Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Montpellier
Thématique : Responsabilité civile et recours entre assureurs : enjeux d’une collision mortelle
→ RésuméContexte de l’accidentLe 7 janvier 2017, un accident de la route s’est produit à [Localité 2] (HERAULT) impliquant un véhicule RENAULT TALISMAN, conduit par Monsieur [Y] [X], et un véhicule VOLKSWAGEN GOLF, conduit par Monsieur [W] [Z]. Ce dernier était immobilisé sur l’autoroute lorsque le premier véhicule l’a percuté, entraînant la mort de Monsieur [P] [T], passager du VOLKSWAGEN. Condamnation de Monsieur [W] [Z]Suite à cet accident, le tribunal correctionnel a condamné Monsieur [W] [Z] le 13 novembre 2018 pour homicide involontaire, récidive de conduite sous l’emprise de l’alcool et mise en danger d’autrui. Il a été reconnu comme étant le seul responsable du décès de Monsieur [P] [T]. Indemnisation des ayants-droitsLa compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] à hauteur de 276 671 euros. Par la suite, elle a assigné AXA FRANCE IARD, l’assureur de Monsieur [Y] [X], pour obtenir le remboursement de cette somme, ainsi que des frais supplémentaires. Arguments de la compagnie AGPMAGPM ASSURANCES soutient que Monsieur [Y] [X] a confirmé son implication dans l’accident et que sa responsabilité civile est engagée, malgré le fait qu’il n’ait pas été poursuivi pénalement. Elle argue que l’impact entre les véhicules a directement causé le décès de Monsieur [P] [T] et que la faute de Monsieur [Y] [X] doit être reconnue. Réponse d’AXA FRANCE IARDAXA FRANCE IARD conteste les demandes d’AGPM, affirmant que la responsabilité de l’accident incombe uniquement à Monsieur [W] [Z]. Elle soutient que Monsieur [Y] [X] n’a commis aucune faute, citant des conditions de circulation défavorables et la position du véhicule VOLKSWAGEN GOLF sur la chaussée. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté les demandes de la compagnie AGPM ASSURANCES, considérant que Monsieur [Y] [X] n’avait pas commis de faute ayant contribué à l’accident. La responsabilité de l’accident a été attribuée exclusivement à Monsieur [W] [Z], et AGPM a été condamnée aux dépens. Conséquences financièresEn plus des dépens, AGPM ASSURANCES a été condamnée à verser 2 000 euros à AXA FRANCE IARD au titre des frais irrépétibles. La décision a été rendue exécutoire à titre provisoire, permettant à AXA de récupérer les sommes dues en cas de réformation ultérieure. |
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
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N° : N° RG 21/03276 – N° Portalis DBYB-W-B7F-NIQW
Pôle Civil section 3
Date : 31 Janvier 2025
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTPELLIER
Pôle Civil section 3
a rendu le jugement dont la teneur suit :
DEMANDERESSE
Compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, immatriculée au RCS de TOULON sous le n° 312786163, prise en la personne de son représentant légal en exercice agissant en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Maître Sophie ORTAL de la SCP CASCIO,ORTAL, DOMMEE, MARC, DANET, GILLOT, avocats au barreau de MONTPELLIER
DEFENDERESSE
Compagnie d’assurance AXA FANCE IARD, RCS Nanterre 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal en exercice agissant en cette qualité audit siège; et en qualité d’assureur automobile du véhicule de Monsieur [Y] [X], un Renault TALISMAN immatriculé [Immatriculation 4], sous le n° de contrat 7337476004, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : Sophie BEN HAMIDA, Juge unique
assisté de Cassandra CLAIRET, lors des débats et de Tlidja MESSAOUDI greffier, lors du prononcé.
DEBATS : en audience publique du 17 Octobre 2024
MIS EN DELIBERE au 17 décembre 2024 délibéré prorogé au 31 Janvier 2025
JUGEMENT : signé par le président et le greffier et mis à disposition le 31 Janvier 2025
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Le 7 janvier 2017 à [Localité 2] (HERAULT), un véhicule de marque RENAULT TALISMAN immatriculé [Immatriculation 4], assuré après de la société anonyme AXA FRANCE IARD, et conduit par Monsieur [Y] [X], a percuté un véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF immatriculé [Immatriculation 3], appartenant à Monsieur [P] [T], assuré auprès de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES, mais conduit par Monsieur [W] [Z], alors qu’il était immobilisé sur l’autoroute.
Monsieur [P] [T], passager du véhicule conduit par Monsieur [W] [Z], est décédé de ses blessures à la suite de cette collision.
Par jugement correctionnel du 13 novembre 2018, Monsieur [W] [Z] a été condamné pour homicide involontaire par conducteur, récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique et mise en danger d’autrui, commis le 7 janvier 2017 à [Localité 2].
La compagnie d’assurance AGPM a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] à hauteur d’une somme totale de 276 671 euros.
Par jugement en date du 20 janvier 2020, le tribunal correctionnel de MONTPELLIER a constaté le désistement de Monsieur [V] [T], de Madame [C] [T], de Madame [A] [T] et de Madame [D] [T], ayants-droits de Monsieur [P] [T], de leurs constitutions de parties civiles.
Par acte d’huissier de justice en date du 4 août 2021, la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES a assigné la société anonyme AXA FRANCE devant le tribunal judiciaire de MONTPELLIER aux fins d’obtenir, au titre de son recours subrogatoire, sa condamnation à lui payer les sommes de :
276 671 euros en remboursement des sommes versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique en date du 15 avril 2024, la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES demande au tribunal de :
Ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture,Condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à lui verser la somme de 276 671 euros en remboursement des sommes versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], A titre subsidiaire, condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à la relever et garantir à hauteur de 75 % des sommes qu’elle a versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], A titre infiniment subsidiaire, condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à la relever et garantir à hauteur de 50 % des sommes qu’elle a versées aux ayants-droits de Monsieur [P] [T], En tout état de cause : Condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD aux dépens, Condamner la société anonyme AXA FRANCE IARD à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.A l’appui de son action récursoire à l’encontre de l’assureur de l’autre conducteur impliqué, elle fait valoir, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que Monsieur [Y] [X] a confirmé son implication dans l’accident auprès des enquêteurs et que le fait qu’il n’ait pas été poursuivi devant le tribunal correctionnel de MONTPELLIER ne l’exonère pas de sa responsabilité civile. Elle ajoute que l’impact entre son véhicule et celui dans lequel se trouvait Monsieur [P] [T] a eu pour conséquence directe le décès de ce dernier. Elle précise, sur le fondement de l’article R. 412-6 du code de la route, que cet impact caractérise l’absence de maîtrise du véhicule et la faute du conducteur. Elle ajoute que Monsieur [Y] [X] n’a pas été relaxé et s’étonne qu’il n’ait pas été poursuivi dès lors qu’il a reconnu sa responsabilité dans le cadre de l’enquête pénale.
Elle souligne, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, que Monsieur [P] [T], en tant que passager, doit être considéré comme une victime non conductrice dont l’indemnisation nécessite uniquement la preuve de l’implication du véhicule dans l’accident en dehors de toute faute du conducteur. Elle estime qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la faute de Monsieur [W] [Z] puisque Monsieur [P] [T] est une victime non conductrice propriétaire et assurée.
Sur le fondement des articles L. 121-12 du code des assurances et 1346 du code civil, elle fait valoir qu’elle a indemnisé les ayants-droits de Monsieur [P] [T] mais que la charge définitive de ce paiement incombe à la société anonyme AXA FRANCE IARD compte tenu de l’entière responsabilité de Monsieur [Y] [X] dans le décès de Monsieur [P] [T].
Au soutien de sa demande subsidiaire, elle met en avant la qualité de la victime, l’absence de faute de cette dernière et la faute de Monsieur [Y] [X]. Elle rappelle que Monsieur [Y] [X] a concouru au dommage et que la société anonyme AXA FRANCE IARD ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée dans la mesure où aucune décision de relaxe n’est intervenue.
A titre infiniment subsidiaire, elle rappelle le principe selon lequel en l’absence de faute prouvée, à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux à parts égales. Or, elle souligne que Monsieur [Y] [X] a concouru au dommage et que la société anonyme AXA FRANCE IARD ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée dans la mesure où aucune décision de relaxe n’est intervenue.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2024, la société anonyme AXA FRANCE s’oppose aux demandes de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES et, reconventionnellement, demande au tribunal de :
Condamner la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES aux dépens, Condamner la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, A titre subsidiaire : Réduire à la plus infime proportion, qui ne saurait être supérieure à 5 %, la contribution à la dette qui pourrait être prononcée à son encontre, Ecarter l’exécution provisoire. A l’appui de ses demandes, elle fait valoir que la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES fonde son action sur les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, qui ne prévoit pas la possibilité d’un recours contre un autre conducteur impliqué dans l’accident. Elle précise que les recours entre assureurs des conducteurs co-impliqués ne sont possibles que sur le fondement de l’article 1382 ancien ou 1240 nouveau du code civil et qu’ils donnent lieu à un partage à l’aune de la gravité des fautes respectives.
Elle ajoute que le conducteur du véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF est le seul à avoir commis des fautes à l’origine de l’accident, que celles-ci sont graves et qu’il a été condamné pénalement à ce titre en tant que seul et entier responsable du préjudice subi par les ayants-droits de Monsieur [P] [T]. Elle souligne que l’existence d’une faute pénale entraîne nécessairement l’existence d’une faute civile.
Elle soutient, en outre, qu’aucune faute ne saurait être reprochée à Monsieur [Y] [X] qui a percuté le véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF du fait de la position latérale du véhicule sur la chaussée, le coffre contre la glissière centrale et des conditions de visibilité réduites sur une autoroute dépourvue d’éclairage de sorte que ses feux n’étaient pas visibles par les autres usagers.
Elle soutient qu’il ne peut être jugé que son assuré a commis une faute car cela violerait l’autorité de la chose jugée quant à l’appréciation des fautes par le tribunal correctionnel ayant condamné Monsieur [W] [Z] en tant que seul et entier responsable de l’accident. Elle soutient, en outre, que Monsieur [Y] [X] n’a commis aucune faute, circulant à allure normale sur la voie de droite de l’autoroute de sorte qu’il n’était pas en capacité de voir les feux du véhicule de marque VOLKSWAGEN GOLF compte tenu de sa position sur la chaussée.
Elle ajoute que les circonstances peuvent être assimilées à un cas de force majeure car la présence d’un véhicule était imprévisible, irrésistible et extérieure. Elle indique finalement qu’il incombait à la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES de prouver que Monsieur [Y] [X] a commis une faute, le simple impact ne prouvant pas la faute ni le défaut de maîtrise du véhicule.
A l’appui de ses demandes subsidiaires, elle rappelle que Monsieur [W] [Z] a commis de multiples fautes d’une extrême gravité sans lesquelles l’accident ne serait pas intervenu. Elle rappelle que cette faute doit nécessairement être prise en compte dans les recours entre assureurs de conducteurs co-impliqués.
En ce qui concerne l’exécution provisoire, elle explique qu’il n’est pas démontré que la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES présente des garanties de solvabilité suffisantes pour lui restituer les sommes allouées en cas de réformation de la décision et qu’il n’y a pas d’urgence au vu de la nature de l’affaire.
*
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2024.
A l’audience du 17 octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 décembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
REJETTE la demande en paiement de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES,
REJETTE les demandes en garantie de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES,
CONDAMNE la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES aux dépens,
CONDAMNE la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES à verser à la société anonyme AXA FRANCE IARD la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de la compagnie d’assurance AGPM ASSURANCES sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE l’exécution provisoire de droit du jugement.
La greffière La présidente
Madame Tlidja MESSAOUDI Madame Sophie BEN HAMIDA
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