Tribunal judiciaire de Lille, 28 janvier 2025, RG n° 25/00185
Tribunal judiciaire de Lille, 28 janvier 2025, RG n° 25/00185

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Rétention administrative : enjeux de notification et droits des individus

Résumé

Décision de placement en rétention

Le 25 janvier 2025, l’autorité administrative a décidé de placer Monsieur [Y] [K] en rétention administrative, une mesure notifiée le même jour. Monsieur [Y] [K], de nationalité marocaine, a contesté cette décision devant le tribunal judiciaire de Lille, arguant d’erreurs d’appréciation concernant ses droits familiaux, la menace à l’ordre public, et l’insuffisance de motivation de la décision.

Arguments de la défense

Le conseil de Monsieur [Y] [K] a soulevé plusieurs points, notamment une prétendue violation de l’article 8 de la CEDH, des garanties de représentation, et des droits des enfants selon la CIDE. Il a également mis en avant l’absence de preuve de la menace à l’ordre public et l’insuffisance de la motivation de la décision de rétention, en soulignant que l’intéressé avait des enfants placés à l’ASE.

Réponse de l’administration

L’administration a justifié la décision de rétention par l’absence d’une adresse stable pour Monsieur [Y] [K] et son intention de ne pas se conformer à une mesure d’éloignement. Elle a également précisé que l’intéressé pouvait recevoir des visites en rétention et que la CIDE ne garantissait pas les droits des parents mais ceux des enfants.

Prolongation de la rétention

Le 27 janvier 2025, l’autorité administrative a demandé la prolongation de la rétention de Monsieur [Y] [K] pour une durée de vingt-six jours. Le conseil de l’intéressé a contesté cette demande, invoquant des irrégularités dans la notification de la rétention et l’absence de garanties de notification dans une langue comprise par l’intéressé.

Motifs de la décision judiciaire

Le tribunal a examiné les arguments des deux parties. Concernant la décision de placement en rétention, il a rejeté les moyens relatifs à l’article 8 de la CEDH et à l’article 3 de la CIDE, considérant que le placement de quatre jours ne portait pas atteinte à la vie privée de Monsieur [Y] [K]. Les arguments sur les garanties de représentation et la menace à l’ordre public ont également été rejetés, le tribunal concluant que l’administration n’avait pas commis d’erreur d’appréciation.

Sur la prolongation de la rétention

Le tribunal a constaté une irrégularité dans la notification du placement en rétention, en raison de l’absence d’identité de l’interprète et de la méthode de notification. Cette violation des droits de Monsieur [Y] [K] a conduit le tribunal à ne pas faire droit à la demande de prolongation de la rétention.

Conclusion de la décision

Le tribunal a ordonné la jonction des dossiers, déclaré recevable la demande d’annulation du placement en rétention, et a statué que le placement était régulier. Cependant, il a décidé qu’il n’y avait pas lieu à prolongation de la rétention, rappelant à Monsieur [Y] [K] son obligation de quitter le territoire national.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 28 Janvier 2025

DOSSIER : N° RG 25/00185 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZF5J – M. LE PREFET DU NORD / M. [Y] [K]

MAGISTRAT : Coralie COUSTY

GREFFIER : Clémence ROLET

PARTIES :

M. [Y] [K]
Assisté de Maître Chloé FOURDAN, avocat commis d’office
En présence de Mme [L] [S], interprète en langue arabe,

M. LE PREFET DU NORD
Représenté par M. [B] [N]

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DEROULEMENT DES DEBATS

L’intéressé confirme son identité

PREMIÈRE PARTIE: SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION

L’avocat soulève les moyens suivants : cf recours
– insuffisance de motivation
– défaut d’examen sérieux par rapport à l’art 3 de la CIDE
– erreur d’appréciation sur les garanties de représentation
– erreur d’appréciation au regard de l’art 8 de la CEDH
– pas de menace à l’ordre public

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;

DEUXIÈME PARTIE : SUR LA REQUÊTE DE LA PRÉFECTURE A FIN DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;

L’avocat soulève les moyens suivants :
– irrégularité de la notification du placement en rétention et de la notification des droits en rétention : interprétariat par téléphone, pas de réquisition à interprète ni d’identification sur la notification des droits en rétention
– insuffisance de motivation
– défaut d’examen sérieux par rapport à l’art 3 de la CIDE
– erreur d’appréciation sur les garanties de représentation. Demande d’assignation à résidence.

Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;

L’intéressé entendu en dernier déclare : “Je suis père de deux filles de nationalité française, je peux pas vivre sans mes filles et ma copine.”

DECISION

Sur la demande d’annulation de la décision de placement en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE o REJET o ANNULATION

Sur la demande de prolongation de la rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o MAINTIEN o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE

Le greffier Le magistrat délégué

Clémence ROLET Coralie COUSTY
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
────
Dossier n° N° RG 25/00185 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZF5J

ORDONNANCE STATUANT SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION
ET SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Coralie COUSTY,, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Clémence ROLET, greffier ;

Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 25/01/2025 à 16h55 par M. LE PREFET DU NORD ;

Vu la requête de M. [Y] [K] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 27/01/2025 réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 27/01/2025 à 12h28 (cf. Timbre du greffe) ;

Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 27/01/2025 reçue et enregistrée le 27/01/2025 à 10h19 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [Y] [K] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DU NORD
préalablement avisé, représenté par Monsieur [B] [N], représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE

M. [Y] [K]
né le 03 Mars 1992 à [Localité 1] (MAROC)
de nationalité Marocaine
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
Assisté de Maître Chloé FOURDAN, avocat commis d’office
En présence de Mme [L] [S], interprète en langue arabe,

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l’audience publique, le magistrat a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 25 janvier 2025, notifiée le même jour à 16 heures 55, l’autorité administrative a ordonné le placement de Monsieur [Y] [K], né le 03 mars 1992 à [Localité 1] (MAROC), de nationalité marocaine, en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

I – La contestation de la décision de placement en rétention (art L741-10 du ceseda)

Par requête en date du 27 janvier 2025, reçue le même jour à 12 heures 28, Monsieur [Y] [K] a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de LILLE aux fins de contester la régularité de la décision de placement en rétention administrative. A l’audience le conseil de Monsieur [Y] [K] soutient les moyens suivants :

-l’erreur d’appréciation au regard de l’article 8 de la CEDH
-l’erreur d’appréciation au regard des garanties de représentation
-l’erreur d’appréciation au regard de la menace à l’ordre public
-l’insuffisance de motivation et de défaut d’examen sérieux au regard de l’article 3 CIDE, au regard de l’existence des deux enfants placés à l’ASE pour lesquels il dispose d’un droit de visite

Le représentant de l’administration explique que le préfet a pris sa décision sur la base de l’audition de l’intéressé qui ne permettait pas d’estimer l’existence d’une adresse stable. L’intéressé souhaite rester en FRANCE donc il n’exécutera pas la mesure d’éloignement. L’intéressé est placé en rétention pour moins de 4 jours et peut recevoir des visites au sein du centre de rétention. La CIDE vise les droits de l’enfant et non les droits des parents. Il n’y a pas de preuve de contribution à l’entretien des enfants.

II – La requête en prolongation de la rétention (art L742-1 du ceseda)

Par requête en date du 27 janvier 2025, reçue le même jour à 10 heures 19, l’autorité administrative a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de LILLE aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.

Le conseil de Monsieur [Y] [K] sollicite le rejet de la prolongation de la rétention sur les moyens suivants:

-l’irrégularité de la notification du placement en rétention et la notification des droits en rétention, en ce qu’elle a été effectuée par un interprète par voie téléphonique, sans indication sur son identité, ses coordonnées, son assermentation, sans réquisition figurant en procédure, et ce en violation des articles L141-3 et L743-12 du CESEDA, de sorte qu’il n’y a pas de garantie de notification dans une langue comprise par l’intéressé.
-l’insuffisance de motivation et de défaut d’examen sérieux au regard de l’article 3 CIDE, au regard de l’existence des deux enfants placés à l’ASE pour lesquels il dispose d’un droit de visite
-la possibilité d’une assignation à résidence au domicile de Mme [W], compagne de l’intéressé

Le représentant de l’administration indique que l’intéressé est placé en rétention pour moins de 4 jours et peut recevoir des visites au sein du centre de rétention. Il admet qu’il n’y a pas d’identité de l’interprète rapportée sur les documents mais que l’intéressé a bien signé les documents. Sur l’assignation à résidence, il faut démontrer des perspectives raisonnables d’exécution de la décision, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Monsieur [Y] [K] indique qu’il est père de deux enfants français, qu’il ne peut pas retourner au MAROC et les laisser. Il ne peut pas vivre sans ses filles et sa compagne.

***

Il convient de statuer en une seule et même décision sur ces deux demandes dont la jonction sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

ORDONNONS la jonction du dossier 25/186 au dossier n° N° RG 25/00185 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZF5J ;

DÉCLARONS recevable la demande d’annulation du placement en rétention ;

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;

DÉCLARONS régulier le placement en rétention de M. [Y] [K] ;

DISONS N’Y AVOIR LIEU A LA PROLONGATION du maintien en rétention de M. [Y] [K] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

RAPPELONS qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

Fait à LILLE, le 28 Janvier 2025

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

La présente ordonnance mettant fin à la rétention ou assignant l’étranger à résidence, a été notifiée par mail au procureur de la République, ce jour à h mn

LE GREFFIER

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 25/00185 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZF5J –
M. LE PREFET DU NORD / M. [Y] [K]
DATE DE L’ORDONNANCE : 28 Janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3]) ; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [Y] [K] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Traduction orale faite par l’interprète.

LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
notifié par mail ce jour Présent en visioconférence

L’INTERPRETE LE GREFFIER

L’AVOCAT
notifié par mail ce jour

_____________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [Y] [K]

retenu au Centre de Rétention de [Localité 2]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 28 Janvier 2025

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé

 


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