Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille
Thématique : Résiliation de bail et obligations locatives en cas de surendettement
→ RésuméContexte du litigeLa société anonyme d’habitat à loyer modéré Vilogia a conclu un bail avec Mme [P] pour un appartement et une cave, avec un loyer mensuel de 388,25 euros, à partir du 13 novembre 2012. En mars 2022, Mme [P] a déposé un dossier de surendettement, qui a été déclaré recevable en avril 2022. En juin 2022, la commission de surendettement a ordonné un rétablissement sans liquidation judiciaire, effaçant une dette locative de 1 926,28 euros. Commandement de payer et assignationEn novembre 2023, Vilogia a délivré un commandement de payer à Mme [P] pour une somme de 479,85 euros, dont 413,99 euros de loyers et charges impayés. En février 2024, la société a assigné Mme [P] devant le tribunal pour obtenir la résiliation du bail et son expulsion, ainsi que le paiement des loyers dus. Audience et demandes des partiesL’affaire a été entendue en juin 2024 et renvoyée à décembre 2024. Vilogia a demandé la résiliation du bail, l’expulsion de Mme [P], et le paiement de diverses sommes, y compris des dommages et intérêts pour privation d’accès à sa propriété. Mme [P], de son côté, a demandé des délais de paiement et des travaux de remise en état de son logement, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance. Arguments de VilogiaVilogia a soutenu que Mme [P] devait payer l’intégralité de son loyer, qu’elle avait fait preuve de mauvaise foi, et que la clause résolutoire était acquise depuis janvier 2024. La société a également affirmé que les désordres signalés par Mme [P] n’étaient pas suffisamment graves pour justifier un non-paiement des loyers. Arguments de Mme [P]Mme [P] a fait valoir qu’elle avait signalé des problèmes d’hygiène et d’isolation à Vilogia et qu’elle avait engagé des démarches pour faire constater les désordres. Elle a également affirmé que la situation de son logement justifiait une réduction de loyer et a demandé des travaux pour remédier aux problèmes d’humidité et d’infestation. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré Vilogia recevable dans son action et a constaté que la clause résolutoire était acquise. Mme [P] a été condamnée à payer 180 euros pour loyers impayés, avec la possibilité de régler cette somme en plusieurs mensualités. Les demandes de Vilogia pour des dommages et intérêts et le débarras des encombrants ont été rejetées, tout comme les demandes de Mme [P] pour des travaux et des dommages et intérêts. ConclusionLe jugement a été rendu le 3 février 2025, avec exécution provisoire, et a précisé les modalités de paiement et d’expulsion en cas de non-respect des obligations de paiement par Mme [P]. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 2]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 24/01724 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YBHC
JUGEMENT
DU : 03 Février 2025
S.A. VILOGIA
C/
[O] [P]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 03 Février 2025
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. VILOGIA, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Représentant : M. [T] [R] (Membre de l’entrep.)
ET :
DÉFENDEUR(S)
Mme [O] [P], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Christophe WERQUIN, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 16 Décembre 2024
Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 03 Février 2025, date indiquée à l’issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
RG : 24/1724 PAGE
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé avec effet au 13 novembre 2012, la société anonyme d’habitat à loyer modéré Vilogia a donné à bail à Mme [O] [P], pour une durée initiale d’un mois renouvelable par tacite reconduction, un appartement n° 200329 situé au 2ème étage porte 2-01, [Adresse 4] à [Localité 2] ainsi qu’une cave située à la même adresse, moyennant un loyer mensuel initial de 388,25 euros, outre une provision sur charges de 13,79 euros.
Le 15 mars 2022, Mme [P] a déposé un dossier de surendettement qui a été déclaré recevable le 27 avril 2022.
Par décision du 29 juin 2022, la commission de surendettement des particuliers du Nord a imposé un rétablissement sans liquidation judiciaire entraînant l’effacement des dettes dont une dette locative de 1 926,28 euros.
Par acte de commissaire de justice du 22 novembre 2023, la SA Vilogia a fait délivrer à Mme [P] un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail afin d’obtenir le paiement de la somme de 479,85 euros dont 413,99 euros à titre principal au titre des loyers et charges impayés.
Par courrier du 13 novembre 2023, la SA Vilogia a indiqué à la CAF du Nord que Mme [P] était débitrice de cette somme.
Par acte de commissaire de justice du 6 février 2024, la SA Vilogia a fait assigner Mme [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille afin de voir constater, à défaut prononcer la résiliation du bail, ordonner l’expulsion de Mme [P] et la voir condamner à lui payer les loyers et charges impayés ainsi qu’une indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective des lieux.
Cette assignation a été notifiée par voie électronique au représentant de l’Etat dans le département du Nord le 7 février 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 6 juin 2024, renvoyée pour permettre les échanges d’écritures et finalement retenue à l’audience du 16 décembre 2024.
A cette audience, la SA Vilogia, représentée par M. [T] [R], muni d’un pouvoir pour la représenter, a oralement soutenu ses dernières écritures (sauf en ce qui concerne le montant de la dette locative) aux termes desquelles elle sollicite de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
A titre principal,
constater la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire et, en conséquence, dire que Mme [P] est occupante sans droit ni titre,à défaut, prononcer la résiliation du bail pour non-paiement des loyers et charges,ordonner l’expulsion de Mme [P] ainsi que celle de toute personne introduite par elle dans le logement, dans le délai de deux mois du commandement d’avoir à libérer les lieux à intervenir et ce, au besoin, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier,condamner Mme [P] au paiement de la somme de 180 euros représentant les loyers et charges impayés au jour de la résiliation du bail et jusqu’au jour du jugement,condamner Mme [P] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer courant et des charges à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à complète libération des lieux,condamner en outre Mme [P] au paiement des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,dire que la part correspondant aux charges dans cette indemnité d’occupation pourra être réajustée au cas où les charges réelles dépasseraient 12 fois la provision,condamner Mme [P] au paiement de la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens en ce compris le coût du commandement de payer,rejeter l’ensemble des demandes de Mme [P],
A titre reconventionnel,
condamner Mme [P] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation d’accès à sa propriété,condamner Mme [P] à retirer les multiples encombrants entreposés dans les parties communes des caves, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,condamner Mme [P] au paiement du coût du procès-verbal de constat dressé par le commissaire de justice le 14 novembre 2024 pour un montant de 238,44 euros TTC.
Au soutien, elle fait valoir qu’en l’absence d’aide personnalisée au logement, la locataire est tenue de s’acquitter du loyer intégral ; qu’il n’est pas démontré que l’aide personnalisée au logement est seulement suspendue puisqu’elle tient compte des ressources des 12 derniers mois.
RG : 24/1724 PAGE
Elle ajoute que Mme [P] n’a pas été autorisée à consigner les loyers ; que sa mauvaise foi est établie ; que le locataire ne peut se prévaloir de l’exception d’inexécution pour suspendre unilatéralement le paiement des loyers qu’à la condition de rapporter la preuve du caractère non seulement indécent mais encore inhabitable des lieux loués ; que la clause résolutoire est acquise au 23 janvier 2024 ; que la résiliation peut, le cas échéant, être prononcée compte tenu du manquement persistant et grave de Mme [P] à son obligation de payer les loyers et les charges.
Elle fait encore valoir que le procès-verbal de constat de commissaire de justice qu’elle a fait dresser le 14 novembre 2024 met en évidence des dégradations locatives qui constituent l’origine exclusive des désordres ; que le voisinage de Mme [P] ne se plaint pas de la présence de mouches ; que les poubelles sont situées dans les parties communes et non dans le logement de sorte que ce cela ne peut constituer un manquement du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent ; que les poubelles sont vidées et rangées sous le porche ; que les nouvelles photographies produites par Mme [P] ne sont ni datées ni signées ; que le caractère inefficace de la ventilation n’a pas été relevé par le service communal d’hygiène de salubrité lors de sa visite ; qu’elle vient d’être avisée de ce dysfonctionnement ; que la VMC fonctionne parfaitement dans le logement voisin ; que les autres désordres sont directement liés à une suroccupation des lieux ; que l’appartement voisin de celui de Mme [P] n’a pas été entièrement refait puisqu’il est reloué depuis 2018 ; que Mme [P] n’a entrepris aucune démarche pour bénéficier d’aide au paiement de ses factures énergétiques et que les autres locataires assument leurs charges.
Elle précise enfin que l’octroi de délais de paiement est exclu, dès lors que Mme [P] n’est pas en situation de pouvoir régler sa dette, soulignant qu’elle ne parvient pas à payer son loyer courant malgré l’aide financière de son beau-frère.
Au soutien de ses demandes reconventionnelles, elle soutient que Mme [P] a privatisé l’accès aux caves en changeant la serrure de la porte commune d’accès à celle-ci, ce qui est interdit par le règlement intérieur annexé au contrat de location ; qu’elle ne rapport ni la preuve d’avoir obtenu l’autorisation de le faire ni de l’insécurité qui aurait justifié ce changement ; que quand bien même les voisins se seraient vus remettre un double de clé, tel n’est pas son cas alors qu’elle est propriétaire des lieux et qu’elle doit pouvoir accéder aux parties communes, ne serait-ce qu’en cas d’urgence ; que de nombreux encombrants sont entreposés alors que cela est interdit par des affiches règlementaires apposées dans le hall de l’immeuble.
Mme [P], représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir :
Lui accorder la possibilité de s’acquitter de sa dette en 36 mensualités,Suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais,A titre reconventionnel,
condamner la SA Vilogia à effectuer les travaux de remise en état suivants, sous astreinte de 30 euros par jour de retard :remise en état de la ventilation dans l’ensemble du logement,isolation du logement,remise en état des embellissements ayant souffert de l’humidité,remise en état des fenêtres ayant souffert de l’humidité,mise en œuvre de tous moyens permettant de remédier à l’envahissement du logement par les mouches, notamment en agissant sur le nettoyage et le rangement des poubelles, réduire le loyer de moitié pendant le cours des travaux,condamner la SA Vilogia à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,rejeter les demandes de la SA Vilogia tendant à la voie condamner à retirer les encombrants entreposés dans les parties communes des caves et à payer le coût du procès-verbal de constat du 14 novembre 2024,ordonner la compensation entre les loyers restant dus par elle et les dommages et intérêts mis à la charge de la SA Vilogia,condamner la SA Vilogia aux dépens.
Au soutien, elle fait valoir qu’elle a réglé une somme de 500 euros le 5 décembre 2024 pour commencer à apurer sa dette.
Elle ajoute qu’elle s’est plainte de l’état du logement auprès de la SA Vilogia dès janvier 2021 ; qu’elle a sollicité le service d’hygiène et de santé de la ville de [Localité 2] qui a effectué une visite du logement le 19 août 2022 et relevé un certain nombre de désordres ; qu’elle a également fait établir un procès-verbal de constat d’huissier qui met en évidence que les désordres se sont aggravés.
Elle ajoute que le fait que l’appartement de la voisine soit en bon état est hors débats puisqu’il a été refait à neuf.
Elle précise que la VMC fonctionne de nouveau, ce qui révèle que la SA Vilogia est intervenue pour y remédier ; qu’il appartient à la SA Vilogia de procéder au nettoyage des poubelles, d’en prévoir en plus grand nombre et de les entreposer dans un endroit où elles ne gêneront pas les habitants.
Elle fait valoir que la porte d’accès aux caves ne fermait pas bien et que n’importe qui y avait accès (squat de personnes sans domicile, lieu de trafic) ; que toutes les portes des caves individuelles avaient été forcées ; qu’une clé a été remise à chacun des locataires et également à la SA Vilogia le 5 décembre 2024 ; qu’il est regrettable que les locataires soient obligés de se charger de la sécurité de l’immeuble en lieu et place du propriétaire.
Elle ajoute que tous les débarras qui se trouvent dans la cave ne lui appartiennent pas et que la SA Vilogia échoue à démontrer qu’elle serait responsable de leur dépôt
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 3 février 2025.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort,
DECLARE la société anonyme Vilogia recevable en son action;
CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail avec effet au 13 novembre 2012 conclu entre la société anonyme Vilogia, d’une part, et Mme [O] [P], d’autre part, relatif à un appartement n° 200329 situé au 2ème étage porte 2-01, [Adresse 4] à [Localité 2] ainsi qu’une cave située à la même adresse, étaient réunies à compter du 23 janvier 2024;
CONDAMNE Mme [O] [P] à payer à la société anonyme Vilogia la somme de 180 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 16 décembre 2024, date de l’audience;
DIT que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
AUTORISE Mme [O] [P] à s’acquitter de la somme de 180 euros en 7 mensualités de 22 euros et une dernière mensualité d’un montant de nature à permettre de régler le solde restant dû ;
DIT que ces mensualités seront exigibles le 10 de chaque mois en sus du loyer courant et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du présent jugement;
DIT que pendant le délai ainsi consenti, à défaut de paiement à l’échéance du montant ainsi convenu ou du loyer courant et à la suite d’une mise en demeure adressée à Mme [O] [P] restée infructueuse pendant plus de 15 jours :
1°) la totalité de la somme restant due redeviendra exigible ;
2°) la clause résolutoire produira ses effets et la résiliation du bail sera constatée au 23 janvier 2024;
3°) il pourra être procédé, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, à l’expulsion de Mme [O] [P] ainsi que de tous occupants de son chef des lieux loués à défaut de départ volontaire dans un délai de deux mois suivant la signification du commandement d’avoir à libérer les lieux en application de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
4°) les meubles se trouvant dans les lieux seront remis, aux frais des personnes expulsées, en un lieu désigné par celles-ci et, à défaut, laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par le commissaire de justice chargé de l’exécution avec sommation aux personne expulsées d’avoir à les retirer dans le délai d’un mois suivant la signification du procès-verbal d’expulsion en application des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d’exécution;
5°) Mme [O] [P] sera condamnée à payer à la société anonyme Vilogia une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer qui aurait été payé en cas de non résiliation du bail, augmenté du coût des charges récupérables sur justificatifs, jusqu’à la libération effective des lieux ;
REJETTE les autres demandes ;
CONDAMNE Mme [O] [P] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 23 janvier 2024;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 3 février 2025, par mise à disposition au greffe.
LE GREFFIER LA JUGE
D.AGANOGLU M.COCQUEREL
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