Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille
Thématique : Reconnaissance des Accidents du Travail : Conditions et Limites de la Prise en Charge
→ RésuméMonsieur [U] [M], directeur administratif et financier, a contesté le refus de la CPAM de reconnaître un accident du travail survenu le 19 décembre 2019, suite à une convocation à un entretien préalable. Malgré un certificat médical attestant de troubles anxieux sévères, le tribunal a jugé que l’accident ne répondait pas aux critères de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale. Les éléments présentés ont démontré que l’état de santé de Monsieur [U] [M] résultait d’une dégradation progressive de ses conditions de travail, et non d’un événement soudain. Le recours a été déclaré recevable mais mal fondé.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
20/02787
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
JUGEMENT N°24/03104 du 21 Octobre 2024
Numéro de recours: N° RG 20/02787 – N° Portalis DBW3-W-B7E-YCHZ
AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [U] [M]
né le 17 Novembre 1962 à [Localité 3] (MAROC) (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
comparant en personne assisté de Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 1]
représentée par Mme [W] (Inspecteur)
DÉBATS : À l’audience publique du 15 Avril 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : MOLCO Karine, Vice-Présidente
Assesseurs : DEODATI Corinne
LOZIER Michaël
L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Octobre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
Monsieur [U] [M] était employé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 12 septembre 2005 par la société [5] en qualité de directeur administratif et financier statut cadre.
Le 12 novembre 2018 le contrat de travail de Monsieur [U] [M] était transféré au GIE [2].
Monsieur [U] [M] était placé en arrêt de travail au titre de la maladie ordinaire selon certificat médical initial en date du 20 décembre 2019 puis certificat médical de prolongation en date du 10 janvier 2020.
Un nouveau certificat médical initial était établi le 27 janvier 2020 au titre de la législation professionnelle (accident du travail) par le Docteur [O] [H], psychiatre, qui constatait :
« réception d’une convocation à entretien préalable avec état de choc le lendemain (20 décembre) ayant conduit à un arrêt de travail au vu de la détresse émotionnelle intense résultante. Trouble anxieux sévère avec effondrement estime de soi, insomnie complète pendant la période d’attente. Entretien ayant eu lieu le 7 janvier ayant abouti à un licenciement. Anorexie, culpabilité par rapport à sa famille, pessimisme avec idées noires. »
Une déclaration d’accident du travail était établie en date du 27 février 2020 par l’employeur qui émettait des réserves.
Par courrier daté du 25 mai 2020 , la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône informait Monsieur [U] [M] de son refus de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dont il déclarait avoir été victime le 19 décembre 2019.
Par courrier en date du 23 juin 2020, Monsieur [U] [M] saisissait la commission de recours amiable afin de contester cette décision.
Par décision du 8 octobre 2020 , la commission de recours amiable de la caisse primaire rejetait son recours et confirmait la décision initiale de la CPAM en date du 25 mai 2020.
Par requête expédiée le 6 novembre 2020, Monsieur [U] [M] , par l’intermédiaire de son conseil, saisissait le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, afin de contester cette décision .
L’ affaire a été retenue à l’audience du 15 avril 2024.
Monsieur [U] [M], représenté par son conseil, sollicite du tribunal de :
– dire et juger que l’accident de Monsieur [U] [M] du 19 décembre 2019 remplit les critères de l’article L411 – 1 du code de la sécurité sociale ;
– annuler la décision de la commission de recours amiable en date du 8 octobre 2020 et la décision de la CPAM du 25 mai 2020 ;
– reconnaître le caractère professionnel de l’accident ayant entraîné un arrêt de travail le 19 décembre 2019 ;
– dire et juger que l’accident dont a été victime Monsieur [U] [M] sera pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;
– condamner la CPAM des Bouches-du-Rhône à payer à Monsieur [U] [M] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par voie de conclusions développées à l’audience par l’intermédiaire d’une inspectrice juridique, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône sollicite du tribunal de débouter Monsieur [U] [M] de l’ensemble de ses demandes et de confirmer la décision de refus de prise en charge de l’accident déclaré du 19 décembre 2019 au titre de la législation professionnelle.
Il convient de renvoyer l’examen des moyens des parties à leurs conclusions déposées et auxquelles il convient de se référer conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.
A l’issue des débats, l’ affaire a été mise en délibéré au 2 juillet 2024 prorogé au 21 octobre 2024.
Selon l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Il s’ensuit que l’accident du travail se définit comme un événement soudain, survenu au temps et au lieu de travail, ce qui s’entend par un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.
L’accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail.
Il appartient cependant à celui qui se prétend avoir été victime d’un accident du travail d’établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel.
Les dispositions du code de sécurité sociale relatives aux accidents de travail ne sont pas
applicables aux affections qui, bien que /contractées dans l’exercice de la profession, n’ont
pas pour cause la brusque apparition d’une lésion physique et sont le résultat d’une série d’événements à évolution progressive auxquels on ne peut assigner une origine précise.
En l’espèce, le certificat médical en date du 27 janvier 2020 établi par le Docteur [H] [D], psychiatre, fait état au titre des lésions constatées de : « réception d’uneconvocation à entretien préalable avec état de choc le lendemain (20 décembre) ayant conduit à un arrêt de travail au vu de la détresse émotionnelle intense résultante. Trouble anxieux sévère avec effondrement estime de soi, insomnie complète pendant la période d’attente.
Entretien ayant eu lieu le 7 janvier et ayant abouti au licenciement. Anorexie, culpabilité par
rapport à sa famille, pessimisme avec idées noires. ».
Le conseil de Monsieur [U] [M] soutient que c’est le 19 décembre 2019, à la réception de la convocation à l’entretien préalable, que ce dernier a été victime d’un choc psychologique soudain et violent.
Il fait valoir le témoignage de Madame [C], sa compagne, qui relate que Monsieur [U] [M] l’a contactée par téléphone le 19 décembre 2019 à réception de la convocation de son employeur; qu’ il était complètement désemparé, pris de tremblements violents ; qu’elle l’entendait claquer des dents ; qu’il s’est mis à bafouiller et à avoir le souffle court et qu’il lui a indiqué avoir des palpitations; que cette crise a duré longtemps, environ 10 minutes, et qu’elle a eu du mal à le ramener au calme.
Il allègue en conséquence qu’il existe un événement certain lié au travail de Monsieur [U] [M], en l’espèce la réception du courrier de convocation à l’entretien préalable, ayant causé la lésion soudaine et brutale médicalement constatée le lendemain.
Il souligne que son arrêt de travail trouve exclusivement son origine dans la dégradation de ses conditions de travail et le choc psychologique subi le 19 décembre 2019, le Docteur [O] ayant attesté de l’absence de tout antécédent.
Il soutient que l’accident étant bien survenu par le fait du travail, la présomption d’imputabilité prévue par l’article L411 – 1 du code de la sécurité sociale s’applique de plein droit.
Il ressort cependant du questionnaire rempli par l’assuré et du compte rendu d’entretien préalable joint en date du 7 janvier 2020 que ce dernier savait que son départ était « acté et souhaité depuis longtemps ».
Il relate dans ce questionnaire que « ce déclassement, cette placardisation, ce harcèlement moral, cette malveillance à son encontre sont avérés et affectent profondément sa santé ».
Il indique également que « les différents événements et échanges survenus depuis l’entretien sollicité par Monsieur [G] le 2 décembre 2019 sont la parfaite illustration de ce harcèlement » et que « depuis un an, la situation est très compliquée ».
Le conseil de Monsieur [U] [M], dans la requête introductive d’instance et dans ses dernières conclusions, indique que c’est à compter du transfert du contrat de travail de [U] [M] au GIE [2] le 12 novembre 2018 que ce dernier s’est retrouvé « petit à petit dépossédé de ses fonctions et de ses responsabilités de directeur administratif et financier ».
L’ensemble de ces éléments démontre que cela n’est pas la simple réception de la lettre de convocation à entretien préalable qui a provoqué l’état constataté par le psychiatre le 27 janvier 2020 .
Cet état ne résultait pas d’un fait soudain qui se serait produit le 19 décembre 2019 mais d’une apparition lente et progressive depuis le 12 novembre 2018.
Aucun élément du dossier ne permet d’établir le caractère soudain et anormal dans le cadre du travail.
Il résulte ainsi de l’ensemble de ces éléments que [U] [M] ne produit aucune pièce de nature à démontrer les faits dont il se prévaut, et notamment la survenance d’un fait soudain et précis au temps et au lieu du travail, de sorte qu’il n’établit pas, autrement que par ses propres affirmations, les circonstances exactes de l’accident.
Par conséquent, il y a lieu de confirmer la décision de la commission de recours amiable et le refus de prise en charge de l’accident allégué de Monsieur [U] [M] en date du 19 décembre 2019 au titre de la législation professionnelle, et de débouter Monsieur [U] [M] de sa demande.
Sur les dépens
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [U] [M], succombant à l’instance, sera condamnée à en supporter les dépens.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE recevable, mais mal fondé, le recours de Monsieur [U] [M] ;
CONFIRME la décision du 25 mai 2020 de la CPAM des Bouches-du-Rhône et le refus de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident allégué de Monsieur [U] [M] en date du 19 décembre 2019 ;
DÉBOUTE Monsieur [U] [M] de ses demandes ;
DIT que les dépens de l’instance seront supportés par Monsieur [U] [M] ;
DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l’article 538 du Code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2024.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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