Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille
Thématique : Transfusions sanguines et responsabilité : enjeux d’indemnisation et de preuve
→ RésuméContexte de l’affaireLe 13 novembre 1979, madame [C] a été hospitalisée pour une intervention chirurgicale à la Maternité du Centre Hospitalier de [Localité 4], où elle a reçu des transfusions sanguines. En 1995, elle a découvert qu’elle était contaminée par le virus de l’hépatite C, qu’elle a imputé aux produits sanguins reçus lors de son hospitalisation. Elle a alors demandé une indemnisation à l’ONIAM, qui a reconnu l’origine transfusionnelle de sa contamination et a signé des protocoles transactionnels avec elle. Procédure judiciaireL’ONIAM a émis un avis de sommes à payer à la compagnie AXA, lui demandant de rembourser 24 534,39 euros versés à madame [C]. AXA a contesté ce titre devant le tribunal administratif de Marseille, qui s’est déclaré incompétent. En août 2022, AXA a assigné l’ONIAM en justice, et la CPAM des Bouches du Rhône a été appelée en intervention forcée. Les deux affaires ont été jointes par ordonnance en mai 2024. Arguments de la compagnie AXADans ses conclusions, AXA a demandé l’annulation du titre de recettes, arguant qu’il était entaché d’irrégularités externes et internes, notamment l’absence de preuve d’indemnisation préalable de la victime et l’absence de signature de l’ordonnateur. AXA a également contesté la responsabilité du CTS de [Localité 3] et a mis en doute l’origine transfusionnelle de la contamination de madame [C]. Réponse de l’ONIAML’ONIAM a rejeté les demandes d’AXA, affirmant que les transfusions administrées à madame [C] provenaient bien du CTS de [Localité 3] et que la responsabilité de ce dernier était établie. L’ONIAM a également produit des preuves d’indemnisation versées aux consorts [C] et a demandé le remboursement de la somme versée, ainsi que des intérêts légaux. Position de la CPAMLa CPAM des Bouches du Rhône a également demandé à être indemnisée par AXA pour des frais médicaux et des arrérages d’une pension d’invalidité, totalisant 112 524,58 euros, ainsi qu’une indemnité forfaitaire de gestion. Décision du tribunalLe tribunal a annulé le titre exécutoire émis contre AXA en raison d’une irrégularité formelle. Cependant, il a condamné AXA à rembourser l’ONIAM pour l’indemnité versée aux consorts [C] et à payer des intérêts légaux. AXA a également été condamnée à verser des sommes à la CPAM pour ses débours et à couvrir les frais d’expertise. Les dépens ont été mis à sa charge. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N° 25/ DU 30 Janvier 2025
Enrôlement : N° RG 22/08671 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2JDD
AFFAIRE : S.A. AXA FRANCE IARD (SELARL ABEILLE AVOCATS)
C/ OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS) et autres
DÉBATS : A l’audience Publique du 28 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette
Vu le rapport fait à l’audience
A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 30 Janvier 2025
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
Société AXA FRANCE IARD
SA immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée en cette qualité audit siège
représentée par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDEURS
OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM)
dont le siège social est sis [Adresse 5], pris en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée en cette qualité audit siège
représenté par Maître Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Emmanuelle YAGOUR
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 1], pris en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée en cette qualité audit siège
représentée par Maître Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSÉ DU LITIGE :
Faits et procédure :
Le 13 novembre 1979, madame [C] a été hospitalisée à la Maternité du Centre Hospitalier de [Localité 4] pour y subir une intervention chirurgicale.
A cette occasion, madame [C] aurait bénéficié de transfusions sanguines.
Le 24 octobre 1995, madame [C] a découvert être atteint par le virus de l’hépatite C.
Imputant sa contamination aux produits sanguins qu’elle aurait reçus, madame [C] a saisi l’ONIAM d’une demande d’indemnisation amiable.
L’ONIAM a conclu à l’origine transfusionnelle et a signé avec madame [C] des protocoles transactionnels.
Par avis de sommes à payer n° 2 628 émis par l’Agent Comptable de l’ONIAM à l’encontre de la compagnie AXA, l’ONIAM sollicite le règlement de la somme de 24 534.39 euros qu’il indique avoir versé à la victime en raison de sa contamination par le virus de l’hépatite C.
Afin de contester ce titre la compagnie AXA a introduit un recours devant le tribunal administratif de Marseille, lequel, par ordonnance du 5 juillet 2021, s’est déclaré incompétent au profit des juridictions de l’ordre judiciaire.
Par acte d’huissier du 26 août 2022 la compagnie AXA FRANCE IARD a fait assigner l’ONIAM devant ce tribunal.
Selon exploit du 4 mars 2024 l’ONIAM a fait appeler la CPAM des Bouches du Rhône en intervention forcée.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 21 mai 2024.
Demandes et moyens des parties :
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 septembre 2024 la compagnie AXA FRANCE IARD demande au tribunal d’annuler le titre de recettes n°2 628, de débouter l’ONIAM de sa demande reconventionnelle de condamnation à titre subsidiaire, de sa demande de condamnation aux intérêts au taux légal et capitalisation, de sa demande reconventionnelle en remboursement des frais d’expertise et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner l’ONIAM à lui payer la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes la compagnie AXA fait valoir que le titre de recettes émis à son encontre est entaché d’irrégularités externes en l’absence de preuve d’indemnisation effective préalable de la victime, en ce qu’il n’est pas signé de son ordonnateur, monsieur [S], et en ce qu’il ne précise pas les bases de liquidation de la créance et notamment le détail du calcul retenu pour l’indemnisation.
Elle ajoute que ce titre est encore entaché d’irrégularités internes en l’absence de preuve de l’existence et du contenu du contrat d’assurance conclu avec le CTS de [Localité 3], en l’absence de preuve de responsabilité de celui-ci. Elle indique à ce titre que l’ONIAM ne démontre pas l’origine transfusionnelle de la contamination, les transfusions notées au dossier de madame [C] étant peu lisibles, et celle-ci ayant fait l’objet d’une autre intervention chirurgicale en 1966 ; et que l’administration effective de produits sanguins à la victime n’est pas démontrée, pas plus que l’identité du centre ayant fourni ces produits. La compagnie AXA fait encore valoir que la date de contamination n’est pas déterminée avec certitude, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer le contrat d’assurance applicable.
Sur les demandes subsidiaires de l’ONIAM, la compagnie AXA soutient que celui-ci n’est pas recevable à solliciter sa condamnation à lui rembourser l’indemnité versée à la victime lorsqu’il a préalablement émis un titre exécutoire.
L’ONIAM a conclu le 21 août 2024 au rejet des demandes de la compagnie AXA FRANCE IARD, subsidiairement à sa condamnation à lui payer la somme de 24.534,39 € en remboursement de l’indemnité versée aux consorts [C] à raison de l’infection contractée par madame [C], et en toute hypothèse à la condamnation de la compagnie AXA à lui payer les intérêts légaux pour la somme de 24.534,39 euros à compter du 15 février 2019, et que ces intérêts seront capitalisés depuis le 16 février 2020, outre la somme de 700 € correspondant aux frais d’expertise amiable et 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que les produits sanguins administrés à madame [C] le 13 novembre 1979 proviennent bien du CTS de [Localité 3] ainsi qu’il résulte d’une enquête transfusionnelle, date à laquelle ce CTS était assuré auprès de la compagnie UAP, aux droits de laquelle vient la compagnie AXA. Sur la responsabilité du CTS de [Localité 3] l’ONIAM se fonde sur les dispositions de l’article L1221-14 du code de la santé publique, et indique que madame [C] a reçu au cours de son hospitalisation en 1979 deux culots de sang, qu’un rapport d’expertise a établi la nature transfusionnelle de la contamination par le virus de l’hépatite C, et que la compagnie AXA ne rapporte pas la preuve de l’innocuité de ces produits.
Sur la légalité externe du titre exécutoire l’ONIAM indique que l’ordre à recouvrer constituant le titre exécutoire est régulièrement signé, qu’il vise le protocole transactionnel conclu avec la victime , lequel figure en annexe, et que l’indemnité due aux consorts [C] a été payée ainsi qu’il résulte d’une attestation de paiement.
Sur ses demandes subsidiaires, l’ONIAM fait valoir qu’il est toujours recevable, au cas où le titre serait annulé, à solliciter le remboursement des sommes payées à la victime au titre de son recours subrogatoire.
La CPAM des Bouches du Rhône a conclu le 18 juin 2024 à la condamnation de la société AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 112.524,58 € en remboursement de ses débours, outre 1.191 € au titre de l’indemnité fofaitaire de gestion prévue à l’article L376-1 du code de la sécurité sociale et 600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er octobre 2024.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
Annule l’ordre à recouvrer n°2 628 du 6 décembre 2018 ;
Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à l’ONIAM la somme de 24.534,39 € en remboursement de l’indemnité versée aux consorts [C], outre 700 € exposés au titre des frais d’expertise, avec intérêts au taux légal depuis le 6 décembre 2018 ;
Dit que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront eux-mêmes des intérêts ;
Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 112.524,58 € au titre de ses débours, outre celle de 1.191 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L376-1 du code de la sécurité sociale ;
Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à l’ONIAM la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Patrick de la GRANGE et de maître Régis CONSTANS, avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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