Tribunal judiciaire de Marseille, 4 avril 2024
Tribunal judiciaire de Marseille, 4 avril 2024

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : VIAGER PRESTIGE : Contrefaçon de marque établie

Résumé

Dans l’affaire opposant Monsieur [T] à la société MASSENA IMMOBILIER, le tribunal a statué sur la contrefaçon de la marque « VIAGER PRESTIGE ». Monsieur [T] a prouvé que la société avait utilisé cette marque après son dépôt, entraînant un risque de confusion pour le public. Le tribunal a rejeté les demandes de nullité de la marque, affirmant son caractère distinctif. Cependant, il a prononcé la déchéance de la marque N°10 3 794 103 pour non-usage sérieux pendant cinq ans. En conséquence, la société a été condamnée à verser 5 000€ pour préjudice commercial et 3 500€ pour préjudice moral à Monsieur [T].

Il est recommandé de faire un usage sérieux des marques enregistrées pour les produits ou services pour lesquels elles sont déposées.

En cas de non-usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans, la déchéance des droits sur la marque peut être prononcée. Il est donc déterminant de documenter et de prouver l’exploitation réelle et sérieuse de la marque pour éviter toute contestation ultérieure.

Résumé de l’affaire

Introduction de l’affaire

Cette affaire judiciaire concerne un litige entre Monsieur [T] et la société MASSENA IMMOBILIER, portant sur l’utilisation et la validité de la marque « VIAGER PRESTIGE ». Monsieur [T] a intenté une action en justice pour contrefaçon de marque et demande des dommages et intérêts pour les préjudices subis.

Rejet des demandes contre Madame [V] [K] et Monsieur [C] [P]

Le tribunal a d’abord rejeté les demandes de Monsieur [T] contre Madame [V] [K] et Monsieur [C] [P], faute de preuve d’actes détachables dans le cadre de leurs fonctions respectives en qualité de gérant de droit et de fait constitutifs d’une faute.

Exception de nullité de la marque « VIAGER PRESTIGE »

Monsieur [T] a contesté la validité de la marque « VIAGER PRESTIGE » en invoquant son caractère non distinctif. Cependant, le tribunal a jugé que la juxtaposition des termes « VIAGER » et « PRESTIGE » était inhabituelle et constituait une invention lexicale, conférant à la marque un caractère distinctif. Par conséquent, l’exception de nullité a été rejetée.

Déchéance de la marque « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103

Le tribunal a constaté que Monsieur [T] n’avait pas fait un usage sérieux de la marque « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103 pendant une période ininterrompue de cinq ans. En conséquence, la déchéance de cette marque a été prononcée, permettant ainsi à la société MASSENA IMMOBILIER d’utiliser l’expression « VIAGER PRESTIGE » sans être accusée de contrefaçon pour cette période.

Contrefaçon de la marque « VIAGER PRESTIGE » N°4783349

Monsieur [T] a prouvé que la société MASSENA IMMOBILIER avait utilisé l’expression « VIAGER PRESTIGE » après le dépôt de la marque N°4783349 le 07 juillet 2021. Le tribunal a jugé que cette utilisation constituait une contrefaçon, créant un risque de confusion dans l’esprit du public. En conséquence, il a été interdit à la société MASSENA IMMOBILIER d’utiliser cette marque sous quelque forme que ce soit.

Indemnisation des préjudices de Monsieur [T]

Le tribunal a reconnu que les actes de contrefaçon avaient causé des préjudices économiques et moraux à Monsieur [T]. La société MASSENA IMMOBILIER a été condamnée à payer 5 000€ en dommages et intérêts pour le préjudice commercial et 3 500€ pour le préjudice moral.

Publication du jugement

Le tribunal a ordonné la publication intégrale ou par extrait du jugement dans trois publications au choix de Monsieur [T], à la charge de la société MASSENA IMMOBILIER, dans la limite de 5 000€ HT par publication.

Condamnation aux dépens

La société MASSENA IMMOBILIER, ayant succombé dans cette affaire, a été condamnée aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile. Elle a également été condamnée à payer 3 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion

Cette affaire illustre les complexités des litiges en matière de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne la validité et l’utilisation des marques. Le tribunal a soigneusement examiné les preuves et les arguments des deux parties avant de rendre un jugement équilibré, tenant compte des droits et des préjudices subis par chacune des parties.

Les points essentiels

Monsieur [N] [T], gérant salarié de l’agence immobilière VIAZUR VIAGER depuis près de 40 ans, a assigné la société MASSENA IMMOBILIER, Madame [V] [K] et Monsieur [P] [C] pour contrefaçon de sa marque « VIAGER PRESTIGE ». Il affirme avoir développé une stratégie autour de cette marque, déposée en 2010, et accuse les défendeurs d’utiliser sa marque sans autorisation. Il demande des dommages et intérêts ainsi que l’interdiction de poursuivre de tels agissements. En réponse, les défendeurs contestent le caractère distinctif de la marque et affirment que Monsieur [N] [T] n’a pas exploité sérieusement la marque. Ils demandent la nullité de la marque et la déchéance de celle-ci.
Les montants alloués dans cette affaire: – Monsieur [N] [T]:
– Dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial: 5 000€
– Dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral: 3 500€
– Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile: 3 500€

– Société MASSENA IMMOBILIER:
– Astreinte provisoire: 200€ par infraction constatée, pour une durée de deux ans
– Publication du jugement: jusqu’à 5 000€ HT
– Dommages et intérêts à Monsieur [N] [T]: 5 000€
– Dommages et intérêts à Monsieur [T]: 3 500€
– Entiers dépens

Réglementation applicable

Articles des Codes cités et leur texte

Code de la propriété intellectuelle

– Article L.711-1 :
« La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire. »

– Article L.711-2 :
« Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclarés nuls :
2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ;
3° Une marque composée exclusivement d’éléments ou d’indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation du service. »

– Article L.714-5 :
« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation. »

– Article L.713-2 :
« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. »

– Article L.716-4 :
« L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4. »

Code de procédure civile

– Article 696 :
« La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision contraire du juge. »

– Article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI
Maître Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocats postulant au barreau de MARSEILLE
Me Laurent ROTGE du cabinet TALLIANCE AVOCAT, avocat plaidant au barreau de NICE

Mots clefs associés & définitions

– Motifs
– Exception de nullité de la marque « VIAGER PRESTIGE »
– Déchéance de la marque « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103
– Demandes principales
– Contrefaçon de marques
– Indemnisation des préjudices de Monsieur [T]
– Demandes accessoires

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 avril 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
21/10513
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/146 DU 04 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 21/10513 – N° Portalis DBW3-W-B7F-ZNZS

AFFAIRE : M. [N] [T]( Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI)
C/ Société AGENCE MASSENA IMMOBILIER (la SARL BAFFERT-MALY)

DÉBATS : A l’audience Publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [N] [T]
né le 17 Novembre 1946 à [Localité 4] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Murielle-Isabelle CAHEN, avocat plaidant au barreau de PARIS

CONTRE

DEFENDEURS

Société AGENCE MASSENA IMMOBILIER, dont le siège social est sis [Adresse 2]

Madame [V] [K], en sa qualité de gérante de l’Agence MASSENA IMMOBILIER, demeurant [Adresse 1]

Monsieur [C] [P], en sa qualité de gérant de fait de l’Agence MASSENA IMMOBILIER, demeurant [Adresse 2]

représentés tous trois par Maître Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocats postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Laurent ROTGE du cabinet TALLIANCE AVOCAT, avocat plaidant au barreau de NICE

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [N] [T] a travaillé en tant que gérant salarié de l’agence immobilière VIAZUR VIAGER à compter du 23/11/1982 soit sur une période de près de 40 ans.
La société MASSENA IMMOBILIER exerce quant à elle l’activité d’agence immobilière, notamment dans le domaine des transactions.

Suivant exploit en date du 29 novembre 2021, Monsieur [N] [T] a assigné devant le tribunal de céans la société AGENCE MASSENA IMMOBILIER, Madame [V] [K], en sa qualité de gérante de PAGENCE MASSENA IMMOBILIER, et MONSIEUR [P] [C], en sa qualité de gérant de fait de l’AGENCE MASSENA IMMOBILIER, aux fins de :
– CONDAMNER la société MASSENA IMMOBILIER pour actes de contrefaçon de marque,dont il est titulaire par la reproduction de la marque sur des encarts publicitaires, sur son enseigne de magasin et dans sa vitrine ;
– CONDAMNER Madame [V] [K] gérante de droit et Monsieur [C] [P] gérant de fait, pour actes de contrefaçon de marque, dont il est titulaire par la reproduction de la marque sur des encarts publicitaires, sur son enseigne de magasin et dans sa vitrine ;
EN CONSEQUENCE,
– FAIRE INTERDICTION à Madame [V] [K], à Monsieur [C] [P] et à la société MASSENA IMMOBILIER représentée par Madame [V] [K] de poursuivre de tels agissements et ce, sous astreinte de 200 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;
– CONDAMNER in solidum Madame [V] [K], Monsieur [C] [P] et la société MASSENA IMMOBILIER représentée par Madame [V] [K] à lui payer une somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait de la contrefaçon ;
– Les CONDAMNER in solidum à lui payer une somme de 8000 € au titre de son préjudice d’image ;
– Les CONDAMNER in solidum à lui payer une somme de 8000 € au titre de son préjudice moral ;
– ORDONNER la publication du dispositif du jugement dans trois publications à son choix à la charge exclusive des défendeurs, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– Les CONDAMNER in solidum au paiement d’une indemnité de 8 000 € au titre de l’article 700 CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions, Monsieur [N] [T] maintient ses demandes sauf en ce qu’il sollicite la condamnation in solidum Monsieur [C] [P] et la société MASSENA IMMOBILIER représentée par Madame [V] [K] à lui payer une somme de 15 000 € au titre de son préjudice d’image, une somme de 15 000 € au titre de son préjudice moral, et une indemnité de 10 000 € au titre de l’article 700 CPC.

Au soutien de ses demandes il fait valoir qu’il est le concepteur d’un outil spécifique à la vente viagère comprenant des documents commerciaux pour vendeurs et acquéreurs, des documents juridiques pour toutes formes de démembrements, un calculateur utilisant plusieurs méthodes de calculs en mode expertise ; qu’il est également conférencier ; qu’il a toujours pratiqué le viager et que fort de son expérience, il a développé une stratégie autour de cette thématique ; qu’il est propriétaire de la marque verbale « VIAGER PRESTIGE » pour l’avoir déposée auprès de l’INPI le 30 décembre 2010, enregistrée le 29-04-2011 (BOPI 2011-17) et publiée en 2011 (BOPI 2011-03) pour les classes 35, 36, 42 ; qu’il l’a renouvelée le 07 juillet 2021 ; que l’agence MASSENA IMMOBILIER se présente comme développant principalement une activité de ventes viagères ; qu’elle utilise la marque qu’il a déposée depuis le mois d’avril 2021 pour désigner et commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux visés au dépôt, sans son accord, via son enseigne, sa vitrine et enfin par des encarts publicitaires sur le journal quotidien «NICE MATIN ».
Il indique qu’il a créé un logiciel en 2013, CALCULS-VIAGER, le seul sur le marché immobilier, (plus de 1000 utilisateurs) qui se compose de 60 documents juridiques et commerciaux, traitant de tous types de viagers, de la vente avec paiement à terme, de la cession de nue-propriété et d’autres transactions qui ressemblent au viager ; que ce logiciel se compose, également, d’un calculateur pour évaluer les conditions économiques des viagers ; qu’il a dans le cadre de sa stratégie à long terme :
– créé, également, un portail 100 % viager : VIAGER-EXPERT (2015-2016)
– écrit un livre : « le viager pour les pros » (2017)
– Il a déposé de nombreux noms de domaines, des marques, une phrase à l’INPI : « votre viager entre de bonnes mains » ; que postérieurement à la cessation de l’activité de son agence VIAGER VIAZUR, il a continué à dispenser de la formation sur le thème du viager ; qu’il a créé la société VIAGER PERFORMANCE le 05 juin 2013 ; qu’il a acquis une notoriété nationale ; que l’utilisation de la marque VIAGER PRESTIGE sur son profil Linkedin démontre clairement son intention d’exploiter cette marque ; que c’est grâce à la notoriété de cette marque qu’il est régulièrement contacté par des professionnels de l’immobilier et qu’il est en mesure de répondre à leurs besoins ; qu’il a déposé le 27 octobre 2021 une marque figurative déposée en violet avec un fond représentant un immeuble ; que ce choix procède de son libre arbitre.

Il soutient que Madame [H] [X] qui s’occupe du département viager au sein de l’agence MASSENA IMMOBILIER lui a proposé le rachat de la marque VIAGER PRESTIGE pour un montant de 6 000€ ; que cette proposition d’achat est la preuve de son utilisation.
Il indique que la demande de déchéance de marque pour défaut d’exploitation sollicitée par les défendeurs est irrecevable.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 09 octobre 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions, la société MASSENA IMMOBILIER, Madame [V] [K] et Monsieur [C] [P] demandent au tribunal de :
– JUGER que la marque « VIAGER PRESTIGE » manque de caractère distinctif,
– DECLARER nulle la marque « VIAGER PRESTIGE »,
– DEBOUTER Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– CONDAMNER Monsieur [T] à la somme de 7500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,
A titre subsidiaire :
– JUGER que Monsieur [T] n’a pas fait un usage sérieux / une exploitation sérieuse de la marque « VIAGER PRESTIGE » sur une période ininterrompue de cinq ans,
– en conséquence PRONONCER la déchéance de la marque « VIAGER PRESTIGE » de Monsieur [T],
– DEBOUTER Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– CONDAMNER Monsieur [T] à la somme de 7500€sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire :
– JUGER de l’absence de tous actes de contrefaçon,
– DEBOUTER Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– CONDAMNER Monsieur [T] à la somme de 7500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,
Elle soutient qu’elle intervient dans le domaine des ventes en viager ; que cette activité de ventes en viager n’est aucunement « secondaire » ou « accessoire » ; que dans le cadre de cette activité, elle a connu Monsieur [N] [T] en 2014 qui dispensait des formations sur le viager ; que fin 2010, Monsieur [N] [T] a enregistré auprès de l’INPI, dans les classes n°35, 36 et 42 une marque verbale et figurative «VIAGER PRESTIGE », qui manque à l’évidence de caractère distinctif, se contentant d’associer deux mots communs qui décrivent simplement un produit et sa qualité ; ils soutiennent que cette marque n’a aucune notoriété, Monsieur [T] n’ayant signé aucun contrat avec cette marque, ni développé aucun réseau avec elle ; que Monsieur [T] ne semble pas exploiter cette marque, puisqu’il n’exerce plus l’activité d’agent immobilier mais seulement celle de formateur et conférencier ; que c’est dans le cadre de son départ à la retraite qu’il a pris attache avec l’agence MASSENA IMMOBILIER pour lui proposer de lui vendre sa marque VIAGER PRESTIGE ; que l’agence MASSENA IMMOBILIER a décliné cette proposition ; qu’en date des 19 mai et 1er juin 2021, après le refus de l’agence MASSENA IMMOBILIER d’acheter sa marque, Monsieur [T] l’a mise en demeure de cesser l’utilisation de la marque « VIAGER PRESTIGE », alors qu’elle ne l’utilise pas ; que c’est uniquement par suite du refus de l’agence MASSENA IMMOBILIER de procéder à l’achat de la marque que Monsieur [T] s’est empressé de procéder au renouvellement de celle-ci en date du 7 juillet 2021, alors que la marque était expirée depuis 2020 ; qu’il a déposé le 27 octobre 2021, la marque figurative VIAGER PRESTIGE représentée ci-dessous, toujours pour les classes 35, 36 et 42.

Ils indiquent que si les publicités de l’agence MASSENA IMMOBILIER emploient les mots « viager » et « prestige », ceux-ci ne sont jamais associés et ne prétendent aucunement constituer une marque, de même que les publicités de MASSENA IMMOBILIER n’ont strictement aucune ressemblance avec le logo et l’image figurative de Monsieur [T], reproduite ci-dessus ; qu’il n’y a aucune reproduction ou imitation de la marque de Monsieur [T], ni dans sa dimension verbale, ni dans sa dimension figurative ; qu’il en est de même de la vitrine de la société MASSENA IMMOBILIER au sein de laquelle les termes et le logo « VIAGER PRESTIGE » ne sont pas utilisés.
Ils soutiennent que la marque dépourvue de ce caractère distinctif encourt la nullité ; qu’en effet une marque simplement descriptive, qui ne permet que de désigner la nature du produit vendu, est nécessairement dépourvue de caractère distinctif car elle ne permet pas d’identifier clairement une entreprise ; que subsidiairement, et si par extraordinaire la marque n’était pas annulée, la déchéance de la marque devra être prononcée, Monsieur [T] ne l’exploitant pas ; qu’il ne dispose d’aucune structure pour pouvoir exploiter cette marque dans le domaine des ventes immobilières ou affaires immobilières ; que son activité déclarée en tant qu’entrepreneur individuel est celle de la formation continue, qui semble sans lien avec la marque VIAGER PRESTIGE ; qu’il est dans l’incapacité de justifier d’un quelconque chiffre d’affaires qu’il réaliserait avec cette marque ; qu’il ne l’exploite pas ; que la marque «VIAGER PRESTIGE » n’a aucune notoriété.

MOTIFS :

A titre liminaire, il y a lieu de débouter Monsieur [T] de l’ensemble de ses demandes en ce qu’elles sont formulées à l’encontre de Madame [V] [K] et de Monsieur [C] [P], à défaut de rapporter la preuve d’actes détachables dans le cadre de leurs fonctions respectives en qualité de gérant de droit et de fait constitutifs d’une faute.

– Sur l’exception de nullité de la marque « VIAGER PRESTIGE »:

L’article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire. »

En application de l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle :
« Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls (…)
2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ;
3° Une marque composée exclusivement d’éléments ou d’indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation du service.»
La marque est distinctive lorsqu’elle permet de distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux d’une autre ; pour être distinctif, le signe, même s’il n’est ni nécessaire, ni générique, ni usuel, ni descriptif, doit conduire le public pertinent à penser que les produits ou services en cause proviennent d’une entreprise déterminée. La nouveauté ou l’orginalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif.
Il n’est pas interdit à un tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la destination, à la valeur, du produit ou de la prestation de service ou à d’autres caractéristiques, pour autant que cet usage soit conforme aux usages honnêtes en matière commerciale.
Les signes et indications autorisés sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du consommateur, à désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, un produit ou un service tel que celui pour lequel l’enregistrement est demandé.
En l’espèce, la juxtaposition des termes VIAGER et PRESTIGE, inhabituelle dans sa structure ne constitue pas une expression connue dans la langue française pour désigner l’activité de vente immobilière de biens immobiliers en viager, ou pour présenter leurs caractéristiques essentielles. Les termes VIAGER et PRESTIGE ne peuvent donc pas être considérés comme présentant ensemble un caractère descriptif, et procèdent au contraire d’une invention lexicale permettant à la marque ainsi formée de jouer un rôle distinctif.
En conséquence, l’exception de nullité sera rejetée.
– Sur la déchéance de la marque « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103 déposée le 30 décembre 2010 :
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation. »
En l’espèce, Monsieur [T] a déposé la marque verbale « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103 le 30 décembre 2010 ; cette marque n’a pas fait l’objet d’une déclaration de renouvellement depuis son enregistrement.

En tout état de cause, il ressort de l’examen des pièces qu’il verse aux débats que Monsieur [T] ne justifie pas d’une exploitation réelle et sérieuse, directe ou indirecte de sa marque verbale « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103 dans les 5 ans précédant l’assignation en justice délivrée le 29 novembre 2021, de sorte qu’il convient d’en prononcer la déchéance.

Il en résulte que la société MASSENA IMMOBILIER était ainsi en droit d’utiliser l’expression VIAGER PRESTIGE sur la période antérieure au second dépôt de la marque verbale VIAGER PRESTIGE N°4783349 en date du 07 juillet 2021, sans que l’on ne puisse lui reprocher d’actes de contrefaçon de la marque.

Il convient cependant d’observer que la société MASSENA IMMOBILIER ne tire pas les conséquences de la déchéance de la marque verbale « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103 le 30 décembre 2010 en ce qu’elle ne se prévaut pas d’un dépôt frauduleux de la marque verbale VIAGER PRESTIGE N°4783349 le 07 juillet 2021, et de la marque semi-figurative N°21 4 812 040 déposée à l’INPI le 27 octobre 2021, d’une part, et ne sollicite pas, d’autre part, qu’il soit statué sur l’antériorité de l’usage par ses soins de l’expression « VIAGER PRESTIGE ».

– Sur les demandes principales :

– Sur la contrefaçon de marques :

L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’ »est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. »

En application de l’article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, « l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4 ».
.
En revanche, Monsieur [T] rapporte la preuve de l’utilisation par la société MASSENA IMMOBILIER de l’expression « VIAGER PRESTIGE » postérieurement au dépôt de la marque verbale N°4783349 le 07 juillet 2021, notamment par voie d’encarts publicitaires dans la presse locale.

Quand bien même d’autres termes, en plus petits caractères, auraient la plupart du temps été intercalés entre les deux mots VIAGER et PRESTIGE, ceux-ci demeurent suffisamment rapprochés, dans des dimensions plus importantes et plus visibles, pour que l’on puisse reconnaitre immédiatement l’expression « VIAGER PRESTIGE ».

Dès lors, la contrefaçon est matérialisée par une reproduction à l’identique de la marque VIAGER PRESTIGE N°4783349 déposée le 07 juillet 2021, ayant été utilisée dans la marque semi-figurative N°21 4 812 040 déposée à l’INPI le 27 octobre 2021.

Elle est constituée par l’usage de la formule et son utilisation dans le secteur de la vente immobilière de biens viagers sur la même zone géographique que celle qui correspond à la zone d’activité de Monsieur [T], sur [Localité 5] et ses environs. Cette utilisation crée nécessairement un risque de confusion dans l’esprit du public intéressé par la vente immobilière de biens viagers.

En conséquence, il sera fait interdiction à la société MASSENA IMMOBILIER d’utiliser sous quelque forme et support que ce soit la marque VIAGER PRESTIGE N°4783349 déposée le 07 juillet 2021, comme la marque semi-figurative N°21 4 812 040 déposée le 27 octobre 2021.

Il y a lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte provisoire de 200€ par infraction constatée, et ce à compter de la signification du présent jugement, pour une durée de deux ans.

Par ailleurs, il convient d’ordonner la publication intégrale ou par extrait du présent jugement dans trois publications au choix de Monsieur [T], à la charge de la société MASSENA IMMOBILIER, dans la limite de 5 000€ HT la publication.

– Sur l’indemnisation des préjudices de Monsieur [T] :

Les actes de contrefaçon sanctionnés doivent être réparés notamment en considération des conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner subi par Monsieur [T] qui n’a pas été en mesure de céder sa marque, dévalorisée par son usage régulier par l’agence immobilière MASSENA IMMOBILIER.

En conséquence, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, la société MASSENA IMMOBILIER sera condamnée à lui payer la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial.

En outre, si le préjudice d’image doit être assimilé au cas d’espèce au préjudice moral subi par Monsieur [T] eu égard au non respect par la société MASSENA IMMOBILIER de son refus de lui consentir un droit de divulgation de sa marque, et la fréquence de l’utilisation par la société MASSENA IMMOBILIER de la marque verbale contrefaite « VIAGER PRESTIGE ».

En conséquence, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, la société MASSENA IMMOBILIER sera condamnée à payer à Monsieur [T] la somme de 3 500€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur les demandes accessoires :

La société MASSENA IMMOBILIER qui succombe, sera condamner aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de la condamner à lui payer la somme de 3 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [N] [T] de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de Madame [V] [K] et de Monsieur [C] [P] ;

REJETTE l’exception de nullité de la marque « VIAGER PRESTIGE »;

PRONONCE la déchéance de la marque « VIAGER PRESTIGE » N°10 3 794 103 déposée le 30 décembre 2010 ;

INTERDIT à la société MASSENA IMMOBILIER d’utiliser sous quelque forme et support que ce soit la marque VIAGER PRESTIGE N°4783349 déposée le 07 juillet 2021, comme la marque semi-figurative N°21 4 812 040 déposée le 27 octobre 2021 ;

DIT qu’il a lieu d’assortir cette obligation d’une astreinte provisoire de 200€ par infraction constatée, et ce à compter de la signification du présent jugement, pour une durée de deux ans ;

ORDONNE la publication intégrale ou par extrait du présent jugement dans trois publications au choix de Monsieur [T], à la charge de la société MASSENA IMMOBILIER, dans la limite de 5 000€ HT la publication ;

CONDAMNE la société MASSENA IMMOBILIER à payer à Monsieur [N] [T] la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial ;

CONDAMNE la société MASSENA IMMOBILIER à payer à Monsieur [T] la somme de 3 500€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral;

CONDAMNE la société MASSENA IMMOBILIER à payer à Monsieur [T] la somme de 3 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société MASSENA IMMOBILIER aux entiers dépens.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 04 Avril 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 

 


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