Tribunal judiciaire de Marseille, 27 novembre 2024, RG n° 21/00334
Tribunal judiciaire de Marseille, 27 novembre 2024, RG n° 21/00334

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Examen des Limites d’Exonération des Frais Professionnels et de la Justification des Indemnités dans le Cadre des Cotisations Sociales

Résumé

La S.A.S. [7] a été soumise à un contrôle de l’URSSAF PACA, aboutissant à une lettre d’observations mentionnant dix-huit chefs de redressement totalisant 160 924 euros. Contestant ces redressements, la S.A.S. a saisi le tribunal judiciaire de Marseille après que la commission de recours amiable a maintenu plusieurs redressements. Le tribunal a confirmé la réintégration des indemnités kilométriques et des frais professionnels non justifiés, soulignant l’absence de justificatifs adéquats. En conclusion, le recours a été jugé mal fondé, et la S.A.S. a été condamnée à verser 1 000 euros à l’URSSAF PACA.

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/04604 du 27 Novembre 2024

Numéro de recours: N° RG 21/00334 – N° Portalis DBW3-W-B7F-YML2

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. [7]
LE PHARE DE MOUREPIANE
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Kimberley LEON, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Mme [I] (Inspecteur)

DÉBATS : À l’audience publique du 25 Septembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge

Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 27 Novembre 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DES FAITS
La S.A.S. [7] a fait l’objet d’un contrôle sur l’application de la législation de la sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires AGS par un inspecteur du recouvrement de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après URSSAF PACA ou la caisse) au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ayant donné lieu à une lettre d’observations du 21 novembre 2018 pour dix-huit chefs de redressement d’un montant total de 160 924 euros, puis d’une mise en demeure du 15 octobre 2019 d’un montant total de 116 951 euros, soit 96 166 euros en cotisations,13 725 en majorations de retard et 7060 € en majoration de redressement.

Par courrier en date du 12 décembre 2019, la S.A.S. [7] a contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA laquelle a, par décision du 02 décembre 2020, notifiée par courrier en date du 07 décembre 2020, maintenu les chefs de redressement suivants :

– Chef de redressement n°1 intitulé « Frais professionnels-limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) » pour la somme de 1918 euros ;
– Chef de redressement n°2 intitulé « Frais professionnels non justifiés – principes généraux » pour la somme de 15 470 euros ;
– Chef de redressement n° 10 intitulé « Frais professionnels Limites d’exonération : Frais inhérents à l’utilisation des NTIC » pour la somme de 27 439 euros ainsi que la majoration de redressement pour absence de mise en conformité d’un montant de 2744 euros ;
– Chef de redressement numéro 11 intitulé « Versement transport salariés itinérants » pour la somme de 11 874 euros;
– Chef de redressement n° 17 intitulé « Frais professionnels non justifiés – indemnités de salissure » pour la somme de 43 156 euros ainsi que la majoration de redressement pour absence de mise en conformité d’un montant de 4 316 euros.

Par requête déposée au greffe le 04 février 2021, la S.A.S. [7] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’un recours à l’encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA.

Par voie de conclusions récapitulatives et responsives, soutenues oralement par son conseil, le la S.A.S. [7] demande au tribunal de :
– Constater qu’elle a communiqué les justificatifs sollicités par l’URSSAF,
– Débouter l’URSSAF PACA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– Annuler la décision de rejet de la commission de recours amiable en date du 02 décembre 2020
– Annuler les rappels de cotisations, redressements et majorations constatés par la lettre d’observations du 21 novembre 2018 et mis en recouvrement par voie de mise en demeure du 15 octobre 2019,
– Condamner l’URSSAF PACA à rembourser l’intégralité des sommes versées par la SAS [7] en exécution de la décision de rejet, soit la somme de 116 951 euros, de 96 166 euros au titre des cotisations, 7060 euros au titre du redressement et 13 725 euros au titre de la majoration, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour du paiement de cette somme,
– A titre subsidiaire, Enjoindre l’URSSAF PACA de procéder à un nouvel examen des pièces présentées par la SAS [7] et notamment des rémunérations à exclure de la base de calcul du versement transport,
– En tout état de cause, CONDAMNER l’URSSAF PACA au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’URSSAF PACA, représentée par un inspecteur juridique reprenant oralement ses écritures, demande au tribunal de :
– Constater qu’elle disposait d’une créance à l’endroit de la société [7] d’un montant de 116 951 euros pour son établissement de [Localité 6] (2000815498),
– Confirmer les redressements constatés par la lettre d’observations du 21 novembre 2018 et mis en recouvrement par voie de mise en demeure du 15 octobre 2019 (n° 65029059), pour un montant total de 116 951 euros (cotisations 96 166 euros – majorations de retard 13 725 euros- majorations de redressement 7 060 euros),
– Rejeter la demande de remboursement au titre de la cotisation au versement transport,
– Constater que les causes du litige se trouvent à ce jour soldées,
– Reconventionnellement condamner la société [7] au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le chef de redressement n°1 : Frais professionnels – limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques)

En application de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature allouée en contrepartie ou l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.

La déduction des frais professionnels de l’assiette des cotisations de sécurité sociale constitue une exception à la règle d’assujettissement des sommes et avantages versés à l’occasion du travail, et doit dès lors être retenue de façon limitative.

Les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 qui dispose que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.

L’indemnisation des frais professionnels s’effectue, soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur, soit sur la base d’une indemnité forfaitaire plafonnée que l’employeur est autorisé à déduire de l’assiette des cotisations, sous réserve de l’utilisation effective de l’allocation forfaitaire conformément à son objet.

Selon l’article 4 de l’arrêté précité, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale.

En l’espèce, il a été constaté par l’agent de recouvrement de l’URSSAF PACA que la société [7] a versé à l’un de ses salariés, Monsieur [F] [D], exerçant la fonction d’attaché de direction, la somme de 8087, 99 euros au titre des indemnités kilométriques concernant l’année 2017.

L’URSSAF PACA a relevé que la somme versée à Monsieur [F] [D] au titre des indemnités kilométriques excédait de 4376 euros bruts la limite d’exonération et a donc opéré sur la base de cette somme un redressement à hauteur de 1918 euros.

La société [7] fait valoir qu’une erreur a été commise par son salarié lors de la présentation de sa facture en 2017 mais que cette erreur a été rectifiée, Monsieur [F] [D] ayant consenti en janvier 2018 au profit de la cotisante un avoir d’un montant de 4376 euros. La société [7] expose avoir communiqué à l’URSSAF PACA une facture matérialisant cet avoir par un courrier du 21 décembre 2018 adressé à la Caisse dans le cadre de la phase contradictoire. Outre cet élément, la société [7] se prévaut dans le cadre de l’instance de pièces comptables afin d’attester de l’enregistrement dans sa comptabilité de l’avoir consenti par son salarié.

Il convient de relever que la facture datée du 31 janvier 2018 établi au nom de Monsieur [F] [D] ne constitue pas un élément suffisamment probant pour justifier l’annulation de ce chef de redressement dans la mesure où elle n’est étayée par aucun élément attestant de l’effectivité d’un paiement effectué par le salarié au profit de la cotisante. La mention « facture acquittée » n’a du reste même pas été apposée sur ladite facture et aucune précision n’est fournie par la société [7] quant au mode de règlement utilisé par Monsieur [F] [D] pour s’acquitter du remboursement. Enfin, il reste curieux que cette facture pourtant datée du 31 janvier 2018 n’ait pas été transmise par la cotisante dans le cadre des opérations de contrôle qui se sont achevées le 21 novembre 2018. En l’absence d’élément attestant de l’effectivité d’un remboursement, les extraits de comptabilité des années 2018 et 2019 versées aux débats par la cotisante ne peuvent être considérés comme davantage probants.

Il résulte de ce qui précède que l’URSSAF PACA a fait une exacte application de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale en réintégrant dans l’assiette des cotisations le montant excédant la limite d’exonération versé à tort à Monsieur [F] [D] au titre des indemnités kilométriques.

Ce chef de redressement sera donc confirmé.

Sur le chef de redressement n°2 : Frais professionnels non justifiées- principes généraux

En application de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature allouée en contrepartie ou l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.

La déduction des frais professionnels de l’assiette des cotisations de sécurité sociale constitue une exception à la règle d’assujettissement des sommes et avantages versés à l’occasion du travail, et doit dès lors être retenue de façon limitative.

Les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 qui dispose que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.

L’indemnisation des frais professionnels s’effectue, soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur, soit sur la base d’une indemnité forfaitaire plafonnée que l’employeur est autorisé à déduire de l’assiette des cotisations, sous réserve de l’utilisation effective de l’allocation forfaitaire conformément à son objet.

Selon l’article 4 de l’arrêté précité, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d’utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l’administration fiscale.

Toutefois, la preuve de l’existence et de la réalité des frais professionnels incombe à l’employeur, celles-ci ne pouvant résulter de la seule invocation d’un usage ou de considérations générales sur la nature des fonctions exercées par les bénéficiaires.

Si la démonstration n’est pas faite que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de transport, de repas ou d’hébergement, du fait d’une situation de déplacement, les indemnités sont soumises à cotisations sociales en application de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale.

En l’espèce, il a été relevé par l’URSSAF PACA que les frais kilométriques remboursés à Messieurs [J] [D] et [F] [D] n’étaient pas justifiés en l’absence d’éléments permettant de s’assurer de la réalité des déplacements et de leur caractère professionnel.

Aussi l’URSSAF PACA a-t-elle soumis l’intégralité des indemnités kilométriques allouées à Messieurs [J] [D] et [F] [D] à cotisations sociales.

Dans le cadre de la présente instance, la société [7] produit des justificatifs d’entretien, les procès-verbaux de contrôle technique des véhicules concernés et des tableaux plus exhaustifs que ceux présentés initialement à l’agent de recouvrement en ce qu’ils indiquent les motifs des déplacements effectués.

Le Tribunal relève que ces éléments n’ont pas été produits au cours de la période contradictoire.

En outre, les justificatifs d’entretien versés aux débats par la société [7] ne font pas mention du kilométrage parcouru par les véhicules et ne permettent donc pas d’apprécier l’importance des kilomètres effectués par les véhicules. Les procès-verbaux de contrôle technique ne sont pas davantage pertinents puisque s’ils mentionnent le kilométrage des véhicules, ils ne permettent pas d’établir le nombre de kilomètres effectués à titre personnel et à titre professionnel.

Enfin, les tableaux récapitulatifs versés aux débats sont insuffisants à démontrer la réalité des déplacements professionnels dans la mesure où ils ne sont corroborés par aucun élément objectif tels que, par exemple, des frais de péage, de carburant ou de parking. Les cartes de visites communiquées par la cotisante ne permettent pas de confirmer la véracité des informations portées sur ces tableaux récapitulatifs.

Au regard de ce qui précède, ce chef de redressement sera confirmé.

Sur le chef de redressement n°10 : Frais professionnels Limites d’exonération : frais inhérents à l’utilisation des NTIC

L’article L242-1 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel pour le calcul des cotisations sociales sont considérées comme rémunération toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et notamment les avantages en nature fournis par l’employeur ou par un tiers.

L’article 7 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relative à la déduction des frais professionnels, dans sa version applicable en l’espèce, dispose toutefois que « les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé à des fins professionnelles, pour l’utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication qu’il possède, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi conformément au contrat de travail. Les remboursements effectués par l’employeur doivent être justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le travailleur salarié ou assimilé.

Lorsque l’employeur ne peut pas justifier la réalité des dépenses professionnelles supportée par le travailleur salarié ou assimilé, la part des frais professionnels est déterminée d’après la déclaration faite par le salarié évaluant le nombre d’heures à usage strictement professionnel, dans la limite de 50 % de l’usage total. »

Aussi résulte-t-il de ce qui précède que le salarié qui utilise les outils issus des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qu’il possède à des fins professionnelles, peut être remboursé par son employeur des dépenses ainsi engagées à titre de frais professionnels sans que ces dépenses, dès lors qu’elles sont considérées comme justifiées, soient considérées comme des avantages en nature.

Lorsqu’il ne peut pas justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié, la part des frais professionnels est déterminée d’après la déclaration faite par le salarié, évaluant le nombre d’heures à usage strictement professionnel, dans la limite de 50 % de l’usage total.

Il a été constaté au présent cas d’espèce que la société [7] participe par le versement d’indemnités forfaitaires à la prise en charge des frais de téléphonie de ses salariés.
La société [7] conteste la réintégration par l’URSSAF PACA de ces indemnités forfaitaires dans l’assiette des cotisations sociales au motif que les sujétions inhérentes aux marchés publics imposent de pouvoir joindre à tout moment les chauffeurs et que les véhicules étant dépourvus de système de communication, ses salariés sont contraints d’utiliser leurs téléphones portables personnels.
Il convient de relever tout d’abord que la SAS [7] ne justifie pas du respect des conditions réglementaires découlant de l’article 7 de l’arrêté interministériel du 20 décembre 2002 précité ouvrant droit à une exonération au titre des frais de téléphonie mobile. En effet, l’article 2- 2 de l’arrêté précité relatif à l’indemnisation des frais professionnels sur la base d’une allocation forfaitaire n’est pas applicable aux frais définis à l’article 7 concernant spécialement l’utilisation par le travailleur salarié des NTIC. Cette indemnisation ne peut donc être évaluée forfaitairement comme en l’espèce.
En tout état de cause, la cotisante n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Il n’est versé aux débats aucune pièce permettant de déterminer dans quelle proportion les salariés concernés utilisent leurs téléphones portables à des fins professionnelles. Si des témoignages de salariés sont produits attestant d’une utilisation de leur téléphone personnel à des fins professionnelles, ces témoignages ne comportent pas d’évaluation du nombre d’heures consacré à un usage strictement professionnel. Aucune facture de téléphone n’a du reste été communiquée empêchant ainsi de vérifier le montant de la dépense engagée et la quote-part remboursée par l’employeur à son salarié.

C’est donc à bon droit que l’URSSAF PACA a procédé à la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales des indemnités allouées par la SAS [7] à ses salariés au titre de l’utilisation par ces derniers de leur téléphone personnel.

Sur la majoration de redressement pour absence de mise en conformité concernant la prise en charge des frais inhérents à l’utilisation des NTIC
Il résulte de l’article L243-7-6 du code de la sécurité sociale que « le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle réalisé en application de l’article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d’absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l’employeur n’a pas pris en compte les observations notifiées lors d’un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non ».
Il a été constaté par l’URSSAF PACA à l’occasion d’un précédent contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 que la cotisante prenait en charge des frais de téléphonie mobile sans toutefois justifier d’une utilisation des téléphones portables à des fins professionnelles.
Constatant que la SAS [7] n’a pas modifié sa pratique en dépit d’un précédent redressement, l’URSSAF PACA a fait application à la cotisante de la majoration de redressement pour absence de mise en conformité prévue par l’article L243-7-6 du code de la sécurité sociale précitée.
La SAS [7] considère qu’il n’y a pas lieu de lui faire application d’une majoration de redressement pour absence de mise en conformité dans la mesure où le précédent redressement a fait l’objet d’un recours en justice dont elle a été déboutée par jugement du 23 mars 2022 du pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille. Le présent redressement étant antérieur au jugement l’ayant débouté de sa contestation, la cotisante soutient que la Caisse est mal fondée à lui reprocher une absence de mise en conformité.
Or il suffit pour qu’une absence de mise en conformité soit justifiée que le cotisant n’ait simplement pas tenu compte des observations de l’organisme, peu important qu’une éventuelle action en justice ait été exercée à l’encontre du contrôle effectué par l’URSSAF. L’exercice d’un recours contentieux ne dispensait donc pas la SAS [7] de son obligation de mise en conformité.
En conséquence, la SAS [7] sera déboutée de sa contestation portant sur la majoration de redressement pour absence de mise en conformité concernant la prise en charge des frais inhérents à l’utilisation des NTIC.
Sur le chef de redressement n°11 : Versement transport – salariés itinérants
Il résulte de l’article L2333-64 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 qu’en dehors de la région d’Ile-de-France, « les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l’exception des fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu’elles emploient plus de neuf salariés ». Le seuil de neuf salariés a été porté à « au moins onze salariés » par la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015.
L’article D.2333-91 du code des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable en l’espèce, précise par ailleurs :
« Pour l’application des dispositions prévues à l’article L. 2333-64, l’effectif des salariés, calculé au 31 décembre, est égal à la moyenne des effectifs déterminés chaque mois de l’année civile.

Pour la détermination des effectifs du mois, il est tenu compte des salariés dont le lieu de travail est situé dans le périmètre de l’une des zones mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 2333-64 et qui sont titulaires d’un contrat de travail le dernier jour de chaque mois, y compris les salariés absents, conformément aux dispositions des articles L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 1251-54 du code du travail ».

Il ressort ainsi des dispositions précitées, dans leur version applicable à la date des faits, que sont assujetties au versement transport toutes les personnes physiques ou morales qui emploient tous établissements confondus, plus de neuf salariés ( puis au moins onze salariés à compter du 1er janvier 2016) et dont le lieu de travail effectif, se situent dans le périmètre d’une autorité organisatrice de transport, et ce, même si le siège de l’entreprise ne s’y trouve pas. L’effectif des salariés est apprécié chaque année au 31 décembre de l’année N-1 et est égal à la moyenne annuelle des effectifs déterminés chaque mois de l’année civile.

Concernant les salariés itinérants, qui exercent donc leur activité à plusieurs endroits, il convient de déterminer s’ils exercent principalement leurs activités dans une zone de versement transport ou bien en dehors d’une zone où a été institué ledit versement transport. Il appartient au débiteur de la taxe de justifier par des éléments précis et probants des lieux d’activités des salariés pour déterminer s’ils exercent ou non leur activité en totalité ou en majeure partie dans le secteur d’une autorité organisatrice de transport ou que les conditions de travail spécifiques des personnels qui se déplacent fréquemment et sur des zones de transport différentes ne permettent pas de déterminer un lieu où s’exerce l’activité principale.

Dans le présent cas d’espèce, la cotisante estime s’être acquittée à tort du versement transport sur la période du 1er janvier 2015 au 31 novembre 2016 et au titre de l’année 2017.

Elle expose qu’il convient d’exclure de l’effectif à retenir pour l’assujettissement au versement transport ses salariés occupant les fonctions de chauffeurs exerçant principalement leur activité, hors du périmètre où a été institué le versement transport, à savoir le territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence.

Au soutien de sa demande, la société [7] verse aux débats les pièces suivantes :
– Un fichier Excel désignant les salariés itinérants, effectuant selon ses dires plus de 50% de leur temps de travail hors la zone d’assujettissement au versement transport et devant bénéficier d’une exonération au titre des années 2015, 2016 et 2017
– Le registre du personnel 2014, 2015 et 2016
– Les plannings de 4 salariés portant sur deux semaines
– Diverses fiches horaires de lignes de bus
– Une clé USB contenant notamment des tableaux Excel

Il convient de rappeler que les salariés itinérants peuvent être exonérés du versement transport dans la mesure où leur prestation de travail s’effectue majoritairement (plus de 50%) au-delà du ressort géographique de l’autorité organisatrice de transports. Cette situation s’apprécie au titre de chaque période de paye, c’est-à-dire mensuellement, et non en moyenne sur l’année. Il appartient dès lors à l’employeur de comparer mensuellement le nombre de jour travaillés passés sur le périmètre de chaque zone de transport ou en dehors de toute zone de transport.

La cotisante ne produit pas de documents reprenant mois par mois et par salarié son activité et permettant de s’assurer que sa prestation de travail s’effectue majoritairement (plus de 50%) au-delà du ressort géographique de l’autorité organisatrice de transports.

Le tableau Excel dont se prévaut la cotisante n’a pas de valeur probante dans la mesure où il n’est pas étayé par des pièces utiles. Les plannings communiqués ne sont pas mensuels et ne sont du reste pas datés, ni même signés par les salariés concernés.

Les fiches horaires des lignes de bus ne permettent d’apprécier mois par mois si les salariés concernés accomplissent plus de 50% de leur activité au-delà du ressort géographique de l’autorité organisatrice de transports. Enfin, les documents contenus dans la clé USB consistant pour la plupart dans des tableaux Excel sont difficilement exploitables et ne permettent pas d’attester que les salariés concernés exerçaient principalement leur activité en-dehors de la zone où a été institué le versement transport.

En conséquence, il convient de considérer ce chef de redressement comme bien-fondé. Il n’y a pas lieu d’ordonner à l’URSSAF PACA un nouvel examen des pièces présentées par la cotisante. En effet, il ressort du courrier du 28 décembre 2018 adressé par l’URSSAF PACA en réponse aux contestations de l’employeur que la Caisse a bien pris en considération les éléments transmis par courriel du 27 décembre 2018. Au surplus, il convient de rappeler que la cotisante ne peut pas se prévaloir à l’encontre de la Caisse de pièces justificatives qui n’auraient pas été produites lors des opérations de contrôle.
Sur le chef de redressement n°17 : Frais professionnels non justifiées – indemnité de salissure
En application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion d’un travail doit être soumis à cotisations, à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

En vertu de l’article R. 4321-1 du Code du travail et de l’arrêté du 20 décembre 2002, modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005, les dépenses d’habillement des salariés pris en charge par l’employeur font partie des avantages en nature ou en espèces soumis à cotisations sociales, sauf assimilation à des frais professionnels.

Les frais d’entretien des vêtements professionnels comme les primes de salissure peuvent être considérés comme des frais professionnels et donc exonérés de charges sociales, dès lors que :
– le vêtement demeure bien la propriété de l’employeur et n’est pas porté à l’extérieur ;
– le port de ce vêtement est obligatoire ;
– les dépenses d’entretien sont justifiées en vertu de dispositions conventionnelles ou d’une réglementation interne à l’entreprise.

Toutefois, une prime de salissure n’est pas admise en tant que frais professionnel si elle est :
– calculée uniformément ou en pourcentage du salaire et sans justification des dépenses réellement engagées ;
– versée pendant les congés payés ;
– versée à la quasi-totalité du personnel sans qu’il soit justifié de frais anormaux de salissure ou de son utilisation conformément à son objet, peu important dans cette hypothèse que le versement de la prime soit prévu par la convention collective.

Il s’ensuit que la prime forfaitaire de salissure allouée par un employeur à ses salariés ne peut donc être exclue de l’assiette des cotisations que s’il est établi que les dépenses exposées en raison de travaux salissants sont de nature à constituer une charge de caractère spécial inhérente à l’emploi, et que l’employeur apporte la preuve de son utilisation conformément à son objet, laquelle ne saurait se déduire de considérations d’ordre général.

Par voie de conséquence, le seul fait que l’entreprise soit spécialisée dans les travaux salissants et que les salariés soient exposés à un surcroît de dépenses vestimentaires, ne suffit pas à établir que les primes versées ont été utilisées conformément à leur objet.

Dans le cadre d’un contrôle, il incombe à l’employeur de produire pour y satisfaire, des factures nominatives et datées, susceptibles de démontrer l’utilisation régulière desdites indemnités par l’ensemble des salariés qui en bénéficient à des fins de nettoyage de leur vêtement de travail.

Au présent cas d’espèce, il a été constaté par l’inspecteur du recouvrement de l’URSSAF PACA que la SAS [7] octroie des indemnités forfaitaires de nettoyage, notamment à ses chauffeurs.
L’URSSAF PACA a procédé à la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales de ces indemnités forfaitaires de nettoyage en l’absence de justification des dépenses engagées par les salariés et de frais anormaux de salissure.

La SAS [7] conteste le bien-fondé de ce chef de redressement au motif qu’elle justifie de l’obligation pour ses salariés de porter un vêtement de travail soigné et que les fonctions exercées par ses salariés nécessitent un lavage quotidien de leur habit de travail.

Le tribunal observe en premier lieu que la SAS [7] ne justifie pas de la fourniture à ses salariés d’habits de travail dont elle serait propriétaire, les contrats de travail et les engagements contractuels souscrits dans le cadre des marchés publics imposant seulement aux salariés d’avoir une apparence vestimentaire convenable. La SAS [7] reconnait elle-même aux termes de ses écritures que certains de ses salariés travaillent, non pas avec un uniforme fourni par l’entreprise, mais avec leur tenue personnelle qu’ils doivent laver régulièrement.

Le tribunal relève en outre que la SAS [7] ne justifie par aucune pièce se rapportant à la période contrôlée de ce que ses salariés engagent des frais de nettoyage des vêtements et utilisent effectivement la prime conformément à son objet.

Il faut relever à ce propos que la décision du 21 mai 2008 de la chambre sociale de la Cour de cassation, mise en avant par la cotisante, ne remet pas en question l’obligation pour l’employeur de démontrer la réalité des dépenses engagées par ses salariés en contrepartie du versement d’une prime de salissure.

Il résulte de ce qui précède que les primes de salissure ne répondent pas aux conditions précédemment énoncées pour être considérées comme des frais d’entreprise.

Ce chef de redressement sera donc confirmé.

Sur la majoration de redressement pour absence de mise en conformité concernant les indemnités de salissures

Il résulte de l’article L243-7-6 du code de la sécurité sociale que « le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle réalisé en application de l’article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d’absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l’employeur n’a pas pris en compte les observations notifiées lors d’un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non ».

Il a été constaté par l’URSSAF PACA à l’occasion d’un précédent contrôle portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 que la cotisante versait à ses chauffeurs une indemnité forfaitaire de nettoyage de leur vêtement de travail sans toutefois produire de justificatifs quant à la réalité des dépenses engagées par ses salariés.

Constatant que la SAS [7] n’a pas modifié sa pratique antérieur, l’URSSAF PACA a fait application à la cotisante de la majoration de redressement pour absence de mise en conformité prévue par l’article L243-7-6 du code de la sécurité sociale précitée.

Il est constant que l’existence d’observations notifiées même sans redressement donne lieu à une obligation de mise en conformité, peu important que le cotisant ait saisi la juridiction de sécurité sociale d’un recours à l’encontre du redressement opéré par l’URSSAF.

C’est donc à juste titre que l’URSSAF PACA a fait application à la SAS [7] de la majoration de redressement pour absence de mise en conformité concernant les indemnités de salissures.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la nature du litige et des explications des parties, il y a lieu de faire droit à la demande formulée par l’URSSAF Provence-Alpes-Côte d’Azur au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en condamnant la société [7], qui succombe, à lui verser la somme de 1.000 €. Il convient de rejeter celle formulée par la société [7].

Les dépens de la présente instance seront mis à la charge de la SAS [7] qui succombe, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.

Aucune des parties ne faisant de demande au titre de l’exécution provisoire, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable mais mal fondé le recours introduit par la Société par Actions Simplifiée [7] à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA du 02 décembre 2020 relative à sa contestation des chefs de redressement numérotés 1, 2, 10, 11 et 17 dans la lettre d’observations du 21 novembre 2018 portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ;

VALIDE le chef de redressement n°1 visé dans la lettre d’observations du 21 novembre 2018 intitulé « Frais professionnels-limites d’exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) » pour la somme de 1918 euros ;

VALIDE le chef de redressement n°2 visé dans la lettre d’observations du 21 novembre 2018 intitulé « Frais professionnels non justifiés – principes généraux » pour la somme de 15 470 euros ;

VALIDE le chef de redressement n° 10 visé dans la lettre d’observations du 21 novembre 2018 intitulé « Frais professionnels Limites d’exonération : Frais inhérents à l’utilisation des NTIC » pour la somme de 27 439 euros ainsi que la majoration de redressement pour absence de mise en conformité d’un montant de 2744 euros ;

VALIDE le chef de redressement n° 11 visé dans la lettre d’observations du 21 novembre 2018 intitulé « Versement transport salariés itinérants » pour la somme de 11 874 euros ;

VALIDE le chef de redressement numéro 17 visé dans la lettre d’observations du 21 novembre 2018 intitulé « Frais professionnels non justifiés – indemnités de salissure » pour la somme de 43 156 euros ainsi que la majoration de redressement pour absence de mise en conformité d’un montant de 4 316 euros pour absence de mise en conformité » ;

DEBOUTE la Société par Actions Simplifiée [7] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNE la Société par Actions Simplifiée [7] à payer à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur la somme de 1.000 € (Mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société par Actions Simplifiée [7] aux dépens de l’instance, en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile ;

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du Code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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