Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Draguignan
Thématique : Servitude de vue et prescription : enjeux de propriété et modifications architecturales
→ RésuméContexte de l’affaireMme [J] [P] veuve [D] est propriétaire d’un immeuble situé à [Localité 4], sous le régime de la curatelle renforcée depuis septembre 2021. En juin 2021, la Sarl Villa Carmine a acquis une parcelle de terrain à bâtir à proximité, ayant obtenu un permis de construire pour un immeuble collectif de 10 logements. Litige sur la servitude de vueLe litige a débuté lorsque Mme [D] a assigné la Sarl Saint Julien, soutenant que sa parcelle bénéficiait d’une servitude de vue sur la parcelle de la Sarl Villa Carmine. Elle a demandé la reconnaissance de cette servitude, la publication de la décision, ainsi que des dommages-intérêts et des astreintes pour non-respect de la servitude. Arguments de Mme [D]Mme [D] a affirmé détenir une servitude de vue par prescription acquisitive, soutenue par des preuves telles qu’un constat d’huissier, des photographies anciennes et un rapport d’expert. Elle a également précisé que la construction de la Sarl Villa Carmine n’avait pas respecté les règles de traitement des eaux. Réponse des défendeursLa Sarl Saint Julien et la Sarl Villa Carmine ont contesté les revendications de Mme [D], arguant qu’elle ne prouvait pas l’existence de la servitude de vue. Elles ont demandé la suppression de la fenêtre litigieuse et des dommages-intérêts pour préjudice économique et d’image. Éléments de preuve et expertisesDes expertises contradictoires ont été produites, mais le tribunal a noté que la fenêtre litigieuse était la seule sur le mur sud de la maison de Mme [D]. Des attestations et des photographies ont été présentées pour prouver l’existence de la fenêtre depuis au moins 1989, soutenant ainsi la revendication de la servitude de vue. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu que la parcelle de Mme [D] bénéficiait d’une servitude de vue par possession de trente ans. Il a débouté Mme [D] de sa demande de rétablissement de la servitude sous astreinte et a rejeté toutes les demandes reconventionnelles des défendeurs. Conséquences financièresLes défendeurs ont été condamnés aux dépens de l’instance, tandis que la Sarl Villa Carmine a été condamnée à verser 2500 € à Mme [D] pour couvrir ses frais irrépétibles. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 – CONSTRUCTION
DU 16 Janvier 2025
Dossier N° RG 22/04200 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JPRX
Minute n° : 2025/20
AFFAIRE :
[J] [P] veuve [D], assistée par sa curatrice Madame [F] [N] C/ S.A.R.L. SAINT JULIEN, prise en la personne de son gérant en exercice
JUGEMENT DU 16 Janvier 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Hélène SOULON, Vice-président, statuant à juge unique
GREFFIER FF lors des débats : Madame Evelyse DENOYELLE
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Novembre 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à :
Me Alexandre MEYRONET
Me Jean-Christophe MICHEL
Délivrées le 16 Janvier 2025
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDERESSE :
Madame [J] [P] veuve [D], assistée par sa curatrice Madame [F] [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’UNE PART ;
DÉFENDERESSE :
S.A.R.L. SAINT JULIEN, prise en la personne de son gérant en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE
D’AUTRE PART
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.R.L. VILLA CARMINE, demeurant [Adresse 8]
[Localité 4]
représentée par Me Alexandre MEYRONET, avocat au barreau de GRASSE
D’AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [J] [P] veuve [D] est propriétaire de la parcelle cadastrée BE n°[Cadastre 6] constituée d’un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4].
Mme [D] a été maintenue sous le régime de la curatelle renforcée selon décision du juge des tutelles du tribunal de proximité de Fréjus en date du 23 septembre 2021.
Suivant acte notarié du 10 juin 2021, la Sarl Villa Carmine a acquis de M. [B] [K] et de Mme [V] [U] une parcelle de terrain à bâtir cadastrée section BE n°[Cadastre 3] située [Adresse 9] à [Localité 4].
Elle a obtenu le 16 janvier 2020 un permis de construire un immeuble collectif comportant 10 logements pour une surface de 572,16 m².
En limite de propriété se trouve le pignon Sud Est de la maison de Mme [D] qui comporte une fenêtre.
Par acte d’huissier du 10 juin 2022, Mme [J] [P] veuve [D] assistée de son curateur Mme [F] [N], a fait assigner la Sarl Saint Julien devant le tribunal judiciaire de Draguignan, au visa de l’article 690 du code civil, afin de voir dire et juger que la parcelle cadastrée BE n° [Cadastre 6] à [Localité 4] bénéficie d’une servitude de vue sur la parcelle BE n°[Cadastre 5], ordonner la publication de la décision à intervenir au 2ème bureau de la conservation des hypothèques de Draguignan, condamner le requis à rétablir la servitude de vue sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamner le requis au paiement de la somme de 3600 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Jean-Christophe Michel, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile, lesquels comprendront le coût du procès-verbal de constat de Me [X]. Elle demandait également que l’exécution provisoire de la décision à intervenir ne soit pas écartée.
Par conclusions notifiées par RPVA le 10 avril 2024, Mme [J] [D], maintient l’ensemble de ses demandes initiales.
Elle expose qu’elle est titulaire d’une servitude de vue par prescription acquisitive et elle ajoute qu’après avoir produit un constat d’huissier, une photographie ancienne et une lettre de la mairie, elle ajoute un rapport rédigé par Mme [E] épouse [G], expert auprès de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence afin d’établir ses dires.
Elle précise que le défendeur n’a pas pris de retard dans la construction et qu’il a modifié l’immeuble en créant une cour anglaise sans toutefois avoir réglé le traitement des eaux.
La Sarl Saint Julien et la Sarl Villa Carmine, par conclusions numéro 2, notifiées par RPVA le 10 novembre 2023, demandent au tribunal de :
Dire recevable et fondée l’intervention volontaire de la Sarl Villa Carmine, véritable propriétaire de la parcelle BE [Cadastre 5]
A titre principal,
Vu les 675 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 9 et 16 du CPC
Juger que Mme [P] veuve [D] ne rapporte pas la preuve de l’acquisition de la prescription trentenaire pour la servitude de vue qu’elle revendique.
Rejeter en conséquence toutes les demandes de Mme [P] veuve [D]
Reconventionnellement,
Condamner Mme [P] veuve [D] à supprimer la fenêtre existante sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir
La condamner à payer à la Sarl Villa Carmine la somme de 50 000 € de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices économique et d’image à l’égard de ses clients acquéreurs.
Condamner Mme [D] à supprimer le débord de son toit qui se trouve au-delà de la limite de propriété sous astreinte de 500 € par jour de retard
A titre subsidiaire
Au cas où le Tribunal reconnaîtrait l’existence de la servitude de vue revendiquée par Mme [D]
Juger que le projet modificatif de la société Villa Carmine comportant une cour anglaise avec les indications de distance données par le promoteur, ne porte pas atteinte à la servitude de vue de Mme [D]
Dans tous les cas condamner Mme [J] [P] veuve [D] à payer à la société Saint Julien et à la société Villa Carmine une somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Elle indique que les deux rapports amiables versés aux débats ont des conclusions opposées mais qu’elle produit de son côté d’autres éléments permettant de débouter la demanderesse.
Elle fait valoir que Mme [D] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une servitude de vue par prescription acquisitive.
Elle soutient que la fenêtre litigieuse n’est pas la même que celle figurant sur l’ancienne photographie produite par la demanderesse et que la façade Sud-Est des plans du permis de construire n’est pas la même que sur la photo.
Elle considère qu’au moment de la délivrance du permis à Mme [D] en novembre 1995, une fenêtre existait mais qu’il ne s’agissait pas de celle visible à ce jour, qui est ouverte à une hauteur et un emplacement différents sur la façade.
Elle précise que la modification de l’ouverture fait courir un nouveau délai et que cette fenêtre ouverte postérieurement à novembre 1995 ne peut bénéficier de la prescription acquisitive.
Elle sollicite à titre reconventionnel la suppression de la fenêtre litigieuse sous astreinte, en l’absence de servitude de vue et reconventionnellement réclame des dommages et intérêts en réparation du retard pris dans la construction et du préjudice d’image.
Elle précise que si la servitude de vue était reconnue, le projet alternatif comportant une cour anglaise est parfaitement respectueux des distances prévues par les articles 678 et 679 du code civil.
Pour plus ample exposé, il convient de se référer aux dernières conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue par le juge de la mise en état le 15 avril 2024 L’audience s’est tenue le 7 novembre 2024 et l’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
RECOIT l’intervention volontaire de la Sarl Villa Carmine ;
DIT que la parcelle cadastrée section BE n°[Cadastre 6] à [Localité 4] bénéficie par possession de trente ans d’une servitude de vue, eu égard à la fenêtre située sur la maison côté sud, sur la parcelle BE n° [Cadastre 3] [Adresse 9] à [Localité 4] acquise par la Sarl Villa Carmine le 10 juin 2021.
DIT que la présente décision pourra être publiée au 2ème bureau de la conservation des hypothèques de [Localité 7] ;
DEBOUTE Mme [J] [P] veuve [D] de sa demande de rétablissement de la servitude de vue sous astreinte ;
REJETTE toutes les demandes de la Sarl Villa Carmine et de la Sarl Saint Julien ;
CONDAMNE la Sarl Villa Carmine et de la Sarl Saint Julien aux entiers dépens de l’instance qui ne comprendront pas le coût du procès-verbal de constat de Me [X] ;
AUTORISE Me Jean-Christophe Michel à faire application de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sarl Villa Carmine à payer à Mme [J] [P] veuve [D] la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes les autres demandes ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le SEIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT-CINQ.
La greffière, La présidente,
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