Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon
Thématique : Renouvellement inapproprié des mesures de contention en milieu hospitalier
→ RésuméCadre légal de l’isolement et de la contentionL’article L3222-5-1 du code de la santé publique stipule que l’isolement et la contention ne doivent être utilisés qu’en dernier recours pour des patients hospitalisés sans consentement. Ces mesures doivent être justifiées par un risque immédiat pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, et doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées. Une surveillance stricte est requise, avec des évaluations régulières consignées dans le dossier médical. Conditions de renouvellement des mesuresLe même article précise que le médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées maximales de 48 heures et 24 heures respectivement, à condition d’informer un membre de la famille et de saisir le tribunal compétent. Le juge doit statuer sur la nécessité de maintenir ces mesures avant l’expiration des délais fixés. Règles d’information et de contrôle judiciaireL’article R3211-31-1 impose que l’information sur le renouvellement soit communiquée à un proche du patient, qui peut demander la levée de la mesure. Le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour évaluer le consentement ou le diagnostic, mais doit vérifier la conformité des motifs avec les critères légaux. Analyse des décisions de renouvellementDans cette affaire, il a été constaté que plusieurs renouvellements de contention avaient été autorisés de manière anticipée, sans respecter les exigences légales de deux évaluations médicales par période de 12 heures. Le médecin a renouvelé la mesure sur la base d’une seule évaluation, ce qui est contraire à la loi. Conclusion de la décision judiciaireEn raison de l’irrégularité de la procédure, le juge a ordonné la levée de la mesure de contention concernant Mme [C] [W]. Cette décision a été notifiée aux parties concernées, y compris au directeur du centre hospitalier et aux représentants légaux de la patiente. |
COUR D’APPEL DE LYON
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Sandrine CLOCHER-DOBREMETZ
N° RG 25/00355 – JLD hospitalisation
Mme [C] [W] née le 06/05/2008
ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE DE CONTENTION
(1ère demande)
rendue le 29 janvier 2025 à 15 heures 10
Par, Sandrine CLOCHER-DOBREMETZ, juge au Tribunal judiciaire de Lyon, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;
Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-34 et suivants du Code de la santé publique ;
Vu les pièces relatives à l’admission en hospitalisation complète de Mme [C] [W];
Vu les pièces du dossier et notamment la décision de renouvellement de la mesure de contention du 29 janvier 2025 à compter de 4h19 après évaluation clinique par le Dr [R] [L] le 28 janvier 2025 à 20h14, considérant que l’état de la patiente, Mme [C] [W] nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure débutée le 27 janvier 2025 à 16h24;
Vu les informations délivrées aux tiers en application du premier alinéa du II de de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;
Vu la saisine du juge par le Directeur du CH [1] le 29 janvier 2025, enregistrée le même jour à 8h34, aux fins de maintien de la mesure sans demande de comparution du patient;
Vu l’avis du Ministère public ;
Vu les observations de Maître Coralie SOTO concluant à l’irrégularité de la mesure de contention de Mme [C] [W] en raison de :
– du renouvellement anticipé des décisions de renouvellement de la mesure de contention ;
MOTIFS DE LA DECISION :
L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention).
Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 h pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au magistrat du siège du Tribunal judiciaire compétent, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention.
Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.
Si les conditions sont toujours réunies, le juge autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les mêmes conditions.
L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contention est délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.
Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé.
En l’espèce, il résulte de l’analyse des pièces du dossier que plusieurs décisions de renouvellement de la mesure de contention ont été autorisées de façon anticipée.
En effet, il apparait que le médecin a autorisé, le 28 janvier 2025 à 20h14, différentes périodes de contention (allant du 28 janvier 2025 à 22h19, au 29 janvier 2025 à 4h20, puis au 29 janvier 2025 à 10h20) et ce, sur la seule évaluation clinique du 28 janvier 2025 à 20h14 ; que cette pratique est contraire à la loi qui exige la nécessité de deux évaluations médicales par période de 12 heures pour les mesures de contention afin de permettre au patient une réévaluation régulière de son état de santé et partant l’assurance que la mesure est toujours adaptée et proportionnée ; qu’il n’est pas justifié en l’espèce d’un nouvel examen médical justifiant la nécessité du renouvellement de la mesure ;
Ainsi, le moyen soulevé par le Conseil de [C] [W] est fondé.
Il résulte de ces éléments que la procédure est irrégulière.
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