Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille
Thématique : Reconnaissance de Maladie Professionnelle : Conditions et Procédures à Respecter
→ RésuméM. [I] [J], conducteur d’engins depuis 2011, a sollicité la reconnaissance d’une maladie professionnelle auprès de la CPAM le 28 avril 2020. Sa demande a été rejetée le 7 septembre 2020, car la maladie n’était pas inscrite dans les tableaux de maladies professionnelles et son taux d’incapacité était inférieur à 25 %. Après avoir contesté cette décision, la commission de recours amiable a confirmé le rejet. M. [I] [J] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille, qui a finalement déclaré son recours recevable mais mal fondé, confirmant le refus de prise en charge et le déboutant de toutes ses demandes.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
21/00161
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
JUGEMENT N°24/03106 du 21 Octobre 2024
Numéro de recours: N° RG 21/00161 – N° Portalis DBW3-W-B7F-YKQY
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [I] [J]
né le 12 Janvier 1978 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Delphine CARRIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [V] (Inspecteur)
DÉBATS : À l’audience publique du 15 Avril 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : MOLCO Karine, Vice-Présidente
Assesseurs : DEODATI Corinne
LOZIER Michaël
L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Octobre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
M. [I] [J], conducteur d’engins depuis 2011 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée pour la SAS [7], a fait , le 28 avril 2020, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la CPAM.
Cette demande a fait l’objet d’un rejet par décision en date du 7 septembre 2020 de la caisse primaire qui a indiqué : « cette maladie n’est pas référencée dans les tableaux de maladies professionnelles. Par ailleurs, le médecin de l’assurance maladie considère que votre taux d’incapacité est inférieur à 25 %, ce qui ne permet pas de transmettre votre demande au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). »
M. [I] [J], par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 6 novembre 2020 a saisi la commission de recours amiable sollicitant l’annulation de la décision prise par la caisse primaire.
La commission de recours amiable, par décision du 5 janvier 2021 a confirmé la décision initialement prise en retenant l’avis du service du contrôle médical selon lequel l’assuré ne présentait pas une affection telle que prévue au tableau des maladies professionnelles.
Par courrier recommandé expédié le 19 janvier 2021, M. [I] [J] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d’une contestation à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 5 janvier 2021 refusant la prise en charge au titre de la maladie professionnelle de l’affection constatée le 18 mars 2019 .
L’affaire a été retenue à l’audience du 15 avril 2024.
A l’audience , M. [I] [J] représenté par son conseil, sollicite du tribunal de :
– révoquer l’ordonnance de clôture ;
– ordonner la réouverture des débats ;
– déclarer recevables les présentes écritures ;
– déclarer recevable et bien fondé le recours formé par M. [I] [J] ;
en conséquence et à titre principal :
– reconnaître le caractère professionnel de la maladie dont est atteint M. [I] [J] au visa du tableau des maladies professionnelles numéro 97 ;
– annuler les décisions de refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle de la caisse et de la commission de recours amiable de la caisse ;
à titre subsidiaire :
– enjoindre la caisse à procéder à une expertise médicale relative au taux d’incapacité permanente partielle de M. [I] [J] conformément à l’article L 141 – 1 du code de la sécurité sociale ;
En tout état de cause :
– assortir les sommes dues et condamnation de l’intérêt de droit à taux légal avec anatocisme ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours ;
– condamner la CPAM 13 au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La CPCAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, sollicite du tribunal de :
– confirmer la décision de la CPAM du 7 septembre 2020 notifiant le refus de prise en charge de la pathologie présentée le 28 avril 2020 au titre de la législation professionnelle car portable;
– constater l’irrecevabilité des demandes de M. [I] [J] en l’absence de recours préalable obligatoire (CMRA) pour le taux d’IPP <25 % et par voie de conséquence la saisie d'un CRRMP ;
– débouter M. [I] [J] de toutes ses demandes fins et conclusions.
L'affaire a été mise en délibéré au 2 juillet 2024 prorogé au 21 octobre 2024.
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
Suivant les dispositions de l’article 444 du code de procédure civile : « le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. »
En l’espèce, l’ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.
Il n’est pas contesté par la CPAM que ses écritures ont été adressées postérieurement à la date de l’ordonnance de clôture empêchant ainsi la requérante d’y répliquer dans les délais.
En conséquence, il conviendra d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture et la réouverture des débats en déclarant les dernières conclusions, conclusions numéro 3 de M. [I] [J] recevables.
Sur le refus de reconnaissance de maladie professionnelle au titre du tableau n°97
L’article L.461-1 du code de la sécurité sociale dispose qu’ « est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1 ».
Le tribunal relève que l’objet du litige porte uniquement sur la désignation de la maladie au titre du tableau n°97, telle que réclamée par le requérant .
Le tableau n°97 des maladies professionnelles vise au titre de la désignation de la maladie les « Sciatiques par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.
Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante. ».
La jurisprudence de la Cour de cassation pose qu’en matière de désignation de la maladie, il est admis la validité d’un certificat médical initial même s’il ne mentionne pas précisément la maladie telle que désignée au tableau des maladies professionnelles dès lors que les éléments mentionnés sur ledit certificat permettent de caractériser la pathologie prise en charge. Il n’appartient pas au juge de procéder à une analyse littérale du certificat médical initial mais de rechercher si l’affection déclarée est au nombre des pathologies désignées au tableau des maladies professionnelles visé.
Autrement dit, un certificat médical initial ne reprenant pas expressément les termes de la maladie désignée dans un tableau ne fait pas obstacle à une prise en charge dans la mesure où ce qui est mentionné sur le certificat permet de rattacher la pathologie à un tableau, pathologie qui devra ensuite être confirmée et précisée dans le cadre de l’enquête médico-administrative pour être retenue.
Dans le cadre de l’instruction du dossier, il appartient au médecin-conseil de la caisse de vérifier si les conditions médicales réglementaires du tableau sont remplies et de confirmer la pathologie.
En l’espèce, M. [I] [J] fait valoir qu’il souffre d’une double affection chronique : une lombalgie et une cervicalgie sévère.
Il est communiqué à la procédure le certificat médical initial en date du 18 mars 2019 qui indique : « lombalgie : dèbord discal L4 L5 et L5 S1 ».
M. [I] [J] affirme que la maladie dont il souffre doit être jugé comme entrant dans le champ des maladies ouvertes par le tableau des maladies professionnelles numéro 97.
L’existence d’une Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordant ou
d’une radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante telle que prévue par le tableau 97 des maladies professionnelles ne résulte d’aucun élément médical et n’est nullement établie par le requérant.
La pathologie désignée selon le certificat médical produit au soutien de la demande ne relevant pas de l’une des affections prévues aux tableaux des maladies professionnelles, la CPCAM a fait une exacte application de la loi en rejetant la demande de reconnaissance faite par M. [I] [J] le 28 avril 2020 à ce titre.
Sur l’irrecevabilité du recours concernant le taux d’incapacité
Suivant les dispositions de l’article L142-1 du code de la sécurité sociale,
« Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs :
1° A l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ;
2° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés au 5° de l’article L. 213-1 ;
3° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 1233-66, L. 1233-69, L. 3253-18, L. 5212-9, L. 5422-6, L. 5422-9, L. 5422-11, L. 5422-12 et L. 5424-20 du code du travail ;
4° A l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accident ou de maladie non régie par le livre IV du présent code, et à l’état d’inaptitude au travail ;
5° A l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6° A l’état ou au degré d’invalidité, en cas d’accidents ou de maladies régies par les titres III, IV et VI du livre VII du code rural et de la pêche maritime, à l’état d’inaptitude au travail ainsi que, en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles régies par les titres V et VI du même livre VII, à l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité ;
7° Aux décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d’accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du présent code, la détermination de la contribution prévue à l’article L. 437-1 ;
8° Aux décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa de l’article L. 241-9 du code de l’action sociale et des familles ;
9° Aux décisions du président du conseil départemental mentionnées à l’article L. 241-3 du même code relatives aux mentions “ invalidité ” et “ priorité ”. ».
L’Article L142-4 du code de la sécurité sociale dispose quant à lui, dans sa version applicable au présent litige, que :
Les recours contentieux formés dans les matières mentionnées aux articles L. 142-1 , à l’exception du 7°, et L. 142-3 sont précédés d’un recours préalable, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.
Dans les matières mentionnées à l’article L. 142-3, les recours peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs d’aliments, l’établissement ou le service qui fournit les prestations, le représentant de l’Etat dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés.
Il résulte des dispositions du Code de la sécurité sociale, que toute réclamation formée contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale doit être portée devant la commission de recours amiable dudit organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Par conséquent, le tribunal ne peut être valablement saisi si la commission de recours amiable de l’organisme n’a pas été valablement saisi antérieurement.
En l’espèce, il a été notifié à M. [I] [J] une décision de la caisse primaire en date du 7 septembre 2020 l’informant :
– d’une part que la maladie déclarée n’était pas référencée dans les tableaux de maladie professionnelle
– d’autre part que le médecin de l’assurance-maladie considérait que son taux d’incapacité était inférieur à 25 %, ce qui ne permettait pas de transmettre sa demande au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Il était également indiqué très clairement dans cette décision deux voies de recours :
– concernant le rejet du caractère professionnel de la maladie déclarée, la possibilité de recours devant la commission de recours amiable dans un délai de deux mois suivant notification, avec mention de l’adresse de la CRA,
– concernant le niveau d’incapacité permanente, la possibilité de recours auprès de la commission médicale de recours amiable dans un délai de deux mois suivant notification, également avec mention de l’adresse de la CMRA.
Or, force est de constater que M. [I] [J] n’a pas saisi la commission médicale de recours amiable de sa contestation de son taux d’incapacité permanente .
Faute de preuve d’un recours régulier, préalable et obligatoire dans le délai de deux mois, devant la commission médicale de recours amiable de l’organisme, la contestation de M. [I] [J] concernant son taux d’incapacité permanente est entachée de forclusion.
Le présent recours contentieux introduit le 19 janvier 2021 doit en conséquence être déclaré irrecevable de ce chef.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de l’instance seront mis à la charge de la partie qui succombe.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
REVOQUE l’ordonnance de clôture du 2 avril 2024 ;
DÉCLARE recevable, mais mal fondé, le recours de M. [I] [J] concernant la décision de rejet du caractère professionnel de la maladie déclarée le 28 avril 2020 ;
CONFIRME la décision rendue par la commission de recours amiable de la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône le 5 janvier 2021 refusant la prise en charge de l’affection de M. [I] [J] constatée le 18 mars 2019 au titre de la maladie professionnelle ;
DECLARE irrecevable, pour cause de forclusion faute de saisine préalable de la commission médicale de recours amiable dans le délai imparti, le recours contentieux formé par M. [I] [J] à l’encontre de la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 7 septembre 2020 fixant son taux d’incapacité permanente à un niveau inférieur à 25 % ;
DEBOUTE M. [I] [J] de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE M. [I] [J] aux dépens de l’instance ;
DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du Code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024 .
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
Laisser un commentaire