Tribunal judiciaire de Marseille, 11 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Marseille, 11 janvier 2024

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : L’agencement des points de vente Sushi Shop non protégé

Résumé

L’affaire oppose Sushi Shop à Sushi Les Angles, accusée de reproduire l’agencement intérieur et le logo de ses restaurants. Sushi Shop revendique une protection au titre du droit d’auteur, arguant que son décor, inspiré du Japon, est original. Cependant, le tribunal a rejeté cette demande, soulignant que le décor ne reflète pas la personnalité de son auteur et appartient au fonds commun de la gastronomie japonaise. De plus, aucune confusion n’a été établie entre les deux enseignes, permettant à Sushi Les Angles de continuer son activité sans entrave. Les demandes de dommages et intérêts ont également été déboutées.

Un décor de magasin dont la protection est sollicitée, même à le considérer comme formant un ensemble précisément identifiable, procède du fonds commun du décor de style traditionnel japonais (ou perçu comme tel) exploité dans divers restaurants de gastronomie nippone.

Or il n’est pas possible, au titre de la protection du droit d’auteur, de revendiquer la propriété d’un style ou d’un genre, impropre à refléter la personnalité de son auteur.

Les demandes au titre de la contrefaçon de la société Sushi Shop ont été rejetées.

Nos conseils :

1. Attention à démontrer le caractère original de votre œuvre pour pouvoir revendiquer la protection du droit d’auteur. Il est recommandé de justifier que votre création reflète un parti pris esthétique et traduit l’empreinte de votre personnalité.

2. Il est recommandé de prouver le caractère déloyal des méthodes de votre concurrent en matière de concurrence déloyale. Vous devez démontrer que les actes de votre concurrent portent atteinte à vos efforts et investissements.

3. Veillez à éviter tout risque de confusion dans l’esprit de la clientèle pour établir un cas de concurrence déloyale. Il est essentiel de montrer qu’il existe une distinctivité claire entre votre activité et celle de votre concurrent pour éviter toute confusion.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la société Sushi Shop Restauration et Sushi Shop Management à la société Sushi Les Angles. Les sociétés du groupe Sushi Shop reprochent à Sushi Les Angles d’avoir reproduit l’agencement intérieur de leurs restaurants, ainsi que leur logo, ce qui constituerait une violation de leurs droits d’auteur et des actes de concurrence déloyale. Elles demandent des dommages et intérêts, ainsi que des injonctions pour faire cesser ces pratiques. De son côté, Sushi Les Angles conteste ces accusations en arguant que leur décor n’est pas original et qu’il n’y a pas de confusion possible entre leurs établissements et ceux de Sushi Shop. L’affaire est en attente de jugement.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la contrefaçon :

L’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » Cependant, une création intellectuelle n’est protégeable que si elle reflète la personnalité de son auteur, autrement dit si elle est originale, ce quels que soient son genre, ses mérites ou sa destination. Il faut, mais il suffit, que l’œuvre dont la protection est revendiquée porte une empreinte réellement personnelle et traduise un travail et un effort créateur exprimant la personnalité de son auteur pour que celui-ci puisse se revendiquer de la protection organisée par le code de la propriété intellectuelle. Il appartient donc au tribunal, en procédant à des constatations de fait, de vérifier si le modèle revendiqué est protégeable, c’est à dire de rechercher en quoi il résulte d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, seul de nature à leur conférer le caractère d’une œuvre originale protégée, comme telle, par le droit d’auteur, avant, le cas échéant, de rechercher en quoi le modèle est contrefait. Il incombe à celui qui prétend se prévaloir des droits d’auteur de caractériser l’originalité de l’œuvre revendiquée, c’est-à-dire de justifier que cette œuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Si certains des éléments qui composent chacun des modèles sont connus ou fonctionnels et, pris séparément, peuvent être considérés comme appartenant au fonds commun de l’univers du mobilier, la combinaison des lignes de chaque modèle, dès lors que l’appréciation doit s’effectuer de manière globale en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement, peut leur conférer une physionomie propre qui le distingue des autres modèles du même genre et qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur. L’œuvre dont la protection est sollicitée se compose, selon les dernières conclusions de la société SUSHI SHOP RESTAURATION d’un ensemble d’éléments mobiliers formant un décor de restaurant, comprenant des luminaires, des façades de bar en briques apparentes irrégulières en matière brute, des paravents de bois, des tables en bois de couleur naturelle, de fauteuils, de grand panneaux de bois lumineux composés de cases imbriquées, de murs peints en noir mat. Selon les demanderesses, cette combinaison d’éléments conduit à mettre à l’honneur le Japon par une décoration minimaliste, délicate, avec des matières naturelles, en y intégrant les codes du luxe et du premium en privilégiant la couleur noire et les lumières tamisées. Cependant il résulte des pièces mêmes communiquées par la société SUSHI SHOP RESTAURATION, et notamment des illustrations du « Design manual », que la combinaison revendiquée n’est pas précisément identifiée, dans la mesure où ce catalogue liste deux types de décors muraux, cinq types de tables, deux types de chaises, un tabouret, une banquette murale, deux types de panneaux muraux à cases, deux types de façades de bar, douze types de buffets, deux types de comptoirs réfrigérés et plusieurs types d’enseignes. Enfin il est à noter que ce catalogue ne fait que lister séparément les éléments mobiliers devant être intégrés aux restaurants exploités sous l’enseigne SUSHIS SHOP, mais ne contient aucune indication relative à l’aménagement d’ensemble. Il ne peut donc dans ces conditions être affirmé qu’il existe un ensemble cohérent formant décor, et donc une œuvre protégeable. En outre la société SUSHI LES ANGLES produit divers clichés représentant le décor intérieur d’autres restaurants de cuisine japonaise, reprenant le même style de décor destiné à évoquer le Japon, par la présence de matériaux bruts en façade de bar, de cloisons de bois, d’un éclairage tamisé, d’un revêtement mural en lattes de bois clair sur fond sombre, et d’un mobilier en bois clair contrastant avec un sol ou des murs plus sombres. Il apparaît dans ces conditions que le décor dont la protection est sollicitée, même à le considérer comme formant un ensemble précisément identifiable, procède du fonds commun du décor de style traditionnel japonais (ou perçu comme tel) exploité dans divers restaurants de gastronomie nippone. Or il n’est pas possible, au titre de la protection du droit d’auteur, de revendiquer la propriété d’un style ou d’un genre, impropre à refléter la personnalité de son auteur. Les demandes au titre de la contrefaçon doivent en conséquence être rejetées.

Sur la concurrence déloyale :

La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du Code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur. Ils supposent la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci. La faute en matière de concurrence déloyale s’apprécie au regard du principe général de libre concurrence qui est un principe fondamental des rapports commerciaux. Elle implique que tout commerçant a la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, de vendre des produits similaires à ceux d’un concurrent ou même identiques en l’absence de droit privatif dans la mesure où tout produit qui n’est pas l’objet d’un droit privatif est en principe dans le domaine public, et de vendre des produits similaires ou identiques de qualité moindre à un prix inférieur. Ainsi, même si la reprise procure à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour fautive sauf à vider de toute substance le principe de liberté ci-dessus rappelé. Il appartient donc au commerçant qui se plaint d’une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent. Il en va de même du parasitisme qui suppose de démontrer l’existence d’actes de captation indue des efforts et investissements du concurrent. Enfin et surtout, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Les clichés photographiques figurant au procès-verbal de constat que les restaurants exploités à l’enseigne KALY SUSHI par la société SUSHI LES ANGLES se distinguent, en ce qui concerne leur décor intérieur, par un éclairage nettement plus vif que ceux exploité par la société SUSHI SHOP RESTAURATION, qui au contraire revendique un éclairage tamisé destiné à produire un ambiance intimiste associée à l’univers du luxe. Surtout, le cliché figurant en page 20 du procès-verbal de constat montre que l’enseigne KALY SUSHI avec le logo associé figure en très gros caractère à l’intérieur de l’établissement exploité par la société SUSHI LES ANGLES à [Localité 4]. Dans ces conditions il apparaît qu’il existe une forte distinctivité dans le décor des restaurants de la défenderesse, de nature à exclure tout risque de confusion dans l’esprit du public, et ce nonobstant le fait que les établissements des deux parties au litige se trouvent, au moins à [Localité 4], à 500 mètres l’un de l’autre. S’agissant de la signalétique extérieure, le « Design manual » édité par les sociétés SUSHI SHOP montre que celle-ci se compose, au choix, d’un large panneau rectangulaire de façade figurant la marque semi-figurative SUSHI SHOP, sur une seule ligne, en caractères foncés sur fond clair ou en caractères claires sur fond sombre, rétro-éclairés, ou encore d’un panneau carré de type enseigne en surplomb sur la rue, représentant sur deux lignes la marque semi-figurative SUSHI SHOP (l’élément figuratif sur la première ligne, l’élément verbal sur la seconde ligne), en caractères rétro-éclairés clairs sur fond sombre, et également d’un store sombre sur le lambrequin duquel sont écrits les mots « livraison/click and collect » ou « livraison/click and collect / à emporter / sur place » en caractères clairs. Aucun de ces éléments ne se retrouve sur la devanture des restaurants exploités par la société SUSHI LES ANGLES selon les photographies produites aux débats. En particulier il n’apparaît pas de similitude entre les éléments figuratifs de la marque SUSHI SHOP et le logo de l’enseigne KALY SUSHI. En effet l’élément figuratif de la marque SUSHI SHOP se compose d’un cercle à l’intérieur duquel se trouve un poisson stylisé en position verticale tête en haut : tandis que le logo accompagnant l’enseigne KALY SUSHI se compose d’un cercle inachevé dans lequel se trouvent deux têtes de poissons stylisées représentées à l’horizontale et tête bêche, évoquant selon la défenderesse le signe du Ying et du Yang propre à la philosophie extrême-orientale : Si la police de caractères apparaît semblable, le nom de la marque apparaît dans l’un des cas écrit sans espace entre les mots, alors que dans l’autre les deux termes sont nettement séparés. Il sera rappelé que dans un signe semi-figuratif, l’élément verbal est considéré comme dominant. La prononciation des termes « sushi shop » d’une part, et « kaly sushi » d’autre part, ne présentent pas d’occurrences suffisantes, hors le terme générique « sushi », pour être considérée comme étant identiques ou semblables et créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen de langue française. Ainsi les éléments verbaux diffèrent suffisamment pour éviter tout risque de confusion, le seul élément commun « sushi » n’étant que la désignation de l’un des produits commercialisés. Il ne peut en effet être reproché à un commerce de sushis de faire mention du nom de sa spécialité dans son enseigne, celle-ci n’étant pas susceptible d’appropriation ou de monopole. Enfin il est montré par les photographies produites que sur l’enseigne des restaurants exploités par la société SUSHI LES ANGLES, les termes « kaly sushi » apparaissent en très gros caractères, d’une police ayant la même taille que l’élément figuratif, et mettant en évidence le terme « kaly » écrit en caractères gras. Il ne peut dans ces conditions y avoir de doute dans l’esprit du consommateur même inattentif sur le fait qu’il ne s’adresse pas à un restaurant des sociétés SUSHI SHOP, en l’absence de similitude dans l’impression d’ensemble des deux enseignes en cause. Les faits de concurrence déloyale n’étant pas constitués, les demandes à ce titre seront également rejetées.

Sur les autres demandes :

La demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société SUSHI LES ANGLES n’est pas motivée. Celle-ci ne justifie en outre d’aucun préjudice qu’elle aurait subi du fait des sociétés demanderesses. La société SUSHI LES ANGLES sera donc déboutée de ce chef de demande. Les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT, qui succombent à l’instance, en supporteront in solidum les dépens. Elles seront en outre condamnées in solidum à payer à la société SUSHI LES ANGLES la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – Les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT sont condamnées à payer à la société SUSHI LES ANGLES la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
– Les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT sont condamnées aux dépens

Réglementation applicable

– Article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »

– Article 1240 du Code civil

« La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du Code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur. Ils supposent la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci. »

– Article 700 du code de procédure civile

« Le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, sauf si les motifs de l’équité commandent de la dispenser, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Emilie BERTAUT
– Me Nathalie BOKSENBAUM
– Me Catherine Marie DARBIER-VOISIN
– Me Julien HERISSON

Mots clefs associés & définitions

– Contrefaçon
– Droit d’auteur
– Originalité
– Protection
– Modèles
– Décor de restaurant
– Japon
– Luxe
– Physionomie propre
– Concurrence déloyale
– Parasitisme
– Faute
– Préjudice
– Libre concurrence
– Risque de confusion
– Clientèle
– Enseigne
– Similitude
– Dommages et intérêts
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Contrefaçon: reproduction ou imitation non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur
– Droit d’auteur: droit exclusif accordé à l’auteur d’une œuvre littéraire, artistique ou intellectuelle
– Originalité: caractère unique et distinctif d’une création intellectuelle
– Protection: ensemble de mesures juridiques visant à protéger les droits de propriété intellectuelle
– Modèles: créations artistiques ou industrielles protégées par le droit d’auteur
– Décor de restaurant: aménagement et décoration d’un établissement de restauration
– Japon: pays réputé pour son industrie du luxe et sa culture artistique
– Luxe: caractère haut de gamme et exclusif d’un produit ou d’un service
– Physionomie propre: caractéristiques distinctives et uniques d’un établissement ou d’une marque
– Concurrence déloyale: pratiques commerciales trompeuses ou déloyales visant à nuire à la concurrence
– Parasitisme: exploitation abusive de la notoriété ou de la clientèle d’un concurrent
– Faute: manquement à une obligation légale ou contractuelle
– Préjudice: dommage subi par une personne du fait d’une action illicite
– Libre concurrence: principe économique garantissant la liberté des acteurs économiques sur un marché
– Risque de confusion: possibilité de confusion entre deux marques ou produits similaires
– Clientèle: ensemble des clients ou des consommateurs d’une entreprise
– Enseigne: signe distinctif apposé sur un établissement commercial
– Similitude: ressemblance entre deux éléments ou produits
– Dommages et intérêts: réparation financière accordée à la victime d’un préjudice
– Dépens: frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant le remboursement des frais de justice engagés par la partie gagnante.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n° 22/08402
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 11 Janvier 2024

Enrôlement : N° RG 22/08402 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2JF3

AFFAIRE : S.A.S. SUSHI SHOP MANAGEMENT et S.A.S. SUSHI SHOP RESTAURATION (Me Emilie BERTAUT)
C/ S.A.S. SUSHI LES ANGLES (Me Catherine Marie DARBIER- VOISIN)

DÉBATS : A l’audience Publique du 26 Octobre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Janvier 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSES

Société SUSHI SHOP MANAGEMENT
SAS au capital de 98 160 € immatriculé au RCS de PARIS sous le n° 493 549 349, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Société SUSHI SHOP RESTAURATION
SAS au capital de 24 900 € immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 449 531 391, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentées par Maître Emilie BERTAUT, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Nathalie BOKSENBAUM de la SELARL ATLAN & BOKSENBAUM AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

C O N T R E

DEFENDERESSE

Société SUSHI LES ANGLES
SAS au capital de 10 000 € immatriculée au RCS d’AVIGNON sous le n° 821 207 560, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Catherine Marie DARBIER-VOISIN, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Julien HERISSON de la SELARL P.L.M.C. Avocats, avocat plaidant au barreau d’AVIGNON

EXPOSE DU LITIGE :
La société SUSHI SHOP RESTAURATION exploite 143 points de vente en France et 48 points de vente à l’étranger de restauration japonaise, à l’enseigne « Sushi Shop ».
La société SUSHI SHOP MAGANEMENT est titulaire de trois marques semi-figuratives « Sushi Shop » déposées en France le 15 novembre 2006 en classes 29, 35, 38, 39 et 43, dans divers pays (Benelux, Suisse Allemagne, Danemark, Espagne, Royaume-Uni, Italie, Maroc, Portugal, Russie, Suède, États-Unis d’Amérique) le 25 mai 2007 en classes 29, 30, 35, 38, 39 et 43, et dans l’Union Européenne le 13 juillet 2012 en classes 30, 35 et 43.
La société SUSHI LES ANGLES exploite une activité de restauration rapide japonaise dans plusieurs points de vente dans le Sud-Est de la France et sur un site internet sous le nom commercial et l’enseigne « Kaly Sushi ».
Le 11 mai 2022 les sociétés du groupe Sushi Shop ont fait réaliser un procès-verbal de constat de commissaire de justice afin de démontrer que l’agencement intérieurs des restaurants exploités par la société SUSHI LES ANGLES reproduisaient celui des restaurants exploités par la société SUSHI SHOP RESTAURATION et que le logo exploité par la société SUSHI LES ANGLES reproduisait la marque « Sushi Shop »
Le 28 avril 2022 les sociétés SUSHI SHOP ont adressé à la société SUSHI LES ANGLES une mise en demeure de modifier l’aménagement intérieur de ses restaurants et son logo, et de la rembourser des frais exposés pour la défense de ses droits.
Par acte d’huissier du 4 août 2022 la société SUSHI SHOP RESTAURATION et la société SUSHI SHOP MANAGEMENT ont fait assigner la société SUSHI LES ANGLES.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 3 avril 2023 elles demandent au tribunal :
de condamner la société SUSHI LES ANGLES à payer à la société SUSHI SHOP RESTAURATION la somme de 200.000 € de dommages et intérêts en réparation de la violation de ses droits d’auteur,de condamner la société SUSHI LES ANGLES à payer à la société SUSHI SHOP RESTAURATION la somme de 150.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,de condamner la société SUSHI LES ANGLES à payer à la société SUSHIS SHOP MANAGEMENT la somme de 50.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,de faire injonction à la société SUSHI LES ANGLES de démonter l’agencement actuel de l’ensemble des restaurants « KALY SUSHI » implantés sur le territoire français, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard dans les trois mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;de faire injonction à la société KALY SUSHI de cesser d’exploiter les marques françaises n°4722645 et n°4748163 (sous leur forme telle que déposée ou sous toute forme modifiée)d’ordonner la publication du jugement dans trois journaux ou revues au choix des demanderesses, et aux frais de la société SUSHI LES ANGLES, pour un montant maximum de 3.000 € par insertion, et sur la page d’accueil du site internet www.kalysushi.com, pendant une période d’un mois et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ;de condamner la société SUSHI LES ANGLES à leur payer la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.Au soutien de ses demandes la société SUSHI SHOP RESTAURATION expose être présumée titulaire de droits d’auteur, en l’absence de revendication par un tiers, sur l’œuvre constituée par le décor des restaurants qu’elle exploite et identifiée au moyen de clichés produits aux débats. Elle ajoute que l’originalité de ces œuvres résulte des choix opérés pour la conception du décor des restaurants « SUSHI SHOP » résident dans la volonté de mettre à l’honneur le Japon, par une décoration minimaliste, délicate, avec des matières naturelles, en y intégrant les codes du luxe et du premium, en privilégiant la couleur noire et les lumières tamisées. Elle soutient qu’il s’agit d’une combinaison spécifique résultant de choix arbitraires, conférant au décor une physionomie propre révélant la personnalité de son auteur.
Elle fait encore valoir que les exemples de décors similaires invoqués par la défenderesse ont été conçu pour des restaurants ouverts en 2022, soit postérieurement à l’ouverture de son propre fonds, et que les décors de ces restaurants sont en outre différents.
Sur la contrefaçon la société SUSHI SHOP RESTAURATION invoque une similarité entre l’aménagement intérieur de ses restaurants et celui des restaurants exploités par la défenderesse, suffisante pour donner une même impression d’ensemble.
Sur la concurrence déloyale elles reprochent à la société SUSHI LES ANGLES l’imitation du décor des restaurants « SUSHI SHOP » pour ses propres points de vente, l’adoption des codes spécifiques à la marque « SUSHI SHOP » au sein du logo qu’elle exploite, l’ancienneté et la très forte notoriété de l’identité visuelle et commerciale de la société SUSHI SHOP, impliquant nécessairement sa connaissance par la société défenderesse préalablement à la conception et à l’exploitation de ses restaurants. Sur l’imitation du décor, elles allèguent les même faits que ceux exposés au soutien de la demande en contrefaçon. Sur l’imitation de la marque « Sushi Shop », elles exposent que le logo de la société SUSHI LES ANGLES reprend le dessin d’un poisson stylisé, la typographie du mot « sushi », la disposition des éléments figuratifs et verbaux et la disposition technique des enseignes constituées de panneaux rétro-lumineux. Elles en déduisent qu’il existe entre ces éléments une ressemblance visuelle de nature à faire naître une confusion dans l’esprit du public, et ce d’autant que leurs fonds de commerce respectifs se trouvent à proximité immédiate à [Localité 4] et [Localité 3].
Elles reprochent encore à la société SUSHI LES ANGLES des actes de parasitisme, exposant que les éléments de l’identité visuelle attachés à l’activité commerciale « Sushi Shop » (marque et décor des restaurants) représentent une valeur économique certaine, et qu’en les imitant la défenderesse a créé une association dans l’esprit du public afin de tirer parti de leur succès économique.
Sur la réparation du préjudice, elles exposent que la société SUSHI LES ANGLES exploite quinze restaurants dans le Sud de la France. Les sociétés demanderesses font valoir que l’imitation du décor des restaurants a contribué à leur dilution et à leur banalisation. Elles exposent encore que les actes de concurrence déloyale ont causé un détournement de clientèle, un détournement de leurs investissements et une atteinte à l’image de marque de la société SUSHI SHOP MANAGEMENT.
La société SUSHI LES ANGLES a conclu le 1er mars 2023 au rejet des demandes formées à son encontre et à la condamnation de la société SUSHI SHOP (laquelle ?)à lui payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle précise en premier n’exploiter que deux restaurants à l’enseigne KALY SUSHI et expose que les œuvres revendiquées ne sont pas originales, les panneaux séparateurs en bois faisant partie de la tradition japonaise, et imités de ceux du restaurant MATSURI Boétie existant depuis 1986. Elle ajoute que l’éclairage en lumière tamisée n’est pas autrement caractérisé, les photographies produites faisant état d’éléments différents d’un restaurant à l’autre, et que si les points de vente SUSHI SHOP sont plongés dans une ambiance tamisée, sombre et intimiste, ce n’est absolument pas le cas des points de vente de KALY SUSHI qui a fait le choix d’une ambiance lumineuse, chaleureuse et accueillante. S’agissant du mobilier, la société SUSHI LES ANGLES expose qu’il n’existe pas d’unicité dans le mobilier utilisé par la société SUSHI SHOP RESTAURATION dans ses différents établissements, et qu’elle même utilise un mobilier différent, de conception industrielle sans inspiration japonaise. Sur l’aménagement de ses propres restaurants, la société KALY SUSHI explique s’être inspirée du décor des restaurants « Bug’s Burger » autrefois exploités par son dirigeant.
Sur la concurrence déloyale, elle fait valoir que l’objet de leur commerce étant la vente de produits à base de poisson, il est naturel que leurs logos fassent figurer un poisson stylisé, soulignant que le logo « Sushi Shop » et le logo « Kaly Sushi » sont graphiquement différents, et souligne que d’autres logos représentant un poisson stylisé associé au mot « sushi » sont exploités par des tiers pour vendre des sushis. Concernant l’identité visuelle de la marque, la société SUSHI LES ANGLES fait valoir que la devanture des restaurants « Sushi Shop » varie selon les établissements et qu’il n’existe en tout état de cause aucun risque de confusion entre leurs devantures respectives en l’absence de ressemblance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la contrefaçon :
L’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »
Cependant, une création intellectuelle n’est protégeable que si elle reflète la personnalité de son auteur, autrement dit si elle est originale, ce quels que soient son genre, ses mérites ou sa destination.
Il faut, mais il suffit, que l’œuvre dont la protection est revendiquée porte une empreinte réellement personnelle et traduise un travail et un effort créateur exprimant la personnalité de son auteur pour que celui-ci puisse se revendiquer de la protection organisée par le code de la propriété intellectuelle.
Il appartient donc au tribunal, en procédant à des constatations de fait, de vérifier si le modèle revendiqué est protégeable, c’est à dire de rechercher en quoi il résulte d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur, seul de nature à leur conférer le caractère d’une œuvre originale protégée, comme telle, par le droit d’auteur, avant, le cas échéant, de rechercher en quoi le modèle est contrefait.
Il incombe à celui qui prétend se prévaloir des droits d’auteur de caractériser l’originalité de l’œuvre revendiquée, c’est-à-dire de justifier que cette œuvre présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Si certains des éléments qui composent chacun des modèles sont connus ou fonctionnels et, pris séparément, peuvent être considérés comme appartenant au fonds commun de l’univers du mobilier, la combinaison des lignes de chaque modèle, dès lors que l’appréciation doit s’effectuer de manière globale en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement, peut leur conférer une physionomie propre qui le distingue des autres modèles du même genre et qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.
L’œuvre dont la protection est sollicitée se compose, selon les dernières conclusions de la société SUSHI SHOP RESTAURATION d’un ensemble d’éléments mobiliers formant un décor de restaurant, comprenant des luminaires, des façades de bar en briques apparentes irrégulières en matière brute, des paravents de bois, des tables en bois de couleur naturelle, de fauteuils, de grand panneaux de bois lumineux composés de cases imbriquées, de murs peints en noir mat.
Selon les demanderesses, cette combinaison d’éléments conduit à mettre à l’honneur le Japon par une décoration minimaliste, délicate, avec des matières naturelles, en y intégrant les codes du luxe et du premium en privilégiant la couleur noire et les lumières tamisées.
Cependant il résulte des pièces mêmes communiquées par la société SUSHI SHOP RESTAURATION, et notamment des illustrations du « Design manual », que la combinaison revendiquée n’est pas précisément identifiée, dans la mesure où ce catalogue liste deux types de décors muraux, cinq types de tables, deux types de chaises, un tabouret, une banquette murale, deux types de panneaux muraux à cases, deux types de façades de bar, douze types de buffets, deux types de comptoirs réfrigérés et plusieurs types d’enseignes.
Enfin il est à noter que ce catalogue ne fait que lister séparément les éléments mobiliers devant être intégrés aux restaurants exploités sous l’enseigne SUSHIS SHOP, mais ne contient aucune indication relative à l’aménagement d’ensemble.
Il ne peut donc dans ces conditions être affirmé qu’il existe un ensemble cohérent formant décor, et donc une œuvre protégeable.
En outre la société SUSHI LES ANGLES produit divers clichés représentant le décor intérieur d’autres restaurants de cuisine japonaise, reprenant le même style de décor destiné à évoquer le Japon, par la présence de matériaux bruts en façade de bar, de cloisons de bois, d’un éclairage tamisé, d’un revêtement mural en lattes de bois clair sur fond sombre, et d’un mobilier en bois clair contrastant avec un sol ou des murs plus sombres.
Il apparaît dans ces conditions que le décor dont la protection est sollicitée, même à le considérer comme formant un ensemble précisément identifiable, procède du fonds commun du décor de style traditionnel japonais (ou perçu comme tel) exploité dans divers restaurants de gastronomie nippone. Or il n’est pas possible, au titre de la protection du droit d’auteur, de revendiquer la propriété d’un style ou d’un genre, impropre à refléter la personnalité de son auteur.
Les demandes au titre de la contrefaçon doivent en conséquence être rejetées.
Sur la concurrence déloyale :
La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du Code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur.
Ils supposent la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci.
La faute en matière de concurrence déloyale s’apprécie au regard du principe général de libre concurrence qui est un principe fondamental des rapports commerciaux. Elle implique que tout commerçant a la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, de vendre des produits similaires à ceux d’un concurrent ou même identiques en l’absence de droit privatif dans la mesure où tout produit qui n’est pas l’objet d’un droit privatif est en principe dans le domaine public, et de vendre des produits similaires ou identiques de qualité moindre à un prix inférieur. Ainsi, même si la reprise procure à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour fautive sauf à vider de toute substance le principe de liberté ci-dessus rappelé.
Il appartient donc au commerçant qui se plaint d’une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent.
Il en va de même du parasitisme qui suppose de démontrer l’existence d’actes de captation indue des efforts et investissements du concurrent.
Enfin et surtout, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.
Les clichés photographiques figurant au procès-verbal de constat que les restaurants exploités à l’enseigne KALY SUSHI par la société SUSHI LES ANGLES se distinguent, en ce qui concerne leur décor intérieur, par un éclairage nettement plus vif que ceux exploité par la société SUSHI SHOP RESTAURATION, qui au contraire revendique un éclairage tamisé destiné à produire un ambiance intimiste associée à l’univers du luxe. Surtout, le cliché figurant en page 20 du procès-verbal de constat montre que l’enseigne KALY SUSHI avec le logo associé figure en très gros caractère à l’intérieur de l’établissement exploité par la société SUSHI LES ANGLES à [Localité 4].
Dans ces conditions il apparaît qu’il existe une forte distinctivité dans le décor des restaurants de la défenderesse, de nature à exclure tout risque de confusion dans l’esprit du public, et ce nonobstant le fait que les établissements des deux parties au litige se trouvent, au moins à [Localité 4], à 500 mètres l’un de l’autre.
S’agissant de la signalétique extérieure, le « Design manual » édité par les sociétés SUSHI SHOP montre que celle-ci se compose, au choix, d’un large panneau rectangulaire de façade figurant la marque semi-figurative SUSHI SHOP, sur une seule ligne, en caractères foncés sur fond clair ou en caractères claires sur fond sombre, rétro-éclairés, ou encore d’un panneau carré de type enseigne en surplomb sur la rue, représentant sur deux lignes la marque semi-figurative SUSHI SHOP (l’élément figuratif sur la première ligne, l’élément verbal sur la seconde ligne), en caractères rétro-éclairés clairs sur fond sombre, et également d’un store sombre sur le lambrequin duquel sont écrits les mots « livraison/click and collect » ou « livraison/click and collect / à emporter / sur place » en caractères clairs.
Aucun de ces éléments ne se retrouve sur la devanture des restaurants exploités par la société SUSHI LES ANGLES selon les photographies produites aux débats. En particulier il n’apparaît pas de similitude entre les éléments figuratifs de la marque SUSHI SHOP et le logo de l’enseigne KALY SUSHI.
En effet l’élément figuratif de la marque SUSHI SHOP se compose d’un cercle à l’intérieur duquel se trouve un poisson stylisé en position verticale tête en haut :
tandis que le logo accompagnant l’enseigne KALY SUSHI se compose d’un cercle inachevé dans lequel se trouvent deux têtes de poissons stylisées représentées à l’horizontale et tête bêche, évoquant selon la défenderesse le signe du Ying et du Yang propre à la philosophie extrême-orientale :
Si la police de caractères apparaît semblable, le nom de la marque apparaît dans l’un des cas écrit sans espace entre les mots, alors que dans l’autre les deux termes sont nettement séparés.
Il sera rappelé que dans un signe semi-figuratif, l’élément verbal est considéré comme dominant. La prononciation des termes « sushi shop » d’une part, et « kaly sushi » d’autre part, ne présentent pas d’occurrences suffisantes, hors le terme générique « sushi », pour être considérée comme étant identiques ou semblables et créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen de langue française.
Ainsi les éléments verbaux diffèrent suffisamment pour éviter tout risque de confusion, le seul élément commun « sushi » n’étant que la désignation de l’un des produits commercialisés. Il ne peut en effet être reproché à un commerce de sushis de faire mention du nom de sa spécialité dans son enseigne, celle-ci n’étant pas susceptible d’appropriation ou de monopole.
Enfin il est montré par les photographies produites que sur l’enseigne des restaurants exploités par la société SUSHI LES ANGLES, les termes « kaly sushi » apparaissent en très gros caractères, d’une police ayant la même taille que l’élément figuratif, et mettant en évidence le terme « kaly » écrit en caractères gras. Il ne peut dans ces conditions y avoir de doute dans l’esprit du consommateur même inattentif sur le fait qu’il ne s’adresse pas à un restaurant des sociétés SUSHI SHOP, en l’absence de similitude dans l’impression d’ensemble des deux enseignes en cause.
Les faits de concurrence déloyale n’étant pas constitués, les demandes à ce titre seront également rejetées.
Sur les autres demandes :
La demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société SUSHI LES ANGLES n’est pas motivée. Celle-ci ne justifie en outre d’aucun préjudice qu’elle aurait subi du fait des sociétés demanderesses. La société SUSHI LES ANGLES sera donc déboutée de ce chef de demande.
Les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT, qui succombent à l’instance, en supporteront in solidum les dépens. Elles seront en outre condamnées in solidum à payer à la société SUSHI LES ANGLES la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT de leurs demandes ;

Déboute la société SUSHI LES ANGLES de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT à payer à la société SUSHI LES ANGLES la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés SUSHI SHOP RESTAURATION et SUSHI SHOP MANAGEMENT aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 

 


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