Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon
Thématique : Évaluation des taux d’incapacité et impact professionnel : enjeux de la reconnaissance des séquelles psychologiques.
→ RésuméMonsieur [B] [U] a contesté, le 15 septembre 2023, une décision de la Commission Médicale de Recours Amiable concernant son taux d’incapacité permanente partielle de 26%. Lors de l’audience du 26 septembre 2024, il a soutenu que ce taux ne reflétait pas ses séquelles, demandant une réévaluation. Le tribunal a ordonné une consultation médicale, qui a recommandé d’augmenter le taux à 25%. Finalement, le tribunal a fixé le taux d’incapacité à 31%, tout en confirmant le taux socio-professionnel de 6% attribué par la CPAM, rejetant la demande de réévaluation de ce dernier.
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
Jugement du 26 Novembre 2024
Minute n° :
Audience du : 26 septembre 2024
Requête n° : N° RG 23/03009 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YVCA
PARTIES EN CAUSE
partie demanderesse
Monsieur [B] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
assisté de Maître FAUCONNET, avocat au barreau de LYON
partie défenderesse
CPAM DU RHONE
Service Contentieux Général
[Localité 3]
représentée par Monsieur [M], audiencier muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Caroline LAMANDE
Assesseur collège salarié : Bruno MARCHE
Assistés lors des débats et du délibéré de : Maéva GIANNONE, Greffière
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[B] [U]
CPAM DU RHONE
la SELARL CONTE-JANSEN & FAUCONNET AVOCATS, vestiaire : 2309
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSÉ DU LITIGE
Par une requête déposée au greffe en date du 15/09/2023, Monsieur [B] [U] a formé un recours à l’encontre d’une décision implicite de rejet de la Commission Médicale de Recours Amiable confirmant la décision notifiée de la CPAM du RHONE du 06/02/2023, et qui fixe à 26% dont 6% de taux socio professionnel, le taux d’incapacité permanente partielle en raison d’un accident du travail du 29/01/2021 consolidé le 05/12/2022, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante par le médecin conseil : « Syndrome anxio dépressif ».
Le greffe de la juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 26/09/2024.
À cette date, en audience publique :
– Monsieur [B] [U] était présent assisté de Me FAUCONNET. Il a fait valoir que sa situation n’avait pas été exactement évaluée et conteste le taux médical de 20% qui lui a été attribué qui est à son sens insuffisant au regard des séquelles qu’il présente. Il argue qu’un taux de 20% est le minimum du barème pouvant être appliqué (taux compris entre 20% et 40%). Il joint des certificats de son médecin psychiatre, le Docteur [L] et de son médecin généraliste, le Docteur [J].
Il sollicite également une réévaluation du taux socio professionnel. Il rappelle qu’il a été licencié pour inaptitude en janvier 2023 et qu’il travaille en intérim depuis février 2024.
– La CPAM du RHONE était comparante, représentée par Monsieur [M]. Elle soutient que le taux médical est conforme au barème des maladies professionnelles qui prévoit un taux entre 10% et 20% pour un syndrome anxiodépressif et qu’en l’espèce le taux de 20% attribué correspond au haut de la fourchette pour ce type de séquelles.
S’agissant du taux socio professionnel, la caisse soutient que l’assuré n’apporte aucun élément pour majorer ce taux.
En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au Docteur [T] [N], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.
A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Monsieur [B] [U], a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales, dont les parties ont pu discuter.
Les conclusions écrites du médecin consultant auprès du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 26/11/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.
En l’espèce Monsieur [B] [U] justifie avoir exercé un recours préalable devant la commission médicale de recours amiable le 17/03/2023, réceptionné le 20/03/2023 et qui a été rejeté par décision implicite. Il a formé un recours contentieux le 15/09/2023.
Le recours est déclaré recevable.
– Sur l’évaluation du taux médical
La juridiction saisie du recours, doit vérifier l’application du barème et des dispositions de l’article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale.
En application de l’article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d’après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
En l’espèce, le Docteur [T] [N], médecin consultant, relève d’après le rapport réalisé par le médecin conseil, une pathologie traumatique, avec des séquelles à type de syndrome anxio-dépressif suite à un accident du travail du 29/01/2021. Il note des symptômes de ruminations, des troubles du sommeil, une anxiété sociale et vulnérabilité émotionnelle, une organisation cohérente de la pensée, une élocution fluide et claire.
Le médecin consultant constate, à la date de consolidation, que l’intéressé a un suivi psychiatrique une fois par mois. Dans un courrier du 21/02/2023, date proche de la date de consolidation, le médecin psychiatre fait état de » troubles somatoformes : nausées, vomissements, diarrhées […] indiquant un stress persistant, des angoisses « .
Il suit un traitement d’anxiolytiques et d’anti dépresseurs à la date de consolidation.
Compte tenu de ces éléments, et du courrier du médecin psychiatre, le médecin consultant propose de porter le taux médical à 25%, plus conforme au barème des accidents de travail (paragraphe 4.2.1.11) qui propose un taux compris entre 20% et 40% pour ce type de lésions.
Il ressort des observations et constatations du médecin consultant, des pièces fournies, du rapport du médecin-conseil et des débats à l’audience de ce jour, que le taux médical de 25% correspond à une plus juste évaluation des séquelles de l’assuré à la date de consolidation, conformément au barème indicatif.
En conséquence, il convient de réformer la décision contestée et d’attribuer un taux médical de 25 % à Monsieur [B] [U].
– Sur l’évaluation du taux socio-professionnel
Il résulte des dispositions de L. 434-2 du Code de la sécurité sociale que » Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques, et mentales de la victime, ainsi que d ‘après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité « .
Les notions de qualification professionnelle et d’aptitude se rapportent aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée et aux facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Dès lors, la majoration du taux d’incapacité au titre du retentissement professionnel suppose que soit rapportée la preuve d’une perte d’emploi ou d’un préjudice économique distinct en lien direct et certain avec l’accident de travail.
En l’espèce, Monsieur [B] [U] occupait un poste d’opérateur de fabrication au sein de la société [4]. Il a été déclaré inapte par le médecin du travail le 19/12/2022 : » l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi « . Par la suite, il a été licencié le 24/01/2023.
Il ressort néanmoins des pièces versées au dossier, et notamment des bulletins de salaires entre février et août 2024, que Monsieur [B] [U] a repris un poste d’opérateur de fabrication, avec les mêmes qualifications, et ne justifie pas d’une baisse de salaires.
En conséquence, en attribuant un taux socio professionnel de 6%, la CPAM a largement tenu compte de ces éléments et a correctement indemnisé l’incidence professionnelle de l’accident de travail de l’assuré au regard de son inaptitude et de son licenciement.
Compte tenu de ces éléments, il n’y a pas lieu de majorer le taux socio-professionnel accordé.
Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire vu l’ancienneté du litige.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,
– DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par Monsieur [B] [U] ;
– REFORME la décision de la CPAM du RHONE du 06/02/2023, confirmée implicitement par la Commission Médicale de Recours Amiable et FIXE à 31% dont 6% de taux socio professionnel, le taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [B] [U] raison de son accident du travail du 29/01/2021 consolidé le 05/12/2022 ;
– REJETTE la demande de réévaluation de taux socio-professionnel ;
– ORDONNE l’exécution provisoire ;
– RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie ;
– CONDAMNE la CPAM du Rhône aux dépens exposés à compter du 01/01/2019 ;
Jugement rendu par mise à la disposition au greffe dont la minute a été signée par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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