Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille
Thématique : Reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail et présomption d’imputabilité
→ RésuméContexte de l’accidentLe 06 septembre 2018, la société [4] a enregistré un accident du travail impliquant son salarié, Monsieur [K] [U]. Selon la déclaration, l’accident s’est produit lorsque Monsieur [K] a raté une marche en descendant un escalier, entraînant des douleurs aiguës aux cuisses. Un certificat médical du 04 septembre 2018 a confirmé des lésions aux tendons quadricipitaux des deux jambes. Réserves de l’employeurLe 14 septembre 2018, la société [4] a émis des réserves concernant le caractère professionnel de l’accident, arguant qu’un témoin n’avait pas observé l’accident mais avait seulement constaté que le salarié se plaignait de douleurs. Malgré ces réserves, la CPAM des Bouches-du-Rhône a décidé, le 03 décembre 2018, de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. Indemnisation et contestationMonsieur [K] a perçu des indemnités journalières jusqu’au 05 février 2019 et a reçu des soins jusqu’à sa guérison déclarée le 26 septembre 2020. En janvier 2019, la société [4] a contesté la décision de la CPAM, ce qui a conduit à une procédure judiciaire. Procédure judiciaireLa société [4] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille en avril 2019, contestant la décision de la CPAM. La commission de recours amiable a rejeté la contestation le 24 septembre 2019. Lors de l’audience du 24 septembre 2024, la société a demandé au tribunal de déclarer inopposable la décision de la CPAM et d’ordonner une expertise médicale. Arguments de la société [4]La société [4] a soutenu que la CPAM avait violé le principe du contradictoire en ne fournissant pas les pièces du dossier d’instruction. Elle a également contesté la matérialité de l’accident, affirmant que les douleurs pouvaient être liées à un état antérieur. De plus, elle a demandé une expertise médicale pour clarifier les lésions. Position de la CPAMLa CPAM a demandé le rejet des demandes de la société [4], affirmant que le principe du contradictoire avait été respecté. Elle a soutenu que l’accident s’était produit sur le lieu et pendant le temps de travail, justifiant ainsi la présomption d’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que la CPAM avait respecté le principe du contradictoire et que la matérialité de l’accident était établie. Il a rejeté les arguments de la société [4] concernant l’inopposabilité de la décision de la CPAM et a déclaré opposable la prise en charge des soins et arrêts de travail. La société [4] a été condamnée aux dépens de l’instance. |
REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
JUGEMENT N° 25/00448 du 30 Janvier 2025
Numéro de recours: N° RG 19/03272 – N° Portalis DBW3-W-B7D-WIBQ
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A. [4]
AEROPORT INTERNATIONAL [6]
[Localité 3]
représentée par Me Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Laura MONTES, avocat au barreau de PARIS
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 2]
représentée par Mme [W] [B] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 24 Septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : PFISTER Laurent
ZERGUA Malek
Lors des débats : ELGUER Christine, Greffier
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 30 Janvier 2025
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 06 septembre 2018, la société [4] a établi pour son salarié, Monsieur [K] [U], une déclaration d’accident du travail qui mentionne les circonstances suivantes : « En descendant un escalier du bât T 10 la personne aurait raté une marche : vive douleur, avec craquement, ressentie au niveau de la cuisse Gauche puis voulant se rattraper sur l’autre jambe aurait ressenti la même douleur à droite ».
Le certificat médical initial établi le 04 septembre 2018 par le Docteur [Z] [I] mentionne les lésions suivantes : « douleur cuisses, lésion des deux tendons quadricipitaux ».
Par courrier en date du 14 septembre 2018, la société [4] a émis des réserves sur le caractère professionnel de cet accident. Elle indiquait que le témoin mentionné dans la déclaration d’accident du travail n’avait pas vu de fait accidentel mais avait seulement constaté que le salarié se plaignait de douleurs dans les jambes.
A l’issue d’une phase d’instruction, par courrier en date du 03 décembre 2018, la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPAM ou la Caisse) a notifié à la société [4] sa décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident du 04 septembre 2018.
Monsieur [K] [U] a perçu des indemnités journalières au titre de cet accident du travail jusqu’au 05 février 2019 et a bénéficié de soins jusqu’à ce que son état de santé soit déclaré guéri à la date du 26 septembre 2020.
Par courrier en date du 31 janvier 2019, la société [4] a saisi la commission de recours amiable d’une contestation de la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône en date du 03 décembre 2018.
Par requête expédiée le 09 avril 2019, la société [4] a, par l’intermédiaire de son avocat, saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône.
Par décision en date du 24 septembre 2019, la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône a rendu une décision explicite de rejet de la contestation de la société [4].
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 24 septembre 2024.
La société [4], représentée par son conseil, réitère oralement les termes de sa requête, et demande au tribunal :
– A titre principal, de lui déclarer inopposable la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident de son salarié du 04 septembre 2018 ;
– A titre subsidiaire, de lui déclarer inopposables les soins et arrêts de travail rattachés à l’accident de son salarié du 04 septembre 2018 ;
– A titre encore plus subsidiaire, d’ordonner une expertise médicale judiciaire selon mission décrite dans la requête introductive d’instance ;
A l’appui de sa demande à titre principal, elle soutient que la CPAM des Bouches-du-Rhône a violé le principe du contradictoire en ne répondant pas à sa demande de mise à disposition des pièces du dossier d’instruction de la demande de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident litigieux.
Elle soutient également que la matérialité de l’accident du travail n’est pas établie faute de témoin du fait accidentel et que les douleurs déclarées pouvaient résulter d’un état antérieur sans lien avec l’activité professionnelle.
A l’appui de sa demande à titre subsidiaire, elle soutient que la présomption d’imputabilité de l’accident au travail ne couvre pas les lésions apparues postérieurement à l’accident et qu’en l’espèce la CPAM des Bouches-du-Rhône ne lui a transmis aucune information sur la nature des lésions et leur prise en charge.
Enfin, elle justifie sa demande d’expertise médicale judiciaire par le fait qu’elle ignore les lésions imputées au sinistre et qu’elle considère que le salarié souffrait déjà des deux genoux et avait repoussé à plusieurs reprises une intervention chirurgicale.
La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, demande au tribunal :
– A titre principal, de rejeter toutes les demandes de la société [4], y compris la demande d’expertise, et de dire opposable à cette société l’ensemble des soins et arrêts de travail subséquents à l’accident du travail de Monsieur [K] [U] ;
– A titre subsidiaire, si une expertise devait être ordonnée, dire que la mission de l’expert ne pourra porter que sur l’imputabilité des arrêts de travail et soins de Monsieur [K] [U] à l’accident du 04 septembre 2018 ;
– En tout état de cause, condamner la société [4] aux dépens.
Elle soutient que le principe du contradictoire a été respecté durant toute la phase d’instruction de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 04 septembre 2018, et en particulier que contrairement à ce que soutient la société [4] le dossier d’instruction a été mis à sa disposition selon les modalités définies avec elle mais qu’elle ne l’a pas consulté.
Elle soutient également que l’accident s’étant déroulé sur le temps de travail et sur le lieu de travail, elle bénéficie de la présomption d’imputabilité de l’ensemble des soins et arrêts de travail à l’accident qui s’applique pour toute la durée d’incapacité de travail précédant la date de guérison et que la matérialité de l’accident est avérée par le témoignage d’un autre salarié.
Elle ajoute que l’employeur ne renverse pas cette présomption d’imputabilité car il se contente d’affirmer l’existence d’un état préexistant ou indépendant évoluant pour son propre compte sans en rapporter la preuve et qu’une expertise ne saurait être ordonné pour pallier la carence de l’employeur en la matière.
En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens.
L’affaire est mise en délibéré au 30 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire rendu en premier ressort mis à disposition au greffe,
DÉBOUTE la société [4] de l’ensemble de ses demandes ;
DÉCLARE opposable à la société [4] la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône du 3 décembre 2018 au titre de la législation professionnelle de l’accident du travail et dès lors de l’ensemble des soins et arrêts de travail consécutifs, dont Monsieur [K] [U] a été victime le 04 septembre 2018 ;
CONDAMNE la société [4] aux entiers dépens de l’instance ;
DIT que tout appel de la présente décision, doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois de la réception de sa notification.
Notifié le :
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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