Tribunal judiciaire de Lille, 15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille, 15 novembre 2024

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Lille

Thématique : Monuments funéraires : le dépôt de modèles identiques est sanctionné

Résumé

Le tribunal a prononcé la nullité du modèle 2018-4386 « Katrys » déposé par la société SBT COLUMBARIUM, en raison de son absence de nouveauté face à un modèle antérieur déposé en 2013. La cour a constaté que les deux modèles étaient identiques, ce qui a conduit à la radiation du registre des dessins et modèles. De plus, la demande de SBT COLUMBARIUM pour contrefaçon a été rejetée, tout comme ses demandes d’indemnisation. En conséquence, la société a été condamnée à verser 3 000 euros à M. [G] [X] pour ses frais, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Déposer un modèle à l’INPI, en tous points identiques à un modèle pré-existant est frappé de nullité en raison de l’absence de nouveauté.

L’article L521-1 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle dispose que : “Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle, tels qu’ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.”

L’article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’ “un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.”

En l’occurrence, le modèle de monument funéraire « Pallabrousse » déposé antérieurement au modèle Pampa, reprenait exactement les caractéristiques invoquées à l’appui de la demande de protection dudit modèle ; par ces seuls motifs, la cour d’appel a pu décider que le modèle Pampa, était antériorisé par le modèle Pallabrousse ce dont il résultait que le modèle Pampa n’était pas nouveau, « n’important pas » que le premier modèle appartienne au même titulaire que le second.

Résumé de l’affaire :

Présentation des Parties

La Société SBT COLUMBARIUM est spécialisée dans la création d’espaces cinéraires et de monuments commémoratifs pour les collectivités territoriales. Monsieur [G] [X], artisan sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], exerce également dans ce domaine sur la commune d'[Localité 4].

Contexte de l’Affaire

En 2013, SBT COLUMBARIUM a aménagé un espace cinéraire pour la commune d'[Localité 4], comprenant un columbarium et des cavurnes. Le 30 septembre 2018, la société a enregistré le modèle de columbarium KATRYS auprès de l’INPI, un modèle déjà déposé par M. [M] [J] en mars 2013. Un second espace cinéraire a été construit en 2019, que SBT COLUMBARIUM considère comme une contrefaçon de son modèle.

Actions en Justice

En 2020, SBT COLUMBARIUM a mis en demeure la mairie d'[Localité 4] pour obtenir l’identité de l’auteur du second espace cinéraire. Après une seconde mise en demeure, la société a assigné POMPES FUNEBRES [X] devant le tribunal judiciaire le 5 septembre 2022. L’affaire a été clôturée le 9 février 2024 et est prévue pour plaider le 12 septembre 2024.

Demandes de SBT COLUMBARIUM

SBT COLUMBARIUM demande au tribunal de reconnaître la contrefaçon de son modèle KATRYS par POMPES FUNEBRES [X] et de condamner ce dernier à verser 20.000 euros pour dommages et intérêts. La société réclame également des indemnités pour la contrefaçon de son plan d’aménagement et la perte de marge due à la non-conclusion d’un marché avec la commune.

Arguments de POMPES FUNEBRES [X]

Monsieur [G] [X] conteste la demande de SBT COLUMBARIUM, arguant d’un défaut de titre et de l’absence de nouveauté du modèle déposé en 2018, qui serait identique à celui déposé en 2013. Il demande la nullité du modèle de 2018 et conteste également l’originalité de l’aménagement du site funéraire, affirmant avoir agi selon les instructions de la commune.

Motifs de la Décision

Le tribunal a rejeté les arguments de POMPES FUNEBRES [X] concernant le défaut de titre, mais a constaté que le modèle déposé par SBT COLUMBARIUM en 2018 n’était pas nouveau, en raison de la divulgation antérieure du modèle en 2013. La demande de SBT COLUMBARIUM pour contrefaçon a donc été déboutée.

Conclusion du Tribunal

Le tribunal a prononcé la nullité du modèle 2018-4386 déposé par SBT COLUMBARIUM, ordonné sa radiation du registre des dessins et modèles, et débouté la société de ses demandes indemnitaires. SBT COLUMBARIUM a été condamnée à payer 3.000 euros à POMPES FUNEBRES [X] pour ses frais non compris dans les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de protection d’un modèle selon le Code de la propriété intellectuelle ?

La protection d’un modèle est régie par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par les articles L. 511-1 et suivants.

Selon l’article L. 511-3, un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué.

Les dessins ou modèles sont jugés identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

De plus, l’article L. 511-6 précise que la divulgation d’un modèle interdit le dépôt ultérieur, même par le même titulaire.

Ainsi, pour qu’un modèle soit protégé, il doit être à la fois nouveau et non divulgué antérieurement.

En l’espèce, la société SBT COLUMBARIUM a déposé un modèle de columbarium en 2018, mais ce modèle était identique à celui déposé par M. [M] en 2013, ce qui a conduit à la nullité du dépôt de 2018.

Quelles sont les conséquences juridiques d’une contrefaçon de modèle ?

La contrefaçon de modèle engage la responsabilité civile de son auteur, comme le stipule l’article L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Cet article précise que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle constitue une contrefaçon.

Les conséquences peuvent inclure des dommages et intérêts pour le préjudice subi, conformément à l’article 1240 du Code civil, qui prévoit que toute faute engage la responsabilité de son auteur.

Dans le cas présent, la société SBT COLUMBARIUM a demandé des dommages et intérêts pour la contrefaçon de son modèle, mais le tribunal a débouté cette demande en raison de la nullité du modèle déposé en 2018.

Comment se définit l’originalité d’une œuvre au regard du droit d’auteur ?

L’originalité d’une œuvre est définie par l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit d’un droit de propriété exclusif sur celle-ci.

Pour qu’une œuvre soit protégée par le droit d’auteur, elle doit porter l’empreinte personnelle de son auteur, résultant d’un travail créatif et de choix arbitraires.

Dans le litige, la société SBT COLUMBARIUM a soutenu que son aménagement cinéraire était original, mais n’a pas réussi à démontrer cette originalité.

Le tribunal a donc rejeté ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, faute de preuve suffisante de l’originalité de l’œuvre revendiquée.

Quelles sont les implications d’un défaut de titre dans une action en contrefaçon ?

Le défaut de titre peut constituer une fin de non-recevoir dans une action en contrefaçon, comme le souligne l’article 789, 6° du Code de procédure civile.

Dans le cas présent, M. [X] a soutenu que la société SBT COLUMBARIUM ne pouvait pas agir en contrefaçon en raison de l’absence de titularité sur le modèle déposé.

Cependant, le tribunal a estimé que ce moyen ne pouvait pas prospérer, car la société était recevable à agir, même si elle devait être déboutée de ses demandes.

Ainsi, le défaut de titre n’a pas empêché la société de présenter ses demandes, mais a conduit à leur rejet en raison de la nullité du modèle.

Quelles sont les conséquences financières d’une action en contrefaçon perdue ?

Lorsqu’une action en contrefaçon est perdue, la partie requérante peut être condamnée à payer les frais de l’instance, y compris les dépens et les frais non compris dans les dépens, comme le prévoit l’article 700 du Code de procédure civile.

Dans cette affaire, la société SBT COLUMBARIUM a été condamnée à payer à M. [X] la somme de 3000 euros pour ses frais non compris dans les dépens, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Cela souligne l’importance de bien fonder ses demandes en contrefaçon, car une action perdue peut entraîner des conséquences financières significatives pour la partie requérante.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
22/06233
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01

N° RG 22/06233 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WNZC

JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S. SBT COLUMBARIUM,
immatriculée au RCS de BOULOGNE sous le numéro 539 814 681
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Yann LEUPE, avocat au barreau de DUNKERQUE

DÉFENDERESSE :

M. [G] [X]
agissant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X]
Inscrit au RCS de DOUAI sous le n° 531 377 125
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean LECLERCQ, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 09 Février 2024.

A l’audience publique devant la formation collégiale du 12 Septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 15 Novembre 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 15 Novembre 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La Société SBT COLUMBARIUM est spécialisée dans la création et l’aménagement d’espaces cinéraires paysagers et de monuments commémoratifs pour les collectivités territoriales.

Monsieur [G] [X], artisan, exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], travaille dans le même domaine sur la commune d’[Localité 4].

En 2013, la société SBT COLUMBARIUM a réalisé pour la commune d’[Localité 4] l’aménagement d’un espace cinéraire comprenant un columbarium, des cavurnes avec stèles.

Le 30 septembre 2018, la société SBT COLUMBARIUM, représentée par M. [J] [M], a fait enregistrer auprès de l’INPI le modèle de columbarium KATRYS. Le même modèle avait été déposé par M. [M] [J] sous le même nom le 28 mars 2013.

Un second espace cinéraire a été édifié dans le même cimetière en 2019.

En 2020, estimant que ce second espace cinéraire constituait une contrefaçon du columbarium édifié en 2013 et protégé à l’INPI ainsi qu’une copie servile de l’espace cinéraire qu’elle a proposé à la mairie dans un second devis en 2019, la société SBT COLUMBARIUM a mis en demeure la mairie d’[Localité 4] de lui donner l’identité et les coordonnées de celui qui l’avait réalisé.

Une seconde mise en demeure a été adressée le 1er décembre 2020.

Sur ce, le 5 septembre 2022, la société SBT COLUMBARIUM a fait assigner l’entreprise POMPES FUNEBRES [X] qui a construit le columbarium et le site cinéraire litigieux, devant le tribunal judiciaire.

Le défendeur a constitué avocat.

Après échange de conclusions entre les parties, l’affaire a été clôturée le 9 février 2024 pour être fixée à plaider à l’audience du 12 septembre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 21 mars 2023, la SAS SBT COLUMBARIUMS demande au tribunal de :

Vu les articles L 521-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L. 511-1, L. 511-4 et L. 511-9 du Code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article L. 513-1 du Code de la propriété intellectuelle,
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Concernant le monument columbarium modèle déposé KATRYS :

Dire et Juger que Monsieur [G] [X], exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], a porté atteinte aux droits de la Société SBT COLUMBARIUMS propriétaire du modèle déposé de columbarium dénommé KATRYS en édifiant un monument en tout point semblable au sein du cimetière d'[Localité 4].
Condamner Monsieur [G] [X], exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], pour acte de contrefaçon concernant le modèle de columbarium KATRYS.

Condamner Monsieur [G] [X], exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], à payer à la Société SBT COLUMBARIUMS la somme de 20.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de son monument columbarium modèle KATRYS déposé auprès de l’INPI.
Concernant l’espace cinéraire créé sur la parcelle [Cadastre 2] :

Dire et Juger que Monsieur [G] [X], exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], a commis un acte de contrefaçon en réalisant sur la parcelle [Cadastre 2] à usage de site cinéraire, un aménagement paysager et cinéraire composé de caveaux urnes, d’allées et de divers aménagements en tous points semblables au plan figurant au devis de la Société SBT COLUMBARIUMS du 19/01/2019.
Condamner Monsieur [G] [X], exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], à payer à la Société SBT COLUMBARIUMS la somme de 20.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de son plan d’aménagement du site cinéraire et des allées et emplacements des stèles sur le cimetière de la commune d'[Localité 4].
Condamner Monsieur [G] [X], exerçant sous l’enseigne POMPES FUNEBRES [X], à payer la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et correspondant à la perte de marge subie par la Société SBT COLUMBARIUM du fait de la non conclusion du marché avec la commune d'[Localité 4].
Condamner Monsieur [G] [X] à verser à la Société SBT COLUMBARIUMS la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que le columbarium litigieux est une contrefaçon du modèle KATRYS qu’elle a déposé auprès de l’INPI le 30 septembre 2018 et qu’elle avait réalisé en 2013 pour le cimetière d’[Localité 4], la seule différence tenant au nombre d’étages, puisque le columbarium édifié en 2013 en comprend quatre et non plus trois à la demande de la mairie, quand celui du défendeur en comprend trois.

Elle soutient également qu’il y a copie des plans et images du visuel de l’aménagement du carré cinéraire tel qu’ils avaient été réalisés par la société SBT COLUMBARIUM dans son devis, et qui constituent une oeuvre originale en sorte qu’ils sont protégés au titre des droits d’auteur.

Elle compare l’espace cinéraire érigé et celui qui avait été dessiné, s’appuyant sur le procès-verbal d’huissier, pour soutenir qu’il s’agit d’une copie servile.

Elle forme des demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon et au titre du préjudice de manque à gagner.

En réplique au moyen tiré du défaut de titre, elle fait valoir qu’elle a bien fait procéder à l’enregistrement du modèle KATRYS, le 22 février 2013 par son gérant, puis le 30 septembre 2018 ; que les dessins et modèles sont protégés à compter de l’enregistrement de la demande ; que ses modèles de columbariums sont donc protégés à compter du 22 février 2013.

Elle soutient ensuite que contrairement à ce qui est prétendu, il n’y a pas eu divulgation antérieure du modèle avant le dépôt de la demande d’enregistrement, compte tenu de l’existence de ce premier dépôt en février 2013, étant souligné que le premier devis qu’elle a présenté à la mairie date de juin 2013. En tout état de cause, elle souligne qu’en vertu de l’article 1er du règlement du Conseil Européen n°6/2002 du 12 décembre 2001 permet aux dessins et modèles non enregistrés de bénéficier d’une protection, même en cas de divulgation par le créateur. Elle en conclut que le défendeur n’est pas fondé à se prévaloir de la nullité.

Elle contredit le défendeur sur le caractère propre du modèle de columbarium qu’il a installé, en s’appuyant sur l’impression visuelle d’ensemble, nonobstant les différences accessoires – matériau, cavurnes, différences de taille.

Elle le contredit encore s’agissant de l’antériorité d’un modèle déposé en 2005, au regard cette fois des importantes différences entre son modèle et celui de 2005 déposé par un tiers.

Quant à la contrefaçon du projet d’aménagement du site funéraire, en réplique, elle fait valoir que contrairement à ce qui est soutenu, son projet est original et que les différences entre son projet et le site aménagé par le défendeur sont insignifiantes. Elle soutient que le défendeur ne peut qu’avoir eu connaissance de son plan et de son dessin pour réaliser un ouvrage aussi ressemblant.

En réplique sur la contestation de l’indemnisation, elle soutient que la contrefaçon a nécessairement causé un préjudice moral et défend son manque à gagner.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 09 février 2024, M. [G] [X] demande au tribunal de :

Vu les dispositions des articles L.511-3, L.511-6, L.511-8, L.512-6, et L.513-1 du code de la propriété intellectuelle

À TITRE PRINCIPAL

Constater que l’action est engagée sur le fondement de la demande d’enregistrement du modèle
Débouter la SAS SBT COLUMBARIUM de ses demandes, fins et conclusions.

À TITRE SUBSIDIAIRE

Constater le dépôt antérieur du modèle 2013-1550 du 28 mars 2013 et invalide à compter du 28 mars 2018
Constater par conséquent l’absence de nouveauté du modèle 2018-4386 déposé le 30 septembre 2018
Prononcer la nullité du modèle 2018-4386 déposé le 30 septembre 2018
Prononcer la radiation du registre des dessins et modèles du modèle 2018-4386 déposé le 30 septembre 2018, aux frais de la SAS SBT COLUMBARIUM

À TITRE TOUT À FAIT SUBSIDIAIRE

Limiter tout éventuel préjudice subi par la SAS SBT COLUMBARIUM à la somme de 2638,06 euros,
EN TOUT ETAT DE CAUSE

Débouter la SAS SBT COLUMBARIUM de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner la SAS SBT COLUMBARIUM au paiement à Monsieur [G] [X] de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Condamner la SAS SBT COLUMBARIUM aux entiers frais et dépens de l’instance.

Il expose que la mairie d’[Localité 4] a souhaité réaménager son cimetière à compter de 2013 et qu’elle a lancé un premier appel d’offres remporté par la demanderesse, cette année là ; qu’ensuite, un second appel d’offres a été lancé pour les tranchées 2 et 3 en 2018, et que son projet a été retenu.

Principalement, il soutient que le défaut de titre devrait ne pas permettre à SBT COLUMBARIUM de poursuivre toute action en contrefaçon.

Puis, subsidiairement, s’appuyant sur les dispositions de l’article L. 511-3 du CPI, il fait valoir que le colombarium déposé en 2013 et revendiqué par SBT COLUMBARIUM est identique à celui faisant l’objet de la demande d’enregistrement du 30 septembre 2018, soit cinq années plus tard. Il souligne que si le souhait réel de Monsieur [M] était de transmettre la titularité de son droit sur le modèle KATRYS à la société SBT COLUMBARIUM, la logique eut été de procéder à une cession du droit de propriété conféré par le premier enregistrement du dessin et modèle.

Il ajoute que la protection était due pour cinq ans (L. 513-1) en sorte que le 28 mars 2018, le modèle n’était plus protégé ; qu’ il est constant que la divulgation du modèle interdit le dépôt ultérieur, même par le même titulaire (L. 511-6); que le modèle ayant déjà été déposé en 2013, la seconde demande d’enregistrement, à l’identique, pour ce même colombarium ne correspond pas à un modèle doté d’un caractère nouveau, puisqu’il avait déjà été divulgué publiquement, auprès de l’INPI et sur le site internet du requérant ; qu’ainsi la société n’est pas fondée à revendiquer la protection du modèle déposé ni en 2013 ni en 2018. Ainsi, il demande au tribunal de constater la nullité du second dépôt, de prononcer sa radiation et de débouter la requérante de son action en contrefaçon.

Subsidiairement, il soutient que la société SBT COLUMBARIUM ne démontre pas le caractère propre du modèle et n’explique pas en quoi sa création résulte de critères purement esthétiques et non fonctionnels. (L. 511-8), alors que la société évoque elle même dans ses écritures des choix dictés par un besoin fonctionnel. Il détaille également les différences entre son ouvrage et celui de la requérante.

Ensuite, il souligne qu’un modèle déposé antérieurement le 27 janvier 2005 présente une esthétique globale similaire faisant apparaître nombres de ressemblances avec le modèle
revendiqué.

Sur l’aménagement du site funéraire, il fait valoir que la requérante ne démontre pas en quoi sa création constituerait une œuvre originale témoignant de l’empreinte personnelle de son auteur; que le modèle consiste simplement en un empilement de cases rectangulaires en marbre de teinte grise, disposées en quinconce et ne laisse apparaître aucun choix créatif de SBT COLUMBARIUM ; qu’il existe des différences ; qu’en cette matière, la liberté d’aménagement est limitée ; qu’il n’a jamais eu communication des plans de la demanderesse et qu’il a agi sur instructions de la commune ; qu’il a respecté la réalisation de la tranche 1 et a œuvré dans sa continuité géographique et dans l’esprit de l’existant, sans que la moindre originalité ne puisse être relevée pour cet existant. Il souligne encore qu’il n’existait aucune marque ou indicatif sur le colombarium posé initialement par SBT COLUMBARIUM permettant de penser que ce modèle était protégé par un quelconque titre de propriété intellectuelle.

A titre infiniment subsidiaire, sur l’indemnisation, il conteste les montants réclamés, et particulièrment le calcul du manque à gagner.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur les demandes principales

A- Concernant le monument columbarium modèle déposé KATRYS

La société SBT COLUMBARIUM fonde son action en contrefaçon sur les dispositions du Code de la propriété intellectuelle protégeant les dessins et modèles déposés auprès de l’INPI.

Ainsi, l’article L521-1 et suivants du Code de la Propriété intellectuelle dispose que “Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle, tels qu’ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.”

1- A l’action en contrefaçon de la requérante, M. [X] oppose tout d’abord à titre principal, l’absence de titre, faisant valoir :

“SBT COLUMBARIUM fonde sa demande sur une demande d’enregistrement datant du 30 septembre 2018, de 21 modèles.

1. Principalement, le défaut de titre devrait ne pas permettre à SBT COLOMBARIUM à poursuivre toute action en contrefaçon. SBT COLUMBARIUM étant recevable à agir, sa demande ne saurait néanmoins prospérer, et elle devra être déboutée.”

Bien qu’interrogé sur ce point à l’audience de plaidoiries, le défendeur n’explicite pas plus sa demande.

En tout état de cause, il convient d’observer que ce faisant, le défendeur oppose à la requérante un défaut de titularité qui constitue une fin de non recevoir relevant de la compétence du juge de la mise en état en application de l’article 789, 6° du Code de procédure civile, et ne saurait tendre au débouté d’une action en contrefaçon fondée sur la protection d’un modèle déposé.

Ainsi, le moyen ne saurait prospérer et doit être rejeté.

2 – Puis, M. [X] oppose à la requérante l’absence de nouveauté du modèle déposé en 2018 compte tenu du dépôt le 22 février 2013 du même modèle.

L’article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’ “un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.”

Il a déjà été admis que “le modèle Pallabrousse déposé antérieurement au modèle Pampa, reprenait exactement les caractéristiques invoquées à l’appui de la demande de protection dudit modèle ; que par ces seuls motifs abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par le troisième moyen, la cour d’appel a pu décider que le modèle Pampa, était antériorisé par le modèle Pallabrousse ce dont il résultait que le modèle Pampa n’était pas nouveau, « n’important pas » que le premier modèle appartienne au même titulaire que le second ; d’où il suit que les moyens ne peuvent pas être accueillis” (chambre commerciale 27 mai 1997).

En l’espèce, il est constant que M. [J] [M] a déposé le 28 mars 2013 auprès de l’INPI un modèle intitulé “columbarium Katrys”, en tous points identiques au modèle déposé par la société SBT COLUMBARIUM le 30 septembre 2018.

Même s’il est démontré que M. [M] est le gérant de la société, c’est bien en son nom propre que le modèle a été déposé, sans aucune référence à la personne morale. De surcroît, ainsi que le revendique M. [X] en défense, il n’est justifié d’aucune cession de son droit de propriété conféré par le premier enregistrement du dessin et modèle, par M. [M] à la société SBT COLUMBARIUM.

Il en ressort ainsi d’une part, que la personne morale ne saurait revendiquer la protection au titre du modèle déposé par M. [M] en 2013, alors qu’au demeurant la protection n’était valable au titre des dessins et modèles que jusqu’au 28 mars 2018 et qu’il n’est pas justifié d’un renouvellement. D’autre part, le dépôt par M. [M] du modèle Katrys le 28 mars 2013, valant divulgation antérieure, ne permettait pas à la société requérante de déposer le même modèle le 30 septembre 2018, en vertu des dispositions de l’article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi, le modèle déposé par la société le 30 septembre 2018 n’est pas nouveau au sens des dispositions précitées.

Il convient donc de prononcer la nullité du dépôt effectué par la société SBT COLUMBARIUM le 30 septembre 2018, la radiation du registre des dessins et modèles du modèle 2018-4386 déposé le 30 septembre 2018, aux frais de la SAS SBT COLUMBARIUM, et de débouter la requérante de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du modèle KATRYS.

B- Concernant le dessin et plan d’aménagement du site cinéraire

La société requérante forme également des prétentions au titre de la contrefaçon de droit d’auteur.

Selon l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, “l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.”

Pour être protégée au titre des droits d’auteur une œuvre de l’esprit doit être originale.

Ainsi, il appartient à celui qui se prévaut de ces dispositions de justifier de cette originalité c’est-à-dire de faire la démonstration que l’oeuvre revendiquée porte l’empreinte personnelle de son auteur résultant d’un travail créatif et de choix arbitraires.

En l’espèce, alors que M. [X] fait valoir que la société requérante ne démontre pas en quoi la création revendiquée constituerait une œuvre originale témoignant de l’empreinte personnelle de son auteur, la société SBT COLUMBARIUM réplique en ces termes :

“ Bien qu’il s’agisse d’un site funéraire dont le modèle n’a pas été déposé auprès de l’INPI, les photographies démontrent parfaitement son caractère original.

Il ne s’agit pas d’un simple cimetière, mais d’un aménagement original qui a été imaginé par la Société SBT COLUMBARIUM. Contrairement à ce qui est affirmé par Monsieur [X], les différences ne sont pas notables et restent insignifiantes.

Monsieur [X] refuse d’admettre qu’il a purement et simplement copié l’aménagement du site funéraire sur celui qui avait été créé par la Société SBT COLUMBARIUM. (…) Il prétend que la liberté d’aménagement en matière funéraire serait assez limitée, mais l’aménagement imaginé par la Société SBT COLUMBARIUM ne manque pas d’originalité et de créativité.

Monsieur [X] s’est contenté de copier cet aménagement, alors que rien ne lui empêchait d’en créer un autre.”

Ce faisant, la société requérante se contente de se revendiquer de l’originalité de sa création sans en faire la démonstration c’est à dire sans identifier précisément en quoi l’oeuvre revendiquée porterait l’empreinte subjective de son auteur, la seule référence aux photographies produites étant insuffisante.

Dès lors, en l’absence de démonstration de l’originalité, et sans qu’il soit besoin de poursuivre l’étude des moyens de la requérante relativement aux similitudes entre les deux sites funéraires, il convient de rejeter ses demandes au titre de la contrefaçon du dessin et du plan d’aménagement du site cinéraire.

II – Sur les demandes accessoires

La société requérante succombant sera condamnée aux entiers dépens de l’instance et condamnée à payer à M. [X] la somme de 3000 euros au titre de ses frais non compris dans les dépens.

Pour les mêmes motifs, elle sera déboutée de sa propre demande au titre de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

PRONONCE la nullité du modèle 2018-4386 “Katrys” déposé le 30 septembre 2018 par la société SBT COLUMBARIUM,

ORDONNE la radiation du registre des dessins et modèles du modèle 2018-4386 déposé le 30 septembre 2018, aux frais de la SAS SBT COLUMBARIUM,

DEBOUTE la SAS SBT COLUMBARIUM de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon du modèle de columbarium KATRYS déposé auprès de l’INPI,

DEBOUTE la SAS SBT COLUMBARIUM de ses demandes indemnitaires au titre de la contrefaçon du plan d’aménagement paysager et cinéraire figurant au devis du 19/01/2019,

DEBOUTE la SAS SBT COLUMBARIUM au titre de ses frais non compris dans les dépens,

CONDAMNE la SAS SBT COLUMBARIUM à payer à [G] [X] la somme de 3000 euros pour ses frais non compris dans les dépens,

CONDAMNE la SAS SBT COLUMBARIUM aux entiers dépens de l’instance.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER

 

 


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