Tribunal judiciaire de Lille, 6 février 2025, RG n° 24/00136
Tribunal judiciaire de Lille, 6 février 2025, RG n° 24/00136

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Conflit locatif et saisie conservatoire : légitimité et abus en question

Résumé

Contexte de l’Affaire

La société bailleur, désignée comme la société HDF IMMO, a conclu un contrat de bail avec la société locataire, désignée comme la société ACM BT, le 13 mai 2020. Ce contrat portait sur des locaux comprenant un entrepôt de 280 m² et des bureaux de 30 m², situés dans un ensemble immobilier. En fin d’année 2023, la société HDF IMMO a décidé de reprendre possession des locaux pour les vendre, ce qui a entraîné un litige avec la société ACM BT, qui refusait de quitter les lieux sans respecter les termes du contrat de bail.

Déroulement des Procédures

Le 13 février 2024, la société HDF IMMO a délivré un commandement de payer les loyers à la société ACM BT, invoquant la clause résolutoire du bail. Le 16 février 2024, une saisie conservatoire a été effectuée sur les comptes de la société ACM BT pour obtenir le paiement des loyers impayés. En réponse, la société ACM BT a saisi le juge de l’exécution le 5 mars 2024 pour contester cette saisie et demander des dommages et intérêts pour saisie abusive. Les deux parties ont été entendues lors d’audiences successives, la dernière ayant eu lieu le 15 novembre 2024.

Demandes des Parties

Lors de l’audience, la société ACM BT a formulé plusieurs demandes, notamment la reconnaissance de la recevabilité et du bien-fondé de ses demandes, le rejet des demandes de la société HDF IMMO, et la condamnation de cette dernière à verser des sommes pour frais de justice et dommages et intérêts. En défense, la société HDF IMMO a demandé le rejet des demandes de la société ACM BT, arguant que la saisie conservatoire était justifiée par des loyers impayés et que la société ACM BT ne pouvait pas réclamer de dommages et intérêts.

Arguments et Justifications

La société ACM BT a soutenu que la saisie conservatoire était abusive, affirmant qu’elle avait toujours réglé ses loyers à temps et que la société HDF IMMO avait agi de manière déloyale pour la forcer à quitter les lieux. En revanche, la société HDF IMMO a justifié la saisie en indiquant que des loyers de janvier et février 2024 n’avaient pas été réglés, et que des circonstances menaçaient le recouvrement de la créance, notamment des difficultés financières connues de la société ACM BT.

Décision du Tribunal

Le tribunal a statué que la saisie conservatoire était légitime au moment où elle a été effectuée, car la société ACM BT avait effectivement des loyers impayés. De plus, le tribunal a noté que la société ACM BT n’avait pas prouvé le préjudice subi en raison de la saisie. En conséquence, le tribunal a débouté la société ACM BT de sa demande de remboursement des frais de commandement et de dommages et intérêts pour saisie abusive. La société HDF IMMO a également été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Conclusion et Conséquences

Le jugement a établi que chaque partie devait supporter ses propres dépens, et aucune des parties n’a obtenu gain de cause sur les demandes présentées. Le tribunal a rappelé que le jugement était immédiatement exécutoire, sans effet suspensif en cas d’appel.

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 06 Février 2025

N° RG 24/00136 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YFCL

DEMANDERESSE :

S.A.S. ACM BT
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Nicolas FRISCOURT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.C.I. HDF IMMO
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Florence MAS, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Anne-Sophie VERITE

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIER : Sophie ARES

DÉBATS : A l’audience publique du 15 Novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2024, prorogé au 06 Février 2025

JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00136 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YFCL

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 13 mai 2020, la société HDF IMMO a donné à bail à la société ACM BT les locaux – 280 m² d’entrepôt et 30 m² de bureaux – au sein d’un ensemble immobilier situé au [Adresse 1] à [Localité 2].

Fin 2023, la société HDF IMMO a entendu reprendre possession des locaux pour les vendre.

Un contentieux s’est noué entre les deux sociétés, la société ACM BT ne souhaitant pas quitter les lieux sans respect des formes et délais prévus au contrat de bail.

Par acte du 13 février 2024, la société HDF IMMO a fait délivrer à la société ACM BT un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.

Par acte de commissaire de justice en date du 16 février 2024, la société HDF IMMO a fait procéder à une saisie conservatoire sur les comptes de la société ACM BT pour obtenir paiement de loyers impayés.

Par exploit en date du 5 mars 2024, la société ACM BT a saisi le juge de l’exécution aux fins de contester cette saisie conservatoire et obtenir des dommages et intérêts pour saisie abusive.

Les parties ont comparu à l’audience du 29 mars 2024.

Après renvois à leurs demandes, pour échanges de leurs conclusions, elles ont été entendues en leurs plaidoiries à l’audience du 15 novembre 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A cette audience, la société ACM BT, représentée par son avocat, a formulé les demandes suivantes :
prononcer que les demandes de la SAS ACM BT sont recevables et bien fondées,rejeter les demandes, fins et conclusions de la SCI HDF IMMO,condamner la SCI HDF IMMO à verser à la SAS ACM BT la somme de 170,22 € au titre des frais de Commissaire de Justice payés relatifs au commandement de payer les loyers commerciaux du 13 février 2024,condamner la SCI HDF IMMO à verser à la SAS ACM BT des dommages et intérêts à hauteur de 25 000 € au titre d’abus de saisie,condamner la SCI HDF IMMO à payer à la SAS ACM BT la somme de 5 000 € au titre de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 700 du code de procédure civile,condamner la SCI HDF IMMO aux entiers dépens de l’instance,dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses demandes, la société ACM BT rappelle que si, un mois après avoir fait déloyalement procéder à la saisie conservatoire contestée et une semaine après la décision du Président du Tribunal de commerce stigmatisant les comportements, les agissements intolérables de la société HDF IMMO, celle-ci a fait donner main levée de la saisie conservatoire contestée, elle souhaite rappeler qu’il n’y avait aucun retard de loyer à recouvrer et qu’il n’existait aucune circonstance menaçant le recouvrement des loyers, la société ACM BT ayant, depuis quatre ans, toujours et sans aucun incident réglé les sommes dues.
La société HDF IMMO n’a usé de la saisie conservatoire qu’à des fins détournées, soit pour faire pression sur la société ACM BT pour qu’elle déguerpisse des lieux, alors que rien ne l’y oblige.

La société ACM BT prétend ainsi que l’abus de saisie est particulièrement caractérisé et justifie l’octroi de 25 000 € de dommages et intérêts, les gérants et personnels de la société ACM BT ayant été particulièrement éprouvés par les agissements déloyaux de la société HDF IMMO et de son dirigeant.

En défense, la société HDF IMMO, représentée par son avocat, a pour sa part formulé les demandes suivantes :
rejeter toutes fins, moyens et conclusions, contraires,déclarer la SAS ACM BT irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,déclarer la demande de mainlevée de la saisie conservatoire réalisée par la société HDF IMMO sans objet,se déclarer incompétent pour trancher la demande de dommages et intérêts de la société ACM BT,condamner la SAS ACM BT à payer à la société HDF IMMO la somme de 3 000 € de dommages et intérêts ,condamner la SAS ACM BT à verser à la société HDF IMMO la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,condamner la SAS ACM BT aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Florence MAS pour les dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Au soutien de ses demandes, la société HDF IMMO fait d’abord valoir que la demande en mainlevée de la saisie conservatoire contestée n’a plus lieu d’être puisqu’il y a été procédé dès le 27 mars 2024, les sommes réclamées ayant finalement été payées.

La société HDF IMMO soutient par ailleurs que cette saisie conservatoire était bien fondée lorsqu’elle a été entreprise puisque deux échéances de loyer étaient alors impayées, étant rappelé que le bail stipule clairement que les loyers étaient dus mensuellement et d’avance.
Or, le 7 février 2024, la société ACM BT a été avertie par mise en demeure que les loyers de janvier et février étaient impayés et que des poursuites seraient entreprises sans régularisation rapide de la situation.
La mesure conservatoire entreprise était donc justifiée et fondée et ne représentait que l’exercice par le bailleur de son droit à percevoir les loyers.

La société HDF IMMO ajoute que, si la créance était certaine, les circonstances menaçant son recouvrement étaient également établies, les comptes bancaires de la société ACM BT n’étant créditeurs, pour l’un, que de 1,13 € et pour l’autre, débiteur de plus de 20 000 €, les difficultés financières de la société ACM BT étant par ailleurs connues de la société HDF IMMO depuis 2021.

La saisie conservatoire initialement contestée était donc fondée et la société ACM BT ne peut réclamer quelques dommages et intérêts que ce soit.

La société HDF IMMO souligne par ailleurs que le juge de l’exécution est incompétent pour accorder des dommages et intérêts sur de prétendus manquements de la société HDF IMMO à ses obligations de bailleurs, manquements prétendus que la société HDF IMMO conteste vigoureusement.
La défenderesse souligne par ailleurs que la société ACM BT ne justifie aucunement du préjudice subi étant rappelé que la saisie conservatoire n’a porté que sur la somme de 1,13 € pendant un mois.

La société HDF IMMO estime enfin subir une procédure infondée et abusive. Elle en demande réparation par allocation de dommages et intérêts.

A l’issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 13 décembre 2024.

Ce délibéré a dû être prorogé au 6 février 2025.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DEBOUTE la société ACM BT de sa demande en remboursement des frais de commandement ;

DEBOUTE la société ACM BT de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive ;

DEBOUTE la société HDF IMMO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est immédiatement exécutoire, le délai d’appel et l’appel lui-même des décisions du juge de l’exécution n’ayant pas d’effet suspensif en application de l’article R12121 du code des procédures civiles d’exécution ;

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier.

La greffière Le Président

Sophie ARES Damien CUVILLIER

Expédié aux parties le :

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon