Tribunal judiciaire de Metz, 30 janvier 2025, RG n° 22/02225
Tribunal judiciaire de Metz, 30 janvier 2025, RG n° 22/02225

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Metz

Thématique : Nullité d’un contrat de vente pour erreur sur la rentabilité d’un investissement immobilier

Résumé

1°) Les faits constants

Madame [R] [S] a acquis un studio le 12 août 2021 pour 37.000 euros, loué et géré par la CERS. Le loyer annuel initial était de 2.818 euros HT, mais la CERS a informé Madame [R] [S] le 22 octobre 2021 d’une révision à 1.699,28 euros HT, suite à un jugement du Tribunal d’Instance de Metz. Madame [R] [S] n’a pas été informée de cette procédure, ce qui l’a poussée à introduire une action en justice contre ses vendeurs.

2°) La procédure

Madame [R] [S] a assigné ses vendeurs devant le Tribunal judiciaire de Metz par actes d’huissier en septembre 2022. Les défendeurs ont constitué avocat en octobre 2022. L’affaire a été plaidée le 13 novembre 2024 et mise en délibéré pour décision le 30 janvier 2025.

3°) Prétentions et moyens des parties

Madame [R] [S] demande l’annulation de la vente, le remboursement de 37.000 euros, la restitution du bien, ainsi que le remboursement de divers frais et dommages-intérêts. Elle soutient que son consentement a été vicié par une erreur sur la rentabilité de l’investissement. Les défendeurs, de leur côté, plaident leur bonne foi et demandent le rejet des demandes de Madame [R] [S].

4°) Motivation du jugement

Le tribunal a constaté que l’erreur sur le montant du loyer, qui a été réduit de manière substantielle, a vicié le consentement de Madame [R] [S]. En conséquence, la vente a été annulée, et les défendeurs ont été condamnés à restituer le prix de vente et à rembourser certains frais exposés par Madame [R] [S].

5°) Demande de remboursement des frais exposés

Le tribunal a accordé à Madame [R] [S] le remboursement de certains frais, notamment les frais de dossier, la pénalité de remboursement anticipé, les cotisations d’assurance, et les taxes foncières, tout en déboutant sa demande de remboursement des frais de gestion de la CERS.

6°) Demande de dommages et intérêts

La demande de Madame [R] [S] pour dommages et intérêts pour préjudice moral a été rejetée, le tribunal n’ayant pas trouvé de preuve de tromperie de la part des défendeurs.

7°) Dépens et article 700 du Code de procédure civile

Les défendeurs ont été condamnés aux dépens et à verser 3.000 euros à Madame [R] [S] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, tandis que leur propre demande à ce titre a été rejetée.

8°) Exécution provisoire

Le jugement a été déclaré exécutoire de droit, conformément aux dispositions du décret n° 2019-1333.

Minute n°2025/83

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

N° RG 22/02225
N° Portalis DBZJ-W-B7G-JV2V

JUGEMENT DU 30 JANVIER 2025

I PARTIES

DEMANDEURS :

Madame [R] [S]
née le 15 Mars 1980 à [Localité 11], demeurant [Adresse 8]

représentée par Maître Annie CHILSTEIN-NEUMANN de la SCP CHILSTEIN-NEUMANN-LEUPOLD, avocats au barreau de METZ, vestiaire : C305

DÉFENDEURS :

Madame [E] [M] veuve [W]
née le 15 Novembre 1955 à [Localité 9], demeurant [Adresse 5]

Madame [L] [W] épouse [X]
née le 17 Février 1983 à [Localité 11], demeurant [Adresse 6]

Monsieur [G] [W]
né le 24 Février 1986 à [Localité 11], demeurant [Adresse 1]

représentés par Maître Stanislas LOUVEL de la SELARL JEAN-LOUVEL-SAOUDI, avocat postulant au barreau de METZ, vestiaire : C205 et par Me Mathieu SERVAGI, avocat plaidant au barreau de BRIEY

II COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Cécile GASNIER, Juge, statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Lydie WISZNIEWSKI

Après audition le 13 novembre 2024 des avocats des parties
III) EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. » Selon les dispositions de l’article 768 alinéa 3 « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »

1°) LES FAITS CONSTANTS

Par acte notarié en date du 12 août 2021, Madame [R] [S] a acquis auprès de Madame [E] [M] veuve [W] et ses enfants, Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] un studio situé [Adresse 3] à [Localité 10], au sein de la résidence étudiante [12], pour un montant de 37.000 euros.

Ce bien, qui a été acheté loué, est géré par la CERS (COMPAGNIE D’EXPLOITATION DE RESIDENCE SERVICES) société en nom collectif qui reverse le loyer au propriétaire moyennant une commission. Le montant annuel du loyer mentionné dans l’acte de vente est de 2818 euros HT et hors charges (soit environ 235 euros par mois).

Par courrier en date du 22 octobre 2021, la CERS a informé Madame [R] [S] que, dorénavant, le nouveau loyer annuel serait de 1 699.28 € HT et hors charges (soit environ 140 euros/mois), suite à un jugement rendu le 4 juin 2021 par le Tribunal d’Instance de Metz, rectifié par jugement du 8 octobre 2021.

Reprochant à ses vendeurs de ne jamais l’avoir informée d‘une quelconque procédure en cours concernant la révision du loyer, Madame [R] [S] a introduit la présente procédure.

2°) LA PROCEDURE

Par actes d’huissier de justice signifiés les 15 et 16 septembre 2022 et déposés au greffe de la juridiction par voie électronique le 21 septembre 2022, Madame [R] [S] a constitué avocat et a assigné Madame [E] [M] veuve [W], Monsieur [G] [W] et Madame [L] [W] devant la Première chambre civile du Tribunal judiciaire de METZ.

Madame [E] [M] veuve [W], Monsieur [G] [W] et Madame [L] [W] ont constitué avocat par acte notifié par RPVA le 4 octobre 2022.

La présente décision est contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 13 novembre 2024 lors de laquelle elle a été plaidée puis mise en délibéré au 30 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.

3°) PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon les termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 13 février 2024, Madame [R] [S] demande au tribunal au visa des articles 1128 et suivants ainsi que 1231 et suivants du code civil et de l’article 44 du code de procédure civile, de :

A titre principal,
– PRONONCER la nullité du contrat de vente (VENTE [W]/[S] n° 1002602 /FM /FC /EM) passé par acte notarié en date du 12 août 2021, reçu par Maître [W], Notaire à [Localité 10] portant sur le bien immobilier situé au [Adresse 4] à [Localité 10] résidence [12] (section HK n° [Cadastre 7], Lieudit [Localité 2] surface 00 ha 40 a 81 ca) ;
– CONDAMNER Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] in solidum à rembourser à Madame [R] [S] la somme de 37.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2021, outre les frais de gestion immobilière de la CERS ;
– JUGER que dès la réception du prix de vente Madame [R] [S] devra restituer le bien à Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] ;
– ORDONNER la publication de la décision à intervenir au Livre foncier ;
– CONDAMNER Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] in solidum à payer les frais de publication de la décision à intervenir au Livre foncier ;
– CONDAMNER in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à rembourser à Madame [R] [S] l’intégralité des frais par elle exposés dans le cadre de son acquisition, à savoir :
– les frais bancaires (frais de constitution de dossier à hauteur de 100 €)
– la pénalité de remboursement anticipé prévue au contrat de prêt à hauteur de 100 €
– l’assurance habitation à hauteur de 96,36 euros due au 10 juin 2022 ainsi que les mensualités dues (8,03 euros par mois) jusqu’au jugement à intervenir
– les cotisations d’assurance groupe obligatoire à hauteur de 58,68 €, dues au 10 juin 2022, ainsi que le montant des cotisations d’assurance groupe obligatoire jusqu’au jugement à intervenir.
– CONDAMNER in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à rembourser à Madame [R] [S] :
– la taxe foncière pour 2022 à hauteur de 415 euros,
– la taxe foncière pour 2023 à hauteur de 490 euros
– ainsi que les taxes foncières jusqu’au jugement à intervenir ,
– CONDAMNER in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à verser à Madame [R] [S] la somme de 5 000 € de dommages et intérêts pour les tracas, démarches et tromperies qu’elle a dû subir.

A titre subsidiaire,
– CONDAMNER in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à verser à Madame [R] [S] la somme de 16 200 € au titre du préjudice au titre de la perte de chance de ne pas contracter ;
– CONDAMNER in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à verser à Madame [R] [S] la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral ;
– CONDAMNER in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à verser à Madame [R] [S] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
– DEBOUTER Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] de leurs entières demandes, fins et conclusions.

Au soutien de ses prétentions, Madame [R] [S] fait valoir :
– que l’achat de l’appartement litigieux avait pour but de réaliser un investissement locatif ; qu’il est constant que ce bien lui a été présenté comme étant loué, moyennant un loyer annuel de 2 818 € hors charges (soit environ 230 euros/mois) ; qu’elle n’a jamais été informée d’une procédure judiciaire ayant révisé le loyer à la baisse ; qu’ainsi, son consentement a été vicié par une erreur sur les qualités essentielles de la chose, à savoir sur la rentabilité de l’investissement immobilier ;
– que les défendeurs ont volontairement caché à leur acquéreur la procédure en cours, Mme [M] veuve [W] ayant reçu les courriers de la CERS à son domicile ; qu’à la différence du dol, il n’est pas nécessaire de démontrer que les défendeurs ont sciemment communiqué des données erronées, dans l’intention de tromper l’acheteur ; qu’ainsi, leur responsabilité sera retenue sur le fondement de l’article 1128 et suivants du code civil, Mme [S] étant bien fondée à solliciter la nullité du contrat de vente du 12 août 2021 ;
– qu’outre la restitution du prix, Mme [S] sollicite le remboursement de l’intégralité des frais exposés dans le cadre de l’acquisition et le remboursement des taxes foncières ainsi que le paiement d’une somme de 5000 euros au titre de son préjudice moral tenant aux nombreuses démarches résultant de cette procédure ;
– subsidiairement, qu’elle sollicite le paiement par les défendeurs d’une somme de 16 200 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter, somme correspondant à la différence entre le loyer annoncé et le loyer judiciairement fixé sur une durée de 15 ans correspondant à la durée du prêt, outre la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Par des conclusions notifiées au RPVA le 13 novembre 2023, qui sont leurs dernières conclusions, Madame [E] [M] veuve [W], Monsieur [G] [W] et Madame [L] [W] demandent au tribunal de :
– CONSTATER la bonne foi de Madame [E] [W] et de ses enfants, Madame [L] [X] et Monsieur [G] [W] ;
– DEBOUTER Madame [R] [S] de l’ensemble de ses demandes, tant principales que subsidiaires ;
– PRENDRE ACTE DE ce que les défendeurs se réservent le droit d’appeler en garantie et en intervention forcée la SNC CERS.
– CONDAMNER Madame [R] [S] aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’a payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du CPC.

En défense, Madame [E] [M] veuve [W], Monsieur [G] [W] et Madame [L] [W] répliquent :
– que Mme [M] veuve [W] n’était ni informée de la procédure en cours au moment de la vente, ni du jugement rendu en date du 4 juin 2021 qui ne lui a pas été signifié par la CERS ; qu’il est d’ailleurs indiqué dans ce jugement que Mme [M] veuve [W] a été assignée par procès-verbal de recherches infructueuses et n’a pas comparu ; qu’ainsi, les défendeurs sont de parfaite bonne foi et n’ont nullement souhaité tromper l’acquéreur comme le soutient la demanderesse ; qu’ainsi, les dispositions de l’article 1130 n’ont pas vocation à s’appliquer ;
– que de même, la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour perte de chance et pour préjudice moral n’est pas fondée ;
– que c’est la CERS elle-même qui a transmis les éléments à l’agence immobilière pour qu’elle les remette au notaire ; que la CERS ayant géré de façon autonome ces affaires sans en informer Mme [M] veuve [W], la responsabilité de cette dernière ne peut être engagée et il appartient à la CERS de répondre de ses prises d’initiatives non communiquées aux défendeurs ; qu’ainsi, les défendeurs se réservent le droit d’appeler en garantie et en intervention forcée la CERS.

IV) MOTIVATION DU JUGEMENT

A titre liminaire, il apparaît que, dans le dispositif de leurs conclusions, les défendeurs demandent au tribunal de « PRENDRE ACTE DE ce que les défendeurs se réservent le droit d’appeler en garantie et en intervention forcée la SNC CERS ».

Il sera souligné que cela ne constitue pas une prétention au sens de l’article 768 du code de procédure selon lequel le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Il n’y sera donc pas répondu dans le cadre du présent jugement.

Par ailleurs et en tout état de cause, il sera relevé qu’il appartenait aux défendeurs de mettre en cause la SNC CERS avant la clôture de l’instruction s’ils le pensaient pertinent.

1°) SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA VENTE

En application de l’article 1130 du code civil :

« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».

Par ailleurs, l’article 1131 du même code dispose que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Selon l’article 1132, « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».

Enfin, il résulte de l’article 1133 que :

« Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie.
L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité ».

En l’espèce, il résulte de l’acte de vente versé en pièce n°2 par la demanderesse que l’appartement litigieux a fait l’objet d’un bail commercial en février 1997 renouvelé depuis. Une copie du bail a été annexée à l’acte. Il en résulte que le preneur est la SNC CERS.

Il est expressément indiqué dans l’acte notarié que « le vendeur déclare que le bail est conclu moyennant un loyer annuel actuel de 2.818,00 hors charges et hors taxe ».

Il n’est pas contesté et pas contestable que l’appartement litigieux étant situé dans une résidence étudiante et l’objet d’une gestion par un organisme spécialisé, en l’occurrence la CERS, son achat constituait pour Mme [S] un investissement locatif.

Dans le cadre d’un investissement locatif, la rentabilité du bien immobilier qui résulte notamment du loyer pratiqué, est une qualité essentielle de la prestation due au sens des articles 1132 et 1133 du code civil.

En effet, il résulte de la jurisprudence que l’annulation de la vente d’un immeuble de rapport en raison d’une erreur de l’acheteur sur le montant des loyers produits est justifiée (TGI Fontainebleau, 9 déc. 1970: D. 1972. 89, note Ghestin).

En l’espèce, il apparaît que le loyer annuel indiqué à Mme [S] au moment de la vente, à savoir 2.818,00 hors charges et hors taxe, était inexact puisque par jugement du 4 juin 2021, le loyer avait été judiciairement fixé à un montant de 1699,28 euros par an hors taxe et hors charge et ce, rétroactivement à compter du 1er janvier 2017. Cette diminution du loyer d’environ 40% est une diminution substantielle impactant grandement la rentabilité de l’appartement litigieux ce qui est de nature à vicier le consentement de la demanderesse.

Le fait que les défendeurs n’aient pas été informés de l’existence de cette procédure judiciaire, Mme [M] veuve [W] n’ayant été ni présente, ni représentée à l’instance et la signification de l’assignation ayant fait l’objet d’un procès-verbal de recherche infructueuse, est sans effet sur la caractérisation d’une erreur ayant vicié le consentement de la demanderesse.

En effet, à la différence du dol, l’erreur n’implique nullement la démonstration d’une tromperie par l’acheteur ou même simplement de la connaissance de la situation réelle.
De même, la bonne foi des défendeurs et le fait que les éléments mentionnés à l’acte de vente résultent des informations communiquées par la CERS à l’agence immobilière ne font pas obstacle à la caractérisation d’une erreur au sens de l’article 1128 du code civil.

Comme rappelé à titre préliminaire, si les défendeurs estiment que la CERS engage sa responsabilité à ce titre, il leur appartenait de l’attraire à la cause.

En conséquence, la vente immobilière passée le 12 août 2021 entre les parties sera annulée.

Compte tenu de cette annulation, il convient de replacer les parties dans l’état ou elles se trouvaient avant la vente. Ainsi, les défendeurs seront condamnés in solidum à restituer à Mme [S] le prix de vente, soit 37000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2021 et Mme [S] sera condamnée à restituer l’appartement litigieux, sis [Adresse 4] à [Localité 10] résidence [12], aux défendeurs.

Outre la restitution du prix, Mme [S] sollicite la restitution des frais de gestion de la CERS mais sans justifier de leur montant. Elle sera donc déboutée de cette demande.

La présente décision sera publiée au livre foncier par la partie la plus diligente et les frais de publication seront à la charge des défendeurs, qui y seront tenus in solidum.

2°) SUR LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DES FRAIS EXPOSES DANS LE CADRE DE L’ACQUISITION

Comme indiqué ci-dessus l’annulation rétroactive du contrat de vente conclu entre les parties implique de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la vente. Il en résulte que Mme [S] est légitime à solliciter la condamnation des défendeurs à lui rembourser les frais exposés dans le cadre de l’acquisition.

– S’agissant des frais bancaires,

La demanderesse sollicite la somme de 100 euros au titre frais de constitution de dossier.

A l’appui de sa demande, elle produit, en pièce n°3 son contrat de crédit immobilier dont il résulte en page n°2 que le montant des frais de dossier s’élève bien à 100 euros.

En conséquence, les défendeurs seront condamnés à lui payer la somme de 100 euros à ce titre.

– S’agissant de la pénalité de remboursement anticipé,

La demanderesse sollicite la somme de 100 euros à ce titre en indiquant qu’une telle pénalité est prévue au contrat de prêt.

En l’espèce, il résulte effectivement du contrat de prêt qu’une indemnité est à la charge de l’emprunteur en cas de remboursement anticipé. Cette indemnité est égale à un semestre d’intérêts sur le capital remboursé par anticipation, calculés au taux moyen du crédit sans pouvoir excéder 3% du capital restant dû avant remboursement.

Ainsi, Mme [S] ne justifie nullement de ce montant de 100 euros qu’elle sollicite et qui n’apparaît pas adapté à ces indications contractuelles. Au regard du tableau d’amortissement, il apparaît qu’en prenant en considération le capital restant dû au 10 janvier 2025, l’indemnité se limite à un montant de 57,61 euros (9,77 + 9,70 + 9,63 + 9,57 + 9,50 + 9,44).

En conséquence, les défendeurs seront condamnés à payer la somme de 57,61 euros à Mme [S] à ce titre.

– S’agissant de l’assurance habitation,

La demanderesse sollicite la somme de 96,36 euros due au 10 juin 2022 ainsi que les mensualités dues (8,03 euros par mois) jusqu’au jugement à intervenir.

A l’appui de sa demande, Mme [S] verse en pièce n°7 un justificatif de son contrat d’assurance habitation indiquant une cotisation annuelle de 96,36 euros entre août 2021 et août 2022. Les frais exposés au titre de cette assurance entre l’achat du bien litigieux et la présente décision s’élèvent donc à 337,26 euros (96,36 X3,5).

En conséquence, les défendeurs seront condamnés à payer cette somme à Mme [S].

– S’agissant des cotisations d’assurance groupe obligatoire,

La demanderesse sollicite la somme de 58,68 €, arrêtée au 10 juin 2022, ainsi que le montant des cotisations d’assurance groupe obligatoire jusqu’au jugement à intervenir.

A l’appui de sa demande, elle produit en pièce n°4 le tableau d’amortissement du prêt souscrit auprès du Crédit Mutuel. Il résulte de ce document qu’au jour du rendu de la présente décision, les cotisations d’assurance groupe obligatoires s’élèvent à 229,57 euros (9,01 + (11X5,52) + ( 12X5,64) + (12X5,75) +( 4X5,79).

En conséquence, les défendeurs seront condamnés à payer cette somme à Mme [S].

– S’agissant des taxes foncières,

La demanderesse sollicite la somme de 415 euros au titre de la taxe foncière pour 2022, 490 euros pour 2023 ainsi que les taxes foncières jusqu’au jugement à intervenir.

A l’appui de sa demande, Mme [S] verse en pièce n°8 son avis d’impôt pour la taxe foncière 2022 à hauteur de 415 euros ainsi qu’un justificatif de paiement et son avis d’impôt pour taxe foncière 2023 à hauteur de 490 euros en pièce n°9.

A défaut de justificatifs pour les taxes foncières ultérieures, le Tribunal ne peut que retenir ces deux montants, soit 905 euros.

Ainsi, les défendeurs seront condamnés à payer à Mme [S] la somme de 905 euros.

L’ensemble de ces condamnations sont prononcées in solidum.

3°) SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS FORMEE PAR MADAME [S] AU TITRE DE SON PREJUDICE MORAL

La demanderesse sollicite la somme de 5 000 € de dommages et intérêts pour les tracas, démarches et tromperies qu’elle a dû subir.

Cependant, il apparaît qu’elle ne démontre nullement une quelconque tromperie de la part des défendeurs puisqu’il n’est pas démontré qu’ils avaient bien connaissance de la procédure judiciaire en réduction du loyer.

Par ailleurs, Mme [S] ne verse aucun élément au débat quant aux démarches entreprises antérieurement à cette procédure et ne développe pas dans ses écritures quels sont les tracas qui lui ont été causés.

En conséquence, Mme [S] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

4°) SUR LES DEPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Selon l’article 696 du code de procédure civile, « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

L’article 700 du code de procédure civile, « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens .

Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] seront condamnés in solidum à régler à Madame [R] [S] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal judiciaire, Première Chambre civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

– PRONONCE l’annulation du contrat de vente (VENTE [W]/[S] n° 1002602 /FM /FC /EM) passé par acte notarié en date du 12 août 2021, reçu par Maître [W], Notaire à [Localité 10] portant sur le bien immobilier situé au [Adresse 4] à [Localité 10] résidence [12] (section HK n° [Cadastre 7], Lieudit [Localité 2] surface 00 ha 40 a 81 ca) ;

– CONDAMNE Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] in solidum à rembourser à Madame [R] [S] la somme de 37.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2021 ;

– CONDAMNE Madame [R] [S] à restituer l’appartement litigieux sis [Adresse 4] à [Localité 10] résidence [12] à Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] ;

– ORDONNE la publication de la décision à intervenir au Livre foncier ;

– CONDAMNE Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] in solidum à payer les frais de publication de la décision à intervenir au Livre foncier ;

CONDAMNE in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à régler à Madame [R] [S] les sommes suivantes :
– 100 euros au titre frais de constitution de dossier
– 57,61 euros au titre de la pénalité de remboursement anticipé
– 337,26 euros au titre de l’assurance habitation
– 229,57 euros au titre des cotisations d’assurance groupe obligatoire
– 905 euros au titre des taxes foncières

DEBOUTE Madame [R] [S] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ainsi que de sa demande de remboursement des frais de gestion de la CERS ;

CONDAMNE in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] aux dépens ;

CONDAMNE in solidum Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] à régler à Madame [R] [S] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Madame [E] [M] veuve [W], Madame [L] [W] et Monsieur [G] [W] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025 par Madame Cécile GASNIER, juge, assistée de Madame Lydie WISZNIEWSKI, Greffier.

Le Greffier
Le Président

 


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