Tribunal judiciaire de Lyon, 16 janvier 2025, RG n° 22/00211
Tribunal judiciaire de Lyon, 16 janvier 2025, RG n° 22/00211

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Conflit autour de la réception et du paiement des travaux de construction

Résumé

Contexte de l’affaire

La société civile immobilière de construction-vente [Adresse 5] (SCCV [Adresse 5]) a entrepris la construction d’un immeuble d’habitation comprenant vingt logements et un commerce dans la commune de [Localité 4]. La déclaration d’ouverture du chantier a été faite le 27 juillet 2017. Les travaux ont été réalisés par la société ENTREPRISE LACHANA, responsable des lots « gros œuvre », « charpente » et « VRD », avec l’assistance du bureau d’études BATISPHERE pour la mission OPC. La réception des bâtiments A et B a eu lieu respectivement le 1er août et le 29 juillet 2019, avec des réserves.

Procédures judiciaires

En raison d’un non-paiement du solde des travaux, la société ENTREPRISE LACHANA a saisi la commission d’arbitrage de l’OFFICE DÉPARTEMENTAL DU BTP DU RHÔNE le 22 mars 2021, sans succès. Elle a ensuite assigné la SCCV [Adresse 5] devant le Tribunal de commerce de LYON le 10 juin 2021, demandant le paiement de 27.676,57 euros et l’indemnisation d’un préjudice. Le tribunal a déclaré son incompétence le 25 octobre 2021, renvoyant l’affaire au Tribunal judiciaire de LYON, où elle a été enregistrée sous deux numéros différents. Les deux procédures ont été jointes le 24 janvier 2022.

Situation de l’ENTREPRISE LACHANA

Le 20 décembre 2022, le Tribunal de commerce de LYON a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société ENTREPRISE LACHANA, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 11 avril 2023. La SELARL [S] [F] a été désignée comme liquidateur judiciaire et a pris part à l’instance le 19 juin 2023. L’affaire est prévue pour plaidoirie le 7 novembre 2024, avec une décision attendue le 16 janvier 2025.

Prétentions de l’ENTREPRISE LACHANA

Dans ses conclusions du 19 juin 2023, la société ENTREPRISE LACHANA demande au tribunal de condamner la SCCV [Adresse 5] à lui verser 27.676,57 euros, des intérêts légaux, 5.000 euros pour préjudice, 3.500 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens. Elle soutient que la SCCV [Adresse 5] a accepté les offres de travaux pour un montant total de 384.000 euros hors taxes et que les réserves signalées lors de la réception des travaux ont été levées.

Prétentions de la SCCV [Adresse 5]

La SCCV [Adresse 5] conteste les demandes de l’ENTREPRISE LACHANA, demandant le rejet de ses prétentions et l’application d’une pénalité de retard de 10.000 euros. Elle affirme que le retard de cinq mois est en partie imputable à l’ENTREPRISE LACHANA et que des désordres subsistent dans les travaux réalisés. Elle demande également 3.500 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Motivations du tribunal

Le tribunal rappelle que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties. Il constate que les demandes de la SCCV [Adresse 5] à l’encontre de BATISPHERE sont inopérantes, car cette société n’est pas partie à la procédure. Concernant les demandes de paiement de l’ENTREPRISE LACHANA, le tribunal conclut que la SCCV [Adresse 5] doit payer le solde des travaux, soit 27.676,57 euros, sans pénalité de retard, car la SCCV n’a pas prouvé que le retard était imputable à l’ENTREPRISE LACHANA.

Décisions finales

Le tribunal condamne la SCCV [Adresse 5] à payer 27.676,57 euros à l’ENTREPRISE LACHANA, ainsi que des intérêts légaux à partir du 9 juillet 2020. La demande de pénalité de retard de 10.000 euros est rejetée, tout comme la demande d’indemnisation de 5.000 euros de l’ENTREPRISE LACHANA. La SCCV [Adresse 5] est condamnée aux dépens et à verser 2.200 euros à l’ENTREPRISE LACHANA pour les frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement est maintenue.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 22/00211 – N° Portalis DB2H-W-B7F-WI45

Jugement du 16 janvier 2025

Notifié le :

Grosse et copie à :

la SELAS FIDAL – 708
la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS – 2596

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 janvier 2025 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 07 novembre 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 novembre 2024 devant :

Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSES

S.E.L.A.R.L. [S] [F], intervenante volontaire, prise en la personne de Maître [S] [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LACHANA
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Romain MIFSUD de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocats au barreau de LYON

S.A.S.U. ENTREPRISE LACHANA
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Romain MIFSUD de la SARL OCTOJURIS – MIFSUD – PESSON – AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.C.C.V. [Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal
domiciliée : chez CBS PATRIMOINE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Julien COMBIER de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Les faits et la procédure

La société civile immobilière de construction-vente [Adresse 5] (ci-après dénommée “SCCV [Adresse 5]”) a entrepris, en qualité de maître de l’ouvrage, l’édification d’un immeuble d’habitation composé de vingt logements et d’un commerce sur la commune de [Localité 4].

La déclaration réglementaire d’ouverture du chantier a été établie le 27 juillet 2017.

Sont notamment intervenus à cette opération de construction :
le bureau d’études BATISPHERE, en charge d’une mission OPC ; la société par actions simplifiée unipersonnelle ENTREPRISE LACHANA, en charge des lots “gros oeuvre”, “charpente” et “VRD”.
La réception du bâtiment B est intervenue le 29 juillet 2019 et celle du bâtiment A le 1er août 2019, toutes deux avec des réserves.

A défaut de paiement du solde des travaux, la société ENTREPRISE LACHANA a saisi la commission d’arbitrage de l’OFFICE DÉPARTEMENTAL DU BTP DU RHÔNE par courrier daté du 22 mars 2021, ce sans parvenir à une résolution amiable du litige l’opposant à la SCCV [Adresse 5].

En conséquence, par acte d”huissier de justice signifié le 10 juin 2021, la société ENTREPRISE LACHANA a fait assigner la SCCV [Adresse 5] devant le Tribunal de commerce de LYON aux fins, pour l’essentiel, de solliciter le règlement d’une somme de 27.676,57 euros et l’indemnisation d’un préjudice.

Par jugement rendu le 25 octobre 2021, le Tribunal de commerce de LYON s’est notamment déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal judiciaire de LYON, auprès duquel elle a été enrôlée sous le numéro de répertoire général 22/00160.

En parallèle, par acte d’huissier de justice signifié le 22 novembre 2021, la société ENTREPRISE LACHANA a fait assigner la SCCV [Adresse 5] devant le Tribunal judiciaire de LYON dans une même finalité. La procédure a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 22/00211.

Le juge de la mise en état a ordonné, le 24 janvier 2022, la jonction des deux procédures précitées sous le numéro de répertoire général 22/00211.

Par jugement daté du 20 décembre 2022, le Tribunal de commerce de LYON a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société ENTREPRISE LACHANA. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 11 avril 2023.

La SELARL [S] [F], désignée liquidateur judiciaire de la société ENTREPRISE LACHANA, est intervenue volontairement à l’instance par conclusions notifiées le19 juin 2023.

L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie en formation à juge unique du 7 novembre 2024, dans le cadre de laquelle la clôture définitive de l’instruction a été ordonnée et à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

Les prétentions et les moyens

Aux termes des dernières conclusions récapitulatives notifiées le 19 juin 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions émises et des moyens invoqués, la société ENTREPRISE LACHANA demande au Tribunal de :
condamner la société [Adresse 5] à lui régler la somme de 27.676,57 euros correspondant au solde des factures qui lui sont dues, avec intérêts à taux légal à compter de la première mise en demeure du 9 mars 2020,
condamner la société [Adresse 5] à verser à la société LACHANA la somme de 5.000,00 euros au titre du préjudice subi,condamner la société [Adresse 5] à régler à la société LACHANA la somme de 3.500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner la société [Adresse 5] aux entiers dépens de l’instance,ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Reprenant les dispositions des articles 1103 et 1799 du Code civil, la société ENTREPRISE LACHANA fait valoir qu’en acceptant les offres formulées au titre des lots numérotés un, deux et onze, la société [Adresse 5] s’est engagée à lui régler la somme totale de 384.000,00 euros hors taxes. Elle précise que les réserves mineures signalées lors de la réception des travaux ont toutes été levées et que les garanties de parfait achèvement lui ont été accordées le 22 novembre 2019. Elle expose que la société BATISPHERE a conséquemment délivré un certificat de paiement d’un montant de 14.952,44 euros à la charge de la société [Adresse 5] le 1er février 2020. Elle indique que des certificats de paiement antérieurs n’ont pas davantage été réglés en totalité par la société défenderesse, portant la dette totale de celle-ci au montant de 27.676,57 euros. En réponse aux moyens adverses, elle soutient que les désordres ayant persisté postérieurement à la livraison des appartements ne lui sont pas imputables. Elle affirme, par ailleurs, que les retards accumulés sur le chantier sont le fait d’intempéries et d’une société tierce. Elle souligne que les certificats n’ont pas été contestés au moment de leur émission par la société [Adresse 5], alors que cette dernière était parfaitement informée desdits retards. Elle signale, au surplus, que la société BATISPHERE, dont la société [Adresse 5] demande présentement la garantie, n’est pas partie à la présente instance.
En parallèle, elle explique qu’elle a souffert d’un préjudice important généré par le défaut de paiement d’une somme de 30.000,00 euros pourtant due depuis une année par la société [Adresse 5], dont elle dénonce la mauvaise foi et les manoeuvres dilatoires.

Aux termes des dernières conclusions récapitulatives notifiées le 21 septembre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions émises et des moyens invoqués, la société [Adresse 5] demande au Tribunal :
à titre principal, de rejeter l’ensemble des moyens, fins et prétentions de la société LACHANA,à titre subsidiaire, de dire qu’une pénalité de retard de 10.000,00 euros doit être appliquée à la société LACHANA,en tout état de cause, de condamner la société LACHANA à lui payer la somme de 3.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens et dire n’y avoir lieu à assortir la décision à intervenir de l’exécutoire provisoire.
La société [Adresse 5] soutient que le chantier a accusé un retard de cinq mois imputable pour moitié à la société ENTREPRISE LACHANA, en charge notamment du lot gros oeuvre. Elle considère, en conséquence, qu’il doit lui être appliqué une pénalité de retard de 10.000,00 euros (soit 50 jours ouvrés x 200,00 euros/jour). Elle fait valoir, à cet égard, que le montant de 22.126,00 euros hors taxes, dont le paiement est présentement sollicité par la société ENTREPRISE LACHANA, correspond à la pénalité forfaitaire prévue dans le marché de travaux (soit 5,76% d’une enveloppe totale de 384.000,00 euros HT). Elle estime qu’elle peut légitimement se prévaloir desdites pénalités, dès lors que le retard pris l’a contrainte à accorder des remises commerciales à ses clients. Elle affirme ensuite que prestations réalisées par la société ENTREPRISE LACHANA souffrent de plusieurs désordres. Elle assure également que des réserves n’ont pas été levées et la privent de tout recouvrement du solde de 5% du prix de vente. Elle réfute, par ailleurs, toute reconnaissance du bien-fondé des sommes réclamées par la société ENTREPRISE LACHANA.
En parallèle, se fondant sur l’article 10 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 et sur la jurisprudence de la Cour de cassation, elle fait valoir que la société BATISPHERE doit la relever et la garantir des éventuelles condamnations la visant, en raison d’une faute commise dans l’exécution de la mission d’OPC qui lui a été confiée.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement en formation à juge unique après débats publics par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au Greffe,

Condamne la société civile de construction-vente [Adresse 5] à payer à la société par actions simplifiée ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire de celle-ci, la somme de 27.676,75 euros toutes taxes comprises, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020, en règlement du solde du marché de travaux ;

Rejette la demande de la société civile de construction-vente [Adresse 5] par laquelle elle sollicitait l’application d’une pénalité de retard de 10.000,00 ;

Rejette la demande de la société par actions simplifiée ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire, tendant à obtenir la condamnation de la société civile de construction-vente [Adresse 5] à l’indemniser d’un préjudice évalué à 5.000,00 euros ;

Condamne la société civile de construction-vente [Adresse 5] aux entiers dépens de l’instance ;

Condamne la société civile de construction-vente [Adresse 5] à payer à la société par actions simplifiée ENTREPRISE LACHANA, représentée par Maître [S] [F], liquidateur judiciaire de celle-ci, la somme de 2.200,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette la demande formée par la société civile de construction-vente [Adresse 5] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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