Tribunal judiciaire de Lille, 17 janvier 2025, RG n° 24/00474
Tribunal judiciaire de Lille, 17 janvier 2025, RG n° 24/00474

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Indemnité d’éviction et obligations de remise en état : enjeux d’une expertise technique.

Résumé

Contexte de l’Affaire

L’affaire concerne un litige entre la S.A.R.L BOUTQUIN et la S.C.I DELCOURT, initié le 27 janvier 2021. La S.A.R.L BOUTQUIN demande une indemnité d’éviction et la réalisation de travaux de remise en état de la toiture, tout en souhaitant suspendre le paiement des loyers et charges jusqu’à l’exécution des travaux.

Procédures Judiciaires

Un avocat a été constitué pour défendre les intérêts de la S.C.I DELCOURT. Le 25 février 2022, le juge a ordonné une expertise pour évaluer les désordres affectant l’immeuble, notamment ceux liés à la toiture, aux fuites d’eau et à la présence de moisissures. Un rapport d’expertise a été déposé le 26 juin 2023, suivi d’une réinscription de l’affaire au rôle le 1er décembre 2023.

Offre de Règlement de la S.C.I DELCOURT

La S.C.I DELCOURT a proposé de régler l’indemnité d’éviction à la S.A.R.L BOUTQUIN, tout en se réservant le droit de contester le montant. Le tribunal a été invité à désigner un expert pour évaluer les indemnités d’éviction et d’occupation.

Demandes de la S.A.R.L BOUTQUIN

La S.A.R.L BOUTQUIN a formulé plusieurs demandes, y compris la réalisation de travaux de réfection sous astreinte, le paiement de diverses sommes pour des travaux et des frais d’expertise, ainsi que la suspension du paiement des loyers jusqu’à la réalisation des travaux.

Réponse de la S.C.I DELCOURT

La S.C.I DELCOURT a contesté les demandes de la S.A.R.L BOUTQUIN, demandant son déboutement et la condamnation de cette dernière à des frais. Elle a également soutenu que la suspension du paiement des loyers n’était pas justifiée, car l’activité commerciale se poursuivait.

Décisions du Tribunal

Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer l’indemnité d’éviction et a rejeté les demandes de la S.A.R.L BOUTQUIN concernant les travaux et le remboursement des frais d’électricien, considérant que l’obligation d’entretien de la toiture n’était pas sérieusement contestable. La demande de suspension du paiement des loyers a également été rejetée.

Conclusion et Prochaines Étapes

Le tribunal a décidé de débouter la S.A.R.L BOUTQUIN de ses demandes de condamnations provisionnelles et a ordonné le retrait de l’affaire du rôle, avec possibilité de reprise d’instance après le dépôt du rapport d’expertise. Les dépens de l’incident ont été mis à la charge de la S.C.I DELCOURT, à l’exception des frais de constat d’huissier.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 24/00474 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X5XR

ORDONNANCE D’INCIDENT

DU 17 JANVIER 2025

DEMANDEUR AU PRINCIPAL :
(défendeur à l’incident)

S.A.R.L. BOUTQUIN,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée par Me Florence MAS, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Natacha MARCHAL, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DÉFENDEUR AU PRINCIPAL :
(demandeur à l’incident)

S.C.I. DELCOURT,
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION

Juge de la mise en État : Marie TERRIER,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

A l’audience du 04 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que l’ordonnance serait rendue le 17 Janvier 2025.

Ordonnance : contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au Greffe le 17 Janvier 2025, et signée par Marie TERRIER, Juge de la Mise en État, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Vu l’action engagée le 27 janvier 2021 par la S.A.R.L BOUTQUIN à l’encontre de la S.C.I DELCOURT aux fins de condamnation au paiement d’une indemnité d’éviction et condamnation à la réalisation de travaux de remise en état de la toiture, sous astreinte, avec autorisation au preneur de suspendre le paiement des loyers et charges dans l’attente de la réalisation des travaux ;

Vu la constitution d’avocat en défense au soutien des intérêts de la S.C.I DELCOURT ;

Vu l’ordonnance du 25 février 2022 et l’ordonnance en rectification de l’erreur matérielle du 21 mars 2022 rendues par le Juge de la mise en état de la première chambre civile du Tribunal judiciaire de Lille par lequel il a été statué en les termes suivants :

« Ordonnons une expertise et commettons pour y procéder Monsieur [V] [T], [Adresse 8], [Localité 4] aux fins de :

1°) Se rendre au [Adresse 9] [Localité 7] pour visiter les lieux ;
2°) Se faire communiquer et prendre connaissance de l’ensemble des documents qu’il estimera utiles et nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment les pièces contractuelles et les procès-verbaux de constat relatifs au présent litiges ;
3°) Examiner et recenser l’ensemble des désordres affectant l’immeuble et notamment : les désordres liés à la toiture, aux fuites d’eau, à la présence de champignons et moisissures ;
4°) Rechercher l’origine et la cause de ces désordres ;
5°) Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction de déterminer, s’il y a lieu, les responsabilités encourues ;
6°) Indiquer les travaux nécessaires de réfection, et indiquer le coût de telles remises en état ;
7°) En cas d’urgence reconnue par l’expert afin de prévenir des dommages aux personnes ou aux biens, autoriser la SARL BOUTQUIN à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra d’exécuter, les travaux estimés indispensables par l’expert ;
8°) Evaluer l’ensemble des préjudices résultant des désordres constatés et donner son avis sur les comptes constitués et justifiés par les parties ; »

[…] Ordonnons le retrait du rôle de la présente affaire ;

Disons qu’elle sera remise au rôle par le dépôt au greffe de conclusions régulièrement signifiées aux fins de reprise d’instance ensuite du dépôt du rapport d’expertise ;”

Vu le rapport de l’expert déposé le 26 juin 2023 ;

Vu la réinscription de l’affaire au rôle suivant conclusions notifiées pour la SARL Boutquin le 1er décembre 2023 sous le numéro RG 24/474

Vu les conclusions d’incident transmises le 11 mars 2024 par le conseil de la SCI Delcourt aux fins au visa des articles L.145-14 et L.145-28 du Code de Commerce,

DONNER ACTE à la SCI DELCOURT de ce qu’elle offre de régler à la SARL BOUTQUIN l’indemnité d’éviction à laquelle celle-ci peut prétendre en application des dispositions légales et qui sera fixée en fonction des éléments comptables versés aux débats par cette dernière, sans renonciation aux droits de la SCI DELCOURT nés du statut en cas de désaccord sur le montant
DESIGNER tel Expert qu’il plaira au Tribunal de désigner avec mission de donner son avis sur les indemnités d’éviction et d’occupation telles qu’elles résultent des articles L.145-14 et L.145-28 du Code de commerce.
RESERVER les dépens

Vu les dernières conclusions d’incident notifiées au réseau privé virtuel des avocats le 28 octobre 2024 par le conseil de la SARL Boutquin auquel il doit être renvoyé pour l’exposé complet de ses motifs, aux fins de voir au visa de l’article 789 du code de procédure civile :

Condamner, à titre provisionnel et pour le compte de qui il appartiendra, la SCI DELCOURT à la réalisation des travaux préconisés par l’Expert Judiciaire, Monsieur [V] [T], dans son rapport en date du 21 juin 2023, à savoir :
o La réfection à neuf du cheneau, avec création d’une deuxième évacuation, ou d’un trop plein,

o La reprise des solins défectueux, Et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,

A titre subsidiaire, condamner à titre provisionnel la SCI DELACOURT à verser à la SARL BOUTQUIN la somme de 42.100 € et autoriser cette dernière à faire réaliser les travaux préconisés par l’Expert Judiciaire, Monsieur [V] [T], dans son rapport en date du 21 juin 2023, à savoir :
o La réfection à neuf du cheneau, avec création d’une deuxième évacuation, ou d’un trop plein, o La reprise des solins défectueux,

A titre provisionnel, autoriser la SARL BOUTQUIN à suspendre le règlement des loyers à compter de la décision à intervenir jusqu’à complète réalisation des travaux;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT au paiement à la SARL BOUTQUIN, d’une somme de 5840 € au titre de la remise en état des lieux loués ;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT au paiement à la SARL BOUTQUIN, de la somme de 1164 € au titre des factures d’intervention de électriciens en 2021 et 2023 ;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT à payer à la SARL BOUTQUIN, la somme de 6592,45 € au titre du remboursement de la rémunération définitivement taxée au profit de l’Expert Judiciaire ;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT au paiement des dépens, en ce compris les frais de procès-verbal de constat en date du 10 novembre 2023 ;
Condamner la SCI DELCOURT à verser à la SARL BOUTQUIN une indemnité d’éviction ;
Dire qu’il sera sursis à statuer sur le montant de cette indemnité ;
Désigner tel expert judiciaire qu’il lui plaira ;
Dire que l’expert judiciaire devra tenir compte de l’indivisibilité des locaux donnés à bail au titre des deux baux régularisés le 1er septembre 2011, ainsi que des sommes que devra supporter la SARL BOUTQUIN en raison du renouvellement du bail du second immeuble appartenant à Madame [R] [E], prise en sa qualité d’usufruitière, ainsi qu’aux quatre nus-propriétaires, à savoir Madame [G] [D], Madame [Y] [S], Madame [W] [B], et Monsieur [Z] [B]
Condamner la SCI DELCOURT au paiement, à la SARL BOUTQUIN, de la somme de 3000€ au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.

Au soutien de son incident, elle expose qu’elle exploite depuis 2011 son fonds de commerce de garage « Garage du Croisé Laroche », auprès de deux bailleurs différents la SCI Delcourt et Madame [R] [E] en sa qualité d’usufruitière. Elle rappelle qu’elle a fait notifier courant avril 2020 à la SCI Delcourt d’une part et aux consorts [E] [B] une demande de renouvellement du bail à effet au 1er septembre 2020, que toutefois par acte de commissaire de justice du 17 juillet 2020 la SCI Delcourt s’est opposée au renouvellement du bail et a sollicité du preneur une remise en état des lieux, constitutive selon elle d’un motif grave et légitime. Elle expose qu’elle a contesté l’imputabilité des désordres et a sollicité de son bailleur des travaux de toiture aux fins de remise en état des désordres. Elle explique qu’elle a engagé l’action judiciaire aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité d’éviction mais que dans le cours de l’instance, elle a sollicité une expertise sur la dégradation de l’immeuble en raison des infiltrations.

Elle précise que depuis l’expertise, et alors que l’expert a souligné l’urgence de la situation aucun travaux de réfection du chéneau n’a été entrepris, raison pour laquelle elle sollicite la condamnation provisionnelle du bailleur, pour le compte de qui il appartiendra, ainsi que le remboursement des frais d’électricien, de l’avance des frais de l’expert judiciaire et de la remise en état des lieux.

Elle se réjouit que la société Delcourt admette désormais être tenue d’une indemnité d’éviction et acquiesce à la demande d’expertise judiciaire, tout en sollicitant qu’il soit tenu compte de l’indivisibilité des locaux.

Vu les dernières conclusions d’incident notifiées au réseau privé virtuel des avocats le 4 novembre 2024 par le conseil de la S.C.I DELCOURT, auxquelles il convient de se référer concernant l’exposé de ses motifs, aux fins de voir au visa de l’article 789 du code de procédure civile :

DEBOUTER la SARL BOUTQUIN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER la SARL BOUTQUIN à la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les frais et dépens de l’instance.
En réponse à l’incident de provision introduit par la société Boutquin, elle affirme qu’il se heurte à une contestation sérieuse quant à l’interprétation des clauses du bail et que la suspension de l’obligation au paiement des loyers ne peut être ordonnée, dès lors que l’activité commerciale se poursuit.

A l’audience du 4 novembre 2024 l’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel, et par mise à disposition au greffe,

Ordonnons une expertise et commettons pour y procéder :

Mme [U] [X]
(S.A.R.L. [X] EXPERTISES) demeurant [Adresse 2] [Localité 5] (tél : [XXXXXXXX01] email : [Courriel 10])

aux fins de :

1°) Se rendre au [Adresse 9] [Localité 7] pour visiter les lieux ;

2°) Se faire communiquer et prendre connaissance de l’ensemble des documents qu’il estimera utiles et nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment les pièces contractuelles, les documents comptables et fiscaux relatifs à l’exploitation du fonds de commerce

3°) décrire les lieux, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire,

4°) Rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, en examinant particulièrement les conséquences liées à l’exploitation de deux immeubles faisant l’objet de deux baux commerciaux, tous éléments permettant de :

a) Déterminer le montant de l’indemnité d’éviction dans le cas :

– d’une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial ;

– de la possibilité d’un transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et, en tout état de cause, le coût d’un tel transfert, comprenant notamment : acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial ;

b) Donner son avis sur l’indivisibilité des locaux ;

c) Apprécier si l’éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert et en tenant compte des charges éventuellement induites par le renouvellement d’une partie du bail liant la société Boutquin à Madame [R] [E], prise en sa qualité d’usufruitière, ainsi qu’aux quatre nus-propriétaires, à savoir Madame [G] [D], Madame [Y] [S], Madame [W] [B], et Monsieur [Z] [B] ;

5°) Rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, en examinant particulièrement les conséquences liées à l’exploitation de deux immeubles faisant l’objet de deux baux commerciaux, tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’occupation ;

6°) Fournir toutes autres précisions utiles au tribunal pour la solution du litige ;

Disons que l’expert procédera à sa mission dans le cadre des articles 263 et suivants du Code de procédure civile sous le contrôle du juge chargé des expertises, qu’il pourra se faire remettre tous documents susceptibles de l’aider à remplir sa mission et qu’il pourra s’adjoindre les services d’un autre expert ou sapiteur ;

Disons qu’en cas d’empêchement de l’expert commis, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance prise sur requête ou d’office ;

Disons que l’expert dressera de ses opérations un rapport écrit dans les QUATRE MOIS de sa saisine, dont il devra déposer les originaux au greffe chargé du contrôle des expertises du Tribunal, sauf prorogation dûment accordée par le juge chargé du contrôle des expertises, et adresser copies aux parties, mention de ces envois étant portée sur les originaux ;

Disons qu’avant de déposer son rapport définitif, l’expert en communiquera le projet à l’ensemble des parties à la cause pour observations éventuelles dans un délai de 1 mois ;

Disons que l’expert adressera aux parties dès le début de l’expertise une estimation du coût global de celle-ci ;

Fixons à la somme 2 500 Euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que la S.C.I DELCOURT devra consigner à la régie d’avances et de recettes de ce Tribunal avant le 10 mars 2025 faute de quoi, sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque;

Déboutons la S.A.R.L BOUTQUIN de l’intégralité de ses demandes au titre des condamnations provisionnelles et en suspension de son obligation au paiement des loyers;

Déboutons les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Ordonnons le retrait du rôle de la présente affaire ;

Disons qu’elle sera remise au rôle par le dépôt au greffe de conclusions régulièrement signifiées aux fins de reprise d’instance ensuite du dépôt du rapport d’expertise ;

Laissons à la charge de la SCI Delcourt les dépens de l’incident, qui ne comprendront pas le coût du constat d’huissier du 10 novembre 2023.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon