Tribunal judiciaire de Lille, 15 novembre 2024, n° RG 22/02153
Tribunal judiciaire de Lille, 15 novembre 2024, n° RG 22/02153

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Examen des Indemnités de Repas et de leur Justification dans le Cadre des Déplacements Professionnels

 

Résumé

Le tribunal judiciaire de Lille a examiné le litige opposant la société [6] à l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais concernant des indemnités de repas versées à des employés en déplacement. Après un contrôle comptable, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer 23 025 euros, incluant des cotisations et des majorations. La société a contesté cette décision, arguant que ses employés, bien que désignés par d’autres titres, effectuaient des missions de pose de pare-brise nécessitant des déplacements. Le tribunal a finalement annulé le redressement concernant les indemnités de repas pour certains employés, condamnant l’URSSAF aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
22/02153

1/ Tribunal judiciaire de Lille N° RG 22/02153 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WW4P
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/02153 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WW4P

DEMANDERESSE :

Société [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

DEFENDERESSE :

URSSAF NORD PAS DE CALAIS
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Maxime DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge
Assesseur : Thierry BOCQUET, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Philippe DUGAUTIER, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Christian TUY,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 octobre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 15 Novembre 2024.

MOTIFS

À titre liminaire :

Si la société [6] demande l’annulation de la mise en demeure sans se prévaloir d’une quelconque irrégularité en ce sens, il convient de considérer, dès lors que l’URSSAF demande à la présente juridiction de valider le redressement litigieux, que la juridiction est bien saisie d’une demande tendant à vérifier le bien-fondé du chef de redressement n°2 de la lettre d’observations.

Sur le chef de redressement n° 2 : frais professionnels non justifiés – indemnités de repas versées hors situation de déplacement

Dans la lettre d’observations, l’URSSAF a indiqué que si ces indemnités de repas avaient été admises pour les poseurs de pare-brise malgré l’absence de production d’un état détaillé des déplacements effectués, compte tenu de la réalité de leur activité, elle ne pouvait admettre ces indemnités pour les adjoints directeurs d’exploitation, les responsables techniques et les chargés d’antenne, leurs missions impliquant également des tâches sans déplacement.

Le cas des experts techniques n’était pas mentionné par cette lettre d’observations. La société [6] ne conteste pas le redressement s’agissant des adjoints directeurs d’exploitation.

*

Il ressort de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les cotisations sont dues sur toutes les sommes ainsi que les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail, d’une activité ou de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction élective, quelles qu’en soient la dénomination ainsi que la qualité de celui qui les attribue, que cette attribution soit directe ou indirecte.

En revanche, ne constituent pas un revenu d’activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondant dans les conditions et limites fixées par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ou assimilés que ceux-ci supportent lors de l’accomplissement de leurs missions.

L’arrêté du 20 décembre 2002 prévoit, aux termes de son article 1er, que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions. L’article 2 du même arrêté précise que l’indemnisation des frais professionnels s’effectue soit sous la forme des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l’employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents, soit sur la base d’allocations forfaitaires : l’employeur est alors autorisé à déduire leurs montants dans les limités fixées par arrêté, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.

Il s’ensuit que peuvent être exonérés de cotisations sociales les remboursements effectués par l’employeur à ses salariés qui correspondent à des dépenses réellement engagées par le salarié.

En l’espèce, la société [6] a versé une indemnité forfaitaire de 10,30 euros par jour travaillé à ses salariés.

Si la société s’est retrouvée dans l’impossibilité de fournis les relevés GPS de ses employés pour les années 2018 et 2019 compte tenu du RGPD, elle verse aux débats les relevés de l’année 2020 ainsi que l’intégralité des agendas des salariés sur l’ensemble de la période litigieuse.

Les relevés GPS 2020 permettent d’établir que les salariés en cause ont eu à effectuer quotidiennement des trajets, y compris lorsque l’intitulé de leur profession ne se résumait pas à celui de poseur de pare-brise : il en va notamment ainsi pour M. [V], responsable technique, pour M. [Y], expert technique, (196 heures de conduite pour l’année 2020 rien qu’avec le véhicule Ford T. Custom [Immatriculation 4]), pour M. [B], expert technique, (477 heures de conduite pour l’année 2020 rien qu’avec le véhicule Ford T. Custom [Immatriculation 5]), étant souligné que les agendas pour les trois années révèlent que les interventions se faisaient fréquemment en binômes.

Plus structurellement, le contrat de travail produit souligne que le salarié est amené à se déplacer dans la France entière pour ses missions et les attestations des salariés, M. [B], M. [V], M. [W], chargé d’antenne, M. [C], également chargé d’antenne, établissent que leur emploi implique de déjeuner dans leur camion-atelier ou à l’extérieur, qu’un créneau d’une heure est prévu en ce sens, et qu’il leur est matériellement impossible, en raison de leurs déplacements, de rejoindre leur lieu de travail pour déjeuner.

Aux termes mêmes de la lettre d’observations, le poste de chargé d’antenne comprenait les missions suivantes :  » coordinateur des équipes et encadrement technique opérationnel au quotidien, préparer les tournées (regarder son agenda du lendemain et vérifier les bons de travail, chargement du camion et de tout le matériel nécessaire, regarder les consignes techniques des véhicules, programmer le GPS, poser des vitrages à domicile sur tous types de véhicule, réparer des impacts,[…] « . Celui de responsable technique était décrit ainsi :  » préparer les tournées : vérifier les chargements du camion ; prendre des photos et donner les consignes techniques pour les modules de formation Erudeos, réaliser les poses de vitrage et réparations d’impacts […] « . La lettre d’observations n’a pas mentionné le cas des experts techniques.

Il résulte de ces éléments que nonobstant la production d’un relevé GPS pour les années 2018 et 2019, les agendas produits pour l’ensemble de la période apparaissent suffisamment probants et démontrent que chaque journée de travail impliquait pour les responsables techniques, chargés d’antennes et techniciens experts de devoir déjeuner en extérieur.

Il convient donc d’annuler le chef n°2 du redressement en ce qu’il porte sur les indemnités de repas versées hors situations de déplacements aux responsables techniques, chargés d’antenne et experts techniques, à savoir, selon la lettre d’observations, M. [X], M. [D], M. [K], M. [Y], M. [L], M. [V], M. [B], M. [Z] et M. [C].

Force est de constater qu’aucune demande de condamnation n’a été formée à l’encontre de l’URSSAF, le tribunal ne pouvant statuer que sur les demandes qui lui sont faites.

Sur les demandes accessoires

L’URSSAF, partie succombante, sera condamnée aux dépens de l’instance. Il n’apparaît pas inéquitable de la condamner à payer à la société [6] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

ANNULE le chef n°2 du redressement en ce qu’elle porte sur les indemnités de repas versées à M. [X], M. [D], M. [K], M. [Y], M. [L], M. [V], M. [B], M. [Z] et M. [C] pour les années 2018 à 2020,

CONDAMNE l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens,

CONDAMNE l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais à payer à la société [6] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale par le greffe du tribunal.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 15 novembre 2024 et signé par le président et le greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Anne-Sophie SIEVERS

Expédié aux parties le :

– 1 CE à Me Laurence BONDOIS
– 1 CCC à la société [6], à Me Maxime DESEURE et à l’URSSAF


 


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