Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Draguignan
Thématique : Conflit de conformité urbanistique et enjeux d’exploitation agricole
→ RésuméLa commune de [Localité 6] a assigné Madame [S] [P] pour des infractions d’urbanisme, demandant la remise en conformité d’une parcelle et la démolition d’installations irrégulières. Elle soutient que ces installations violent le PLU et présentent des risques d’incendie. En réponse, Madame [S] demande un sursis à statuer, affirmant que son activité d’élevage canin est agricole. Le tribunal, après analyse, a mis l’affaire en délibéré et ordonné la démolition des installations dans un délai de trois mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamnant également Madame [S] aux dépens de l’instance.
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T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R E F E R E
REFERE n° : N° RG 24/06094 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KK2K
MINUTE n° : 2024/ 612
DATE : 27 Novembre 2024
PRESIDENT : Madame Laetitia NICOLAS
GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT
DEMANDERESSE
Commune de [Localité 6] prise en la personne de son Maire en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Grégory MARCHESINI, avocat au barreau de TOULON
DEFENDERESSES
Madame [P] [S], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Ismael TOUMI, avocat au barreau de MARSEILLE
Entreprise [Adresse 4], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Ismael TOUMI, avocat au barreau de MARSEILLE
DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 23 Octobre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Grégory MARCHESINI
Me Ismael TOUMI
copie dossier
délivrées le
Envoi par Comci à Me Grégory MARCHESINI
Me Ismael TOUMI
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 07 août 2024, la commune de [Localité 6] prise en la personne de son maire en exercice, a fait assigner Madame [S] [P] ainsi que l’entreprise [Adresse 4] devant la présidente du tribunal judiciaire de Draguignan saisie en référés, aux fins de voir :
– ordonner aux défenderesses de prendre tout mesure de remise en conformité de la parcelle cadastrée section F n°[Cadastre 1] sise [Adresse 3], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai de 15 jours, à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
– ordonner aux défenderesses la démolition ou le retrait de toutes les installations irrégulières visées dans le procès-verbal d’infraction d’urbanisme n°202407 0001 du 6 juillet 2024,
– condamner in solidum les défenderesses au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au dépens.
Par conclusions notifiées par RPVA le 22 octobre 2024 auxquelles il sera fait report pour de plus amples développements, la commune de [Localité 6] représentée maintient l’intégralité de ses demandes en arguant d’une part du trouble manifestement illicite résultant de la violation des règles d’urbanisme opposables à Mme [S] ainsi que la violation du règlement du PLU. Elle soutient par ailleurs qu’il existe des risques de dommages imminents dès lors que les installations précaires de Mme [S] sont susceptibles de provoquer un incendie dans une région boisée. Elle conclut à l’impossibilité de régularisation de la situation au regard du PLU, de la nature de l’activité de la défenderesse ne relevant pas d’une activité agricole et enfin au rejet de la demande de sursis à statuer.
Par conclusions déposées à l’audience auxquelles elle se réfère, Mme [S] ainsi que l’entreprise individuelle [Adresse 4], concluent au sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive purgée de tout recours du maire de la commune sur la demande de permis de construire.
Mme [S] fait valoir que son activité d’élevage canin est une activité agricole qui autorise la régularisation de ses constructions pour exercer la surveillance constante de son élevage. Elle ajoute avoir déposé une demande de permis de construire pour régularisation, le 20 octobre 2024.
Elle conteste l’existence d’un trouble manifestement illicite comme tout risque de dommage imminent allégué eu égard aux conditions matérielles de son exploitation.
A l’audience du 23 octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
SUR QUOI
Au terme de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé par ce même article désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
La jurisprudence constante retient qu’une construction édifiée en violation des dispositions légales et réglementaires, notamment en l’absence de délivrance d’un perrmis de construire, constitue nécessairement un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge de référé de faire cesser en ordonnant la démolition de l’ouvrage illicite.
Le juge des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle il prononce sa décision.
Il dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier de l’existence d’un trouble manifestement illicite et d’ordonner la mesure de remise en état qui lui paraît s’imposer pour le faire cesser.
Les mesures conservatoires ou de remise en état ne s’imposent que pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’article L.480-14 du Code de l’urbanisme prévoit que la commune compétente en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation.
En vertu des dispositions de l’article A 1 du PLU applicable sur la commune de [Localité 6], il est indiqué que toutes occupations et utilisations du sol sont interdites sauf installations liées ou nécessaire à l’exploitation agricole et reproupés autour du siège de l’exploitation, à l’instar des bâtiments d’exploitation, installations ou ouvrages techniques nécessaires à la production agricole; les constructions à usage d’habitation, l’agrandissement ou la réhabilitation des habitations existantes ainsi que les bâtiments qui sont leur complémentaires dans la limite d’une construction par exploitation et d’une surface de plancher maximale totale de 300 m² sont autorisées à condition d’être liés ou nécessaire à l’exploitation agricole et regroupés autour du siège social.
Le code de l’urbanisme précise en son article R 421-23 que doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements toute installation pour une durée supérieure à trois mois par an, d’une caravane autre qu’une résidence mobile sur un terrain situé en dehors d’un terrain de camping , d’un par résidentiel de loisirs etc….
Il n’est pas contesté par Madame [S] [P] que celle-ci propriétaire d’une parcelle cadastrée section F n°[Cadastre 1], sise [Adresse 3] à [Localité 6], a installé sans autorisation deux caravanes, plusieurs chenils ainsi qu’un mobil-home à la fois pour se loger elle et sa famille, mais aussi pour y exercer son activité d’élevage canin.
Ainsi, s’il est acquis que Madame [S] [P] en qualité d’exploitante agricole serait susceptible de bénéficier des exceptions prévues au PLU susvisées en son article A1, lui permettant d’édifier des constructions nécessaires à son activité ainsi qu’une habitation, celle-ci ne peut y prétendre qu’à la condition d’être regroupés autour du siège social d’une exploitation agricole.
En l’espèce, Madame [S] ne produit aucun élément permettant de vérifier sa qualité d’entrepreneuse individuelle, son inscription auprès de la MSA pour son activité agricole ainsi que l’adresse du siège social de son exploitation. Faute de pouvoir démontrer la réunion de ces conditions sur la parcelle litigieuse, il ne peut qu’être considéré que les installations dont l’existance a été actée au procès-verbal du 6 juillet 2024 sont en infraction avec l’ensemble des règles d’urbanismes ci-dessus mentionnées.
Il est constant que le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou d’un fait juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Par conséquent, le stationnement du mobil home et des caravanes et des chenils, en violation des textes légaux applicables constituent un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du Code de procédure civile.
La demande de permis de construire déposée par l’intéressée le 20 octobre 2024 est en cours d’instruction et n’est donc pas acquise au jour où le juge statue. Pour autant, elle constitue cependant une diligence de mise en conformité de la situation de la défenderesse avec une demande de permise de construire des bâtiments et une habitation pour une exploitation agricole, ainsi que le retrait des habitations légères installées sur la dite parcelle. Cette diligence répond partiellement à la demande de remise en conformité formulée par la commune de [Localité 6] qui sera donc accueillie en sa demande avec le bénéfice d’une astreinte dont les modalités seront précisées au présent dispositif. Il sera par ailleurs, ordonné à Madame [S] [P] la démolition ou le retrait de toutes les installations irrégulières visées dans le procès-verbal d’infraction d’urbanisme du 6 juillet 2024 n°202407 0001 à savoir l’installation des deux caravanes ains que du mobil-home. La nature du litige et l’équilibre économique entre les parties, justifient qu’il ne soit pas fait droit aux demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [S] [P] succombant à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Nous juge des référés, statuant par décision contradictoire et en premier ressort, suivant décision mise à disposition au greffe,
CONDAMNONS Madame [S] [P] à remettre en état la parcelle cadastrée section F n°[Cadastre 1] sise [Adresse 3], en procédant à l’enlèvement ou la démolition du mobil-home et des caravanes et chenils présents, visés dans le procès-verbal d’infraction d’urbanisme du 6 juillet 2024 n°202407 0001 et ce, dans un délai de trois mois à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai d’un mois, et pour une période de 6 mois ;
DISONS n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
CONDAMNONS Madame [S] [P] aux entiers dépens de l’instance ;
RAPPELONS que la présente ordonnance bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdit.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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