Tribunal judiciaire de Marseille, 19 novembre 2024, RG n° 24/01695
Tribunal judiciaire de Marseille, 19 novembre 2024, RG n° 24/01695

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Rétention administrative et droits des étrangers : enjeux de procédure et de protection des libertés individuelles.

Résumé

Présentation de la requête

La requête a été déposée au greffe le 16 novembre 2024 par Monsieur [G] [F], un ressortissant algérien, avec l’assistance de Forum Réfugiés. Une autre requête a été reçue le 18 novembre 2024, présentée par le Préfet des Bouches-du-Rhône, représenté par [A] [J].

Assistance juridique

Monsieur [G] [F] a choisi d’être assisté par Me Clara MERIENNE, avocat commis d’office, qui a pris connaissance de la procédure et a discuté librement avec son client. L’intéressé a déclaré comprendre et lire l’arabe, nécessitant l’assistance d’un interprète, Mme [E] [T].

Contexte de la rétention

Monsieur [G] [F] a fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’obligation de quitter le territoire français, daté du 15 novembre 2024, notifié le même jour. Cet arrêté a été émis moins de trois ans avant la décision de placement en rétention, également datée du 15 novembre 2024.

Débats et observations

L’avocat a fait valoir que Monsieur [G] [F] était en France depuis peu, qu’il n’avait jamais été condamné et qu’il avait des documents algériens valides. Le représentant du Préfet a soutenu que l’intéressé ne disposait pas de garanties de représentation et qu’il représentait une menace pour l’ordre public, en raison de son statut et de ses antécédents.

Nullités soulevées

L’avocat a soulevé la nullité de la procédure, arguant de l’absence d’interprète lors de la notification de la garde à vue. Le représentant du Préfet a contesté cette affirmation, indiquant que Monsieur [G] avait initialement déclaré comprendre le français. Concernant le délai de transfert, l’avocat a estimé qu’il était excessif, mais le Préfet a précisé que les circonstances du transfert étaient normales.

Motifs de la décision

La décision a rejeté les nullités soulevées, considérant que l’absence d’interprète au début de la procédure ne justifiait pas une annulation. Le placement en rétention a été jugé conforme, en raison de l’absence de garanties de représentation et de la menace à l’ordre public, fondée sur les antécédents de l’intéressé.

Conclusion de la décision

La requête de Monsieur [G] [F] a été déclarée recevable mais rejetée. La demande de prolongation de la rétention administrative a été acceptée, ordonnant le maintien de l’intéressé en rétention pour une durée maximale de 26 jours, avec des rappels sur ses droits pendant cette période.

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
[Adresse 2]

ORDONNANCE N° RC 24/01695

SUR REQUÊTE EN CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION
et
SUR DEMANDE DE PROLONGATION DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

(art L. 742-1 à L. 742-3, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-13 à L. 743-15, L. 743-17, L. 743-19, L. 743-20, L. 743-24, L. 743-25 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024)

Nous, Alexandra YTHIER, Magistrat du siège duTribunal Judiciaire de Marseille, assistée de Anaïs MARSOT, Greffier,
siégeant publiquement, dans la salle d’audience aménagée au [Adresse 4] à proximité du Centre de Rétention administrative du [Localité 5] en application des articles L. 742-1, L. 743-4, L 743-6, L. 743-7, L. 743-20 et L. 743-24 du CESEDA

Vu les articles L. 742-1 à L. 742-3, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-13 à L. 743-15, L. 743-17, L. 743-19, L. 743-20 à L. 743-25 et R. 742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Les avis prévus par l’article R 743-3 du CESEDA ayant été donnés par le Greffier ;

Vu la requête reçue au greffe le 16 Novembre 2024 à 13 heures 12, présentée par Monsieur [G] [F], né le 23/09/1999 à [Localité 6] (AGERIE), étranger de nationalité algérienne, par le biais de Forum Réfugiés

Vu la requête reçue au greffe le 18 Novembre 2024 à 14 heures 00, présentée par Monsieur le Préfet du département du PREFET DES BOUCHES DU RHONE,

Attendu que Monsieur le Préfet régulièrement avisé, est représenté par [A] [J], dûment assermenté,

Attendu que la personne concernée par la requête, avisée de la possibilité de faire choix d’un avocat ou de solliciter la désignation d’un avocat commis d’office , déclare vouloir l’assistance d’un Conseil ;

Attendu que la personne concernée par la requête est assistée de Me Clara MERIENNE, avocat commis d’office,
qui a pris connaissance de la procédure et s’est entretenu librement avec son client ;

Attendu qu’en application de l’article L. 141-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile la personne étrangère présentée a déclaré au début de la procédure comprendre et savoir lire la langue arabe et a donc été entendue avec l’assistance d’un interprète en cette langue en la personne de Mme [E] [T], serment préalablement prêté d’apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience ;

Attendu qu’il est constant que [G] [F], né le 23/08/1999 à [Localité 6] (AGERIE), étranger de nationalité algérienne

A fait l’objet d’une des sept mesures prévues aux articles L. 722-2, L. 731-1, L. 731-2, L. 732-3,
L. 733-8 à L. 733-12, 741-1, L. 741-4; L. 741-5, L. 741-7, L. 743-16, L. 744-1, L. 751-2 à L. 751-4, L. 751-9 et L. 751-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile , et en l’espèce:

a fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français en date du 15 novembre 2024? N°24132420M et notifiée le même jour

édicté moins de trois ans avant la décision de placement en rétention en date du 15/11/2024 notifiée le 15/11/2024 à 16 heures 30,

Attendu qu’il est rappelé à la personne intéressée , ainsi que dit au dispositif , les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention ;

DEROULEMENT DES DEBATS :

SUR LA CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION

L’avocat de la personne étrangère requérante entendu en ses observations :Monsieur est arrivé en France le 09/11 avec sa femme pour qu’elle puisse accoucher, elle a accouché avant-hier, il y a eu des complictaions, il n’a toujours pas vu ni sa femme ni sa fille. Il a dit dès son audition qu’il a des problèmes avec sa belle-famille en Algérie, sa femme est tombée enceinte alors qu’ils entretenaient une relation extra-conjugale.
Il l’a tout de suite dit; sa femme aurait pu apporter son livret de famille et sa CNI algérienne. On a aucun élément dessus, alors que la préfecture le savait.
Pour la menace à L’OP. Monsieur est là depuis 5 jours, n’a jamais été condamné; il a été placé en GAV pour des faits classés sans suite.
Monsieur a tout de suite dit qu’il avait des documents algériens, livret de famille et CNI. Il fournit aujourd’hui une CNI valide et une attestation d’hébergement chez un ami à [Localité 9].
Sur l’erreur manifeste d’appréciation; pas de condamnation antérieure; un placement en GAVpour des faits classés sans suite.

Le représentant du Préfet entendu en ses observations : sur le défaut d’examen de la situation, l’arrêté est motivé en fait et en droit, figure bien la base légale du placement; est en France depuis 4 jours, pas de document d’identité, pas de lieu de résidence permanent et ne veut pas retourner en Algérie.
Sur la vie privée et familiale de monsieur, il est indiqué que monsieur et sa femme également en situation irrégulière pourra continuer sa vie de famille en dehors du territoire. Sur la vulnérabilité, il n’y a aucun élément.
Vous avez en procédure un PV du 14/11; il y a un contact de la tante de monsieur, où la police l’a contactée, mais elle refuse de communiquer son identité ou adresse, mais accepte de fournir les documents : 3 documents en arabe. Monsieur a été mis en mesure de produire tout document qu’il souhaite. Sa tante refuse de se présenter au service et a refusé d’héberger monsieur.

Sur le fait que monsieur voulait faire une demande d’asile, cela ressort de la requête, mais n’en a jamais parlé lors de ses auditions.

Sur les garanties de représentation de monsieur, pas d’adresse stable, la menace à l’OP est bien caractérisée, car les faits pour lesquels il a été placé en GAV, n’ont pas été classés sans suite; mais ont fait l’objet d’une COPJ en 2025. Monsieur est là depuis 4 jours, et a commis des infractions; il y a donc bien menace à l’ordre public.
Je vous demande de considérer que le placement est régulier.

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces de la procédure soumise à appréciation qu’un moyen de transport disponible à destination du pays d’origine de la personne intéressée doit être trouvé avant l’expiration du délai de prolongation sollicité ;

SUR LA NULLITÉ :

L’Avocat soulève la nullité de la procédure conformément aux conclusions écrites jointes à la présente ordonnance au motif qu’il y a eu une absence d’interprète au moment de la notification de la garde à vue. Monsieur disait déjà qu’il ne comprenait pas le français. On a un interprète a la notification du placement en RA et aux droits. On ne comprend pas pourquoi il n’y en a pas eu un dès le début.
Monsieur ne comprend aucun mot de français, il n’a pas compris ses droits, il n’a d’ailleurs pas vu de médecin tout de suite.
On voit bien que monsieur dit qu’il n’a jamais donné son identité, car il n’a pas compris et ne sait pas parler français. Monsieur dit tout de suite qu’il est algérien. Je vous demande de considérer que la procédure est entachée de nullité.
Sur le temps de transfert excessif, la notification de placement au CRA à 16h30; et il est arrivé au CRA à 18h30.
Le temps est excessif car normalement de 35 minutes environ entre [Localité 8] et le CRA.
Cela lui a porté grief car il n’y a pas de PV de transport. On ne sait pas si il a eu accès à ses droits.

Le représentant du Préfet : Quand on reprend la procédure, on a indiqué qu’il comprend la langue française. Puis, dans un PV, il est indiqué dans un français parfait celui-ci nous indique ne pas parler français et demander un interprète. Cela explique pourquoi cela s’est passé en français au début, puis ensuite en arabe.
Sur le délai de transfert excessif; la levée de GAV s’est faite à 16h30. Monsieur est au commissariat de [Localité 8], ce délai de 2 heures pour parvenir un vendredi aux heures de pointe. Il faut entendre dans ces deux heures le délai des démarches de levée de GAV, l’escorte, aux heures de pointe un vendredi soir. Monsieur ne rapporte aucun grief; on nous dit qu’il n’y a pas de PV de transport; aucun texte du CESEDA n’impose un PV; lorsque les retenus ont accès au téléphone; cela n’est pas obligatoire. Monsieur a pu valablement exercer ses droits à son arrivée en rétention, un interprète est présent et il a fait une requête.

SUR LE FOND :

Observations de l’avocat : Monsieur nous dit qu’il veut demander l’asile, si son OQT n’est pas annulée, il partira du territoire, il apporte aujourd’hui sa CNI, et une attestation d’hébergement. Sa femme ayant accouché il y a deux jours, je ne pense pas qu’il veuille fuir.

Le représentant du Préfet : Je vous demande de faire droit à la requête du préfet. Le risque de sousctraction existe bien, pas de passeport en cours de validité, pas d’adresse fixe; les pièces produites me semblent peu fiables, les pièces sont faites pour les besoins de la cause. Au regard de ces éléments je vous demande de prolonger la rétention. Les faits de vol avec violence, rébellion, outrage, sont des faits graves pour lesquels il avait été placé en GAV. Le consulat d’Algérie a été saisi aux fins d’identification.

Observations de l’avocat : effectivement il a eu une COPJ, mais cela veut dire que le parquet a considéré qu’il avait des garanties de représentation.
Je soulève le défaut de diligence de la préfecture qui nous donne un mail où il est indiqué que monsieur n’a pas de documents d’identité; il aurait fallu que la préfecture transmette ces documents.

La personne étrangère présentée déclare : de l’Algérie, je suis passé par l’espagne, c’est tout, je ne vis pas en Espagne. Ma tante quand on l’a appelée, on s’est embrouillés, c’est pour ça qu’elle a répondu comme ça. Je n’ai même pas vu ma famille. Je ne comprenais pas les policiers. J’entendais juste [I].
L’adresse que j’ai c’est fiable, c’est un ami de la famille, il habite dans le 3ème arrondissement. Je suis allée à [Localité 8], car je voulais me changer les idées avec mon ami. Ma femme était chez ma tante, elle est restée à la maison. Cet ami je le connais de l’Algérie, ça fait un moment qu’il est là. Je voulais que ma femme accouche en Espagne, ma tante m’a dit de venir ici pour qu’elle accouche. Je ne sais pas pourquoi je suis là, je voulais faire les choses bien. J’ai fais la demande d’asile avec forum; en plus avec la police je ne savais pas, je ne comprenais pas le français, c’est pour ça que j’en ai pas parlé, ils m’ont confondu avec quelqu’un d’autre j’étais complètement perdu. Je ne comprends pas la représentante de la préfecture quand elle dit que je parle français. J’ai eu ma femme au téléphone, mais j’ai pas vu ma fille.

PAR CES MOTIFS

Vu les articles L. 614-1, L. 614- 3 à L. 614-15, L. 732-8, L. 741-10, L. 743-5 et L. 743-20 du Code de l’entrée de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, statuant par ordonnance unique ;

SUR LA CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION

DÉCLARONS la requête de M. [F] [G] recevable ;

REJETONS la requête de M. [F] [G] ;

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

REJETONS les exceptions de nullité soulevées

FAISONS DROIT A LA REQUÊTE de Monsieur le Préfet

ORDONNONS , pour une durée maximale de 26 jours commençant quatre vingt seize heures après la décision de placement en rétention , le maintien dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [F] [G]

et DISONS que la mesure de rétention prendra fin au plus tard le 15 décembre 2024 à 16 heures 30 ;

RAPPELONS à la personne étrangère que, pendant toute la période de la rétention, elle peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix et qu’un espace permettant aux avocats de s’entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus est prévu au Centre de Rétention du [Localité 5] ;

LUI RAPPELONS qu’il peut déposer une demande d’asile durant tout le temps de sa rétention administrative ;

INFORMONS l’intéressé verbalement de la possibilité d’interjeter appel à l’encontre de la présente ordonnance dans les 24 heures suivant la notification de cette décision, par déclaration motivée transmise par tout moyen (article R.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) au greffe du service des rétentions administratives de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, [Adresse 3], et notamment par télécopie au [XXXXXXXX01] ou par voie électronique à l’adresse structurelle suivante : [Courriel 7], ainsi que la possibilité offerte au Préfet et au Ministère public d’interjeter appel sauf pour le Procureur de la République, dans les 24 heures de la notification, à saisir Madame la Première Présidente de la Cour d’appel ou son délégué d’une demande tendant à faire déclarer son recours suspensif ;

FAIT A MARSEILLE

En audience publique, le 19 Novembre 2024 À 11 h 30

Le Greffier Le Magistrat du siège du tribunal judiciaire

L’interprète Reçu notification le 19/11/2024
L’intéressé

 


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