Tribunal judiciaire de Lille, 7 janvier 2025, RG n° 24/00160
Tribunal judiciaire de Lille, 7 janvier 2025, RG n° 24/00160

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Respect du principe du contradictoire dans la reconnaissance des maladies professionnelles

Résumé

Contexte de la Déclaration de Maladie

Le 29 novembre 2022, Madame [L] [C], employée de la société [4], a soumis à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Seine-et-Marne une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical indiquant des « troubles anxio-dépressifs réactionnels ».

Enquête Administrative et Avis du Comité

Suite à cette déclaration, la CPAM a mené une enquête administrative et a consulté son médecin-conseil. Elle a ensuite saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Île-de-France, en raison de la nature de la maladie, qui ne figurait pas dans le tableau des maladies professionnelles, avec un taux prévisible d’Incapacité Permanente Partielle (IPP) d’au moins 25%. Le 27 juin 2023, le comité a établi un lien direct entre la pathologie de Madame [L] [C] et son activité professionnelle.

Décision de Prise en Charge

Le 21 juillet 2023, la CPAM a notifié à la société [4] sa décision de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [L] [C], rétroactivement à partir du 3 décembre 2021, au titre de la législation professionnelle.

Recours de la Société [4]

Le 21 septembre 2023, la société [4] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable. Par la suite, le 19 janvier 2024, elle a introduit un recours devant le tribunal contre la décision implicite de rejet de la commission.

Audience et Demandes de la Société [4]

L’affaire a été entendue lors de l’audience de mise en état le 4 juillet 2024, suivie d’une audience de plaidoirie le 12 novembre 2024. La société [4] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, d’annuler la décision de prise en charge de la CPAM, et a soulevé des arguments concernant le non-respect du principe du contradictoire.

Arguments de la CPAM

En réponse, la CPAM a demandé au tribunal de déclarer le recours de la société [4] recevable en forme mais mal fondé, soutenant que la procédure contradictoire avait été respectée et que les certificats médicaux de prolongation n’étaient pas pertinents pour la décision.

Indépendance des Rapports

Le tribunal a noté que les rapports entre la CPAM et l’employeur, ainsi que ceux entre la CPAM et l’assuré, sont indépendants, ce qui signifie que la décision rendue n’affecte pas les droits de l’assuré.

Respect du Principe du Contradictoire

Le tribunal a examiné le respect du principe du contradictoire, en se référant aux articles du code de la sécurité sociale. Il a constaté que la CPAM n’avait pas respecté les délais de consultation et d’observation requis avant la transmission du dossier au comité régional.

Transmission de l’Avis du CRRMP

La société [4] a contesté le fait de ne pas avoir reçu l’avis du CRRMP avec la décision de prise en charge. Le tribunal a rappelé que la CPAM n’est pas tenue de notifier cet avis avant de prendre sa décision, mais doit informer l’employeur de la décision prise.

Délai de Consultation du Dossier

Le tribunal a également constaté que la CPAM n’avait pas respecté le délai de 30 jours francs pour permettre à la société [4] de consulter et d’enrichir le dossier avant sa transmission au CRRMP, ce qui a violé le principe du contradictoire.

Décision du Tribunal

En conséquence, le tribunal a déclaré inopposable à la société [4] la décision de la CPAM du 21 juillet 2023 concernant la prise en charge de la maladie de Madame [L] [C]. La CPAM a été condamnée aux dépens de l’instance.

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00160 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X6VL
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 07 JANVIER 2025

N° RG 24/00160 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X6VL

DEMANDEUR :

S.A.S. [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me TAN

DEFENDERESSE :

CPAM DE SEINE-ET-MARNE
Service contentieux
[Localité 3]
dispensée de comparaître

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Anne JALILOSSOLTAN, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Christian TUY,

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 07 Janvier 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 29 novembre 2022, Madame [L] [C], salariée de la société [4], a adressé à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de SEINE ET MARNE une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial en date du 29 novembre 2022 mentionnant :  » troubles anxio-dépressif réactionnel « .

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE a diligenté une enquête administrative, sollicité l’avis de son médecin-conseil puis a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région ILE DE FRANCE s’agissant d’une maladie hors tableau avec un taux prévisible d’IPP d’au moins 25%.

Par un avis du 27 juin 2023, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région ILE DE FRANCE a retenu un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et l’activité professionnelle de Madame [L] [C].

Par courrier du 21 juillet 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE a notifié à la société [4] une décision de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [L] [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle.

Le 21 septembre 2023, la société [4] a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.

Par lettre recommandée expédiée le 19 janvier 2024, la société [4] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 4 juillet 2024, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 12 novembre 2024.

Lors de celle-ci, la société [4], par l’intermédiaire de son conseil, s’est référée à sa requête initiale à laquelle il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.

Elle demande au tribunal de :

– Déclarer son recours recevable et bien fondé,
– Déclarer inopposable à la société la décision de CPAM de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle,
– En conséquence, annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Elle soutient le non-respect du principe du contradictoire en ce que :

° la CPAM ne lui a pas transmis l’avis du CRRMP avec la décision dont il est le fondement et la motivation,

° la CPAM ne lui a pas permis de disposer du délai de 30 jours pour consulter et enrichir le dossier avant transmission du dossier au CRRMP conformément aux dispositions de l’article R 461-10 du code de la sécurité sociale,

° le dossier soumis à la consultation était incomplet comme ne comprenant pas les certificats médicaux de prolongation en violation de l’article R 441-13 du code de la sécurité sociale,

° la saisine du CRRMP est irrégulière en l’absence de preuve de l’évaluation d’un taux prévisible d’IPP d’au moins 25% et de communication du rapport d’évaluation de ce taux visé à l’article D 461-29 du code de la sécurité sociale.

En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE a sollicité une dispense de comparution et déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions.

Elle demande au tribunal de :

– Déclarer le recours de l’employeur recevable en la forme mais le dire mal fondé,
– Débouter la société [4] de son recours,
– Déclarer opposable à la société [4] la décision de prise en charge de la maladie de Madame [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle.

Elle soutient en substance que la procédure contradictoire des articles R 461-9 et R 461-10 du code de la sécurité sociale a été respectée ; que les certificats médicaux de prolongation sont indifférents à la prise de décision ; la détermination du taux prévisible d’IPP relève de la seule compétence de son médecin conseil et l’employeur ne justifie pas avoir sollicité la communication du rapport d’évaluation du taux prévisible d’IPP.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE le recours formé par la société [4] recevable,

DIT que le principe du contradictoire durant la procédure d’instruction du dossier n’a pas été respecté,

DIT en conséquence que la décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE en date du 21 juillet 2023 de prise en charge de la pathologie de [L] [C] du 3 décembre 2021au titre de la législation professionnelle est inopposable à la société [4],

INVITE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE à fournir toutes les instructions utiles à la CARSAT en vue de la rectification du taux de cotisations AT/MP de la société [4],

CONDAMNE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE aux dépens de l’instance,

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal de judiciaire de Lille.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille les jours, mois et an que dessus.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Fanny WACRENIER

Expédié aux parties le :

– 1 CE à Me TSOUDEROS
– 1 CCC à [4] et à la CPAM de Seine et Marne

 


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