Tribunal judiciaire de Lyon, 15 janvier 2025, RG n° 25/00182
Tribunal judiciaire de Lyon, 15 janvier 2025, RG n° 25/00182

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lyon

Thématique : Conditions strictes pour l’isolement et la contention en milieu psychiatrique

Résumé

Cadre légal de l’isolement et de la contention

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique stipule que l’isolement et la contention ne doivent être utilisés qu’en dernier recours pour des patients hospitalisés sans consentement. Ces mesures doivent être justifiées par un risque immédiat pour le patient ou autrui, et leur mise en œuvre doit être surveillée de manière stricte. Des évaluations régulières doivent être effectuées pour garantir la nécessité et la proportionnalité de ces mesures.

Conditions de renouvellement des mesures

Le même article précise que le médecin peut renouveler les mesures d’isolement ou de contention au-delà des durées maximales de 48 heures et 24 heures respectivement, à condition d’informer un membre de la famille du patient et de saisir le juge compétent. Ce dernier doit statuer sur la demande de maintien avant l’expiration des délais fixés.

Évaluation des décisions de renouvellement

Dans cette affaire, les décisions de renouvellement de la mesure de contention ont été prises par le Dr. [N] [F] à des moments consécutifs, ce qui a conduit à considérer ces renouvellements comme une seule décision, dépassant ainsi la durée légale de 6 heures. De plus, il a été constaté qu’il n’y avait pas de preuve que la mesure de contention avait été levée entre certaines périodes, rendant la procédure irrégulière.

Conclusion et ordonnances

En raison des irrégularités constatées dans la procédure de contention, le juge a ordonné la mainlevée de la mesure de contention concernant Mme [K] [G]. Il a également rappelé qu’aucune nouvelle mesure de contention ne pouvait être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures, sauf en cas de faits nouveaux.

COUR D’APPEL DE LYON
Tribunal judiciaire de Lyon
Cabinet de Romain BOESCH

N° RG 25/182 – JLD hospitalisation
Mme [K] [G] née le 06/05/2008

ORDONNANCE RELATIVE A UNE MESURE DE CONTENTION
(2ème demande)

rendue le 15 janvier 2025 à 16H32

Par, Romain BOESCH, juge au Tribunal judiciaire de Lyon, statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique ;

Vu les articles L3211-1 et suivants, L.3212-1 et suivants, L3222-5-1, R3211-34 et suivants du Code de la santé publique ;

Vu la décision du juge du Tribunal judiciaire de Lyon en date du 12 janvier 2025 à 15h52 autorisant la poursuite de la mesure de contention;

Vu les pièces du dossier et notamment la décision de renouvellement de la mesure de contention du 15 janvier 2025 à compter de 10h31 après évaluation clinique par le Dr [T] [W] le 15 janvier 2025 à 11h37, considérant que l’état de la patiente, Mme [K] [G] nécessite le renouvellement exceptionnel de la mesure débutée le 10janvier 2025 à 12h;

Vu les informations délivrées aux tiers en application du premier alinéa du II de de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique ;

Vu la saisine du juge par le Directeur du CH [1] le 15 janvier 2025, enregistrée le même jour à 11h53, aux fins de maintien de la mesure sans demande de comparution du patient,

Vu l’avis du Ministère public ;

Vu les observations de Maître Juliette PEROL-FRANQUEVILLE concernant la mesure de contention deMme [K] [G] ;

MOTIFS DE LA DECISION :

L’article L3222-5-1 du code de la santé publique dispose, dans son premier alinéa, que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement ; qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient ; qu’enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical, comportant notamment deux évaluations par 24 heures (isolement)/12heures(contention).

Il dispose aussi, dans son paragraphe II, qu’à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler sous les mêmes conditions, au delà des durées totales de 48 heures pour la mesure d’isolement et de 24 h pour la mesure de contention, la mesure d’isolement ou de contention avec l’obligation d’informer au moins un membre de la famille du patient ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, du renouvellement qui est envisagé ; que cette même information doit être délivrée par le directeur d’établissement au magistrat du siège du Tribunal judiciaire compétent, ce dernier devant être saisi d’une demande de maintien de la mesure avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement et de la quarante-huitième heure de contention si l’état de santé du patient rend le renouvellement de la mesure nécessaire au delà de ces durées, et statuer avant l’expiration de la quatre-vingt seizième heure d’isolement ou la soixante-douzième heure de contention ;

Il est aussi précisé à cet article qu’une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention et qu’en-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et qu’en outre, l’information susvisée et la saisine du juge doivent être effectuées selon les mêmes modalités lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.

Si les conditions sont toujours réunies, le juge autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les mêmes conditions.

L’article R3211-31-1 dispose que l’information relative au renouvellement de la mesure d’isolement ou de contention est délivrée par tout moyen à au moins un membre de la famille du patient, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt. Cette personne a le droit de saisir le juge aux fins de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention.

Dans le cadre de son contrôle, le juge ne peut se substituer à l’autorité médicale s’agissant de l’évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins. Il n’opère pas une appréciation de l’opportunité médicale de la mesure mais un contrôle de ses motifs au regard des critères posés au paragraphe I de l’article L3222-5-1 susvisé ;

En l’espèce, il résulte de l’analyse des pièces du dossier que les décisions de renouvellement de la mesure de contention à compter du 14 janvier 2025 à 22 heures 30 jusqu’au 15 janvier 2025 à 4 heures 30, puis du 15 janvier 2025 à 4 heures 31 jusqu’au 15 janvier 2025 à 10 heures 31, ont toutes les deux été prises par le Dr. [N] [F] le 14 janvier 2025 à 20 heures 59. Il doit donc être considéré que ces deux décisions de renouvellement de la mesure de contention constituent en réalité une unique décision de renouvellement de la mesure pour une durée de 12 heures, alors que la loi prévoit qu’une mesure de contention ne peut être décidée que pour une durée maximale de 6 heures.

En outre, il est constant que la mesure de contention n’a pas été renouvelée entre le 13 janvier 2025 à 11 heures 10 et le 13 janvier 2025 à 16 heures 59, puis à nouveau entre le 13 janvier 2025 à 20 heures et le 14 janvier 2025 à 10 heures 30. Si la lecture des décisions de renouvellement permet de comprendre que la contention avait été levée dans la journée du 13 janvier 2025 (vraisemblablement entre 11 heures 10 et 16 heures 59), en revanche il ne résulte d’aucune pièce que la mesure aurait été également levée entre le 13 janvier 2025 à 20 heures et le 14 janvier 2025 à 10 heures.

Il résulte de ces éléments que la procédure est irrégulière.

Il convient de rappeler qu’aucune nouvelle mesure de contention ne pourra être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures, sauf survenance d’un fait nouveau expressément mentionné dans la décision ordonnant la nouvelle mesure de contention.

 


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