Tribunal judiciaire de Lyon, 17 janvier 2025, RG n° 25/00206
Tribunal judiciaire de Lyon, 17 janvier 2025, RG n° 25/00206

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Contrôle des mesures d’isolement en milieu psychiatrique : exigences et manquements observés

Résumé

Contexte légal de l’isolement et de la contention

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique stipule que l’isolement et la contention ne doivent être utilisés qu’en dernier recours pour des patients hospitalisés sans consentement, afin de prévenir un dommage immédiat. Ces mesures doivent être décidées par un psychiatre, être adaptées et proportionnées au risque, et faire l’objet d’une surveillance stricte. Des évaluations régulières doivent être effectuées et documentées dans le dossier médical.

Conditions de renouvellement des mesures

Le même article précise que le médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées initiales, sous certaines conditions. Il doit informer un membre de la famille du patient et le directeur de l’établissement doit saisir le juge des libertés et de la détention pour obtenir l’autorisation de prolonger ces mesures. Ce dernier doit statuer avant l’expiration des délais fixés.

Obligations d’information et de contrôle

L’article R3211-31-1 impose que l’information sur le renouvellement des mesures soit communiquée à un proche du patient, qui a le droit de demander la levée de la mesure. Le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour l’évaluation du consentement ou du diagnostic, mais il doit vérifier que les conditions légales sont respectées.

Constatations sur les manquements

Les observations écrites de Maître ROSSI soulignent plusieurs manquements, notamment l’absence d’évaluations médicales et de signatures pour les périodes d’isolement. Ces défauts compromettent la légalité et la justification des mesures prises, rendant impossible un examen adéquat de la situation du patient.

Conséquences des irrégularités

La multiplicité et la nature des manquements constatés entraînent l’irrégularité de la mesure d’isolement. Cela prive le juge de la possibilité d’exercer un contrôle efficace sur la situation du patient, ce qui justifie la demande de mainlevée de la mesure.

Ordonnance de mainlevée

En conséquence, il a été ordonné la mainlevée de la mesure d’isolement concernant Monsieur [F] [X]. Il est rappelé qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant un délai de quarante-huit heures, sauf en cas de nouveaux éléments justifiant une intervention immédiate.

Notification de l’ordonnance

L’ordonnance a été notifiée par courriel au directeur du Centre Hospitalier et à l’avocat de Monsieur [F] [X], ainsi qu’au procureur de la République, le 17 janvier 2025, pour assurer la transparence et le respect des procédures légales.

COUR D’APPEL DE LYON
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Jean-Christophe BERLIOZ
Vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention

N°RG 25/00206 – JLD hospitalisation
Monsieur [F] [X], né le 04/02/1995

ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE D’ISOLEMENT
(2ème demande)

rendue le 17 janvier 2025 à 17H40

Par Jean-Christophe BERLIOZ, Vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-31 et suivants du Code de la santé publique ;

Vu les pièces du dossier et notamment :
– une décision du juge des libertés et de la détention de Lyon en date du 13 janvier 2025 à 15h10 autorisant le maintien de la mesure d’isolement de Monsieur [F] [X] débutée le 10 janvier 2025 à 10h24,
– le renouvellement de la mesure d’isolement à compter du 17 janvier 2025 à 10h24 pour une durée de 12 heures, validé par le Docteur [B] le même jour à 09h02, considérant que l’état du patient nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure de placement à l’isolement débutée le 10 janvier 2025 à 10h24 ;

Vu l’information délivrée à un tiers (en l’espèce sa mère), régulièrement prévue en application du premier alinéa du II de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;

Vu la preuve de l’information du juge des libertés et de la détention par la Directrice de l’établissement, en application de ce même article ;

Vu la saisine du juge des libertés et de la détention par la Directrice du CH de [1] le 17 janvier 2025 enregistrée le même jour à 10h19, aux fins de maintien de la mesure ;

Vu l’avis du Ministère public, qui s’en rapporte ;

Vu la possibilité clinique d’informer le patient sur ses droits et modalités de recours, confirmation faite selon questionnaire médical en date de ce jour aux termes duquel il fait part de son souhait de ne pas être auditionné par le juge des libertés et de la détention mais d’être représenté par un avocat ;

Vu des observations écrites communiquées par Maître Maéva ROSSI reçue au greffe par mail ce jour à 16h04 et aux termes desquelles celle-ci indique que le dossier soumis à son appréciation lui semble comporter trois moyens induisant la mainlevée de la mesure d’isolement, s’agissant de l’absence au dossier d’une mesure de renouvellement, du défaut de signature de certaines décisions médicales de renouvellement et d’évaluation médicales de renouvellement non motivées.

MOTIFS DE LA DECISION :

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention);

Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au-delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 heures pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au juge des libertés et de la détention, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au-delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention.

Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge des libertés et de la détention doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.

L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contention est délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.

Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé.

Sur les observations écrites de Maître ROSSI :

Vu les dispositions des articles L 3222-5-1

Attendu que c’est à bon droit que sont relevés l’absence d’évaluation médicale pour la période d’isolement du 16/01/25 à 22h34 au 17/01/25 à 10h24, l’absence de signature par un médecin ou même toute autre personne des évaluations et reconductions des 13/01/25 à 10h00, 14/01/25 à 10h00, 15/01/25 à 10h24, 16/01/25 à 10h24, ou encore l’absence de toute motivation relative à l’évaluation clinique pour les reconductions des 14/01/25 à 10h00 et 15/01/25 à 10h24.

Attendu que la nature et le nombre de ces manquements ne permettent pas de s’assurer du caractère à la fois légal, motivé et approprié de la mesure d’isolement ainsi reconduite.

Attendu que ces défauts, de par leur multiplicité et leur nature lui font nécessairement grief et entraînent l’irrégularité de la présente mesure, laquelle ne semble pas avoir permis un examen actualisé, sérieux et personnalisé de la situation du patient et privant par ailleurs le juge d’exercer son contrôle à ce sujet.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de mainlevée présentée de ces chefs

Attendu qu’il convient à cet égard de rappeler qu’il résulte des dispositions de ce même article qu’en cas de mainlevée de la mesure, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient rendant impossibles d’autres modalités de prise en charge, auquel cas l’intérêt du patient doit être recherché afin de garantir sa sécurité et celle d’autrui, le juge des libertés et de la détention étant alors avisé sans délai de cette nouvelle mesure.

Il sera relevé pour la suite qu’une tentative de désescalade se soldant par un échec est susceptible de caractériser la survenance d’un élément nouveau, pour peu qu’elle soit mentionnée et caractérisée, de même que tout autre élément comportemental péjoratif nouvellement caractérisé ou mentionné.

 


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