Tribunal judiciaire de Lyon, 5 février 2025, RG n° 19/01615
Tribunal judiciaire de Lyon, 5 février 2025, RG n° 19/01615

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Responsabilité de l’employeur en cas d’accident du travail et indemnisation des préjudices subis par le salarié

Résumé

Présentation de l’Affaire

Un salarié, en qualité de chauffeur, a été embauché par une entreprise à compter du 1er février 2018. Le 9 février 2018, il a subi un accident de travail, se blessant gravement en se coinçant le pied entre deux bennes. Un certificat médical a confirmé une fracture ouverte de l’avant-pied droit, et l’accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation professionnelle.

Jugement Initial

Le tribunal a jugé, le 7 juillet 2021, que l’accident était imputable à la faute inexcusable de l’employeur. Il a ordonné une majoration de la rente d’accident du travail et a alloué une provision de 5 000 euros à la victime pour ses préjudices. La société a également été condamnée à payer des frais de justice.

Expertise Médicale

Une expertise médicale a été réalisée, révélant un déficit fonctionnel temporaire et permanent, ainsi que des souffrances physiques et morales. Un complément d’expertise a été ordonné en avril 2023 pour évaluer le déficit fonctionnel permanent, qui a été fixé à 30 % en janvier 2024.

Demandes de la Victime

Lors d’une audience en novembre 2024, la victime a demandé une indemnisation pour divers préjudices, incluant des sommes pour l’assistance par une tierce personne, la perte de revenus, et des souffrances physiques et morales. La société a contesté plusieurs de ces demandes, proposant des montants d’indemnisation inférieurs.

Réponse de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie

La caisse primaire a demandé au tribunal de se prononcer sur le quantum des sommes allouées et a précisé qu’elle se réservait le droit de récupérer les sommes avancées auprès de l’employeur en raison de la faute inexcusable.

Indemnisation des Préjudices

Le tribunal a statué sur l’indemnisation des préjudices, en précisant que certains postes, comme la perte de revenus, ne pouvaient pas donner lieu à une indemnisation complémentaire. Les montants alloués pour l’assistance par une tierce personne, les souffrances endurées, et les préjudices esthétiques ont été fixés, tandis que d’autres demandes ont été rejetées.

Conclusion et Décisions du Tribunal

Le tribunal a débouté la victime de plusieurs demandes, tout en fixant le montant total des indemnités à 106 377,10 euros, après déduction d’une provision antérieure. La société a été condamnée aux dépens et à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire a été ordonnée pour une partie des sommes allouées.

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

05 Février 2025

Jérôme WITKOWSKI, président

Florent TESTUD, assesseur collège employeur
David TEYSSIER, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Maëva GIANNONE, greffière

tenus en audience publique le 06 Novembre 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 05 Février 2025 par le même magistrat

Monsieur [U] [J] C/ S.A.S. [3]

N° RG 19/01615 – N° Portalis DB2H-W-B7D-T3FO

DEMANDEUR

Monsieur [U] [J], demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître BOURLIOUX Muriel, avocate au barreau de LYON

DÉFENDERESSE

La société [3], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Valérie SANIOSSIAN substituée par Maître RITOUET Cécile, avocates au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTE

CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Madame [I] [E], audiencière munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[U] [J]
S.A.S. [3]
CPAM DU RHONE
Me Muriel BOURLIOUX, vestiaire : 2019
Me Valérie SANIOSSIAN, vestiaire : 1073
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

Me Muriel BOURLIOUX, vestiaire : 2019
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [U] [J] a été embauché par la société [3] sous contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2018 en qualité de chauffeur.

Le 9 février 2018, la société [3] a déclaré un accident survenu le 9 février 2018 à 11h40 au préjudice de monsieur [U] [J], décrit en ces termes :  » le salarié est monté sur le bord d’une benne et son pied est resté coincé entre deux bennes « .

Le certificat médical initial établi le 13 février 2018 décrit les lésions suivantes :  » fracture ouverte de l’avant-pied droit « .

Le 29 mars 2018, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle.

La consolidation de monsieur [U] [J] a été fixée au 20 décembre 2018 avec attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 35 %.

Par jugement du 7 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, a notamment :

– Jugé que l’accident dont monsieur [U] [J] a été victime le 9 février 2018 est imputable à la faute inexcusable de la société [3] ;
– Ordonné la majoration de la rente servie par la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône au taux maximum ;
– Ordonné une expertise médicale aux frais avancés de la caisse primaire et désigné pour y procéder le docteur [D] [T] ;
– Alloué à monsieur [U] [J] une provision de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation des préjudices subis, dont la caisse primaire doit faire l’avance ;
– Condamné la société [3] à payer à monsieur [U] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Réservé les dépens.

Le docteur [D] [T] a établi son rapport d’expertise le 24 février 2022.

Sur les postes de préjudice examinés, les conclusions de l’expert sont les suivantes :

– Déficit fonctionnel temporaire total : du 9 février 2018 au 14 février 2018 (hospitalisation) ;
– Déficit fonctionnel temporaire partiel : du 15 février 2018 au 30 août 2018 à 50 %, puis du 31 août 2018 au 8 février 2019 à 35 % ;
– Assistance par une tierce personne : assistance non spécialisée 2 heures 7/7 jours par jour du 15 février 2018 au 30 août 2018, puis 1 heure par jour 7/7 jours du 31 août 2018 au 8 février 2019 ;
– Pas d’aménagement du logement ou du véhicule ;
– Eléments sur la perte d’une chance de promotion professionnelle : ne peut plus conduire de camion super lourd ou lourd sur une longue et moyenne distance et ne peut plus assumer l’activité de chargement / déchargement cœur d’ouvrage du métier ;
– Souffrances endurées : 3,5/7 ;
– Préjudice esthétique : 2/7 ;
– Préjudice d’agrément caractérisé par une tendance à l’isolement social, une dépréciation de soi, ne va plus à la piscine municipale, moins de performance lors de la pratique du vélo, moins envie de sortir ;
– Absence de préjudice sexuel mais probable baisse temporaire de libido ;
– Absence de perte de chance de réaliser un projet de vie familiale ;
– Absence de préjudice exceptionnel.

Par jugement du 4 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné un complément d’expertise afin d’évaluer l’éventuel déficit fonctionnel permanent de monsieur [U] [J] après consolidation et a désigné pour y procéder le docteur [Z] [O].

Ce dernier a établi son rapport d’expertise le 23 janvier 2024, fixant le déficit fonctionnel permanent à 30 %.

Aux termes de ses conclusions n°3 déposées lors de l’audience du 6 novembre 2024, monsieur [U] [J] demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de condamner la société [3] à l’indemniser de ses entiers préjudices et de lui allouer les sommes suivantes :

– 11 100 euros au titre de l’assistance par une tierce personne ;
– 5 338 euros au titre de la perte de revenus avant consolidation ;
– 40 000 euros au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;
– 5 314,65 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
– 10 000 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation ;
– 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
– 4 000 euros au titre du préjudice esthétique définitif ;
– 20 000 euros au titre des souffrances physiques post consolidation ;
– 25 000 euros au titre des souffrances morales post consolidation ;
– 95 865 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et, subsidiairement, la somme de 80 550 euros ;
– 3 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
– 1 000 euros au titre du préjudice sexuel.

Il demande enfin que la société [3] soit condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en réponse n°2 déposées lors de l’audience du 6 novembre 2024, la société [3] demande au tribunal de débouter monsieur [U] [J] de ses demandes formulées au titre de la perte de revenus avant consolidation, de la perte de chance de promotion professionnelle, du préjudice esthétique temporaire, des souffrances physiques et morales post consolidation, du préjudice sexuel et du préjudice d’agrément.

Elle demande au tribunal de limiter l’indemnisation du préjudice de monsieur [U] [J] aux sommes suivantes :

– 6 660 euros au titre de l’assistance par une tierce personne ;
– 4 026,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
– 6 000 euros au titre des souffrances endurées ;
– 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
– 80 550 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Elle précise qu’il conviendra de déduire de l’indemnité totale allouée la provision versée en exécution du jugement du 7 juillet 2021 et s’en rapporte quant à la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses observations écrites du 22 août 2024, la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône s’en remet à l’appréciation du tribunal sur le quantum des sommes allouées et demande qu’il soit jugé que les sommes avancées à la victime au titre de la majoration de la rente, des préjudices indemnisés et des frais d’expertise, seront recouvrées auprès de l’employeur en application des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 7 juillet 2021,
Vu le rapport d’expertise du docteur [D] [T] du 24 février 2022,
Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 4 avril 2023 ;
Vu le rapport d’expertise du docteur [Z] [O] du 23 janvier 2024 ;

Déboute monsieur [U] [J] de sa demande indemnitaire formée au titre de la perte de revenus ;

Déboute monsieur [U] [J] de sa demande indemnitaire formée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;

Déboute monsieur [U] [J] de ses demandes indemnitaires formées au titre des souffrances physiques et morales post consolidation ;

Fixe le montant des indemnités revenant à monsieur [U] [J] aux sommes suivantes :

– 10 100 euros au titre de l’assistance par une tierce personne ;
– 3 727,10 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
– 7 000 euros au titre des souffrances endurées ;
– 3 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
– 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
– 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
– 1 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
– 80 550 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Dit qu’il convient de déduire la provision allouée à hauteur de 5 000 euros, soit un solde à régler de 106 377,10 euros ;

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône doit faire l’avance de la majoration de la rente, du solde des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices, ainsi que des frais d’expertise et qu’elle dispose du droit d’en recouvrer le montant auprès de la société [3], dans les limites tenant à l’application du taux de 35 % concernant la majoration de la rente ;

Condamne la société [3] aux dépens de l’instance ;

Condamne la société [3] à payer à monsieur [U] [J] la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement à hauteur des deux tiers des sommes allouées au titre de l’indemnisation des préjudices et intégralement sur la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 5 février 2025 et signé par le président et la greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon