Tribunal judiciaire de Marseille, 19 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille, 19 septembre 2024

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : L’atteinte à la dénomination sociale constitue une concurrence déloyale

Résumé

L’atteinte à la dénomination sociale est un acte de concurrence déloyale, distinct de la contrefaçon de marque. Une personne morale, dès son immatriculation, acquiert des droits sur sa dénomination, lui permettant de s’opposer à toute usurpation créant un risque de confusion. La liberté du commerce est fondamentale, mais elle peut être restreinte par des actes déloyaux. Dans une affaire récente, la société TECHNISOL a obtenu gain de cause contre TECHN ISOL pour contrefaçon et concurrence déloyale, illustrant l’importance de protéger les dénominations sociales contre des imitations susceptibles de tromper le consommateur.

L’atteinte à la dénomination sociale constitue un fait de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon de marque.

Une personne morale détient des droits privatifs sur sa dénomination sociale lui conférant le pouvoir de s’opposer à son usurpation par un tiers dès lors que sa reproduction ou imitation est de nature à créer un risque de confusion. La personne morale acquiert ce droit sur sa dénomination sociale à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Alors que l’action en contrefaçon protège la marque dans sa fonction d’identification de l’origine des produits ou services, la dénomination sociale est protégée en ce qu’elle permet d’identifier la personne juridique.

La liberté du commerce et de l’industrie est une liberté publique de valeur constitutionnelle.

En conséquence, la concurrence entre commerçants est libre et n’est restreinte que de façon exceptionnelle par le législateur ou par des accords conventionnels dérogatoires entre acteurs économiques, autorisés par les autorités françaises ou européennes de régulation de la concurrence.

Les dommages subis par un commerçant du fait de la concurrence émanant d’un autre commerçant ne constituent pas un préjudice réparable, sauf si une faute délictuelle a été commise par ce dernier, consistant en un acte de concurrence déloyale ou une activité parasitaire traduisant un abus de cette liberté.

La victime des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme peut alors demander réparation de ses préjudices sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

La preuve de la faute, mais également du risque de confusion, incombe à celui qui invoque une concurrence déloyale et/ou parasitaire.

Résumé de l’affaire : La société TECHNISOL, spécialisée dans la fabrication de chapes fluides, a assigné la société TECHN ISOL en contrefaçon et concurrence déloyale en raison de l’utilisation du signe « TECHN ISOL ». Le Tribunal de grande instance de Marseille a jugé en faveur de TECHNISOL, ordonnant à TECHN ISOL de cesser l’utilisation de ce signe et de changer de dénomination sociale, tout en condamnant TECHN ISOL à verser des dommages et intérêts. Malgré des modifications apportées par TECHN ISOL, TECHNISOL a continué à contester l’utilisation du signe et a formé opposition à une demande de marque déposée par TECHN ISOL. L’INPI a finalement rejeté cette demande pour certains services, confirmant le risque de confusion entre les deux marques. TECHNISOL a ensuite assigné TECHN ISOL et son co-gérant pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Le juge de la mise en état a rejeté les exceptions soulevées par TECHN ISOL, et la Cour d’appel a confirmé cette décision. TECHNISOL demande maintenant des mesures d’interdiction et des réparations financières, tandis que TECHN ISOL conteste les accusations, affirmant qu’il n’y a pas de concurrence directe et qu’aucune atteinte à la marque n’a été prouvée. La procédure a été clôturée le 9 avril 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
21/09307
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 19 Septembre 2024

Enrôlement : N° RG 21/09307 – N° Portalis DBW3-W-B7F-ZH2G

AFFAIRE : S.A.S. TECHNISOL( Me Catherine CHAMAGNE)
C/ S.A.R.L. TECHNIC ISOL et M. [F] [G] (Me Capucine VAN ROBAYS)

DÉBATS : A l’audience Publique du 20 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (Juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 19 Septembre 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

S.A.S. TECHNISOL au capital de 1 003 765 euros, immatriculée au RCS d’Avignon sous le n°452 018 567, prise en la personne de son représentant légal, son Président, domicilié ès qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Catherine CHAMAGNE, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Céline CUVELIER de la SELARL B CUBE, avocat plaidant au barreau de PARIS

C O N T R E

DEFENDEURS

S.A.R.L. TECHNIC ISOL, immatriculée au RCS de Salon de Provence sous le n° 799 512 033 dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par son gérant en exercice domicilié es qualité auditsiège

Monsieur [F] [G]
né le 22 Juillet 1984 à [Localité 4]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Tous deux représentés par Me Capucine VAN ROBAYS, avocat au barreau de MARSEILLE,

EXPOSE DU LITIGE

La société TECHNISOL, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Avignon depuis le 11 février 2004, a pour activité la fabrication de chapes fluides, coulées directement sur chantiers par des centrales mobiles, destinées à recevoir tout type de revêtements (élastiques, textiles, parquet, carrelages, résine et peinture). Principalement établie dans le Vaucluse, elle dispose également de plusieurs établissements secondaires et de dépôts dans les départements de l’Ardèche, du Cantal, de la Haute-Garonne, de l’Hérault, de la Lozère et du Var.

Elle est titulaire de plusieurs marques verbales ou semi figuratives françaises et européennes dont la marque verbale française “TECHNISOL” enregistrée le 30 novembre 2009 sous le numéro 09 3 695 239 en classes 1 (produits chimiques destinés à l’industrie, adhésifs pour mortier et pour produits pulvérulents ; adhésifs destinés à l’industrie ; adjuvants du béton), 19 (matériaux et éléments de construction non métalliques pour sols et chapes de sol ; mortiers et bétons auto-plaçants, auto-nivelants et autolissants ; pierres naturelles et artificielles, ciment, chaux, mortiers, plâtres et gravier) et 37 (construction d’édifices, peinture, plâtrerie, couverture de sols; travaux publics ; location d’outils et de matériel de construction ; scellement, traitement de surfaces (murs, sols et fondations).

Elle exploite également depuis le 25 juin 2004 le nom de domaine pour identifier un site internet consacré à son activité.

Par acte en date du 18 octobre 2018, elle a fait assigner la société TECHN ISOL devant le Tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon et concurrence déloyale.

Par jugement en date du 14 novembre 2019, devenu définitif, le Tribunal de grande instance de Marseille a dit qu’en usant du signe « TECHN ISOL », d’une part à titre de dénomination sociale, d’autre part pour désigner des produits ou services identiques ou similaires aux produits et services de la classe 37 dans laquelle est enregistrée la marque TECHNISOL, et enfin à titre de nom de domaine, la société TECHN ISOL a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société TECHNISOL, enjoint à la société TECHN ISOL de cesser toute utilisation de ce signe à titre de dénomination sociale et de nom de domaine sous la forme mais également pour désigner des produits ou services identiques ou similaires aux produits et services de la classe 37 dans laquelle est enregistrée la marque TECHNISOL, dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, sous peine passé ce délai d’une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de six mois à l’issue desquels il pourra de nouveau être statué, enjoint à la société TECHN ISOL d’une part de changer de dénomination sociale, de faire radier le nom de domaine dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, sous peine, passé ce délai d’une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de six mois à l’issue desquels il pourrait de nouveau être statué, condamné la société TECHN ISOL à payer à la société TECHNISOL une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, débouté la société TECHNISOL de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et condamné la société TECHN ISOL à lui payer une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Le 28 février 2020, la société TECHN ISOL a procédé à la réservation du nom de domaine «technic-isol.com » et entrepris des formalités de changement de dénomination sociale auprès du greffe dans le même sens au mois de mars 2020.

Le 4 mars 2020, son co-gérant, [F] [G], a déposé à l’INPI, en son nom personnel, la demande de marque verbale française « technic isol » n° 204629792 pour identifier les produits et services suivants :
– classe 11 : appareils de chauffage ; installations sanitaires ; installations de climatisation ; appareils et machines pour la purification de l’eau ;
– classe 27 : revêtements de sols ;
– classe 37 : construction ; informations en matière de construction ; conseils en construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; maçonnerie ; travaux de plâtrerie ; travaux de plomberie ; travaux de couverture de toits ; services d’isolation (construction) ; démolition de constructions ; location de machines de chantier ; nettoyage d’édifices (surface extérieure) ; nettoyage de fenêtres ; dératisation ; installation, entretien et réparation de machines ; réparation de serrures ; restauration de mobilier ;
– classe 40 : purification de l’air ; production d’énergie.
Cette demande de marque a été publiée le 27 mars 2020 au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) 20/13 du 27 mars 2020.

La société TECHNISOL a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2020, mis en demeure la société TECHNIC ISOL de procéder au retrait de la demande de marque verbale n°4629792 en classes 27 et 37 et de cesser l’usage du signe « TECHNIC ISOL », sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, pour identifier des produits et/ou services identiques ou similaires à ses marques.
Le 3 août 2020, la société TECHNISOL a formé opposition à son enregistrement auprès du Directeur de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) sur le fondement de sa marque verbale française antérieure « TECHNISOL » n° 093695239, pour une partie des produits et services visés à son libellé, à savoir :
– classe 27 : revêtements de sols ;
– classe 37 : construction ; informations en matière de construction ; conseils en construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; maçonnerie ; travaux de plâtrerie ; travaux de plomberie ; travaux de couverture de toits ; services d’isolation (construction) ; démolition de constructions ; location de machines de chantier ; nettoyage d’édifices (surface extérieure) ; nettoyage de fenêtres ; dératisation ; installation, entretien et réparation de machines ; réparation de serrures ; restauration de mobilier.
Le 14 décembre 2020, Monsieur [G] a retiré quasiment tous les produits et services listés ci-avant à l’exception des « travaux de plomberie ; travaux de couverture de toits ».

Par décision du 19 avril 2021 devenue définitive, le Directeur de l’INPI a reconnu l’opposition justifiée et a rejeté la demande de marque verbale française « technic isol» n° 204629792 pour les services de « travaux de plomberie ; travaux de couverture de toits » (classe 37), considérant que : « compte tenu des ressemblances d’ensemble entre les signes, il existe un risque d’association entre les signes, le consommateur étant fondé à croire que ces deux marques présentent la même origine économique. Le signe verbal contesté TECHNIC ISOL est donc similaire à la marque verbale antérieure TECHNISOL. »

Reprochant à la société TECHNIC ISOL de continuer d’utiliser le signe « TECHNIC ISOL » à titre de marque, de dénomination sociale et de nom de domaine, dans le cadre de ses activités qui demeurent les mêmes qu’en 2018, la SAS TECHNISOL a, par acte en date des 13 et 18 octobre 2021, fait assigner la SARLTECHNIC ISOL et [F] [G] devant le Tribunal judiciaire de Marseille en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, la SARLTECHNIC ISOL et [F] [G] ont saisi le juge de la mise en état d’une exception d’incompétence au profit du juge de l’exécution et d’une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.

Par ordonnance en date du 8 septembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence et la fin de non recevoir soulevées par la SARLTECHNIC ISOL et [F] [G], condamné in solidum la SARLTECHNIC ISOL et [F] [G] aux dépens de l’incident, et à payer à la SAS TECHNISOL la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, et débouté la SAS TECHNISOL de sa demande de condamnation à une amende civile.

Par arrêt du 26 octobre 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé en toutes ses dispositions cette décision et condamné solidairement la société TECHNIC ISOL et Monsieur [G] à payer à la société TECHNISOL la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,ainsi qu’aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 février 2024 , auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société TECHNISOL demande au tribunal de :
– interdire à la société TECHNIC ISOL et à Monsieur [G] d’utiliser et/ou d’exploiter, directement ou indirectement, un signe identique ou similaire au signe TECHNISOL, en ce compris le signe « TECHNIC ISOL », à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, pour désigner des produits et/ou services identiques ou similaires à ceux protégés par la marque verbale française « TECHNISOL » n°093695239, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard suivant la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur l’astreinte définitive ;
– interdire à la société TECHNIC ISOL et à Monsieur [G] d’utiliser un signe identique ou similaire au signe TECHNISOL, et de poursuivre l’usage du signe «TECHNIC ISOL », pour présenter et promouvoir des services relevant du secteur du bâtiment, sur quelque support et par quelque moyen que ce soit, en ce compris les réseaux sociaux, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard suivant la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur l’astreinte définitive ;
– ordonner à la société TECHNIC ISOL de modifier sa dénomination sociale, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, au plus tard dans les huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur l’astreinte définitive ;
– ordonner à la société TECHNIC ISOL de radier ou faire radier le nom de domaine , sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, au plus tard dans les huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur l’astreinte définitive ;
– ordonner , sous astreinte de 500 € par jour de retard, le retrait aux fins de destruction, aux frais des défendeurs, de l’intégralité des supports reproduisant le signe litigieux « TECHNIC ISOL » (documents commerciaux, supports publicitaires, plaquettes d’information, cartes de visite, catalogues, tenues vestimentaires, etc.), où qu’ils se situent et sous quelque forme que ce soit, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur l’astreinte définitive ;
– condamner la société TECHNIC ISOL et Monsieur [G] solidairement à lui verser la somme de 35.000 € en réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon ;
– condamner la société TECHNIC ISOL à lui verser la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale ;
– rappeler que le jugement à intervenir sera de plein droit assorti de l’exécution provisoire ;
– condamner la société TECHNIC ISOL et Monsieur [G] solidairement à lui verser la somme de 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;
– condamner la société TECHNIC ISOL et Monsieur [G] solidairement aux entiers
dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la société défenderesse a porté atteinte à ses droits de propriété intellectuelle en usant du signe TECHNIC ISOL pour identifier des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et à titre de nom commercial, et enfin en usant d’un nom de domaine comportant ce signe; qu’il s’agit d’une imitation du signe protégé par le dépôt de marque ; que les produits sont identiques ou à tout le moins similaires, s’agissant notamment de ceux de la classe 37, et même si la marque verbale française « technic isol » n° 204629792 ne vise plus à son libellé des produits et services similaires à ceux identifiés sous la marque antérieure «TECHNISOL » n°093695239, ce sont bien ces services que la société TECHNIC ISOL propose, sous le signe TECHNIC ISOL, à la clientèle, comme en atteste ses supports de présentation et promotion de ses activités; que tous ces services sont similaires à ceux visés sous la marque antérieure opposée puisqu’ils relèvent du secteur du bâtiment et sont susceptibles d’être rendus par les mêmes entreprises; que les similitudes sont importantes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel; qu’en effet, les signes « TECHNISOL » et « technic isol » évoquent pareillement le même domaine d’activité à savoir celui du bâtiment et de la construction, et si la défenderesse soutient que dans ses observations en réponse le signe antérieur [TECHNISOL] renvoie aux travaux de sol tandis que celui de la marque TECHNIC ISOL renvoie à des techniques d’isolation, cette thèse a été écartée à juste titre par le Directeur de l’INPI ; que la similarité des signes en présence, conjuguée à l’identité et/ou la similarité des services, est de nature à créer un risque de confusion, ou à tout le moins d’association, auprès d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ainsi que l’a retenu le Directeur de l’INPI; que si la société TECHNIC ISOL a modifié son objet social en décembre 2020, dans la pratique, ses activités s’étendent aux services d’entretien et de rénovation de l’habitat au sens large, ainsi qu’il ressort de son site internet; qu’il en va de même de l’usage du nom de domaine depuis le 28 février 2020 pour donner accès à un site sur lequel elle présente ses activités relevant du secteur du bâtiment, services visés au libellé de la marque antérieure « TECHNISOL».
Elle ajoute que l’utilisation par la défenderesse du signe « TECHNIC ISOL » à titre de dénomination sociale est constitutive d’actes de concurrence déloyale en raison de l’atteinte portée à sa dénomination sociale et à son nom de domaine antérieurs ; que les signes en présence sont similaires et leur proximité est renforcée par le fait que, dans le cadre de leur exploitation, chaque signe est reproduit dans la même gamme de couleur; que le consommateur d’attention moyenne, qui sera rarement en situation de comparer les dénominations sociales l’une à côté de l’autre, ne sera pas en mesure de percevoir les différences mineures; que de même, il n’est pas contestable que la société TECHNIC ISOL est une concurrente de TECHNISOL puisqu’elle intervient dans le domaine de la construction, sur le même territoire (France), et auprès de la même clientèle à savoir des personnes physiques et des entreprises privées ou publiques; que le risque de confusion est accru par la proximité géographique des sièges sociaux des parties et le fait que les deux sociétés interviennent dans la même zone géographique, à savoir le sud de la France ; qu’en outre, la ressemblance est également évidente entre les deux noms de domaine.
Elle souligne que les actes de contrefaçon ont porté une nouvelle fois atteinte à la valeur attractive de sa marque et que la concurrence déloyale a entraîné un détournement de clientèle et porté atteinte à sa réputation professionnelle; qu’il y a lieu de prendre en considération le fait que les défendeurs connaissaient la société TECHNISOL, et avaient parfaitement connaissance de l’atteinte portée à ses droits, en raison des précédents litiges les ayant opposés devant le Tribunal judiciaire et le Directeur de l’INPI.
Elle prétend que le refus délibéré et persistant de Monsieur [G] de changer de signe distinctif pour identifier les activités de sa société justifie que sa responsabilité civile personnelle soit engagée in solidum avec celle de la société qu’il dirige, ses agissements commis intentionnellement et délibérément, avec une intention manifeste de porter atteinte aux droits de TECHNISOL, caractérisant une faute séparable de ses fonctions sociales puisqu’incompatibles avec l’exercice de celles-ci.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 avril 2024, auxquelles il convient de renvoyer expressément pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société TECHNIC ISOL et [F] [G] demandent au Tribunal de:
– juger que la société TECHNISOL n’apportent aucun élément de nature à démontrer qu’ils auraient porté atteinte à la marque antérieure « TECHNISOL » par l’usage du signe « TECHNIC ISOL » par la société TECHNIC ISOL, pour identifier des services relevant du secteur du bâtiment, fait usage de la marque verbale antérieure « TECHNISOL » par l’usage de la dénomination sociale TECHNIC ISOL et du nom de domaine « technic.isol.com », et commis des actes de concurrence déloyale ;
– juger que la société TECHNISOL ne justifie pas du bien-fondé de ses demandes et en conséquence,
– débouter la société TECHNISOL de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner la société TECHNISOL à leur régler à chacun, la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– rejeter la demande d’exécution provisoire formulée par la société TECHNISOL,
– condamner la société TECHNISOL aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Maître VAN ROBAYS, Avocat aux offres de droit, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu’elle n’est pas en concurrence directe avec la demanderesse, puisque la demanderesse œuvre dans le domaine du gros œuvre, sur des ouvrages au sol et elle-même exerce dans le domaine du second œuvre, sur la pose de systèmes de climatisation, travaux en toiture, isolation; que de plus, la marque « TECHNIC ISOL » a été enregistrée sous les classes de produits et services 11 et 40, et aucunement sous la classe 37, et les deux marques sont complètement différentes, notamment au niveau de leur sonorité; qu’en effet, pour la société TECHNISOL, le « S » se prononce [s], celle-ci faisant référence aux travaux qu’elle réalise au sol, tandis que pour la société TECHNIC ISOL, le « S » se prononce [z], le terme « ISOL » étant l’abréviation du terme « isolation », domaine dans lequel la société TECHNISOL n’œuvre pas; qu’il n’existe aucun risque de confusion pour un consommateur normal; qu’ainsi, les produits ou services proposés par la société TECHNIC ISOL ne sont aucunement identiques à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée par la société TECHNISOL, et rien ne démontre qu’il y ait atteinte ou possibilité de porte atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, puisque les sociétés à la présente procédure n’ont pas la même activité; qu’en tout état de cause, la société TECHNISOL ne démontre pas que sa marque bénéficie d’une connaissance certaine auprès du public ; qu’aucun acte de concurrence déloyale n’est établi, puisque les deux sociétés ne sont pas directement concurrentes, qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle exerce dans un domaine d’activité différent; que s’agissant de la mise en cause de Monsieur [G] à titre personnel, il n’est pas démontré de faute détachable de ses fonctions; que dès lors qu’il y a eu contestation de la société TECHNISOL, il a, de sa propre initiative, réduit ses demandes et lorsque le Directeur de l’INPI a laissé entrevoir un risque de confusion, il ne s’est aucunement opposé à cette appréciation, ce qui démontre qu’il n’a aucunement agi de façon délibéré pour atteindre les droits de la partie demanderesse.

La procédure a été clôturée à la date du 9 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contrefaçon

En application de l’article L713-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.

L’article L 713-2 dispose qu’“est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services:
1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.”

Il résulte de ce texte que, lorsqu’un signe seulement similaire à la marque est utilisé pour désigner des produits identiques ou similaires, la qualification de contrefaçon est subordonnée à la preuve de l’existence d’un risque de confusion. L’imitation consiste à emprunter des éléments de la marque d’autrui sans pour autant les reproduire exactement et à s’en rapprocher au point de créer un danger de confusion avec la marque imitée dans l’esprit du public.

En l’espèce, la société demanderesse reproche à la société défenderesse, par l’usage du signe TECHNIC ISOL dans son nom commercial, son nom de domaine et pour diffuser ses produits et services, d’imiter la marque TECHNISOL n° 09 3 695 239, dont elle est titulaire depuis son enregistrement le 30 novembre 2009.

Constitue un risque de confusion l’éventualité que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Ce risque doit être apprécié globalement, selon la perception que le public a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents.

L’appréciation globale du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les deux signes, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants.
Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts et inversement.

Plus la similitude des produits et services couverts par la marque est grande et plus le caractère distinctif est fort, plus le risque de confusion est élevé.
La victime potentielle du risque d’erreur quant à l’origine des produits ou services est le client de la marque qui n’a pas en même temps les deux signes sous les yeux. Il y a donc lieu de se référer à l’impression d’ensemble laissée par la marque dans l’esprit d’un client moyen.

En l’espèce, sur le plan visuel, les deux signes ne sont pas identiques, puisque l’un s’écrit d’un seul tenant alors que l’autre est constitué de deux mots, TECHNIC puis ISOL séparés par un espace. La similitude doit donc être considérée comme moyenne même si les lettres qui composent les deux signes sont identiques.

Sur le plan phonétique, ainsi que le relève à juste titre le Directeur de l’INPI, les signes en cause contiennent les mêmes sonorités d’attaque et finales [tek-ni-zol] ce qui leur confère une prononciation très proche. (…) Les seules différences résidant dans la présence des lettres C et I d’un espace dans le signe contesté, ne sont pas de nature à exclure tout risque de confusion entre les deux signes, dès lors qu’ils restent dominés par des séquences de lettres TECHNI/SOL et de sonorités communes ; en particulier, les lettres C et I n’ont qu’un faible impact phonétique qui ne retiendront pas l’attention du consommateur. La similitude doit être considérée comme moyenne.

Sur le plan conceptuel, à savoir la signification que le public pertinent associe au signe, la défenderesse soutient que la marque première renvoie à des travaux de sol tandis que sa marque renvoie aux techniques de l’isolation.
Cependant, ainsi que le relève le directeur de l’INPI, « rien ne permet d’affirmer que cette différence d’évocation sera perçue par le consommateur d’attention et de culture moyennes ».
La ressemblance sur ce plan doit donc être considérée comme moyenne.

Au total, sur les trois plans précités, la similitude des signes doit être considérée comme moyenne.

S’agissant des produits et services, la marque « TECHNISOL » est déposée dans les classes :
– 1 : produits chimiques destinés à l’industrie, adhésifs pour mortier et pour produits pulvérulents; adhésifs destinés à l’industrie ; adjuvants du béton ;
– 19 : matériaux et éléments de construction non métalliques pour sols et chapes de sol ; mortiers et bétons auto-plaçants, auto-nivelants et autolissants ; pierres naturelles et artificielles, ciment, chaux, mortiers, plâtres et gravier ;
– 37 : construction d’édifices, peinture, plâtrerie, couverture de sols ; travaux publics ; location d’outils et de matériel de construction ; scellement, traitement de surfaces (murs, sols et fondations).

La marque « TECHNIC ISOL » n° 204629792 a été finalement déposée pour identifier les produits et services suivants :
11 : appareils de chauffage, installations sanitaires, installations de climatisation ; appareils et machines pour la purification de l’eau;
40 : purification de l’air, production d’énergie.

Cependant, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 6 mai 2021 sur le site internet accessible à l’adresse que les services identifiés sous le signe « TECHNIC ISOL » sont notamment l’entretien et la rénovation de l’habitat, l’isolation des combles, l’étanchéité des toitures, l’hydrofuge toiture et façade, l’isolation de la façade par l’intérieur ou l’extérieur, la menuiserie (fenêtres PVC et aluminium, portails, portes de garage, portes d’entrée…), la restauration de façades anciennes et ravalements des maisons et immeubles récents.

Dès lors, même si la marque verbale française « TECHNIC ISOL » n° 204629792 ne vise plus à son libellé des produits et services similaires à ceux identifiés sous la marque antérieure «TECHNISOL » n°093695239, ce sont bien ces services que la société TECHNIC ISOL propose, sous le signe TECHNIC ISOL, à la clientèle, comme en atteste ses supports de présentation et promotion de ses activités.

La société TECHNIC ISOL indique qu’elle exerce dans le domaine des travaux d’installations d’équipements thermiques et de climatisation et qu’elle intervient dans le domaine de « l’achat, vente et maintenance de tout matériel de climatisation, pompes à chaleur, panneau solaire et matériel d’isolation ainsi que la pose de ces derniers. Toutes activités d’agent commercial, intermédiaire de commerce en produits divers mais aussi la commercialisation de produits liés au second œuvre » ainsi qu’il résulte de ses statuts et du changement d’objet social opéré en décembre 2020.

Les statuts de la société TECHNISOL prévoient que son objet social est :
« Application chape fluide,
Tous travaux de maçonnerie, électricité, plomberie, carrelage,…
Toutes opérations industrielles, commerciales et financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher à l’objet social et à tous objets similaires ou connexes,
La participation de la société, par tous moyens, à toutes entreprises ou sociétés créées ou à créer, pouvant se rattacher à l’objet social, notamment par la voie de création de sociétés nouvelles, d’apport, commandite, souscription ou rachat de titres ou droits sociaux, fusion, alliance ou association en participation ou groupement d’intérêt économique ou de location gérance ».

Il apparaît donc que la société TECHNIC ISOL propose dans les faits des services similaires à ceux de la classe 37 dans laquelle est enregistrée la marque «TECHNISOL».

Dans ces conditions, le degré moyen de similitude entre les signes doit être considérée comme compensé par la similarité des produits et services en cause.

Il s’en déduit qu’un risque de confusion existe chez le consommateur moyen qui peut être amené à croire à l’identité d’origine des produits et services ou, à tout le moins, à une association entre les deux entreprises qui les distribuent, étant précisé que le risque de confusion s’apprécie par rapport au consommateur moyen qui n’a pas les différents signes sous les yeux.

Dans ces conditions, il doit être considéré que le signe « TECHNIC ISOL » porte bien atteinte à la marque « TECHNISOL » par le risque de confusion qu’il est susceptible d’induire chez le consommateur moyen. A cet égard, il importe peu que les deux entreprises n’aient pas le même secteur d’activité géographique.

L’usage du signe « TECHNIC ISOL », à titre de dénomination sociale mais également pour désigner des produits ou services identiques ou similaires aux produits et services de la classe 37 dans laquelle est enregistrée la marque « TECHNIISOL », consacre donc une contrefaçon au sens du Code de la propriété intellectuelle.

Quant au nom de domaine , dès lors que le site internet qui y est associé renvoie aux services commercialisés par l’entreprise TECHNIC ISOL, il doit être considéré qu’il sert également à désigner des services proposés à la vente et qu’il est contrefaisant. Le fait que ce nom soit associé à l’extension “com” au lieu de l’extension “fr” est insuffisant pour marquer une différence significative excluant tout risque de confusion, puisqu’il s’agit déléments nécessaires à tout nom de domaine auxquels les consommateurs n’attribuent aucun pouvoir distinctif.

Afin de mettre un terme à la contrefaçon, il sera fait injonction à la société TECHNIC ISOL et à Monsieur[G] de cesser d’utiliser et/ou d’exploiter, directement ou indirectement, le signe « TECHNIC ISOL », à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, pour désigner des produits et/ou services identiques ou similaires à ceux protégés par la marque verbale française « TECHNISOL » n°09 3 695 239, ce dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine, passé ce délai d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de six mois à l’issue de laquelle il pourra de nouveau être statué.

La demande d’interdiction du signe « TECHNIC ISOL » pour présenter et promouvoir des services « relevant du secteur du bâtiment » est trop large et il n’y a pas lieu d’y faire droit; il en va de même que la demande visant à interdire l’usage d’un « signe identique ou similaire au signe TECHNISOL ».

Il lui sera également fait injonction à la défenderesse, d’une part de changer de dénomination sociale, d’autre part de faire radier le nom de domaine dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de six mois à l’issue de laquelle il pourra de nouveau être statué.

Ces injonctions sont suffisantes pour faire cesser les actes de contrefaçon, sans qu’il y ait lieu d’ordonner la mesure de destruction demandée dès lors que, si la société défenderesse continuait à utiliser des documents sur lequel le signe contrefaisant est apposé, elle tomberait sous le coup des injonctions délivrées et des astreintes qui l’assortissent.

S’agissant de la demande de dommages-intérêts, en application de l’article L 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l’espèce, la société demanderesse sollicite une somme forfaitaire de 35.000 euros. Elle motive sa demande par l’atteinte portée à la valeur attractive de sa marque, insistant sur le montant extrêmement modeste des dommages-intérêts obtenus à l’occasion du précédent litige ayant opposé les parties, qui manifestement n’a pas été dissuasif, et le fait que la marque « TECHNIC ISOL » est apposée aussi bien sur le site internet de la société TECHNIC ISOL, que sur sa page Facebook, les tenues vestimentaires de ses salariés/employés et ses véhicules.

Au vu de ces éléments, il apparaît que la société TECHNISOL a subi un préjudice économique et moral qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 15.000 euros.

Sur la concurrence déloyale

La liberté du commerce et de l’industrie est une liberté publique de valeur constitutionnelle.

En conséquence, la concurrence entre commerçants est libre et n’est restreinte que de façon exceptionnelle par le législateur ou par des accords conventionnels dérogatoires entre acteurs économiques, autorisés par les autorités françaises ou européennes de régulation de la concurrence.

Les dommages subis par un commerçant du fait de la concurrence émanant d’un autre commerçant ne constituent pas un préjudice réparable, sauf si une faute délictuelle a été commise par ce dernier, consistant en un acte de concurrence déloyale ou une activité parasitaire traduisant un abus de cette liberté.

La victime des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme peut alors demander réparation de ses préjudices sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

La preuve de la faute, mais également du risque de confusion, incombe à celui qui invoque une concurrence déloyale et/ou parasitaire.

En l’espèce, la société TECHNISOL fonde cette demande sur des faits distincts de ceux de la contrefaçon en invoquant une atteinte à sa dénomination sociale et à son nom de domaine.

Il est en effet admis qu’une personne morale détient des droits privatifs sur sa dénomination sociale lui conférant le pouvoir de s’opposer à son usurpation par un tiers dès lors que sa reproduction ou imitation est de nature à créer un risque de confusion. La personne morale acquiert ce droit sur sa dénomination sociale à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Alors que l’action en contrefaçon protège la marque dans sa fonction d’identification de l’origine des produits ou services, la dénomination sociale est protégée en ce qu’elle permet d’identifier la personne juridique.

La société TECHNIC ISOL intervient dans le domaine de la construction, sur le même territoire, et auprès de la même clientèle que la société TECHNISOL, à savoir des personnes physiques et des entreprises privées ou publiques.
Les sièges sociaux des deux sociétés sont situés dans la même région à seulement 80 kilomètres l’un de l’autre et la société TECHNISOL dispose de plusieurs dépôts dont un dans les Bouches-du-Rhône.
Le risque de confusion est caractérisé, d’autant plus qu’il existe une ressemblance évidente entre les noms de domaine de ces deux sociétés.

Ces agissement constituent des actes de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon. Ils seront réparés par l’allocation de la somme de 5.000 euros.

Sur la responsabilité personnelle du gérant de la société TECHNIC ISOL

La société TECHNISOL demande au Tribunal de dire que Monsieur [G] engage sa responsabilité civile personnelle in solidum avec celle de la société qu’il dirige.

Pour engager sa responsabilité personnelle, le gérant de la société doit avoir intentionnellement commis des fautes séparables de ses fonctions de gérant, constituées par des manquements d’une particulière gravité incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales.

En l’espèce, il apparaît que Monsieur [G] a déposé en son nom personnel la demande de marque TECHNIC ISOL dont il a concédé l’usage à sa société, alors même que cette dernière avait été condamnée par jugement du 1′ novembre 2019 pour des actes de contrefaçon commis au préjudice de la demanderesse sur sa marque verbale française « TECHNISOL » n° 09 3 695 239.
Mis en demeure de procéder au retrait de cette demande de marque en classes 27 et 37, il n’a pas donné suite, contraignant la société TECHNISOL à former opposition à son enregistrement.

En dépit de la décision du Directeur de l’INPI qui reconnaît l’existence d’un risque de confusion entre les signes en litige, et de la procédure en cours, Monsieur [G] continue de l’exploiter, par l’intermédiaire de sa société, sur différents supports.

Ces agissements commis intentionnellement et délibérément, avec une intention manifeste de porter atteinte aux droits de la société TECHNISOL, caractérisent une faute séparable de ses fonctions sociales puisqu’incompatibles avec l’exercice de celles-ci.

Dès lors, la responsabilité personnelle de Monsieur [G] sera retenue pour les actes de contrefaçon de marque.

Sur les autres demandes

Succombant, la société TECHNIC ISOL et Monsieur [G] seront condamnés in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la demanderesse l’intégralité des frais irrépétibles qu’elles a exposés; la société TECHNIC ISOL et Monsieur [G] seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort

Enjoint à la SARL TECHNIC ISOL et à [F] [G] de cesser d’utiliser et/ou d’exploiter, directement ou indirectement, le signe « TECHNIC ISOL », à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, pour désigner des produits et/ou services identiques ou similaires à ceux protégés par la marque verbale française «TECHNISOL» n°09 3 695 239, ce dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine, passé ce délai d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de six mois à l’issue de laquelle il pourra de nouveau être statué ;

Enjoint à la SARL TECHNIC ISOL et à [F] [G] de changer de dénomination sociale et de faire radier le nom de domaine dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, sous peine, passé ce délai, d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de six mois à l’issue de laquelle il pourra de nouveau être statué;

Condamne in solidum la SARL TECHNIC ISOL et [F] [G] à payer à la SAS TECHNISOL une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

Condamne in solidum la SARL TECHNIC ISOL à payer à la SAS TECHNISOL une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale ;

Déboute la société TECHNISOL du surplus de ses demandes au titre de la contrefaçon ;

Condamne la SARL TECHNIC ISOL et [F] [G] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile;

Condamne in solidum la SARL TECHNIC ISOL et [F] [G] à payer à la SAS TECHNISOL la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 19 SEPTEMBRE 2024.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 


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