Tribunal judiciaire de Lyon, 16 janvier 2025, RG n° 25/00187
Tribunal judiciaire de Lyon, 16 janvier 2025, RG n° 25/00187

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Conditions strictes pour l’isolement en milieu psychiatrique

Résumé

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique stipule que l’isolement et la contention doivent être des mesures de dernier recours, réservées aux patients hospitalisés sans consentement, et ne peuvent être appliquées que pour prévenir un danger immédiat pour le patient ou autrui. Ces mesures doivent être décidées par un psychiatre, être adaptées et proportionnées au risque, et faire l’objet d’une surveillance stricte.

RENOUVELLEMENT DES MESURES

Le même article précise que, dans des cas exceptionnels, un médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées initiales, à condition d’informer un membre de la famille du patient et de saisir le juge des libertés et de la détention. Ce dernier doit statuer sur la nécessité de maintenir la mesure dans des délais précis.

INFORMATION ET DROITS DES FAMILLES

L’article R3211-31-1 indique que l’information sur le renouvellement des mesures doit être communiquée à un membre de la famille ou à une personne agissant dans l’intérêt du patient, qui a le droit de saisir le juge pour demander la levée de la mesure.

CONTROLE JUDICIAIRE

Le juge ne peut pas se substituer à l’autorité médicale pour évaluer le consentement du patient ou le diagnostic, mais il doit vérifier que les motifs de la mesure respectent les critères légaux.

DECISION DE PLACEMENT A L’ISOLEMENT

Dans cette affaire, le placement à l’isolement a été ordonné six heures après une mainlevée par le juge, qui avait précisé qu’aucune nouvelle mesure ne pouvait être prise avant quarante-huit heures, sauf en cas d’éléments nouveaux. La décision de rétablir l’isolement n’était pas motivée et se contentait de reproduire des motivations types.

IRREGULARITE DE LA PROCEDURE

La procédure a été jugée irrégulière, car la dernière évaluation médicale indiquait une évolution favorable de l’état de santé de la patiente, permettant d’envisager une levée de l’isolement.

ORDONNANCE DE MAINLEVEE

En conséquence, le juge a ordonné la mainlevée de la mesure d’isolement de Madame [G] [I] épouse [K], rappelant qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant quarante-huit heures, sauf en cas d’éléments nouveaux.

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE

L’ordonnance a été notifiée par courriel au directeur du Centre Hospitalier et au procureur de la République, assurant ainsi le respect des procédures légales.

COUR D’APPEL DE LYON
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Jean-Christophe BERLIOZ
vice-président(e) chargé(e) des fonctions de juge des libertés et de la détention

N°RG 25/00187 – JLD hospitalisation
Madame [G] [I] épouse [K] née le 06/12/1989

ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE D’ISOLEMENT
(1e demande)

rendue le 16 janvier 2025 à 15h04

Par, Jean-Christophe BERLIOZ, vice-président(e) chargé(e) des fonctions de juge des libertés et de la détention, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-34 et suivants du Code de la santé publique ;

Vu les pièces du dossier et notamment :
– une décision du Directeur du CH [1] en date du 10/01/25 à 11h45 admettant en hospitalisation complète sans consentement en urgence à la demande d’un tiers (en l’espèce son conjoint) de la patiente,
– une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Lyon en date du 13/01/25 ordonnant la mainlevée d’une précédente mesure d’isolement,
– le renouvellement de la mesure d’isolement le 16 janvier 2025 à compter de 09h05, après évaluation clinique par le Dr [M] le même jour à 08h56, considérant que l’état de la patiente, Madame [G] [I] épouse [K], nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure redébutée le 13 janvier 2025 à 21h05 ;

Vu l’information régulièrement délivrée aux tiers (en l’espèce son conjoint) en application du premier alinéa du II de de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;

Vu la saisine du juge des libertés et de la détention par le Directeur du CH [1] le 16 janvier 2025, enregistrée le même jour à 10h10, aux fins de maintien de la mesure sans demande de comparution de la patiente,

Vu l’avis du Ministère public qui s’en rapporte ;

Vu la possibilité clinique, sans certitude de compréhension de sa part, d’informer la patiente sur ses droits et modalités de recours, selon certificats médicaux réitérés entre le 13 janvier 2025 et ce jour, un questionnaire de la patiente avant saisine du juge des libertés et de la détention faisant en revanche état d’une impossibilité clinique.

MOTIFS DE LA DECISION :

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention);

Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au-delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 heures pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au juge des libertés et de la détention, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au-delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention.

Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge des libertés et de la détention doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.

L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contention est délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.

Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé.

En l’espèce, il apparait que la décision de placement à l’isolement a été remise en place 06 heures après une précédente mainlevée ordonnée par le juge des libertés et de la détention de Lyon en raison, notamment, d’une motivation type.

Attendu que cette précédente décision indiquait tout particulièrement « qu’en cas de mainlevée de la mesure, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation de la patiente rendant impossibles d’autres modalités de prise en charge, auquel cas l’intérêt de la patiente doit être recherché afin de garantir sa sécurité et celle d’autrui, le juge des libertés et de la détention étant alors avisé sans délai de cette nouvelle mesure.».

Que cette même décision précisait à cet égard qu’il « sera relevé pour la suite qu’une tentative de désescalade se soldant par un échec est susceptible de caractériser la survenance d’un élément nouveau, pour peu qu’elle soit mentionnée et caractérisée, de même que tous autre élément comportemental péjoratif nouvellement caractérisé ou mentionné. »
Qu’il sera constaté en l’espèce que la décision de replacer Madame [I] à l’isolement n’est absolument pas motivée et se limite à reproduire les motivations types des 10 et 12 janvier précédents.

Il résulte de ces développements que la procédure est irrégulière et ne peut être régularisée en opportunité, étant relevé que la dernière évaluation médicale individualisée du 15/01 au soir fait état d’une évolution progressivement favorable permettant d’envisager une ouverture du cadre en cours malgré une désorganisation persistante.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner une nouvelle fois la mainlevée de la mesure d’isolement de Madame [G] [I] épouse [K].

Attendu qu’il convient de rappeler qu’il résulte des dispositions de ce même article qu’en cas de mainlevée de la mesure, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation de la patiente rendant impossibles d’autres modalités de prise en charge, auquel cas l’intérêt de la patiente doit être recherché afin de garantir sa sécurité et celle d’autrui, le juge des libertés et de la détention étant alors avisé sans délai de cette nouvelle mesure.

Il sera relevé pour la suite qu’une tentative de désescalade se soldant par un échec est susceptible de caractériser la survenance d’un élément nouveau, pour peu qu’elle soit mentionnée et caractérisée, de même que tous autre élément comportemental péjoratif nouvellement caractérisé ou mentionné.

 


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