Tribunal judiciaire de Lille, 6 janvier 2025, RG n° 22/07369
Tribunal judiciaire de Lille, 6 janvier 2025, RG n° 22/07369

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Responsabilité du vendeur face aux vices cachés dans la vente d’un véhicule de collection

Résumé

Contexte de l’affaire

La société Passion 356, spécialisée dans la vente et la restauration de véhicules Porsche 356, a été impliquée dans une transaction avec M. [M] [W] via la société Ventis pour l’achat d’une Porsche 356 C Coupé de 1964. La vente, conclue en janvier 2018, incluait le prix du véhicule, son importation et des travaux supplémentaires.

Contrôles et expertises

Avant la vente, un contrôle technique n’a révélé aucune défaillance. Cependant, une expertise ultérieure a évalué la valeur du véhicule à 80.000 euros. En mai 2018, des problèmes de corrosion ont été constatés, entraînant des réparations successives. En avril 2021, un décapage a révélé une corrosion perforante significative.

Procédures judiciaires

M. [M] [W] a saisi le tribunal pour vices cachés après l’échec d’une solution amiable. Le juge a ordonné une expertise judiciaire, dont le rapport a été déposé en juillet 2022. En novembre 2022, M. [M] [W] a assigné la société Passion 356 et M. [H] [E] pour obtenir la résolution de la vente.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté la demande de prescription et a condamné la société Passion 356 et M. [H] [E] aux dépens. En septembre 2023, le juge a statué sur la qualité des parties, confirmant que M. [H] [E] était le vendeur responsable des vices cachés, tandis que la société Passion 356 n’était pas considérée comme telle.

Vices cachés et résolution de la vente

Le tribunal a établi que la corrosion perforante et les déformations des longerons constituaient des vices cachés, rendant le véhicule impropre à son usage. En conséquence, la vente a été résolue, et M. [H] [E] a été condamné à restituer le prix de vente à M. [M] [W].

Indemnités et frais

M. [M] [W] a obtenu le remboursement de divers frais liés à la vente, ainsi qu’une indemnisation pour préjudice de jouissance et préjudice moral. Le tribunal a également condamné M. [H] [E] à verser des frais d’expertise et des dommages-intérêts.

Appels en garantie et exécution provisoire

Les demandes d’appels en garantie contre les centres de contrôle technique ont été déclarées irrecevables. Le tribunal a statué que la décision était exécutoire de droit, sans nécessité d’exécution provisoire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/07369 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WUHZ

JUGEMENT DU 06 JANVIER 2025

DEMANDEUR :

M. [M] [W]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Claire CAMBERNON, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.R.L. PASSION 356, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

M. [H] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-Présidente
Assesseur : Laurence RUYSSEN, Vice-Présidente

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 21 février 2024.

A l’audience publique du 07 Octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 16 décembre 2024 et prorogé au 06 Janvier 2025.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 06 Janvier 2025 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La société Passion 356 est une société spécialisée dans la vente, la restauration et l’importation de véhicules Porsche 356.

En août 2017, M. [M] [W], représentant de la société Ventis, a pris contact avec M. [H] [E], gérant de la société Passion 356 pour l’achat d’une Porsche 356 C Coupé de 1964 se trouvant au Canada.

La vente est intervenue au prix de 84.900 euros incluant le prix du véhicule, son importation et des travaux supplémentaires pour un montant de 16.500 euros.

La déclaration de cession a été remplie le 2 janvier 2018 entre M. [H] [E] et la société Ventis.

Avant la vente, un contrôle technique a été réalisé le 21 novembre 2017 par le Centre Automobile Régional lequel n’a relevé aucune défaillance majeure ou mineure.

L’assureur du véhicule a sollicité qu’une expertise soit réalisée par un spécialiste. L’expertise a été réalisée par la société Carexpertises le 9 février 2018 laquelle a évalué la valeur de remplacement du véhicule à 80.000 euros.

Constatant l’apparition d’une corrosion perforante sur les bas de porte, le capot et le bloc avant du véhicule en mai 2018, la société Ventis a confié le véhicule à la carrosserie [K] à cette date puis à la carrosserie Defieu en février 2019 et février 2020.

Le 22 décembre 2020, la société Ventis a cédé le véhicule à M. [M] [W]. A cette occasion, un contrôle technique a été réalisé par le Centre de Sécurité et de Contrôle Automobile de [Localité 9] lequel n’a mis en évidence que des défaillances mineures.

En avril 2021, le véhicule a été confié à la société Lady Art Car laquelle a procédé au décapage complet de la peinture et découvert une corrosion perforante.

Une expertise amiable a été réalisée le 12 juin 2021 par M. [Z] lequel a conclu à l’existence de vices cachés que ne pouvaient ignorer la société Passion 356.

En l’absence de solution amiable, M. [M] [W] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille lequel a, par ordonnance en date du 8 mars 2022, ordonné une expertise du véhicule confiée à M. [B] [N] et au contradictoire de la société Passion 356, de M. [H] [E], de M. [Y] [K] exerçant sous le nom commercial Carrosserie [K] et de la société Carrosserie Defieu.

L’expert a déposé son rapport le 29 juillet 2022.

Suivant exploit délivré le 21 novembre 2022, M. [M] [W] a fait assigner la SARL Passion 356 et M. [H] [E] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

La société Passion 356 et M. [H] [E] ont saisi le juge de la mise en état d’un incident.

Par ordonnance en date du 21 septembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription, condamné la société Passion 356 et M. [H] [E] aux dépens ainsi qu’à payer à M. [M] [W] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 19 octobre 2023 pour M. [M] [W] et le 28 mars 2023 pour la société Passion 356 et M. [H] [E].

La clôture des débats est intervenue le 21 février 2024, et l’affaire fixée à l’audience du 7 octobre 2024.

Par ordonnance en date du 30 avril 2024, le juge de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formée par la société Passion 356 et M. [H] [E] aux fins de jonction avec l’instance initiée par eux, en avril 2023, à l’encontre des deux centres de contrôles technique et de la société Carexpertises, expert automobile.

* * * *

Aux termes de ses dernières écritures, M. [M] [W] demande au tribunal de :

Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil,
Vu des articles 173, 175, 177, 334 et 335 du code de procédure civile,
Vu l’arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l’organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n’excède par 3,5 tonnes,

A titre principal :

rejeter la demande en nullité du rapport d’expertise judiciaire et de réouverture des opérations d’expertise ;
A titre subsidiaire :

condamner in solidum la société Passion 356 et M. [H] [E], demandeurs à la réouverture des opérations d’expertise à supporter l’ensemble des frais y afférents ;
En tout état de cause :

prononcer la résolution de la vente du véhicule automobile Porsche 356 C Coupé immatriculé [Immatriculation 6] conclue le 2 janvier 2018 pour vices cachés ;condamner in solidum la société Passion 356 et M. [H] [E] à lui rembourser la somme de 84.900 euros au titre du prix de vente du véhicule ;dire qu’il laissera à disposition de la société Passion 356, sur première demande, le dit véhicule automobile en l’état, une fois le prix de vente restitué, à charge pour cette dernière de venir le récupérer sur place, à ses frais et au plus tard dans le mois de la restitution du prix ;condamner in solidum la société Passion 356 et M. [H] [E] à lui payer une somme de 13.294,88 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux ;condamner in solidum la société Passion 356 et M. [H] [E] à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de son préjudice de jouissance ;condamner in solidum la société Passion 356 et M. [H] [E] à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de son préjudice moral ;condamner in solidum la société Passion 356 et M. [H] [E] au paiement de la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières écritures, la société Passion 356 et M. [H] [E] demandent au tribunal de :

Vu l’article 1648 du code civil,

A titre principal :

déclarer l’action comme étant prescrite,déclarer le rapport comme nul,
A titre subsidiaire :

enjoindre à l’expert judiciaire à reprendre ses opérations et compléter son rapport après avoir entendu les autres professionnels, à savoir les deux contrôleurs techniques et l’expert M. [R], et pris en compte les observations des parties,rejeter les demandes dès lors que le véhicule était propre à son usage de collection au moment de la vente,
A titre infiniment subsidiaire :

déclarer M. [M] [W] responsable des conséquences de son propre préjudice, et en conséquence retenir une part de responsabilité de 50 %,ramener les demandes indemnitaires à de plus justes proportions,
En tout état de cause :

condamner le Centre de Sécurité et de Contrôle Automobile de [Localité 9] et Serauto [Localité 7] et Carexpertises à les relever des éventuelles condamnations susceptibles d’intervenir à leur encontre,écarter l’exécution provisoire,condamner M. [M] [W] au paiement de la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Déclare sans objet la fin de non recevoir,

Rejette la demande tendant à l’annulation du rapport d’expertise et la demande tendant à voir ordonner un complément d’expertise,

Déclare irrecevable, en ce qu’ils sont présentés dans le cadre de la présente instance, les appels en garantie formés à l’encontre du Centre de Sécurité et de Contrôle Automobile de [Localité 9], de Serauto [Localité 7] et de Carexpertises,

Prononce la résolution de la vente intervenue entre M. [M] [W] et M. [H] [E] le 2 janvier 2018 portant sur le véhicule Porsche 356 coupé de 1964 immatriculé [Immatriculation 6], sur le fondement de la garantie des vices cachés,

Condamne M. [H] [E] à verser à M. [M] [W] la somme de 84.900 euros euros au titre de la restitution du prix de vente,

Ordonne la restitution du véhicule Porsche 356 coupé de 1964 immatriculé [Immatriculation 6] par M. [M] [W] à M. [H] [E] à charge pour ce dernier de récupérer le véhicule à l’endroit où il se trouve et dans son état,

Condamne M. [H] [E] à payer à M. [M] [W] les sommes suivantes :
8.481,20 euros au titre des frais liés à la vente500 euros au titre du préjudice de jouissance,500 euros au titre du préjudice moral,
Déboute M. [M] [W] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la société Passion 356,

Condamne M. [H] [E] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire d’un montant de 4.813,68 euros,

Condamne M. [H] [E] à payer à M. [M] [W] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Le greffier, Le président,

 


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