Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon
Thématique : Évaluation de l’incapacité permanente et reconnaissance des maladies professionnelles : enjeux et critères d’appréciation.
→ RésuméMadame [B] [J] a contesté, le 12 septembre 2023, la décision de la Commission Médicale de Recours Amiable qui avait rejeté sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, fixant son taux d’incapacité à moins de 25%. Lors de l’audience du 26 septembre 2024, elle a soutenu que son syndrome anxiodépressif, aggravé par des conditions de travail difficiles, entraînait une incapacité supérieure. Le tribunal a ordonné une consultation médicale, mais a finalement confirmé le rejet de la CPAM, considérant que l’incapacité prévisible était inférieure à 25%, et a ordonné l’exécution provisoire de sa décision.
|
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
Jugement du 26 Novembre 2024
Minute n° :
Audience du : 26 septembre 2024
Requête n° : N° RG 23/02767 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YSTG
PARTIES EN CAUSE
partie demanderesse
Madame [B] [J]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Maître ROUMEAS, substitué par Maître REINHARD, avocats au barreau de LYON
partie défenderesse
CPAM DU RHONE
Service Contentieux Général
[Localité 2]
représentée par Monsieur [X], audiencier muni d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Caroline LAMANDE
Assesseur collège salarié : Bruno MARCHE
Assistés lors des débats et du délibéré de : Maëva GIANNONE, Greffière
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[B] [J]
CPAM DU RHONE
la SARL ROUMEAS AVOCATS, vestiaire : 414
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSÉ DU LITIGE
Par un courrier en date du 12/09/2023, Madame [B] [J] a formé un recours devant le Pôle Social du tribunal judiciaire de LYON, spécialement désigné en application de l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, aux fins de contester la décision de rejet implicite de la Commission Médicale de Recours Amiable confirmant la décision de la CPAM du RHONE du 05/05/2023 de fixer son taux d’incapacité permanente partielle prévisible à un taux inférieur à 25% et ainsi lui refuser la reconnaissance d’une maladie professionnelle hors tableau (syndrome anxiodépressif) déclarée le 15/03/2022.
Le greffe de la juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 26/09/2024.
À cette date, en audience publique :
– Madame [B] [J] était représentée par Me REINHARD. Elle soutient avoir une pathologie entraînant une incapacité supérieure à 25%. Elle explique qu’elle était directrice d’agence, en litige avec son employeur avec une charge de travail accrue et une emprise toxique. Il s’en est suivi une dégradation majeure de son état de santé (épuisement physique et mental). Elle a repris à temps partiel thérapeutique à compter de mai 2022 (½ journée par semaine). Elle a été déclarée inapte le 12/09/2022 et a pris acte de la rupture du contrat de travail en novembre 2022.
Elle considère qu’il y a un lien direct entre sa pathologie et son expérience professionnelle, et verse plusieurs attestations à ce titre.
– La CPAM du RHONE a comparu représentée par Monsieur [X] et indique s’en remettre au rapport des séquelles, la discussion étant purement médicale. Elle rappelle néanmoins que l’assurée est indemnisée au titre d’une affection longue durée à compter du 12/08/2022 au 11/09/2022, et que l’assurée a retrouvé un emploi.
En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au Docteur [K] [W], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.
A l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Madame [B] [J], a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales, dont les parties ont pu discuter.
Les conclusions écrites du médecin consultant auprès du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 26/11/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours n’est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d’office, l’exercice d’un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l’article 125 du NCPC et de l’article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l’incapacité permanente résultant d’accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.
En l’espèce Madame [B] [J] a exercé un recours préalable devant la commission médicale de recours amiable le 30/05/2023, réceptionné le 01/06/2023, qui a été rejeté par décision implicite. Elle a formé un recours contentieux le 12/09/2023.
Le recours est déclaré recevable.
Sur l’évaluation du taux médical
Il résulte des dispositions des articles L461-1 (alinéa 4) et R461-8 du Code de la sécurité sociale, que peut être reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à 25%.
L’article L434-2 du Code de la sécurité sociale, énonce que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
En l’espèce la caisse a conclu à une incapacité permanente inférieure à 25% pour » syndrome anxio dépressif « . Le médecin conseil précise que » les documents reçus n’apportent pas d’élément de gravité permettant de retenir un syndrome dépressif sévère ou un stress post-traumatique ou une autre pathologie psychiatrique grave. L’assurée n’a plus d’arrêt de travail depuis le 14/10/2022 « .
Le Docteur [K] [W], médecin consultant, note que l’examen clinique a été réalisé sur pièces. Il s’appuie sur les certificats médicaux versés aux débats, à savoir ceux du docteur [Y], médecin psychiatre. Ce dernier note l’impact de la situation professionnelle de l’intéressée sur son quotidien, avec une prise de médicaments. Il est relevé une irritabilité et une incompréhension sur le refus de rupture conventionnelle avec son employeur.
Le médecin consultant, d’après les éléments versés au dossier, ne constate pas d’éléments de gravité des symptômes sur le plan médical, pas d’état dépressif important, et rejoint ainsi l’avis du médecin conseil. Il note également que l’assurée n’était pas en arrêt de travail à la date de la demande. Selon lui, il n’y a donc pas d’incapacité permanente prévisible égale ou supérieure à 25%.
Par conséquent, il ressort des observations et constatations du médecin consultant, des pièces fournies, du rapport du médecin-conseil et des débats à l’audience de ce jour, que l’incapacité prévisible pour la maladie déclarée est inférieure à 25% et n’ouvre donc pas droit à la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
Il convient par ailleurs d’ordonner l’exécution provisoire vu l’ancienneté du litige.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,
– DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par Madame [B] [J] ;
– CONFIRME la décision de rejet implicite de la Commission Médicale de Recours Amiable confirmant la décision de la CPAM du RHONE du 05/05/2023 et REJETTE la prise en charge d’une maladie professionnelle hors tableau, le taux d’IPP prévisible de Madame [B] [J] étant inférieur à 25% ;
– ORDONNE l’exécution provisoire ;
– RAPPELLE, en application de l’article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie ;
– DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Jugement rendu par mise à la disposition au greffe dont la minute a été signée par la présidente et la greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
Laisser un commentaire