Tribunal judiciaire de Marseille, 16 janvier 2025, RG n° 23/01326
Tribunal judiciaire de Marseille, 16 janvier 2025, RG n° 23/01326

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Refus d’enregistrement d’une déclaration de nationalité française pour incohérences documentaires

Résumé

Exposé du litige

Le 25 novembre 2021, Monsieur [M] [Y] a déposé une déclaration de nationalité française auprès du tribunal judiciaire de Nîmes, se basant sur l’article 21-12 du code civil. Le 15 décembre 2021, une décision de refus d’enregistrement lui a été notifiée, invoquant une incohérence dans la légalisation de son acte de naissance. En réponse, Monsieur [M] [Y] a assigné le Procureur de la République de Marseille le 1er février 2023, demandant l’annulation de cette décision et la reconnaissance de sa nationalité française.

Procédure judiciaire

Le Procureur de la République, bien que régulièrement cité, n’a pas conclu. L’ordonnance de clôture du 27 novembre 2023 a été révoquée lors de l’audience du 11 janvier 2024. Les dernières conclusions de Monsieur [Y] ont été écartées. Il a soutenu qu’il est né en Guinée, que sa naissance n’a pas été déclarée, mais qu’un jugement supplétif a été rendu en 2018. Il a également fourni des documents attestant de son séjour en France depuis 2018.

Arguments du Procureur de la République

Dans ses conclusions du 15 janvier 2024, le Procureur a demandé de constater l’irrégularité de la procédure et l’extranéité de Monsieur [Y]. Il a soutenu que l’assignation était caduque et a contesté la validité des documents fournis par Monsieur [Y], notamment en ce qui concerne la légalisation de son acte de naissance et la conformité des documents d’état civil.

Décision du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de caducité du Procureur, affirmant que seul le juge de la mise en état était compétent pour statuer sur ce point. Concernant la demande principale, le tribunal a souligné que Monsieur [Y] devait prouver son état civil pour revendiquer la nationalité française. Il a été constaté que les documents fournis ne répondaient pas aux exigences légales, notamment en raison d’incohérences dans les informations fournies.

Conclusion

Monsieur [M] [Y] a été débouté de ses demandes, et le tribunal a déclaré qu’il n’était pas de nationalité française. La mention prévue à l’article 28 du Code civil a été ordonnée, et les dépens ont été laissés à sa charge, recouvrés selon les règles d’aide juridictionnelle.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°25/32 du 16 Janvier 2025

Enrôlement : N° RG 23/01326 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2TCG

AFFAIRE : M. [M] [Y]( Me Stéphane PIGNAN)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l’audience Publique du 14 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur
BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Janvier 2025

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [M] [Y]
né le 02 Mai 2004 à [Localité 3]
de nationalité Guinéenne, demeurant [Adresse 2] Maisons d’Enfants [4] – [Localité 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 301890012022001622 du 21/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
représenté par Me Stéphane PIGNAN, avocat au barreau de MARSEILLE

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE – [Adresse 6]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Le 25 novembre 2021, Monsieur [M] [Y] a déposé une déclaration de nationalité française auprès du tribunal judiciaire de Nîmes sur le fondement des dispositions de l’article 21-12 du code civil.

Une décision de refus d’enregistrement lui a été notifiée le 15 décembre 2021 au motif que : « en vertu de l’article 47 du code civil, le jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance est non conforme en ce que la légalisation de cet acte comporte une incohérence ».

Suivant exploit en date du 1er février 2023, Monsieur [M] [Y] a assigné le Procureur de la République de Marseille aux fins de :
– ANNULER la décision d’irrecevabilité et de refus d’enregistrement de la déclaration, de nationalité française de M.[M] [Y] ;
– DIRE que la déclaration de nationalité française de M.[M] [Y] est recevable ;
– PRONONCER l’enregistrement de la déclaration de nationalité française de M.[M] [Y] et par conséquent ;
– DIRE que M.[M] [Y] est français en application des dispositions précitées du code civil ;
– CONDAMNER l’État au paiement de la somme de 2500€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dispositions de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
– LAISSER les dépens à la charge de l’État.

Bien que régulièrement cité, le Procureur de la République n’a pas conclu.

L’ordonnance de clôture rendue le 27 novembre 2023 a été révoquée à l’audience du 11 janvier 2024.

Les dernières conclusions signifiées par Monsieur [Y] le 30 septembre 2024 postérieurement à l’ordonnance de clôture seront écartées.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu’il est né le 2 mai 2004 à [Localité 3] en Guinée ; que sa naissance n’a pas été déclarée à l’état civil ; que sa mère, Madame [U] [O], a déposé une requête le 19 novembre 2018 auprès du tribunal de première instance de Kalum-Conakry aux fins d’obtention d’un jugement supplétif de déclaration de naissance ; qu’un jugement supplétif a été rendu le 21 novembre 2018, retranscrit dans les registres d’état civil le 16 mars 2020 ; que le jugement supplétif a été légalisé par une autorité guinéenne compétente pour y procéder ; qu’un extrait d’acte de naissance N°1648 lui a été délivré le 16 mars 2020, régulièrement légalisé.
Il expose qu’il est entré sur le territoire français en septembre 2018 suite à une migration forcée et qu’il s’est trouvé isolé ; qu’avec l’assistance des éducateurs de l’ASE il est parvenu à obtenir des documents d’état civil dans son pays d’origine ; qu’il a été placé par ordonnance provisoire du parquet de Nîmes aux services de l’ASE du Gard le 28 novembre 2018 ; qu’un jugement de maintien de placement a été rendu par le juge des enfants le 18 décembre 2018.
Il indique que l’incohérence soulevée pour refuser l’enregistrement de la déclaration de nationalité du requérant n’est pas identifiable et que la chronologie et les sceaux sont quant à eux cohérents ; qu’il a fourni dans sa déclaration de nationalité puis dans le cadre de la présente procédure une copie intégrale de son acte de naissance et le jugement supplétif l’accompagnant, une carte d’identité consulaire, et les décisions de justice le plaçant à l’ASE ainsi que divers justificatifs relatifs à sa résidence continue sur le territoire français depuis septembre 2018 ; que le dernier jugement du 18 décembre 2018 l’a confié à l’ASE jusqu’à sa majorité au 02 mai 2022, soit au total sur une durée de plus de trois ans.

Par conclusions signifiées le 15 janvier 2024, le Procureur de la République demande à titre principal de constater l’irrégularité de la procédure et à titre subsidiaire de constater l’extranéité de Monsieur [Y].

Il soutient que l’assignation est caduque à défaut pour le demandeur d’avoir dénoncé son assignation au Ministère de la Justice.
Sur le fond, il fait valoir que la copie du jugement supplétif rendu le 21 novembre 2018 par le tribunal de Kaloum (Guinée) contient deux mentions de légalisation, l’une émanant du ministère des affaires étrangères du 08 avril 2020 non compétent pour y procéder ; que la seconde en date du 31 mai 2021 apposée par Mme [W], chargée des affaires consulaires ne porte pas sur la personne du greffier ayant délivré la copie, de sorte que ce jugement n’est pas opposable en France.
Il indique en outre que la copie intégrale de l’acte de naissance délivrée le 1er avril 2022 par l’ambassade de Guinée en France n’est pas une copie certifiée conforme au registre délivrée par l’officier d’état civil dans la mesure où elle a été délivrée par une autorité qui n’est pas dépositaire du registre renfermant l’original.
Il ajoute que le jugement supplétif produit ne contient aucune motivation ; qu’il se borne à viser les pièces du dossier sans les lister ni les analyser ; il ne s’assure pas que l’interessé est en possession d’un acte d’état civil, et ne précise pas les raisons pour lesquelles un jugement supplétif est réclamé.
Il indique par ailleurs que l’interessé doit justifier d’une prise en charge par l’ASE sur la période du 15 décembre 2018 au 15 décembre 2021 ; que le jugement de placement en assistance éducative du 13 décembre 2018 est incomplet de sorte que la condition du placement pendant 3 ans n’est pas remplie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 09 septembre 2024 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie du 14 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

REJETTE la demande de caducité ;

DEBOUTE Monsieur [M] [Y] de ses demandes ;

DIT que Monsieur [M] [Y] se disant né le 02 mai 2004 commune de [Localité 5]-[Localité 3] (GUINEE) n’est pas de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue à l’article 28 du Code civil ;

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [M] [Y] qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 16 Janvier 2025

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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