Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Metz
Thématique : Contrainte et Prescription : Éclaircissements sur les Droits et Obligations des Parties
→ RésuméLES FAITS CONSTANTSPOLE EMPLOI GRAND EST, devenu FRANCE TRAVAIL, a émis une contrainte référencée UN632305478 à l’encontre de Monsieur [K] [E] le 11 octobre 2023, signifiée le 2 novembre 2023. LA PROCEDUREMonsieur [K] [E] a formé opposition à cette contrainte par courrier daté du 19 novembre 2023, reçu par le greffe le 21 novembre 2023. Après la communication de pièces manquantes, l’affaire a été enregistrée le 1er décembre 2023. Un avis d’opposition a été notifié aux parties le 8 décembre 2023, avec une date d’audience fixée. FRANCE TRAVAIL a constitué avocat le 11 mars 2024, suivi par Monsieur [K] [E] le 26 mars 2024. L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2024, et l’affaire a été mise en délibéré le 6 février 2025. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIESFRANCE TRAVAIL demande au tribunal de déclarer l’opposition à contrainte irrecevable pour cause de prescription, de valider la contrainte pour un montant de 13 811,43 €, et de condamner Monsieur [E] à payer des frais supplémentaires. En défense, Monsieur [K] [E] conteste l’irrecevabilité et demande l’invalidation de la contrainte, ainsi qu’une remise ou un échelonnement de la dette, en invoquant sa précarité économique. MOTIVATION DU JUGEMENTLe tribunal a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par FRANCE TRAVAIL, considérant que cette question aurait dû être soumise au juge de la mise en état. Concernant la demande d’annulation de la contrainte, le tribunal a rejeté l’argument de Monsieur [E] selon lequel le versement des indemnités était dû à une erreur de FRANCE TRAVAIL, affirmant que la contrainte était valide car les indemnités avaient été indûment perçues. DEMANDE DE REMISE DE DETTEMonsieur [E] a sollicité une remise totale ou partielle de sa dette, mais le tribunal a noté l’absence de fondement juridique à cette demande et a rejeté l’argument de précarité, faute de justificatifs. DEMANDE D’ÉCHELONNEMENT DE LA DETTELe tribunal a également rejeté la demande d’échelonnement de la dette, soulignant que Monsieur [E] n’avait pas fourni de preuves de sa situation financière actuelle. CONCLUSIONS DU JUGEMENTMonsieur [K] [E] a été condamné à exécuter la contrainte et à payer la somme de 13 816,72 € à FRANCE TRAVAIL. Il a également été condamné aux dépens, tandis que la demande de FRANCE TRAVAIL au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. L’exécution provisoire du jugement a été déclarée de droit. |
Minute n° 2025/104
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
N° de RG : 2023/03048
N° Portalis DBZJ-W-B7H-KOBV
JUGEMENT DU 06 FEVRIER 2025
I PARTIES
DEMANDEUR :
FRANCE TRAVAIL, Etablissement Public National, pris en son établissement FRANCE TRAVAIL GRAND EST, anciennement dénommé POLE EMPLOI GRAND EST, pris en la personne de sa Directrice Régionale, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître François BATTLE, avocat au barreau de METZ, vestiaire : D301
DÉFENDEUR :
Monsieur [K] [E], né le 24 septembre 1980 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Anne-Laure CABOCEL, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B201
II COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Cécile GASNIER, Juge, statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Caroline LOMONT
Après audition le 21 novembre 2024 des avocats des parties
III EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. » Selon les dispositions de l’article 768 alinéa 3 « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »
1°) LES FAITS CONSTANTS
POLE EMPLOI GRAND EST devenue par la suite FRANCE TRAVAIL a délivré à l’encontre de Monsieur [K] [E] une contrainte référencée UN632305478 en date du 11 octobre 2023, contrainte qui a été signifiée le 2 novembre 2023.
2°) LA PROCEDURE
Par courrier du 19 novembre 2023 parvenu au greffe le 21 novembre 2023, Monsieur [K] [E] a formé opposition à la contrainte délivrée par POLE EMPLOI GRAND EST et référencée UN632305478. Une fois le dossier complété par la communication de pièces manquantes par M. [E], l’affaire a été enregistrée au bureau d’ordre civil le 1er décembre 2023.
Par courrier recommandé avec accusé de réception, un avis d’opposition à contrainte a été transmis aux parties le 8 décembre 2023 et ces dernières ont été informées de la date de l’audience d’orientation.
FRANCE TRAVAIL anciennement dénommée POLE EMPLOI GRAND EST a constitué avocat par acte notifié par RPVA le 11 mars 2024.
Monsieur [K] [E] a constitué avocat par acte notifié par RPVA le 26 mars 2024.
La présente décision est contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 novembre 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré au 6 février 2025 par mise à disposition au greffe.
3°) PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon les termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 10 octobre 2024, FRANCE TRAVAIL anciennement dénommée POLE EMPLOI GRAND EST, demande au tribunal de :
– Dire et juger l’opposition a contrainte irrecevable car prescrite.
Subsidiairement, et au fond,
– Dire et juger l’opposition à contrainte mal fondée.
– Valider la contrainte N° UN632305478 en date du 11 octobre 2023, signifiée le 02 novembre 2023, pour un montant de 13811.43 €.
– Au besoin, condamner Monsieur [E] à payer à FRANCE TRAVAIL (anciennement POLE EMPLOI) la somme de 13811.43 € ainsi que 5.29 € au titre des frais d’envoi de la mise en demeure.
– Condamner Monsieur [E] à payer à FRANCE TRAVAIL (anciennement POLE EMPLOI) la somme de 500 € en application de l’article 700 du CPC.
– Condamner Monsieur [E] aux entiers frais et dépens.
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, FRANCE TRAVAIL anciennement dénommée POLE EMPLOI GRAND EST fait valoir :
– que l’opposition à contrainte formée par M. [E] en date du 19 novembre 2023 est irrecevable car prescrite puisque le délai de 15 jours à compter de la signification de la contrainte se terminait le 17 novembre 2023 ;
– sur le fond, qu’il résulte de l’attestation employeur établie par la société [3] pour la période du 3 janvier 2022 au 18 mars 2022, que M. [E] a démissionné au bout de 75 jours de travail ;
– que l’allocation chômage ne protège les salariés qu’en cas de perte involontaire d’emploi, de sorte que dans les termes du décret d’assurance chômage produit, l’allocataire ne peut bénéficier d’allocation lors d’une démission ;
– que lors d’une reprise de droit comme pour M. [E], l’allocation d’aide au retour à l’emploi ne peut être reprise si le demandeur a quitté volontairement son emploi et qu’il justifie d’au moins 65 jours travaillés ou 455 heures depuis le précédente ouverture de droit ;
– qu’en l’espèce, Monsieur [E] a bénéficié à tort d’un droit à compter du 1er avril 2022 ; que le trop-perçu s’élève en conséquence à la somme de 13 811,43 euros ; que M. [E] a d’ailleurs reconnu cette dette puisqu’il en a demandé l’effacement à FRANCE TRAVAIL.
Par des conclusions notifiées au RPVA le 6 septembre 2024, qui sont leurs dernières conclusions, Monsieur [K] [E] demande au tribunal de :
A TITRE LIMINAIRE :
– Débouter France Travail de sa demande d’irrecevabilité ;
A TITRE PRINCIPAL :
– Débouter purement et simplement France Travail de leurs entières demandes, fins et prétentions ;
Par conséquent :
– Invalider la contrainte datée du 11 octobre 2023 ;
– Dire et Juger n’y avoir lieu à remboursement par M. [E] de la somme de 13 811.43€ et de 5€29 au titre des frais d’envoi de la mise en demeure.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– Dire et Juger y avoir lieu à remise de dette totale ;
A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE :
– Dire et Juger y avoir lieu à remise de dette partielle ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
– Prononcer un échelonnement de la dette ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– Débouter France Travail de sa demande formulée au titre de l’article 700 du CPC ;
– Dire et juger n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– Condamner France Travail aux entiers frais et dépens.
En défense, Monsieur [K] [E] réplique :
– à titre liminaire sur l’irrecevabilité de l’opposition soulevée par FRANCE TRAVAIL, que cette fin de non recevoir aurait dû être soumise au juge de la mise en état, de sorte que cette fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être déclarée irrecevable ;
– sur le fond, que la contrainte émise par FRANCE TRAVAIL est justifiée selon cette dernière par le fait que M. [E] n’aurait pas mentionné le motif de la perte de son dernier emploi ; qu’il ressort pourtant des documents produits que M. [E] a bien déclaré être sans emploi depuis le 18 mars 2022 et que le motif de perte du dernier emploi est bien mentionné comme étant une démission ; que FRANCE TRAVAIL ne peut donc prétendre ne pas avoir été informée de la date de la dernière activité de M. [E] ainsi que du mode de rupture de cette activité ; que le versement des indemnités litigieuses à M. [E] résulte donc d’une erreur de FRANCE TRAVAIL, de sorte qu’il n’appartient pas à M. [E] d’en assumer les conséquences ; qu’il est donc sollicité une annulation de la dette à titre principal ;
– compte tenu de la situation économique de M. [E], celui-ci étant dans une situation de grande précarité et actuellement sans revenu, il est demandé à titre subsidiaire un effacement total ou partiel de la dette et à titre encore plus subsidiaire, un échelonnement de celle-ci.
IV MOTIVATION DU JUGEMENT
1°) SUR LA FIN DE NON RECEVOIR SOULEVEE PAR FRANCE TRAVAIL
Selon l’article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Il résulte des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. »
Les dispositions du 6° de l’article 789 qui résultent du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
L’affaire a fait l’objet d’une mise en état.
Or, il ressort du dispositif des dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2024 de FRANCE TRAVAIL, que celle-ci sollicite que l’opposition à contrainte formée par M. [E] et qui saisit le tribunal du présent litige soit déclarée irrecevable en ce qu’elle est prescrite.
Au soutien de cette fin de non-recevoir, FRANCE TRAVAIL fait valoir qu’en application de l’article R 5426-22 du Code du Travail, compte-tenu de la date de signification de la contrainte en date du 2 novembre 2023, Monsieur [E] disposait d’un délai jusqu’au 17 novembre 2023 pour former opposition. Or la lettre de Monsieur [E] date du 19 novembre 2023 et sa réception par le tribunal du 20 novembre 2023, de sorte que l’opposition a été formée hors délai.
Ainsi à titre principal, le demandeur présente une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile.
Cependant, cette fin de non-recevoir aurait dû être soumise au juge de la mise en état, de sorte qu’il convient de la déclarer irrecevable.
2°) SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA CONTRAINTE DATEE DU 11 OCTOBRE 2023
En application de l’article L 5426-8-2 du code du travail :
« Pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi pour son propre compte, pour le compte de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné à l’article L. 5427-1, pour le compte de l’Etat ou des employeurs mentionnés à l’article L. 5424-1, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu’il désigne en son sein peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de l’hypothèque judiciaire ».
En l’espèce, il n’est pas contesté par Monsieur [E] que les indemnités versées par POLE EMPLOI entre avril 2022 et mai 2023 n’étaient pas dues compte tenu de sa démission le 18 mars 2022 de l’emploi qu’il occupait au sein de [3]. En effet, son argumentation repose uniquement sur le fait que le paiement de ces indemnités résulte d’une erreur de POLE EMPLOI et non d’un défaut de déclaration de sa part.
Cependant, le fait que le versement de ces indemnités résulte d’une erreur de POLE EMPLOI n’est pas une cause d’annulation ou d’invalidation de la contrainte litigieuse puisqu’en tout état de cause, cette somme a bien été payée indûment.
En conséquence, aucun motif d’annulation ou d’invalidation n’étant soulevé, Monsieur [E] sera débouté de sa demande d’invalidation de la contrainte délivrée par POLE EMPLOI GRAND EST et référencée UN632305478.
3°) SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE DE REMISE DE DETTE
A titre subsidiaire, Monsieur [E] sollicite une remise de dette totale et à titre plus subsidiaire une remise de dette partielle.
Cependant, le défendeur n’évoque aucun fondement juridique à sa demande de remise de dette.
En l’occurrence, si le juge dispose désormais d’un tel pouvoir en matière de créances nées de l’application de la législation de sécurité sociale, la jurisprudence n’a pas étendu ce pouvoir du juge en matière d’allocation chômage ou de retour à l’emploi.
Par ailleurs, en tout état de cause, une telle décision ne peut reposer uniquement sur le fait que le versement des indemnités indues résulte d’une erreur de FRANCE TRAVAIL, en effet, il appartient au débiteur de justifier des circonstances particulières justifiant d’une telle remise de dette au regard de sa situation actuelle, notamment de sa précarité.
En l’espèce, si M. [E] affirme être dans une situation précaire, il ne verse au débat aucun justificatif de sa situation actuelle.
Il sera donc débouté de sa demande de remise de dette totale et partielle.
4°) SUR LA DEMANDE PLUS SUBSIDIAIRE D’ECHELONNEMENT DE LA DETTE
Il résulte de l’article 1343-5 du code civil que :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal judiciaire, Première Chambre civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe,
DECLARE irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par FRANCE TRAVAIL ;
DEBOUTE Monsieur [K] [E] de sa demande d’invalidation de la contrainte délivrée par POLE EMPLOI GRAND EST le 11 octobre 2023 et référencée UN632305478 ;
DEBOUTE Monsieur [K] [E] de sa demande de remise totale ainsi que partielle de dette ;
DEBOUTE Monsieur [K] [E] de sa demande d’échelonnement de la dette ;
CONDAMNE Monsieur [K] [E] à exécuter la contrainte délivrée par POLE EMPLOI GRAND EST le 11 octobre 2023 référencée UN632305478 et à payer à FRANCE TRAVAIL, anciennement dénommé POLE EMPLOI, la somme de 13 816,72 euros ;
CONDAMNE Monsieur [K] [E] aux dépens ;
DEBOUTE FRANCE TRAVAIL anciennement dénommé POLE EMPLOI GRAND EST de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 6 février 2025 par Madame Cécile GASNIER, juge, assistée de Madame Caroline LOMONT, Greffier.
Le Greffier Le Président
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