Tribunal judiciaire de Lille, 20 janvier 2025, RG n° 25/00122
Tribunal judiciaire de Lille, 20 janvier 2025, RG n° 25/00122

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Rétention administrative : insuffisance de motivation et garanties de représentation contestées

Résumé

Exposé du Litige

Par décision du 17 janvier 2025, l’autorité administrative a ordonné le placement de [W] [L] en rétention, en exécution d’un arrêté préfectoral portant OQTF du 16 mai 2024. Le 19 janvier 2025, l’autorité administrative a demandé au juge de prolonger cette rétention de vingt-six jours. Le même jour, [W] [L] a formé un recours pour annuler son placement en rétention, arguant d’une erreur manifeste d’appréciation concernant ses garanties de représentation en France.

Audience et Arguments

Lors de l’audience, le conseil de [W] a soulevé la non-transmission d’un jugement antérieur, tandis que le représentant de l’autorité a contesté cette nullité. Le conseil a soutenu que la rétention était injustifiée, car [W] détenait un passeport et avait une domiciliation stable. L’autorité préfectorale a rétorqué que l’absence d’attestation d’hébergement justifiait la rétention, en raison d’une soustraction à l’OQTF.

Déclarations de l’Intéressé

[W] a déclaré qu’il n’avait pas obtenu l’asile politique et qu’il ne souhaitait pas retourner au Bangladesh. Il a expliqué qu’il travaillait à [Localité 3] et dormait chez son employeur, affirmant qu’il rentrait chez lui un jour par semaine.

Motifs de la Décision

Concernant l’exception de nullité, le tribunal a rejeté le moyen soulevé par le conseil de [W], considérant qu’il n’y avait pas de fondement textuel. En ce qui concerne le recours en annulation, le tribunal a noté que la décision de placement en rétention n’était pas suffisamment motivée. Bien que l’arrêté préfectoral mentionne l’absence de garanties de représentation, [W] avait fourni des preuves de son hébergement et de son emploi.

Conclusion de la Décision

Le tribunal a déclaré le placement en rétention irrégulier et a ordonné la jonction des dossiers. La demande d’annulation du placement a été jugée recevable, tandis que la requête en prolongation de la rétention a été déclarée irrecevable. Il a été rappelé à [W] qu’il avait l’obligation de quitter le territoire national.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 20 Janvier 2025

DOSSIER : N° RG 25/00122 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCF – M. LE PREFET DU NORD / M. [W] [L]

MAGISTRAT : Amaria TLEMSANI

GREFFIER : Maud BENOIT

PARTIES :

M. [W] [L]
Assisté de Maître DALIL ESSAKALI, avocat commis d’office
En présence de M. [V], interprète en langue bengali,

M. LE PREFET DU NORD
Représenté par Maître JACQUARD
______________________________________________________________________

DEROULEMENT DES DEBATS

L’intéressé confirme son identité.

L’avocat (in limine litis) : non transmission du jugement du TA : le TA a été saisi en septembre 2024 ; erreur d’appréciation commise par le préfet dans la mesure où cette décision a été communiquée à la préfecture. Or ce dernier doit transmettre toutes les pièces du dossier. Nous venons d’avoir une décision du TA grâce à une consoeur du barreau de Paris.

Le représentant de l’administration : ce n’est pas une exception de procédure. Pas de texte qui prévoit ça. L’arrêté, c’est le fondement de l’éloignement, pas le jugement.

PREMIÈRE PARTIE: SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION

L’avocat soulève les moyens suivants :
– Renonciation à l’incompétence de l’auteur de l’acte
– Erreur manifeste quant aux garanties de représentation : directive européenne de 2016 : deux conditions cumulatives pour placer un étranger au CRA, à savoir le risque de fuite (11 critères) ; or le refus de partir ne constitue pas l’un de ces critères, et le trouble à l’ordre public.
– Demande d’assignation à résidence : on a le passeport et une attestation d’hébergement de la part de son cousin. Monsieur m’a indiqué vouloir partir et vouloir préparer lui-même son départ. Le préfet décide de fixer le pays de destination alors que l’intéressé a demandé l’asile en France pour des raisons de persécution.

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations :
– Pays de destination : compétence exclusive du juge administratif. Le recours de Monsieur a été rejeté par le TA. Moyen inopérant devant le juge judiciaire et le pays de destination a de plus été validé.
– Menace à l’ordre public : ici, inexistante.
– Pas d’erreur d’appréciation : passeport en cours de validité, mais ne remplit pas toutes les conditions de garantie de représentation : on a une attestation d’hébergement aujourd’hui qui n’était pas présente au moment où le préfet a édité son arrêté. Monsieur se trouvait à [Localité 3] et ne déclarait pas d’adresse à [Localité 4].
– Monsieur s’est soustrait à l’exécution de la mesure d’éloignement notifiée le 21/05/24 et s’est soustrait à l’interdiction de retour d’une durée de 12 mois notifiée le 07/09/24. Manifeste la volonté de se soustraire à la mesure d’éloignement.

L’avocat :
– On avait une adresse à [Localité 3] au moment de son interpellation. Il a un passeport, donc on aurait dû l’assigner à résidence.
– Recours devant le TA qui suspend l’exécution de la mesure d’éloignement, donc on ne peut pas parler de “soustraction”.

Le représentant de l’administration : le recours a été rejeté depuis longtemps.

DEUXIÈME PARTIE : SUR LA REQUÊTE DE LA PRÉFECTURE A FIN DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations :
– Assignation à résidence impossible dans la mesure où nous n’avons pas de garantie de représentation puisque Monsieur souhaite se soustraire à la mesue d’éloignement.
– Demande de laissez-passer effectuée dans l’attente de la réservation d’un vol.

L’avocat répond :
– La décision du TA n’a pas été notifiée à Monsieur, donc on ne peut pas dire qu’il s’oppose à son éloignement..

L’intéressé entendu en dernier déclare : j’ai fait une demande d’asile politique en France pour protection internationale. J’ai fait une demande pour le travail mais je n’ai pas obtenu l’autorisation. Je suis interpellé quand j’étais au travail. Je ne veux pas retourner au Bangladesh car ma vie est en danger là-bas. Je veux partir au Portugal, je dois récupérer mes affaires. Quand e travaille à [Localité 3], je dors chez mon patron. Je travaille 5 jours à [Localité 3] et je rentre à [Localité 4] mon jour de repos. Je sollicite qu’on me libère et je vais partir.

DECISION

Sur la demande d’annulation de la décision de placement en rétention :
X RECEVABLE o IRRECEVABLE o REJET X ANNULATION

Sur la demande de prolongation de la rétention :
o RECEVABLE X IRRECEVABLE
o MAINTIEN X REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE

Le greffier Le magistrat délégué

Maud BENOIT Amaria TLEMSANI
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
────
Dossier n° N° RG 25/00122 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCF

ORDONNANCE STATUANT SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION
ET SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Amaria TLEMSANI, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Maud BENOIT, greffier ;

Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 17 janvier 2025 par M. LE PREFET DU NORD ;

Vu la requête de M. [W] [L] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 19 janvier 2025 réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 19 janvier 2025 à 17h50 (cf. Timbre du greffe) ;

Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 19 janvier 2025 reçue et enregistrée le 19 janvier 2025 à 12h05 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [W] [L] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DU NORD
préalablement avisé, représenté par Maître JACQUARD, représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE
M. [W] [L]
né le 20 Décembre 1997 à [Localité 9] (BANGLADESH)
de nationalité Bangladeshi
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
assisté de Maître DALIL ESSAKALI, avocat choisi,
en présence de M. [V], interprète en langue bengali,

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l’audience publique, le magistrat a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 17 janvier 2025 notifiée le même jour à 10h00, l’autorité administrative a ordonné le placement de [W] [L] né le 20 décembre 1997 à [Localité 8] ( Bangladesh) en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, en exécution, notamment, d’un arrêté prefectoral portant OQTF en date du 16 mai 2024 ;

Par requête en date du 19 janvier 2025, reçue au greffe le même jour à 12h05, l’autorité administrative du Nord a saisi le juge aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours pour permettre la mise à exécution de l’arrêté préfectoral.

Le 19 janvier 2025 , l’intéressé formait un recours qui était reçu au greffe à 19h50. Il sollicitait l’annulation du placement en rétention selon le moyen suivant :
– l’erreur manifeste d’appréciation quant aux garanties de représentation effectives en France en ce que la préfecture détient le passeport de Monsieur [W] qui dispose par ailleurs d’une domiciliation d’un contrat de travail et d’une adresse fixe à [Localité 3] ;

***

A l’audience, in limine litis, le conseil de Monsieur [W] soulève la non transmission du dernier jugement du tribunal administratif qui fait nécessairement grief à l’intéressé.

En réplique, le représentant de l’autorité rappelle qu’il n’y a pas de nullité sans texte et qu’il n’est pas démontré de défaut de base légale s’agissant du placement en rétention (article 9 code de procédure civile).

Le conseil de Monsieur [W] soutient son recours dont les termes sont contestés par l’autorité préfectorale considérant que la rétention se justifie car l’intéressé détient certes un passeport mais pas toutes les garanties exigées notamment l’absence d’attestation d’hébergement au moment de l’arrêté préfectoral. Il en résulte une absence d’erreur d’appréciation, ce d’autant plus que l’intéressé s’est soustrait à l’OQTF et à l’interdiction de retour ( L 612-3 alinéa 5 CESEDA).

En réponse, si le recours ne saurait prospérer, le conseil de l’intéressé sollicite une assignation à résidence judiciaire en l’absence de mesure d’éloignement antérieure

A l’audience, l’intéressé déclare ne pas avoir réussi à obtenir l’asile politique : “ Je n’ai pas obtenu d’autorisation de travail. J’ai été interpellé alors que je travaillais, je ne veux pas retourner au Bangladesh. Quand je travaille à [Localité 3], je dors chez mon patron. Je travaille 5 jours par semaine et je rentre à [Localité 4] mon jour de repos”.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

ORDONNONS la jonction du dossier 25/131 au dossier n° N° RG 25/00122 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCF ;

DÉCLARONS recevable la demande d’annulation du placement en rétention ;

DÉCLARONS irrecevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;

DÉCLARONS irrégulier le placement en rétention de M. [W] [L] ;

DISONS N’Y AVOIR LIEU A LA PROLONGATION du maintien en rétention de M. [W] [L] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

RAPPELONS qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

Fait à LILLE, le 20 Janvier 2025

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

La présente ordonnance mettant fin à la rétention ou assignant l’étranger à résidence, a été notifiée par mail au procureur de la République, ce jour à h mn

LE GREFFIER

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 25/00122 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCF –
M. LE PREFET DU NORD / M. [W] [L]
DATE DE L’ORDONNANCE : 20 Janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 6]) ; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [W] [L] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Traduction orale faite par l’interprète.

LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
Par mail le 20/01/25 Par mail le 20/01/25

L’INTERPRETE LE GREFFIER

L’AVOCAT
Par mail le 20/01/25

_____________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [W] [L]

retenu au Centre de Rétention de [Localité 5]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 20 Janvier 2025

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé

 


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