Tribunal judiciaire de Lille, 27 novembre 2024, RG n° 24/02123
Tribunal judiciaire de Lille, 27 novembre 2024, RG n° 24/02123

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Évaluation des conditions d’hospitalisation sous contrainte en cas de péril imminent pour la santé mentale d’un individu

Résumé

Le 16 novembre 2024, [S] [E] a été admise en hospitalisation complète à l’EPSM de [Localité 2] Métropole, en raison d’un péril imminent pour sa santé. Le 19 novembre, une évaluation médicale a conduit à maintenir son hospitalisation. Le conseil de [S] [E] a contesté cette mesure, arguant de l’illégalité du certificat médical et du manque d’information de la famille. Cependant, le juge a jugé le certificat suffisant et a constaté que les obligations légales concernant l’information de la famille avaient été respectées. La poursuite de l’hospitalisation a été ordonnée jusqu’à une éventuelle levée médicale.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

Magistrat Délégué
Dossier – N° RG 24/02123 – N° Portalis DBZS-W-B7I-Y7LW

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ORDONNANCE DU 27 Novembre 2024

DEMANDEUR
M. LE DIRECTEUR DE L’EPSM [Localité 2] MÉTROPOLE – SITE CHU DE [Localité 2] – [Adresse 3] [Localité 2]
Représenté par Mme [D],

DEFENDEUR
Madame [S] [E]
EPSM [Localité 2] MÉTROPOLE – SITE CHU DE [Localité 2] [Adresse 1] [Localité 2]
Absente, représentée par Maître GIRSCH Pauline, avocat commis d’office,

MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Non comparant – conclusions écrites du procureur de la République en date du 26 novembre 2024

COMPOSITION

MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat Délégué
GREFFIER : Louise DIANA

DEBATS

En audience publique du 27 Novembre 2024 qui s’est tenue dans la salle d’audience de L’EPSM de L’AGGLOMÉRATION LILLOISE, la décision ayant été mise en délibéré au 27 Novembre 2024.

Ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2024 par Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat délégué, assisté de Louise DIANA, Greffier.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;Vu la requête en date du 25 Novembre 2024 présentée par LE DIRECTEUR DE L’EPSM [Localité 2] METROPOLE et les pièces jointes ;Vu les pièces visées par l’article R 3211-12 du code de la santé publique ;Vu la présence d’un avocat pour l’audience de ce jour ;Vu les conclusions du Ministère Public ;

Les parties présentes entendues.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[S] [E] a fait l’objet le 16 novembre 2024 d’une admission en hospitalisation complète à l’EPSM de [Localité 2] Métropole sur décision du directeur d’établissement selon la procédure prévue à l’article L3212-1 II 2° du code de la santé publique soit en l’absence de tiers en cas de péril imminent.

Sur la base des certificats médicaux établis aux échéances de 24 et de 72 heures son maintien en hospitalisation complète a été décidé le 19 novembre suivant.

Par requête en date du 22 novembre 2024, le directeur de l’établissement psychiatrique a saisi le magistrat du siège désigné par le Président aux fins de contrôle à 12 jours de la mesure.

Par mention écrite au dossier, le ministère public a fait connaître son avis requérant le maintien de l’hospitalisation sous contrainte.

***

Entendu le conseil de [S] [E] sollicite la mainlevée de la mesure et développe les moyens suivants :
– sur la caractérisation du péril imminent en ce que le certificat médical d’admission du 16 novembre 2024 est illisible
– sur l’absence de réitération des démarches à la famille en ce que le relevé de démarches indique que l’état psychiatrique de la patiente n’a pas permis de donner les coordonnées de tiers mais les démarches ont été faites dans les 24 heures. Le conseil soutient que les démarches auraient du être retentées ultérieurement.

Le directeur de l’établissement demande la poursuite de la mesure.

[S] [E] n’a pas souhaité être présente à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’absence de caractérisation du péril imminent dans le certificat médical d’admission

Le conseil de [S] [E] soutient que le péril imminent n’est pas caractérisé en ce que le certificat médical d’admission du 16 novembre 2024 est illisible.

Il résulte de l’article L3212-1 II 2° que le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°.

Le juge des libertés et de la détention ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

En l’espèce, le certificat médical d’admission du 16 novembre 2024 par le docteur [B] a été établi de manière manuscrite. Il apparait en effet que certains termes mentionnés soient difficiles à lire mais il ne peut être affirmé que ledit certificat est illisible empêchant de caractériser la condition de péril imminent. Il est possible de comprendre que le certificat relève les troubles suivants: “thymie trise, idées suicidaires non critiquées avec grand risque suicidaire, mise en danger de la patiente, discours incohérent, non accessible à la discussion”, précisant que les troubles observés représentent un péril imminent pour la santé de la patiente.

Il sera souligné qu’il ne saurait être exigé un niveau de détail précis dans un document établi dans le cadre d’une procédure impliquant une notion d’urgence importante.

Il peut être relevé que les troubles constatés sont ensuite précisés dans les certificats médicaux des 24h et des 72h, permettant de comprendre l’urgence à agir. Il est en effet relevé notamment un discours décousu, que la patiente déambule dans le service et présente des persévérations verbales. Les idées suicidaires sont persistantes.

L’état ainsi décrit étant effectivement susceptible d’entraîner des comportements de mise en danger, notamment du fait de l’existence d’idées suicidaires, il n’appartient pas au juge de contredire cette conclusion, et ce d’autant qu’aucun élément médical du dossier ne permet de la contester, les certificats médicaux postérieurs ayant au contraire confirmé la nécessité de la mesure.

Dès lors, les conditions de mise en oeuvre du II § 2 de l’article L3212-1 du code de la santé publique étant bien remplies au moment de l’admission, ce moyen sera donc rejeté.

Sur l’information à la famille à réitérer après les 24 heures :

Il sera rappelé les textes de l’article L3212-1 II du code de la santé publique :
“Le directeur de l’établissement prononce la décision d’admission :(…)
2° Soit lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l’établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.
Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l’objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l’existence de relations avec la personne malade antérieures à l’admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celle-ci.
Lorsque l’admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts”.

En l’espèce, la fiche de relevé des démarches d’information de la famille est signée le 17 novembre 2024, ce qui, permet de s’assurer, comme le reconnait le conseil de [S] [E], du respect du délai de 24 heures pour effectuer des démarches d’information auprès de la famille.
Le relevé indique en outre que “l’état actuel du patient ne lui permet pas de communiquer les coordonnées de ses proches”.

En l’espèce, la fiche de relevé des démarches atteste bien de l’accomplissement des démarches dans les 24h et de leur caractère infructueux, de sorte que les prescriptions de l’article L3212-1 II du code de la santé publique ont été respectées, desquelles il ne ressort aucune obligation pour le directeur d’établissement de justifier de réitérer ultérieurement ces démarches et sur lequel ne pèse qu’une obligation de moyen et non de résultat.

Ce moyen sera donc rejeté.

Sur la poursuite de la mesure :

En application de l’article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur décision du directeur de l’établissement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.

Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

En l’espèce, il résulte des pièces médicales, de l’avis motivé établi par le docteur [T] le 22 novembre 2024 et des débats de l’audience que l’hospitalisation sous contrainte de l’intéressé doit être prolongée, en l’état de la persistance des troubles et de l’impossibilité pour le patient de consentir valablement aux soins nécessités par son état de santé.

L’avis motivé précité relève en effet que [S] [E] présente un trouble psychique associant une émotivité avec une réactivité importante. Le cours dela pensée est perturbée avec des accélérations. [S] [E] passe parfois du coq à l’âne avec des difficultés à s’exprimer clairement. Cette instabilité émotionnelle, pathologique nécessite des soins et limite la capacité à consentir avec un risque de prise de décision brutale et des mises en danger.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué statuant après débats, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort

ORDONNE la poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [S] [E].

DIT que cette mesure emporte effet jusqu’à levée médicale ou décision médicale de placement sous soins ambulatoires sans consentement et à défaut jusqu’à un délai de six mois suivant le prononcé de cette décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2024.

Le Greffier, Le Magistrat Délégué,

Louise DIANA Aurore JEAN BAPTISTE

 


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