Tribunal judiciaire de Lille, 7 janvier 2025, RG n° 24/00792
Tribunal judiciaire de Lille, 7 janvier 2025, RG n° 24/00792

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Imputabilité des arrêts de travail : enjeux de preuve et d’expertise médicale

Résumé

Contexte de l’accident

Le 21 janvier 2022, la société [7] a déclaré un accident du travail survenu à Monsieur [Y] [D] le 20 janvier 2022, alors qu’il soulevait de la pâte tombée au sol. Le certificat médical du 25 janvier 2022 a noté des douleurs à l’épaule gauche, nécessitant des examens médicaux et de la kinésithérapie.

Décision de la CPAM

Le 3 février 2022, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) a accepté de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. Cependant, le 16 octobre 2023, la société [7] a contesté la durée des soins et des arrêts de travail liés à cet accident.

Recours au tribunal

Le 8 avril 2024, la société [7] a introduit un recours contre la décision implicite de rejet de la commission médicale de recours amiable. L’affaire a été entendue lors d’une audience le 12 novembre 2024, où la société a réitéré ses demandes.

Demandes de la société [7]

La société [7] a demandé la transmission des certificats médicaux à son médecin, la constatation de la disproportion des arrêts de travail par rapport au barème de la Haute Autorité de Santé, et a sollicité une expertise médicale judiciaire pour vérifier l’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident.

Réponse de la CPAM

La CPAM a demandé au tribunal de rejeter les demandes de la société [7], affirmant que la prise en charge des soins et arrêts de travail était opposable à celle-ci et que la demande d’expertise médicale n’était pas justifiée.

Indépendance des rapports

Le tribunal a souligné que les rapports entre la CPAM et l’employeur sont indépendants, et que la décision n’affecte pas les droits de l’assuré. La CPAM n’est pas tenue de transmettre l’intégralité du dossier médical à l’employeur, sauf dans le cadre d’une expertise judiciaire.

Imputabilité des soins et arrêts de travail

Le tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité des lésions à l’accident du travail s’étend pendant toute la durée de l’incapacité. L’employeur doit prouver que les lésions ne sont pas imputables à l’accident pour renverser cette présomption.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces pour déterminer si les soins et arrêts de travail sont directement imputables à l’accident. Il a également précisé que les frais de cette consultation seraient pris en charge par la CPAM.

Prochaines étapes

Le tribunal a réservé les dépens et a fixé une audience de mise en état pour le 3 juillet 2025, en attendant le rapport de consultation médicale.

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00792 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YH2N
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 07 JANVIER 2025

N° RG 24/00792 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YH2N

DEMANDERESSE :

S.A.S. [7]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Gallig DELCROS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me BOUAZIZ

DEFENDERESSE :

CPAM DE [Localité 8] [Localité 9]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Madame [P], munie d’un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Anne JALILOSSOLTAN, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Christian TUY,

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 07 Janvier 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 21 janvier 2022, la société [7] a adressé à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 8] [Localité 9] une déclaration d’accident du travail survenu à Monsieur [Y] [D] le 20 janvier 2022 dans les circonstances suivantes :

 » en soulevant la pâte tombée au sol pour la mettre au rebut, le salarié a ressenti une douleur dans l’épaule gauche « .

Le certificat médical initial du 25 janvier 2022 mentionne :  » épaule gauche douleurs suite effort, nécessite examens médicaux et kiné « .

Le 3 février 2022, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 8] [Localité 9] a notifié à la société [7] une décision de prise en charge de l’accident du 20 janvier 2022 de Monsieur [Y] [D] au titre de la législation professionnelle.

Le 16 octobre 2023, la société [7] a saisi la commission médicale de recours amiable aux fins de contester l’imputabilité à l’accident du travail de la durée des soins et arrêts de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Par courrier recommandé expédié le 8 avril 2024, la société [7] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission médicale de recours amiable.

L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 3 octobre 2024, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 12 novembre 2024.

Lors de celle-ci, la société [7], par l’intermédiaire de son conseil, s’est référée à sa requête initiale à laquelle il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.

Elle demande au Tribunal de :

A titre liminaire,

– Solliciter de la CPAM la transmission des certificat médicaux descriptifs au Docteur [H], médecin mandaté par la société, pour discuter contradictoirement de l’imputabilité des arrêts de travail prescrits à l’accident du travail,

A titre principal,

– Constater qu’au regard du barème de la Haute Autorité de Santé, la durée des arrêts de travail est disproportionnée,
– En conséquence, déclarer inopposable à la société les 528 jours d’arrêts de travail prescrits à Monsieur [D] au titre de son accident du travail du 20 janvier 2022 dans la mesure où ils ne sont pas justifiés,

A titre subsidiaire et avant dire droit,

– Constater qu’il existe un différent d’ordre médical portant sur la réelle imputabilité des soins et arrêts de travail prescrits et indemnisés au titre de l’accident du travail,
– Ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces afin de vérifier la justification des arrêts de travail pris en charge en relation directe avec l’accident du travail du 20 janvier 2022.

En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 8] [Localité 9] a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.

Elle demande au Tribunal de :

– Débouter la société [7] de ses demandes,
– Déclarer opposable à la société [7] la prise en charge de l’ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de l’accident du travail du 20 janvier 2022,
– Débouter la société [7] de sa demande d’expertise médicale,
– Condamner la société [7] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DIT la société [7] recevable en son recours,

DÉBOUTE la société [7] de sa demande préliminaire tenant à ce que le tribunal fasse injonction à la CPAM et à son service médical de transmettre le dossier médical de Monsieur [Y] [D] au médecin désigné par la société,

AVANT DIRE DROIT sur la demande d’inopposabilité des soins et arrêts de travail prescrits à Monsieur [Y] [D] postérieurement au 20 janvier 2022,

ORDONNE une Consultation médicale sur pièces au titre de l’article R142-16 et suivants du code de la sécurité sociale,

DESIGNE pour y procéder le Docteur [V] [L] – [Adresse 4], avec pour mission, de :

1) Prendre connaissance de l’intégralité du dossier médical de l’assuré, dont le rapport médical mentionné à l’article R 142-16-3, que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 8] [Localité 9] et/ou son service médical, devra transmettre dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement,
2) Prendre connaissance des observations éventuelles du médecin conseil de la société [7] qui devront être transmises dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement,
3) Dire si les soins et arrêts de travail prescrits postérieurement au certificat médical initial sont directement et exclusivement imputables à l’accident du travail du 20 janvier 2022,
4) Dans la négative, dire dans quelle proportion ils sont rattachables à une pathologie intercurrente ou à une pathologie antérieure non révélée ou aggravée par l’accident du travail et la décrire,
5) Déterminer la date à partir de laquelle les arrêts de travail ont une cause totalement étrangère à l’accident du travail,

RAPPELLE à la société [7] qu’elle dispose d’un délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision pour demander, par tous moyens conférant date certaine, à l’organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin qu’il mandate à cet effet, l’intégralité des rapports précités, qui lui seront transmis, si cela n’a pas déjà été fait, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l’employeur ;

DÉSIGNE le magistrat ayant ordonné la mesure pour suivre la mesure d’instruction et statuer sur tous incidents ;

DIT que le médecin consultant désigné devra adresser un rapport écrit en 4 exemplaires au greffe du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille, [Adresse 1], dans un délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission ;

DIT qu’une copie du rapport écrit de la consultation médicale sur pièces dès réception sera adressée aux parties par le greffe du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Lille par lettre simple,

RENVOIE l’affaire après consultation à l’audience de Mise en Etat dématérialisée du :

JEUDI 3 JUILLET 2025 à 09 heures
Devant la chambre du POLE SOCIAL
Du TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE,
[Adresse 1].

DIT que le présent jugement notifié vaut convocation des parties à l’audience de Mise en Etat du Jeudi 3 JUILLET 2025 à 09 heures ;

SURSOIT à statuer sur les demandes dans l’attente de la réception du rapport de consultation médicale ;

RÉSERVE les dépens ;

RAPPELLE qu’en vertu de l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, les frais de consultation médicale seront pris en charge par la caisse nationale d’assurance maladie ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Tribunal les jours, mois et an sus-dit.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Fanny WACRENIER

Expédié aux parties le :

– 1 CCC à Me DELCROS, à la [7], à la CPAM de [Localité 8] [Localité 9] et au docteur [L]

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon