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la Sarl […].
Si La Sarl […] ne conteste pas cette non-conformité à la notice descriptive, celle-ci fait valoir que certaines infiltrations ne lui sont pas imputables puisqu’elles résulteraient de l’intervention des sociétés ayant mis en place les réseaux électriques et les fourreaux et de Mme [S] qui a procédé à la pose des spots et d’un poêle à bois.
Cependant, concernant l’intervention d’autres sociétés, il est rappelé que le constructeur est responsable des fautes commises par son sous-traitant.
En outre, concernant les travaux réalisés par Mme [S], il résulte du test d’étanchétique que :
– les infiltrations d’air résultant de la pose du poêle à bois sont minimes, l’obturation provisoire des fuites d’air sur le poêle à bois n’ayant permis un résultat d’étanchéité de 0.71, ce qui demeure au-dessus de la norme contractualisée,
– les infiltrations résultant de la pose des spots sont expliquées par la circulation d’air derrière les doublages.
Il en résulte que la responsabilité de la Sarl […], s’agissant de l’absence d’étanchéité est entière.
A cet égard, il importe peu que le résultat des tests d’étanchéité soit conforme aux seuils règlementaires, les parties ayant convenu de l’obligation de se conformer à la règlementation RT 2012, obligation dont il est constant qu’elle n’a pas été respectée par le constructeur.
Cette non-conformité a fait l’objet d’une réserve par courrier du 1er juillet 2020, de sorte que Mme [S] est bien fondée à en solliciter l’indemnisation sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, étant rappelé qu’il n’appartient pas au juge de relever d’office la question d’une éventuelle forclusion et, qu’en tout état cause, la responsabilité contractuelle du constructeur est également engagée.
b) Sur l’humidité du vide sanitaire
En l’espèce, l’expert judiciaire a relevé une très forte humidité dans le vide sanitaire, attribuant ce désordre à l’absence de ventilation en nombre suffisant et en surface et estimant qu’il relève d’une erreur de conception.
La Sarl […] ne soulève aucune contestation à cet égard, se bornant à indiquer qu’il ne s’agit pas d’une pièce habitable, ce qui est sans incidence sur sa responsabilité.
Dès lors, Mme [S] est bien fondée à rechercher la responsabilité de la Sarl […] s’agissant de l’humidité du vide sanitaire.
c) Sur les appuis de la porte d’entrée et de la porte fenêtre
En l’espèce, l’expert judiciaire a constaté l’absence de finition permettant d’assurer l’étanchéité des seuils de la porte d’entrée et de la porte-fenêtre.
Cette non-conformité, qui a fait l’objet d’une réserve par courrier du 1er juillet 2020, n’est pas contestée par la Sarl […], qui ne conteste pas davantage sa responsabilité, de sorte que Mme [S] est bien fondée à en solliciter l’indemnisation sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, étant rappelé qu’il n’appartient pas au juge de relever d’office la question d’une éventuelle forclusion et, qu’en tout état cause, la responsabilité contractuelle du constructeur est également engagée.
d) Sur l’isolant dans les combles
En l’espèce, Mme [U] a constaté la non-conformité de l’isolant mis en oeuvre dans les combles, estimant que cela relève d’une erreur d’exécution du constructeur et évalué le coût des travaux de reprise à la somme de 1 644 euros toutes taxes comprises.
La Sarl […] ne conteste ni l’existence de ce désordre, qui a fait l’objet d’une réserve par courrier du 1er juillet 2020, ni sa responsabilité de sorte que Mme [S] est bien fondée à rechercher la responsabilité du constructeur à cet égard sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, étant rappelé qu’il n’appartient pas au juge de relever d’office la question d’une éventuelle forclusion et, qu’en tout état cause, la responsabilité contractuelle du constructeur est également engagée.
e) Sur l’habillage de la baignoire
En l’espèce, Mme [U] a constaté que la jupe de la baignoire “dépasse de 2 mm sur l’une des extrêmités”, ce qui occasionne un désordre de nature esthétique.
Cependant, force est de constater que ce désordre, apparent pour un maître de l’ouvrage profane, n’a pas fait l’objet de réserve, aucune mention du courrier du 1er juillet ne portant sur l’habillage de la baignoire.
Dès lors, Mme [S] n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de la Sarl […] s’agissant de l’habillage de la baignoire.
f) Sur l’appui de fenêtre de l’étage
En l’espèce, l’expert a constaté la présence d’ “un léger impact sur l’appui de la fenêtre de l’étage”.
Cependant, ainsi que le relève d’ailleurs l’expert, ce désordre n’a pas fait l’objet de réserve.
En outre, Mme [S] affirme que ce désordre ne s’est révélé qu’après la réception mais n’en justifie pas de sorte que c’est à juste titre que La Sarl […] dénie sa responsabilité à cet égard.
Dès lors, Mme [S] n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de la Sarl […] s’agissant de l’appui de fenêtre de l’égard et sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera rejetée.
g) Sur l’implantation altimétrique de la maison
En l’espèce, Mme [U] a constaté que les cotes altimétriques reprises sur les plans du permis de construire modificatif ne sont pas conformes à la réalité.
Elle a ajouté que ces cotes n’étaient pas davantage conformes à la réglementation du lotissement, reprenant les vérifications opérées par le cabinet de géomètre-expert Geomex, en ce que la dalle du rez-de-chaussée est implantée à 223,50 NGF, soit 12,5 cm au-dessus du niveau moyen de la voirie, alors que le règlement du lotissement “[Adresse 6]” stipule, en son article 10, que la construction doit se situer entre 20 cm et 40 cm au dessus du niveau moyen fini de la voierie d’accès au lot considéré établi à 223,375, de sorte que la maison est trop basse de 7,5 cm.
S’agissant du garage, Mme [U] a relevé que la dalle du garage, implantée à 223,39 NGF, est située 1,5 cm au-dessus du niveau moyen fini de la voirie, de sorte que cette implantation altimétrique est conforme à la règlement du lotissement qui impose une construction, s’agissant des garages et des zones non habitables, entre 0 cm et 20 cm au-dessus du niveau moyen fini de la voirie d’accès au lot considéré.
La Sarl […] conteste, s’agissant de la partie habitation, cette interprétation et produit, à cet égard, l’analyse de M. [F] [W], expert privé, qui relève que “le niveau moyen fini de la voirie d’accès au lot considéré” doit être déterminé en établissant la moyenne des quatre points relevés sur la voirie au niveau de l’accès à la parcelle, et non, comme l’a fait l’expert judiciaire, en établissant la moyenne des deux extrêmités de la parcelle, de sorte que la dalle du rez-de-chaussée se situe au niveau moyen 223,30, soit 20 cm au-dessus du niveau moyen fini de la voirie d’accès, ce qui est conforme aux prescriptions du règlement du lotissement.
Cependant, ainsi que l’a relevé l’expert judiciaire, M. [P] [X], géomètre-expert et rédacteur du règlement du lotissement “[Adresse 6]”, interrogé sur la définition du “niveau moyen fini de la voirie d’accès au lot considéré”, a indiqué que ce niveau se situait au droit du lot, en limite de propriété, de sorte que les constatations de l’expert judiciaire doivent être retenus.
Dès lors, Mme [S] apporte la preuve d’un désordre portant sur le niveau altimétrique de la maison, étant observé qu’une réserve a été émise à ce sujet par courrier du 1er juillet 2020.
Ce désordre ne présente pas la gravité requise pour constituer un vice au sens des articles 1792 et suivants du code civil, l’expert relevant expressément qu’aucun désordre ne rend l’immeuble impropre à sa destination ou ne compromet sa solidité.
Toutefois, la Sarl […] a livré un ouvrage qui n’est pas conforme au permis de construire, et pas davantage conforme au permis de construire modificatif, étant observé qu’il n’est pas justifié de la contractualisation du règlement du lotissement [Adresse 6], de sorte que ce manquement engage sa responsabilité civile contractuelle.
h) Sur l’entrée d’eau dans le garage
En l’espèce, Mme [U] précise ne pas avoir constaté le désordre dénoncé par Mme [S], qui résulte toutefois des photographies jointes par la demanderesse au courrier faisant état de réserves le 1er juillet 2020.
L’expert judiciaire impute ce désordre au niveau altimétrique du garage, étant rappelé que s’il est conforme au règlement du lotissement, il n’est pas conforme au permis de construire et au permis de construire modificatif, estimant que cela relève d’une erreur d’exécution imputable au maître d’oeuvre, et précisant que la non réalisation des aménagements extérieurs participe au désordre.
Ce désordre ayant été réservé à la réception, la Sarl […], qui n’a pas livré un ouvrage conforme au permis de construire, engage sa responsabilité à l’égard de Mme [S].
2. Sur les préjudices
Le propre de la responsabilité civile étant de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. (2e Civ., 16 décembre 1970, n° 69-12.617), les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il résulte pour elle ni perte, ni profit. (Civ., 3ème, 5 juillet 2001, n°99-18.712).
L’appréciation de l’étendue du préjudice et des modalités propres à assurer la réparation intégrale de ce préjudice relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. (3e Civ., 22 octobre 2002, n° 01-11.261).
En outre, l’entrepreneur, responsable des désordres de construction, ne peut imposer à la victime la réparation en nature du préjudice subi par celle-ci (3ème civ, 28 septembre 2005, n° 04-14.586).
a) Sur le préjudice matériel
S’agissant, en premier lieu, du préjudice matériel lié au coût des travaux de reprise des finitions de la porte d’entrée et de la porte-fenêtre, l’expert a évalué le montant des travaux de reprise, consistant en la pose de seuils en tôle inox ou alu larmé avec pente de 10 %, à la somme de 450 euros toutes taxes comprises.
Mme [S] produit le devis établi le 3 mars 2022 par la société Alsagranit arrêté à la somme de 1001,11 euros, somme contestée par la défenderesse.
A cet égard, l’expert judiciaire a considéré que la remise en état nécessite la pose de seuils en tôle inox ou alu larmée assortie d’un pli de sorte que le devis de la société Alsagranit, qui vise des seuils de porte en granit, matériaux qui n’est pas visé à la notice descriptive, ne sera pas retenu.
La Sarl […] sera donc condamnée à verser à Mme [S] la somme de 450 euros au titre des travaux de reprise des appuis de la porte d’entrée et de la porte-fenêtre.
S’agissant, en deuxième lieu, du préjudice matériel lié au coût des travaux de reprise de l’isolant dans les combles, Mme [S] produit le devis établi par la Sarl Olivier Perret le 18 octobre 2023 au prix de 1 644 euros toutes taxes comprises.
Ce montant, qui ne fait pas l’objet de contestation de la part de la Sarl […], sera donc retenu, étant rappelé que le constructeur ne peut pas imposer à la victime une réparation en nature.
La Sarl […] sera donc condamnée à verser à Mme [S] la somme de 1 644 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de reprise de l’isolant dans les combles.
S’agissant, en troisième lieu, de l’habillage de la baignoire et de l’appui de la fenêtre de l’étage, aucune responsabilité n’a été retenue à l’encontre de la Sarl […].
S’agissant, en quatrième lieu, du coût de dépôt d’une demande de permis de construire modificatif, Mme [S] sollicite une indemnisation sur la base du devis établi par M. [E] à la somme de 6 000 euros toutes taxes comprises.
Cependant, l’expert a estimé que cette somme était surévaluée, d’autant plus que les plans existent, et a indiqué que la somme de 3 000 euros était plus appropriée à l’ampleur du travail.
La Sarl […] ne peut pas imposer à la victime une réparation en nature du préjudice subi de sorte que la somme, telle que retenue par l’expert, sera mise à a sa charge.
S’agissant, en dernier lieu, du coût de mise en place d’un caniveau, l’expert judiciaire a estimé que ces travaux sont à réaliser pour remédier aux infiltrations d’eau dans le garage et a évalué le coût de la remise en état à la somme de 5 264,40 euros Ttc, selon devis établi le 20 janvier 2022 par la société Starter de sorte que cette somme sera mise à la charge de la défenderesse.
Par conséquent, la Sarl […] sera condamnée à verser à Mme [S] la somme de totale de 10 358,40 euros, toutes taxes comprises.
La demande de dommages et intérêts formée par Mme [S] sera rejetée pour le surplus.
b) préjudice de jouissance
Mme [S] fait valoir qu’elle a subi un trouble dans la jouissance de son bien en raison des courants d’air et de l’humidité importante, de l’obligation de déménager les meubles pour permettre l’accès au vide sanitaire et de l’impossibilité de procéder aux aménagements extérieurs.
S’agissant du défaut d’étanchéité, ainsi que le relève la Sarl […], le résultat du test initial réalisé par la société AitTest 3E, s’il n’est pas conforme aux prescriptions contractuelles, est tout de même conforme aux normes règlementaires de sorte que Mme [S], qui ne justifie pas d’un trouble dans la jouissance de son bien, résultant spécifiquement du non respect des normes contractuelles, ne justifie pas d’un préjudice certain.
S’agissant de l’humidité de la construction, force est de constater que si l’expert a relevé des entrées d’eau occasionnelles dans le garage, qu’il n’a pas pu personnellement constatées lors des opérations d’expertise, et une forte humidité du vide sanitaire, aucune humidité à l’intérieur de la maison n’a été relevée de sorte que Mme [S] ne justifie pas d’un trouble dans la jouissance de son bien, à cet égard.
S’agissant de l’obligation et déménager les meubles et l’impossibilité de procéder aux aménagements extérieurs, Mme [S], qui ne conteste pas habiter dans la maison, ne justifie pas d’un trouble dans la jouissance du bien.
Par conséquent, la demande indemnitaire formée par Mme [S] au titre du préjudice de jouissance sera rejetée.
c) Sur les honoraires de M. [J], expert privé
Mme [S] sollicite le remboursement des honoraires de M. [J], expert privé auquel elle a eu recours afin d’identifier les désordres affectant son bien.
Toutefois, la demanderesse ne conteste pas avoir eu recours à M. [J] de façon unilatérale de sorte que la demande qu’elle forme au titre du remboursement des honoraires de cet expert privé relève des frais irrépétibles et sera donc examiné à ce stade.
d) Sur les honoraires du géomètre-expert
En l’espèce, il résulte des pièces de procédure que le géomètre-expert a été désigné en qualité de sapiteur, dans le cadre des opérations d’expertise confiées à Mme [U] sur décision du juge des référés en date du 9 mars 2021.
Dès lors, ces frais relèvent des dépens de la présente instance et seront examinés à ce titre.
Sur les autres demandes
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la Sarl […], partie perdante au procès, sera condamnée aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé-expertise RG n° 21/00071, les frais d’expertise judiciaire et la somme de 600 euros correspondant aux honoraires du sapiteur, géomètre-expert, désigné dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire et dont Mme [S] justifie s’être acquittée de sorte que ces frais ne sont pas inclus dans les honoraires de l’expert judiciaire.
Elle sera également condamnée à payer à Mme [S], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, une somme totale de 4 249,20 euros qui inclut les honoraires de M. [J], expert privé, auquel le recours a été occasionné par l’existence de désordres imputables à la Sarl […].
La demande de la Sarl […], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.
L’exécution provisoire est de droit, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
CONDAMNE la Sarl Maisons Individuelles d’Alsace exerçant sous l’enseigne […] à verser à Mme [R] [S] les sommes suivantes :
– 10.358,40 € (DIX MILLE TROIS CENT CINQUANTE-HUIT EUROS QUARANTE CENTIMES) toutes taxes comprises à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,
– 4.249,20 € (QUATRE MILLE DEUX CENT QUARANTE-NEUF EUROS VINGT CENTIMES) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE, pour le surplus, la demande de dommages et intérêts formée par Mme [R] [S] ;
REJETTE les demandes formées par la Sarl Maisons Individuelles d’Alsace exerçant sous l’enseigne […] ;
CONDAMNE Sarl Maisons Individuelles d’Alsace exerçant sous l’enseigne […] aux dépens, qui comprendront les dépens de la procédure de référé-expertise RG n° 21/00071, les frais d’expertise judiciaire et la somme de 600 euros correspondant aux honoraires du sapiteur, géomètre-expert ;
CONSTATE l’exécution provisoire du présent jugement.
Et ce jugement a été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier, Le Président,
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