Tribunal judiciaire de Lyon, 6 février 2025, RG n° 22/09310
Tribunal judiciaire de Lyon, 6 février 2025, RG n° 22/09310

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Renouvellement contesté d’un bail commercial : enjeux de validité et de loyer

Résumé

Contexte du litige

La société BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER a signé un bail commercial avec la société AU ROCHER D’ORIENT le 24 mars 2004, pour un local à [Adresse 1], à [Localité 4]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, a été établi pour une activité de restaurant, avec un loyer initial de 7.436,00 euros HT HC, augmentant à 11.160,00 euros HT HC à partir du 1er mars 2004. En mai 2004, la société TEPPAN YAKI a acquis le fonds de commerce de ce restaurant.

Évolution du bail

Un protocole d’accord a été signé le 17 février 2010 entre la société civile immobilière [Adresse 1] et TEPPAN YAKI, en vue d’une réhabilitation de l’immeuble. La société MGMI, successeur de [Adresse 1], a ensuite renouvelé le bail commercial pour la période du 15 juin 2011 au 14 juin 2020, avec un loyer annuel de 14.221,35 euros HT HC.

Litige sur le renouvellement

Un désaccord sur le renouvellement du bail a conduit TEPPAN YAKI à assigner la société SAE, successeur de MGMI, devant le Tribunal judiciaire de Lyon le 26 octobre 2022. TEPPAN YAKI contestait le refus de renouvellement notifié par SOGEFIP le 2 novembre 2020 et demandait la confirmation de sa demande de renouvellement formulée le 22 octobre 2020.

Prétentions de TEPPAN YAKI

TEPPAN YAKI a demandé au tribunal de déclarer nul le refus de renouvellement, de reconnaître la validité de sa demande de renouvellement, et de fixer le loyer du bail renouvelé à 15.948,58 euros HT HC. En cas de rejet de sa demande, elle a sollicité une expertise judiciaire pour évaluer l’indemnité d’éviction.

Réponse de la société SAE

La société SAE a soutenu que son refus de renouvellement était valable et justifié par des motifs graves. Elle a également contesté la validité de la demande de renouvellement de TEPPAN YAKI, arguant qu’elle n’avait pas été correctement notifiée.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a déclaré nul le refus de renouvellement de SOGEFIP, constatant que la demande de renouvellement de TEPPAN YAKI était régulière. Le bail a été renouvelé à compter du 1er janvier 2021 pour une durée de neuf ans. La demande de fixation du loyer à 15.948,58 euros a été rejetée, le loyer renouvelé étant fixé à 16.373,57 euros HT HC.

Conséquences financières

La société SAE a été condamnée aux dépens de l’instance et à verser 1.500,00 euros à TEPPAN YAKI au titre des frais irrépétibles. La demande d’indemnisation de SAE a été rejetée.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 22/09310 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XJET

Jugement du 06 février 2025

Notifié le :

Grosse et copie à :

Me Timo RAINIO – 1881
la SCP VALLEROTONDA GENIN THUILLEAUX & ASSOCIES – 761

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 06 février 2025 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 05 février 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 03 octobre 2024 devant :

Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.R.L. TEPPAN YAKI
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 4]

représentée par Maître Nathalie GENIN-BOURGEOIS de la SCP VALLEROTONDA GENIN THUILLEAUX & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.C.I. SAE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 3]

représentée par Maître Timo RAINIO, avocat au barreau de LYON, et Maître Mickaël BENMUSSA de la SELARL MICKAËL BENMUSSA, avocats au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Suivant acte sous seing privé signé le 24 mars 2004, la société à responsabilité limitée BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER a consenti un bail commercial à la société à responsabilité limitée AU ROCHER D’ORIENT sur un local situé au numéro [Adresse 1], dans le [Localité 4], pour une durée de neuf années (du 15 juin 2002 au 14 juin 2011) pour y exploiter une activité de “restaurant – traiteur – salon de thé”, moyennant un loyer annuel de 7.436,00 euros hors taxes et hors charges (HT HC ci-après) jusqu’au 29 février 2004, puis de 11.160,00 euros HT HC à compter du 1er mars 2004.

La société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI a acquis le fonds de commerce de restaurant exploité à l’adresse susdite par acte authentique reçu le 26 mai 2004 par Maître [W] [D], notaire associée.

Un protocole d’accord a été conclu par acte sous seing privé du 17 février 2010 entre la société civile immobilière [Adresse 1], venue aux droits de la société BELLECOUR & BOISSAC IMMOBILIER, et la société TEPPAN YAKI, subrogée dans les droits de la société AU ROCHER D’ORIENT en prévision d’une réhabilitation de l’immeuble.

La société civile immobilière MGMI, venue aux droits de la société [Adresse 1], a régularisé avec la société TEPPAN YAKI un contrat de bail commercial de renouvellement sur la période du 15 juin 2011 au 14 juin 2020, moyennant un loyer annuel de 14.221,35 euros HT et HC.

Compte tenu d’un désaccord sur le renouvellement du bail commercial susvisé, la société TEPPAN YAKI a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de LYON la société civile immobilière SAE (venue aux droits de la société MGMI) par acte de commissaire de justice signifié le 26 octobre 2022, aux fins, pour l’essentiel, de faire confirmer la validité de la demande de renouvellement du bail commercial formulée le 22 octobre 2020, le renouvellement subséquent dudit contrat à compter du 1er janvier 2021 et le montant du loyer du bail renouvelé.

La clôture de l’instruction est intervenue par ordonnance en date du 5 février 2024. L’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie en formation à juge unique du 3 octobre 2024, à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 6 février 2025.

Prétentions et moyens

Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 5 novembre 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI demande au Tribunal :
A titre principal,
in limine litis, de déclarer nul le refus de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 adressé par la société SOGEFIP par courrier recommandé du 2 novembre 2020,au fond et en conséquence, juger qu’elle a valablement demandé le renouvellement du bail commercial dont elle bénéficie selon acte de renouvellement du 15 juin 2011, par demande formée le 22 octobre 2020, juger que le bail renouvelé doit prendre effet à compter du 1er janvier 2021 pour une nouvelle période de 9 ans, juger que le montant du loyer du bail commercial renouvelé à compter du 1er janvier 2021 doit être fixé conformément aux dispositions de l’article L 145-34 du Code de commerce, soit à la somme de 15.948,58 € hors taxe et hors charges (quinze mille neuf cent quarante-huit euros et cinquante-huit centimes),A titre subsidiaire, si le tribunal devait considérer non valable la demande de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 formée par courrier recommandé du 22 octobre 2020,
juger que le courrier recommandé de la société SOGEFIP adressé à la S.A.R.L. TEPPAN YAKI le 2 novembre 2020 pour s’opposer au renouvellement du bail ne peut être considéré comme un congé sans offre de renouvellement, juger que le bail commercial du 15 juin 2011 de la S.A.R.L. TEPPAN YAKI s’est tacitement prolongé, A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait considérer valable la demande de renouvellement de bail commercial formé par courrier recommandé du 22 octobre 2020 et le refus de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 opposé par courrier recommandé de la société SOGEFIP du 2 novembre 2020,
ordonner avant dire droit une expertise judiciaire pour que soient donnés à la juridiction tous éléments lui permettant de fixer l’indemnité d’éviction à laquelle la locataire sortante à droit, en désignant tel expert qu’il plaira avec mission habituelle en pareil matière, En tout état de cause,
condamner la S.C.I. SAE venant aux droits de la S.C.I. MGMI à lui verser la somme de 5.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner la même aux entiers dépens de l’instance distrait aux profits de la SCP VALLEROTONDA GENIN et ASSOCIES, avocat sur son affirmation de droit.
In limine litis, en vertu des articles L. 145-9 et L. 145-10 du Code de commerce, la société TEPPAN YAKI dénonce la nullité du refus de renouvellement qui lui a été adressé, le signataire n’étant pas le bailleur, le courrier ne mentionnant pas les modalités de recours et le refus ne lui ayant pas été signifié par acte extra-judiciaire. En réponse aux moyens adverses, elle soutient que qu’elle n’est pas tenue de justifier d’un grief. Elle fait également valoir que la délivrance de la demande de renouvellement par son conseil en son nom et pour son compte n’est pas contraire aux dispositions du Code de commerce. Elle indique qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir adressé le courrier au bailleur effectif, dès lors que celui-ci ne démontre pas qu’il a dûment porté à sa connaissance l’identité de la structure nouvellement propriétaire des murs. Elle estime, par ailleurs et si la demande de renouvellement devait être déclarée irrégulière, que le bail a nécessairement été prolongé tacitement à compter du 15 juin 2011. Elle écarte tout manquement légitimant l’opposition du bailleur au renouvellement du contrat. Se fondant sur la réforme du 4 août 2008 et sur les disposition de l’article L. 145-12 alinéa 3 du Code de commerce, elle considère que le renouvellement doit prendre effet au 1er janvier 2021.
A titre accessoire, elle évalue le loyer renouvelé à la somme de 15.948,58 euros HT et HC, par comparaison des indices des loyers commerciaux du quatrième trimestre 2010 et du deuxième trimestre 2020, ce en application de l’article L. 145-34 du Code de commerce.
A titre subsidiaire, elle affirme que les refus de renouvellement du bail commercial et de paiement d’une indemnité d’éviction ne sont pas justifiés. Elle précise que le départ contraint des locaux lui occasionnera un préjudice important et qu’il convient, de ce fait, d’ordonner une expertise aux fins de le chiffrer.

Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 30 novembre 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société civile immobilière SAE demande au Tribunal :
à titre principal, de juger qu’en qualité de bailleur, elle a valablement notifié un refus à la demande de renouvellement de la société TEPPAN YAKI, juger en conséquence que le bail renouvelé en date du 15 juin 2011 a pris fin, juger qu’elle justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre de TEPPAN YAKI, en conséquence juger qu’elle n’est pas tenue au paiement d’une indemnité d’éviction,à titre subsidiaire, juger que la demande de renouvellement notifiée par la société TEPPAN YAKI en date du 22 octobre 2020 n’est pas valable, en conséquence juger que le bail renouvelé en date du 15 juin 2011 s’est tacitement poursuivi depuis le 14 juin 2020,en tout état de cause, condamner la société TEPPAN YAKI aux frais et dépens de la présente instance, condamner la société TEPPAN YAKI à lui payer la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Citant les dispositions des articles L. 145-10 du Code de commerce et 114 du Code de procédure civile, la société SAE soutient que le refus opposé à la demande de renouvellement du bail commercial est valable, la société SOGEFIP, expéditeur du courrier, étant son représentant légal. Elle considère, à cet égard, que la société TEPPAN YAKI est irrecevable à soulever une exception de nullité, à défaut de l’avoir soulevée d’office et de démonstration du grief subi.
Elle fait valoir, à l’appui de l’article L. 145-17 du Code de commerce, que le refus de renouvellement est justifié par des manquements graves et répétés du preneur.
A titre subsidiaire, elle affirme, en vertu des articles L. 145-8 à L. 145-10 du Code de commerce, que la demande de renouvellement du bail commercial du 15 juin 2011 est irrégulière, à défaut d’avoir été adressée par acte extra-judiciaire au bailleur effectif.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal statuant publiquement en formation à juge unique après débats publics par jugement rendu contradictoirement en premier ressort et mis à disposition au Greffe,

Déclare nul le refus de renouvellement du bail commercial adressé le 2 novembre 2020 par la société par actions simplifiée SOGEFIP à la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI ;

Constate que le bail commercial portant sur le local d’une surface d’environ 160 m² avec cave, au rez-de-chaussée de l’immeuble situé au numéro [Adresse 1] – [Localité 4], liant la société civile immobilière SAE en qualité de bailleur à la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI en qualité de preneur est renouvelé à compter 1er janvier 2021 pour une durée de neuf années ;

Rejette la demande de la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI tendant à la fixation du loyer du bail commercial renouvelé au montant de 15.948,58 euros hors taxes et hors charges ;

Condamne la société civile immobilière SAE aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la société civile professionnelle VALLEROTONDA GENIN ET ASSOCIES ;

Condamne la société civile immobilière SAE à payer à la société à responsabilité limitée TEPPAN YAKI la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette la demande d’indemnisation formée par la société civile immobilière SAE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

En foi de quoi la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART, ont signé la présente décision,

La Greffière La Présidente

Jessica BOSCO BUFFART Marlène DOUIBI

 


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