Tribunal judiciaire de Lille, 22 janvier 2025, RG n° 25/00149
Tribunal judiciaire de Lille, 22 janvier 2025, RG n° 25/00149

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Placement en rétention : insuffisance de motivation et garanties de représentation contestées

Résumé

Exposé du Litige

L’autorité administrative a décidé le 18 janvier 2025 de placer [A] [Y] [Z] en rétention, en application d’un arrêté préfectoral daté du 19 juin 2024. Le 21 janvier 2025, l’autorité administrative a demandé au juge de prolonger cette rétention de vingt-six jours pour exécuter l’arrêté préfectoral. Le même jour, [A] [Y] a formé un recours pour annuler son placement en rétention, invoquant une erreur manifeste d’appréciation et une violation de l’article 8 de la CESDH.

Arguments des Parties

Le conseil de la préfecture a contesté le recours, arguant que la violation de l’article 8 ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire et que le placement en rétention était justifié par l’absence de garanties de représentation. En défense, le conseil de [A] [Y] a souligné le manque de diligences dans la demande de laissez-passer, tandis que le représentant de la préfecture a affirmé que les démarches étaient suffisantes.

Déclarations de l’Intéressé

Lors de l’audience, [A] [Y] a déclaré être arrivé en France à l’âge de 15 ans, ayant quitté son pays en raison de problèmes familiaux. Il a mentionné que son ex-compagne était prête à l’héberger et qu’il avait vécu chez un ami avant son incarcération.

Motifs de la Décision

Le juge a examiné le recours en annulation du placement en rétention, notant que l’autorité administrative doit justifier son choix de rétention par des garanties de représentation. Bien que l’arrêté préfectoral ait mentionné l’absence de garanties, l’intéressé avait déclaré une adresse stable et avait des éléments familiaux en France. Le juge a conclu que le placement en rétention était insuffisamment motivé et a déclaré la décision irrégulière.

Conclusion de la Décision

Le tribunal a ordonné la jonction des dossiers, déclaré recevable la demande d’annulation du placement en rétention, et a jugé irrégulier le placement de [A] [Y]. Il a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à prolongation de la rétention et a rappelé à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national. L’ordonnance a été notifiée aux parties, leur permettant de faire appel dans les vingt-quatre heures.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 22 Janvier 2025

DOSSIER : N° RG 25/00149 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFKZ – M. LE PREFET DE L’OISE / M. [Z] [A]

MAGISTRAT : Amaria TLEMSANI

GREFFIER : Maud BENOIT

PARTIES :

M. [Z] [A]
Assisté de Maître LOKAMBA, avocat choisi

M. LE PREFET DE L’OISE
Représenté par Maître EL ASSAAD

__________________________________________________________________________

DEROULEMENT DES DEBATS

L’intéressé confirme son identité.

Exception de procédure soulevée par le représentant de l’administration : irrecevabilité du recours car hors délai. Le recours aurait dû vous parvenir le 20 janvier 2025 au plus tard.

L’avocat : le recours n’est pas tardif.

PREMIÈRE PARTIE: SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION

L’avocat soulève les moyens suivants :
– Erreur manifeste d’appréciation des garanties de représentation : l’intéressé est en France depuis plus de 20 ans (il est arrivé à l’âge de 15 ans). Il a une femme, trois enfants de nationalité française, ainsi qu’une ex compagne qui a accepté de le reprendre chez elle alors qu’il était en détention. Monsieur a déjà été assigné à résidence.
– Violation article 8 CESDH : il ne doit pas être plaidé devant le TA. Le temps passé au CRA viole son droit à une vie privée et familiale.

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations :
– Désistement de l’irrecevabilité du recours : requête recevable.
– Violation article 8 CESDH : ne relève pas de la compétence du juge judiciaire.
– Monsieur a été placé au CRA suite à une levée d’écrou, donc n’a pas d’adresse stable, permanente et effective : impossibilité de l’assigner à résidence.

DEUXIÈME PARTIE : SUR LA REQUÊTE DE LA PRÉFECTURE A FIN DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION

L’avocat soulève les moyens suivants :
– Absence de diligence quant à la demande de laissez-passer consulaire : nulle part dans la procédure, ne figure la saisine des autorités consulaires de la République démocratique du Congo par l’UCI. Cf. arrêt CA DOUAI du 21 octobre 2024 (transmis à l’audience).

Le représentant de l’administration répond à l’avocat :
– Sur les diligences : demande individualisée et complète transmise à l’UCI. La saisine comporte l’envoi du formulaire, la lettre du laissez-passer consulaire, copie du passeport, fiche pénale et photographies.

L’intéressé entendu en dernier déclare : je suis arrivé en France à l’âge de 15 ans. J’ai grandi à l’éducatif. Toute ma vie est ici. J’ai fait mes études ici. J’ai trois filles ici (jumelles de 16 ans et 8 ans). J’avais des problèmes au Congo, mon père était militaire. On a vécu au Kinshasa, mon père était ensuite le garde du corps du président qui a été assassiné. On était en danger. Ma mère était rwandaise. Avant la détention, je vivais chez un ami qui m’hébergeait.

DECISION

Sur la demande d’annulation de la décision de placement en rétention :
x RECEVABLE o IRRECEVABLE o REJET x ANNULATION

Sur la demande de prolongation de la rétention :
x RECEVABLE o IRRECEVABLE
o MAINTIEN x REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE

Le greffier Le magistrat délégué

Maud BENOIT Amaria TLEMSANI
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
────
Dossier n° N° RG 25/00149 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFKZ

ORDONNANCE STATUANT SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION
ET SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Amaria TLEMSANI, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Maud BENOIT, greffier ;

Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 18/01/2025 par M. LE PREFET DE L’OISE ;

Vu la requête de M. [Z] [A] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 22 janvier 2025 réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 22 janvier 2025 à 7h17 (cf. Timbre du greffe) ;

Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 21/01/2025 reçue et enregistrée le 21/01/2025 à 11h17 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [Z] [A] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DE L’OISE
préalablement avisé, représenté par Maître EL ASSAAD, représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE

M. [Z] [A]
né le 25 Décembre 1987 à [Localité 2] (RÉPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO)
de nationalité Congolaise
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
assisté de Maître LOKAMBA, avocat commis choisi,

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l’audience publique, le magistrat a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 18 janvier 2025 notifiée le même jour à 10h00, l’autorité administrative a ordonné le placement de [A] [Y] [Z] en rétention, en exécution, notamment, d’un arrêté prefectoral portant OQTF en date du 19 juin 2024 ;

Par requête en date du 21 janvier 2025, reçue au greffe le même jour à 11h17, l’autorité administrative du Nord a saisi le juge aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours pour permettre la mise à exécution de l’arrêté préfectoral.

Le 21 janvier 2025, l’intéressé formait un recours qui était reçu au greffe à 7h17. Il sollicitait l’annulation du placement en rétention selon les moyens suivants :
– l’erreur manifeste d’appréciation quant aux garanties de représentation effectives en France en notamment par un hébergement au domicile de son ex-compagne et une présence en France depuis l’âge de 15 ans, outre l’existence d’assignations à résidence précédentes ;
– une violation de l’article 8 de la CESDH résultant de son placement en rétention administrative depuis plusieurs jours ;

En réplique, le conseil de la préfecture soulève les arguments suivants :
-la violation de l’article 8 de la CESDH ne relève pas de la compétence du juge judiciaire mais de la contestation de l’arrêté préfectoral devant le tribunal administratif
– le placement en rétention est intervenu à la levée d’écrou ce qui suffit à caractériser une absence de garanties de représentation ;

En défense, sur la procédure, le conseil de Monsieur [A] [Y] soulève l’absence de diligences en ce que la demande de laissez-passer a été transmise à l’unité centrale d’identification mais aucune preuve des démarches effectuées par l’UCI à destination des autorités consulaires congolaises ne figure au dossier si bien que les diligences sont insuffisantes ;

En réplique, le représentant de la préfecture indique que la saisine de l’UCI est détaillée et motivée au regard de la situation personnelle de Monsieur [A] [Y], le fait que l’identification soit centralisée n’enlève rien aux diligences qui ont été formulées.

A l’audience, l’intéressé déclare être arrivé en France à l’âge de 15 ans. Il dit ne pas connaître son pays qu’il a quitté en raison des problèmes rencontrés par son père, garde du corps du président [T]. Il précise que son ex-compagne accepte de l’héberger et qu’il vivait chez un ami avant l’incarcération.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

ORDONNONS la jonction du dossier 25/150 au dossier n° N° RG 25/00149 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFKZ ;

DÉCLARONS recevable la demande d’annulation du placement en rétention ;

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;

DÉCLARONS irrégulier le placement en rétention de M. [Z] [A] ;

DISONS N’Y AVOIR LIEU A LA PROLONGATION du maintien en rétention de M. [Z] [A] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

RAPPELONS qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

Fait à LILLE, le 22 Janvier 2025

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

La présente ordonnance mettant fin à la rétention ou assignant l’étranger à résidence, a été notifiée par mail au procureur de la République, ce jour à h mn

LE GREFFIER

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 25/00149 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFKZ –
M. LE PREFET DE L’OISE / M. [Z] [A]
DATE DE L’ORDONNANCE : 22 Janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 4]) ; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [Z] [A] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
Par mail le 22.01.25 Par visio le 22.01.25

LE GREFFIER L’AVOCAT
Par mail le 22.01.25

_____________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [Z] [A]

retenu au Centre de Rétention de [3]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 22 Janvier 2025

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé

 


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