Tribunal judiciaire de Marseille, 15 janvier 2025, RG n° 25/00074
Tribunal judiciaire de Marseille, 15 janvier 2025, RG n° 25/00074

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Prolongation de la rétention administrative pour motif de sécurité publique.

Résumé

Prolongation de la rétention

Le 20 novembre 2024, le magistrat YTHIER a ordonné la prolongation du maintien d’une personne dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours. Une seconde ordonnance, datée du 16 décembre 2024, a prolongé cette mesure pour une période supplémentaire de trente jours.

Requête du Préfet

Le 14 janvier 2025, une requête a été déposée par le Préfet des Bouches-du-Rhône, représenté par un avocat assermenté. La personne concernée a exprimé le souhait d’être assistée par un avocat, choisissant Maître BELOTTI comme conseil.

Contexte de la rétention

M. [E] [T], de nationalité russe, a été condamné le 16 août 2023 à une interdiction temporaire du territoire français. Cette décision a été prise moins de trois ans avant son placement en rétention, notifié le 16 novembre 2024.

Droits de la personne retenue

La personne retenue a été informée de ses droits pendant la rétention, conformément aux dispositions légales. Le juge a rappelé ces droits et s’est assuré que l’intéressé avait été informé de manière adéquate.

Débats et observations

L’avocat a soulevé des questions concernant le placement à l’isolement de son client et l’accès à ses droits, notamment l’accès au téléphone et aux soins médicaux. Le représentant du Préfet a défendu la légitimité de l’isolement en raison des antécédents judiciaires de M. [T].

Motifs de la décision

Le juge a rejeté les nullités soulevées concernant l’isolement et l’accès au téléphone, considérant que les mesures étaient justifiées et n’avaient pas porté atteinte aux droits de l’intéressé. Sur le fond, le juge a fait droit à la demande de prolongation de la rétention, en raison des antécédents criminels de M. [T] et de la menace qu’il représente pour l’ordre public.

Ordonnance finale

Le juge a ordonné le maintien de M. [E] [T] en rétention pour une durée maximale de quinze jours, prenant fin au plus tard le 30 janvier 2025. L’intéressé a été informé de ses droits de recours contre cette décision.

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE
[Adresse 2] ou [Adresse 8] – [Localité 3]

ORDONNANCE N° RC 25/00074
SUR TROISIEME DEMANDE DE PROLONGATION
DE RETENTION ADMINISTRATIVE
(articles L. 742-4 à L. 742-7, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-19, L. 743-25 et R. 743-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile modifié par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018,
l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024)

Nous, Cécilia ZEHANI, magistrat du siège au Tribunal Judiciaire de Marseille, assisté de Mathilde BILLOT, Greffier,
siégeant publiquement, dans la salle d’audience aménagée au [Adresse 7] 1[Localité 6] à proximité du Centre de Rétention administrative du [Localité 9] en application des articles L. 742-1, L. 743-4, L.743-6, L. 743-7, L; 743-20 et L. 743-24 du CESEDA.

Vu les articles L.742-1, L. 742-2, L. 742-4 à L. 742-7, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-11, L. 743-19 à L. 743-25 et R. 743-1 ensemble les articles R. 742-1, R.743-1 à R. 743-8 et R. 743-21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Les avis prévus par l’article R 743-3 du CESEDA ayant été donnés par le Greffier

Vu l’Ordonnance en date du 20 novembre 2024 n° 24/1703 de YTHIER magistrat du siège au Tribunal Judiciaire de Marseille, portant prolongation du maintien dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire de la personne désignée dans la requête visée ci-dessous , pour une période de vingt sixjours ;

Vu l’ordonnance en date du 16 décembre 2024 n°24/1872 de YTHIER Alexandra, magistrat du siège au Tribunal Judiciaire de Marseille, portant prolongation du maintien dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire de la personne désignée dans la requête visée ci-dessous, pour une période supplémentaire de trente jours ;

Vu la requête reçue au greffe le 14 Janvier 2025 à 14heures41, présentée par Monsieur le Préfet du département PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE,

Attendu que Monsieur le Préfet requérant, régulièrement avisé, est représenté par [G] [K], dûment assermentée ;

Attendu que la personne concernée par la requête, avisée de la possibilité de faire choix d’un Avocat ou de solliciter la désignation d’un Avocat commis d’office, déclare vouloir l’assistance d’un Conseil ;

Attendu que la personne concernée par la requête est assistée de Maître BELOTTI Morgane, avocat commis d’office qui a pris connaissance de la procédure et s’est entretenu librement avec son client ;

Attendu qu’en application de l’article l’article L. 141-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile la personne étrangère présentée a déclaré au début de la procédure comprendre la langue française et a donc été entendue en cette langue ;

Attendu qu’il est constant que M. [E] [T]
né le 21 Janvier 1992 à [Localité 11] (RUSSIE)
de nationalité Russe

a fait l’objet d’une des sept mesures prévues aux articles L. 722-2, L. 731-1, L. 731-2, L. 732-3, L. 733-8 à L. 733-12, 741-1, L. 741-4; L. 741-5, L. 741-7, L. 743-16, L. 744-1, L. 751-2 à L. 751-4, L. 751-9 et L. 751-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile , et en l’espèce :
d’une condamnation ordonnant son interdiction temporaire du territoire français prononcée le 16 août 2023 par la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE ;

édicté moins de 3 ans avant la décision de placement en rétention en date du 16 novembre 2024 notifiée le 16 novembre 2024 à 11heures19,

Attendu qu’il est rappelé à la personne intéressée, ainsi que dit au dispositif , les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention ;

Attendu que suivant l’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
A titre exceptionnel, le juge peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

Attendu que suivant l’article L. 743-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Le juge statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant sa saisine.

Attendu que suivant l’article L. 743-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Le juge statue après audition du représentant de l’administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l’intéressé ou de son conseil, s’il en a un.

Attendu que suivant l’article L. 743-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Le juge statue au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention de l’étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle.

Attendu que suivant l’article L. 743-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Le juge, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.
Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet.

Attendu que suivant l’article L. 743-19 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Lorsqu’une ordonnance du juge met fin à la rétention d’un étranger ou l’assigne à résidence, elle est immédiatement notifiée au procureur de la République. L’étranger est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de dix heures à compter de cette notification, à moins que le procureur de la République n’en dispose autrement.

Attendu que suivant l’article L. 743-25 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Durant la période pendant laquelle il est maintenu à la disposition de la justice, dans les conditions prévues à l’article L. 742-2, l’étranger est mis en mesure, s’il le souhaite, de contacter son avocat et un tiers, de rencontrer un médecin et de s’alimenter.

Attendu que suivant l’article R. 743-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
Pour l’application des articles L. 743-3 à L. 743-18, le juge compétent est celui du tribunal judiciaire dans le ressort duquel l’étranger est maintenu en rétention ou assigné à résidence.
Toutefois, le juge compétent pour statuer sur le maintien en rétention d’un étranger dans le cas prévu à l’article L. 742-6 est celui du tribunal judiciaire de Paris. Ce juge reste compétent jusqu’au terme de la procédure.
DEROULEMENT DES DEBATS :

Observations de l’avocat : placement à l’isolement le 18/12 à 19h00. On a l’information du procureur mais on ne comprend pas les circonstances qui ont permis le chef du centre de rétention de procéder à cette mise à l’écart et de vérifier s’il a pu exercer ses droits au centre de rétention (accès au téléphone, possibilité de rencontrer l”unité médicale et forum réfugiés). S’il appartient au chef de procéder aux mises à l’écart, il lui appartient de les justifier pour que vous puissiez effectuer un contrôle effectif de la continuité du respect des droits, et la seule télécopie parait insuffisante.
Il devra être constaté que ses droits n’ont pas été respectés.
Le représentant du Préfet :
sur la nullité soulevée : écarter les conclusions de nullité dès lors que le placement à l’isolement relève de l’appréciation des fonctionnaires de police, on peut voir au travers des différentes condamnations qu’il a un réel problème avec l’autorité, multiples outrages, autant d’éléments qui montrent qu’il a donné matière pour qu’on le place à l’isolement. Pour l’absence de téléphone, il ne fait état d’aucun grief, et l’article indique que le grief n’ait pu être résolu avant l’audience. Depuis son placement qui date de décembre, s’il avait un grief, il en aurait fait été, il aurait pu faire une DML, on ne vous rapporte aucun grief aujourd’hui. Demande de rejet du moyen de nullité.

sur le fond : demande de troisième prolongation : reconnu SCOPOL en décembre 2024. Relance des autorités russes le 13/12 et le 14/01. Monsieur était d’abord d’accord pour une aide retour volontaire puis il a fait marche arrière; demande de prolongation dans l’attente d’une réponse des autorités russes, au regard de la menace pour l’ordre public que monsieur constitue (condamnations pour violences, outrages, ILS, port d’armes…)

Observations de l’avocat : Monsieur est rentré à 9 ans en France avec sa famille, il a bénéficié de la protection de l’état français au titre de réfugié, il a renoncé à ce statut en 2023. Il a fait des démarches auprès du SPIP pour bénéficier d’un éloignement. Il a été reconnu par les autorités russes en novembre et on ne constate aucune perspective d’éloignement. Je ne vois pas où il aurait renoncé à son éloignement. Monsieur est d’origine tchétchène et nous n’avons aucune perspective à bref délai. Aucun relance depuis le 13/11/2024 qui est le mail aux autorités russes alors que les autres diligences sont fait avec une autre adresse.
Concernant la menace à l’ordre public, il souhaite quitter le territoire, il ne s’opposera pas, la menace n’est ni actuelle ni réelle. Demande de ne pas faire droit à la demande de prolongation.
Régularité de la requête : problème au niveau du registre avec une mention arrêté annulé : registre irrégulier : demande de prolongation rejetée.

Le représentant du Préfet : le registre actualisé ne fait pas mention de ça. Si c’est sur les registres antérieures, la nullité aurait du être soulevée avant cette audience.

Observations de l’avocat : qu’on m’explique. je n’ai pas d’autres observations.

La personne étrangère présentée déclare : j’ai envie de repartir. Je veux partir c’est vrai, je risque la guerre, mon cousin a été envoyé. Je suis pas volontaire mais je veux être à côté de ma famille. Ma famille est repartie depuis longtemps, j’ai grandi en foyer. Ma demi soeur et ma belle mère sont toujours là mais je parle pas avec eux. J’ai grandi en foyer jusqu’à mes 18 ans. A ma majorité, j’ai eu des mauvaises fréquentations, j’ai 32 ans je pense plus à des trucs comme ça. J’ai renoncé à ma protection pour repartir chez moi. Si j’avais pas retiré cette protection, j’étais protégé. J’ai renoncé pour rentrer chez moi. Les bagarres c’était rien je me suis pris la tête, j’ai demandé à être en isolement, mais je veux pas retourner dans cette aile.
Il y a plusieurs blocs, je voulais changer. Isolement c’est moi qui ait voulu. Je n’ai rien à dire, cela fait trois ans. La tchétchénie est rattaché à la fédération de la russie. Il y a un président oui mais rattaché.

PAR CES MOTIFS
REJETONS la nullité soulevée sur l’accès au téléphone et le placement à l’isolement ;
DECLARONS irrecevable la nullité soulevée concernant le registre ;
FAISONS DROIT à titre exceptionnel à la requête du Préfet ;

RAPPELONS à la personne étrangère que, pendant toute la période de la rétention, elle peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix et qu’un espace permettant aux avocats de s’entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus est prévu au Centre de Rétention du [Localité 9] ;
L’INFORMONS également des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions la concernant ;

ORDONNONS, pour une durée maximale de quinze jours commençant à l’expiration du précédent délai de trente jours déjà accordé , le maintien dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [E] [T]
et DISONS que la mesure de rétention prendra fin au plus tard le 30 janvier 2025 à 11heures19 ;

INFORMONS l’intéressé verbalement de la possibilité d’interjeter appel à l’encontre de la présente ordonnance dans les 24 heures suivant la notification de cette décision, par déclaration motivée transmise par tout moyen (article R.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) au greffe du service des rétentions administratives de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, [Adresse 5], [Localité 4], et notamment par télécopie au [XXXXXXXX01] ou par voie électronique à l’adresse structurelle suivante : [Courriel 10], ainsi que la possibilité offerte au Préfet et au Ministère public d’interjeter appel sauf pour le Procureur de la République, dans les 24 heures de la notification, à saisir Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel ou son délégué d’une demande tendant à faire déclarer son recours suspensif ;
FAIT A MARSEILLE
en audience publique, le 15 Janvier 2025 À 12 h 50
Le Greffier Le Magistrat du siège du tribunal judiciaire

Reçu notification le 15 janvier 2025
L’intéressé

 


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