Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon
Thématique : Égalité de traitement et droits familiaux en question
→ RésuméContexte de l’AffaireMadame [X] [G] [V], de nationalité congolaise, est arrivée en France en février 2016 avec ses deux enfants, [P] [U] [H] et [D] [C] [H]. Elle a donné naissance à un troisième enfant, [L] [G] [N], en France, qui a acquis la nationalité française. En tant que mère d’un enfant français, elle a obtenu une carte de séjour « vie privée et familiale », régulièrement renouvelée. Ses deux aînés détiennent un document de circulation pour étranger mineur, valable jusqu’en 2023. Demande de Prestations FamilialesMme [G] [V] a sollicité des prestations familiales pour ses trois enfants auprès de la CAF de Saône et Loire, puis de la CAF du Rhône, mais a essuyé des refus en raison de l’absence de justificatifs. Après avoir contesté ces refus, la commission de recours amiable a rejeté son recours en juin 2022. Elle a ensuite saisi le tribunal judiciaire en août 2022 pour demander un réexamen de sa situation et la condamnation de la CAF à lui verser 2 000 euros. Arguments de la RequéranteMme [G] [V] soutient que le refus de la CAF de prendre en compte ses aînés pour les prestations familiales est contraire aux dispositions internationales sur l’intérêt supérieur de l’enfant et au principe de non-discrimination. Elle argue que ses enfants, bien qu’étrangers, devraient bénéficier des mêmes droits que leur frère français. Position de la CAFLa CAF du Rhône a rejeté les demandes de Mme [G] [V], affirmant qu’elle ne remplissait pas les conditions légales d’attribution des prestations familiales pour ses aînés. Elle a souligné que la régularité du séjour des enfants et de leur mère était nécessaire pour bénéficier des prestations, et que la situation de Mme [G] [V] ne justifiait pas une exception. Cadre LégalL’article L512-2 du code de la sécurité sociale stipule que les étrangers non ressortissants de l’UE doivent justifier de leur régularité de séjour pour bénéficier des prestations familiales. Les enfants doivent prouver leur entrée régulière en France, ce qui n’a pas été établi pour [P] et [D]. Débat JuridiqueLe tribunal a noté que la régularité de la situation de Mme [G] [V] n’était pas contestée, mais que la question centrale était de savoir si ses aînés remplissaient les conditions requises. La CAF n’a pas pu prouver la régularité de l’entrée et du séjour des enfants, ce qui a conduit à une incohérence dans l’application des textes. Décision du TribunalLe tribunal a ordonné la réouverture des débats pour permettre la production de justificatifs concernant l’entrée en France des enfants en 2016. Il a également réservé l’ensemble des demandes en attendant de clarifier la situation et d’examiner la question de la prescription concernant les prestations demandées depuis février 2016. |
MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
17 Janvier 2025
Albane OLIVARI, présidente
Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Fabienne AMBROSI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Nabila REGRAGUI, greffière
tenus en audience publique le 13 Septembre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort par une mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024, prorogé au 20 décembre 2024, puis prorogé une seconde fois au 17 janvier 2025 par le même magistrat
Madame [X] [G] [V] C/ CAF DU RHONE
N° RG 22/01642 – N° Portalis DB2H-W-B7G-XDEP
DEMANDERESSE
Madame [X] [G] [V]
[Adresse 1]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/015054 du 14/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
représentée par la SCP ROBIN – VERNET, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 552
DÉFENDERESSE
CAF DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
comparante en la personne de Madame [Y] [T], suivant pouvoir
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[X] [G] [V]
CAF DU RHONE
la SCP ROBIN – VERNET, vestiaire : 552
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSE DU LITIGE
Madame [X] [G] [V], de nationalité congolaise, est arrivée en France en février 2016.
Déjà mère de deux enfants nés au Congo, [P] [U] [H] né le 5 août 2006, et [D] [C] [H] née le 12 février 2011, tous deux de nationalité congolaise comme leur maman, elle a donné naissance en France à son troisième enfant, [L] [G] [N], né le 16 novembre 2016. Ce dernier, né en France d’un père français, a donc la nationalité française.
Etant mère d’un enfant français, elle a dès lors obtenu une carte de séjour avec la mention “vie privée et familiale”, régulièrement renouvelée depuis.
[P] et [D] sont quant à eux détenteurs d’un document de circulation pour étranger mineur, délivré pour chacun d’eux le 12 juin 2018 et valable jusqu’au 11 juin 2023.
Mme [G] [V] avait sollicité de la CAF de Saône et Loire dont elle dépendait, le bénéfice des prestations familiales au bénéfice de ses trois enfants à compter de février 2016, et s’était vue opposer un refus faute d’avoir pu produire les justificatifs idoines.
Elle a renouvelé sa demande après avoir déménagé, et a sollicité aux mêmes fins la CAF du Rhône, qui lui a opposé une décision de refus en date du 27 juillet 2020.
Mme [G] [V] a contesté ce refus en saisissant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours selon une décision du 9 juin 2022.
Aussi a-t-elle saisi le tribunal judiciaire par requête du 12 août 2022, afin que soit ordonné le ré-examen de sa situation, en vue de liquider ses droits au titre des prestations famililales à compter du refus que lui a opposé la caisse.
Elle sollicite également la condamnation de la CAF du Rhône à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens.
Elle fait valoir qu’elle est entrée sur le territoire national en 2016 accompagnée de ses deux enfants aînés, et que le refus de la CAF de les prendre en compte au titre des prestations familiales est contraire d’une part aux dispositions internationales garantissant l’intérêt supérieur de l’enfant, qui ont été jugées directement applicables en droit interne, et d’autre partau principe de non-discrimination et d’égalité de traitement entre ressortissants étrangers et nationaux, et en l’espèce plus particulièrement entre les enfants d’une même fratrie.
La CAF du Rhône conclut au rejet des demandes élevées à son encontre, estimant que Mme [G] [V] ne peut prétendre au bénéfice des prestations familiales pour ses deux premiers enfants, dans la mesure où elle ne remplit pas les conditions légales d’attribution prévues notamment par l’article L512-2 du code de la sécurité sociale.
Elle soutient que l’exigence légale de la régularité du séjour des parents et de leurs enfants n’est contraire ni à la Constitution ni aux principes inscrits dans les textes européens ou internationaux ratifiés par la France, ni à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ou de la Cour de cassation. Seuls les ressortissants de certains pays peuvent être dispensés de la production de justificatifs de la régularité de leur séjour en France, lorsqu’ils sont originaires de pays signataires d’accords avec l’Union européenne comportant une clause d’égalité de traitement avec leurs nationaux, ce qui n’est pas le cas de la République démocratique du Congo.
Selon elle, Mme [G] [V] ayant obtenu sa carte de séjour avec la mention vie privée et familiale, elle doit produire soit un certificat médical de contrôle de l’Office français de l’immigration et de l’intégration pour justifier de la régularité du séjour de ses aînés sur le sol français.
Elle estime qu’accueillir la requête de Mme [G] [V] bafouerait le principe d’égalité devant la loi, puisque cette dernière se trouve dans une situation similaire à d’autres justiciables dont les demandes ont été rejetées, ainsi que le principe de sécurité juridique au regard de la jurisprudence.
Elle souligne que le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon le 8 février 2024 qu’invoque la requérante pour justifier de sa demande n’est pas définitif, ayant été frappé d’appel.
Evoquée à l’audience de plaidoiries du 13 septembre 2024, la décision a été mise en délibéré au 15 novembre 2024, délibéré prorogé au 20 décembre 2024 puis au 17 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant en publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE la réouverture des débats à l’audience du 21/03/2025 à 9h00 en salle 9 , aux fins de production de justificatifs de l’entrée en France des enfants aînés de Mme [G] [V] en 2016, en même temps qu’elle, ainsi qu’aux fins de débattre sur la question de la prescription soulevée d’office.
RESERVE l’ensemble des demandes.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la présidente, Albane OLIVARI, assistée par la greffière, Nabila REGRAGUI..
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Nabila REGRAGUI Albane OLIVARI
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