Tribunal judiciaire de Dijon, 8 janvier 2025, RG n° 24/00464
Tribunal judiciaire de Dijon, 8 janvier 2025, RG n° 24/00464

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Dijon

Thématique : Conflit sur l’exécution d’un contrat de bail commercial et ses conséquences financières

Résumé

Contexte du litige

La SCI Dijon 95, représentée par la société Latricogne Capital, a conclu un bail commercial avec le GIE Eplaad, désormais remplacé par la société Société Est Métropoles (SEM), pour des bureaux d’une superficie de 689 m² à Dijon. Ce bail initial de 9 ans a été renouvelé pour une période identique.

Procédure judiciaire

Le 13 juillet 2023, Latricogne Capital a assigné SEM devant le tribunal judiciaire de Paris pour faire constater la clause résolutoire, demander le paiement de loyers impayés et ordonner l’expulsion de SEM. Le tribunal a déclaré son incompétence territoriale et a renvoyé l’affaire à Dijon.

Demandes de Latricogne Capital

Lors de l’audience, Latricogne Capital a demandé une provision de 129 368,84 € pour des sommes dues selon un protocole d’accord du 12 juillet 2024, ainsi que des intérêts au taux légal majoré. Elle a également demandé le débouté de SEM de toutes ses demandes et des frais de justice.

Arguments de Latricogne Capital

Latricogne Capital a souligné les retards de paiement répétés de SEM, ayant conduit à une dette de 142 435,35 € au 8 avril 2024. Un protocole de résiliation amiable a été signé, mais SEM n’a versé qu’une seule échéance de 15 000 €, laissant un solde de 129 368,84 € après déductions.

Demandes de Société Est Métropoles

SEM a contesté le montant de la créance, affirmant que l’arriéré locatif était de 128 368,84 € et a demandé des délais de paiement de 24 mois, ainsi qu’un taux d’intérêt réduit. SEM a également demandé à ce que Latricogne Capital soit condamnée à lui verser 2 500 € pour ses frais de justice.

Arguments de Société Est Métropoles

SEM a fait valoir qu’elle traverse des difficultés financières et a engagé un processus de cession d’actifs pour apurer ses dettes. Elle a contesté la somme de 1 000 € demandée par Latricogne Capital pour des frais de nettoyage, arguant que la facture n’était pas suffisamment justifiée.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que la créance de 128 368,84 € était non contestable et a accordé la provision demandée, tout en rejetant la demande de 1 000 € pour les frais de nettoyage. Concernant les intérêts, le tribunal a reconnu la clause pénale mais a noté son caractère excessif.

Demande de délais de paiement

SEM a été déboutée de sa demande de délais de paiement, le tribunal ayant constaté qu’elle avait déjà bénéficié de tels délais sans respecter ses engagements. Aucune nouvelle justification de sa situation financière n’a été apportée.

Condamnations

SEM a été condamnée à payer 128 368,84 € à Latricogne Capital, avec intérêts, ainsi qu’à verser 1 500 € pour les frais de justice. Elle a également été condamnée aux dépens de l’instance.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE DIJON

Affaire : S.A.S. LATRICOGNE CAPITAL

c/
S.A. SOCIETE EST METROPOLE

N° RG 24/00464 – N° Portalis DBXJ-W-B7I-IPDH

Minute N°

Copie certifiée conforme et copie revêtue de la formule exécutoire délivrées le :
à :

la SARL CANNET – [G] – 81
la SELAS DU PARC – MONNET BOURGOGNE – 91

ORDONNANCE DU : 08 JANVIER 2025

ORDONNANCE DE REFERE
Nathalie POUX, Présidente du tribunal judiciaire de Dijon, assistée de Josette ARIENTA, Greffier

Statuant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE :

S.A.S. LATRICOGNE CAPITAL
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Me [W] [G] de la SARL CANNET – [G], demeurant [Adresse 1], avocats au barreau de Dijon, postulant, Me Paul BRISSET de la SELAS BIGNON LEBRAY, demeurant [Adresse 5], avocats au barreau de Paris, plaidant

DEFENDERESSE :

S.A. SOCIETE EST METROPOLE
[Adresse 7]
[Localité 2]

représentée par Me Vincent CUISINIER de la SELAS DU PARC – MONNET BOURGOGNE, demeurant [Adresse 3], avocats au barreau de Dijon,

A rendu l’ordonnance suivante :

DEBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 novembre 2024 et mise en délibéré à ce jour, où la décision a été rendue par mise à disposition au greffe, ce dont les parties ont été avisées à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 29 juin 2011, la SCI Dijon 95 , aux droits de laquelle vient la société Latricogne Capital, a donné à bail commercial au GIE Eplaad aux droits duquel vient la société Société Est Métropoles (SEM), des locaux à usage de bureaux, d’une surface de 689 m2 dans un immeuble situé [Adresse 7] à Dijon pour une durée de 9 ans, bail renouvelé pour une durée de 9 ans.

Par acte de commissaire de justice du 13 juillet 2023, la société Latricogne Capital a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, la société Société Est Métropoles aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, condamner le preneur à payer une provision sur les loyers impayés et indemnités d’occupation et voir ordonner son expulsion.

Par jugement rendu en état de référé le 21 juin 2024, le tribunal judiciaire de Paris s’est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé l’affaire devant le président du tribunal judiciaire de Dijon statuant en référé, les dépens et demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile étant réservés.

Aux termes de ses dernières écritures maintenues à l’audience, la société Latricogne Capital a demandé au juge des référés, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, et 1103 1104, 1192, 1199 du code civil, du protocole conclu entre les parties le 12 juillet 2024, du courrier de mise en demeure du 27 septembre 2024 de :
– condamner à titre provisionnel la société Société Est Métropoles à payer à la société Latricogne Capital la somme de 129 368,84 € au titre des sommes restant dues au titre du protocole conclu entre les parties le 12 juillet 2024 ;
-juger que ladite somme de 129 368,84 € portera intérêt à titre provisionnel au taux légal majoré de 500 points à compter du 6 octobre 2024, date d’acquisition de la déchéance du terme en application de l’article 3.4 du protocole ;
– débouter la société SEM de l’intégralité de ses demandes ;
– si par extraordinaire il était fait droit à la demande de délai formulé par la société SEM :
▪ octroyer à celle-ci un délai maximum de six mois à compter de la décision à intervenir,
▪ juger qu’en cas de non-paiement d’une seule échéance à bonne date l’échéancier mis en place deviendra caduc, rendant immédiatement exigible l’intégralité des sommes dues par la société SEM sans que la société Latricogne Capital n’ait à effectuer aucune formalité ;
– en tout état de cause, condamner la société SEM à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

La société Latricogne Capital fait valoir que :

face au retard de règlements répétitif et à l’accroissement de la dette de son preneur, elle a fait assigner la société Société Est Métropoles après lui avoir fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire figurant au bail pour une somme en principal de 92 578,95 € TTC ;

plus de six mois après la délivrance de l’assignation et en dépit d’une ordonnance d’injonction de rencontrer un médiateur, la société SEM n’a procédé à aucun règlement des loyers et charges dues au titre du bail si bien que le décompte arrêté au 8 avril 2024 incluant le deuxième trimestre 2024 s’élève à 142 435,35 € TTC ;
pour mettre fin au litige, les parties se sont rapprochées et ont acté de la résiliation amiable et anticipée du bail à la date du 1er juillet 2024, convenant des modalités d’apurement de la dette locative et de la restitution des locaux dans un protocole d’accord du 12 juillet 2024 ;
le protocole prévoyait un échéancier, le preneur devant s’acquitter de la somme globale de 165 000 € en cinq échéances au plus tard : 15 000 € préalablement à la signature du protocole, 51 000 € le 15 août 2024, 33 000 € le 15 septembre 2024, 33 000 € le 15 octobre 2024 et 33 000 € le 15 novembre 2024 ; les parties convenaient également dans le protocole que toute mensualité qui viendrait à ne pas être réglée dans les délais prévus portera automatiquement intérêts au taux légal majoré de 500 points de base ; que le défaut de paiement d’une mensualité engendrera également de plein droit, si bon le semble à la société Latricogne Capital, et huit jours après l’envoi d’une mise en deleure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au preneur, la déchéance du terme du solde restant du de la somme de 165 000 € ;
depuis le versement de la première échéance de 15 000 €, la société SEM ne s’est acquittée d’aucune autre somme ; une mise en demeure rappelant l’article 3.4 du protocole lui a été adressée par lettre recommandée le 24 septembre 2024 , réceptionnée le 27 septembre 2024, sans effets ;
la somme due au titre du protocole s’élève à 165 000 € TTC, ramenée à 150 000 € après déduction de la somme de 15 000 € versée ; à laquelle s’ajoute la somme de 1 000 € de frais de remise en état des locaux loués ; est à déduire de la somme due le dépôt de garantie de 21 631, 16 € ; ainsi la somme due en application du protocole d’accord s’élève à 129 368, 84 € outre les intérêts majorés tels que prévus dans le protocole ;
la société Latricogne Capital s’oppose à l’octroi de tout délai de paiement ayant déjà consenti spontanément des délais par deux protocoles d’accord non exécuté, l’un en 2022 et le second en 2024 ; la société SEM ne peut se prévaloir d’une procédure de conciliation ouverte par le président du tribunal de commerce le 20 octobre 2022 qui aurait donné à la signature d’un protocole de conciliation avec certains de ses créanciers le 25 mai 2023, dès lors que la société Latricogne Capital n’a pas été informée de cette procédure ni invitée à y participer en dépit des impayés locatifs déjà existants de la société SEM; par ailleurs la société Est Métropoles ne justifie pas de son endettement et ne communique pas les annexes listées au sein du protocole de conciliation du 25 mai 2023.
Lors de l’audience, la société Latricogne Capital a demandé au juge des référés d’écarter des débats les pièces qui lui ont été communiquées la veille de l’audience comme étant illisibles ( pièces 5 à 8).

La société Société Est Métropoles a demandé au juge des référés au terme de ses dernières écritures maintenues à l’audience, au visa des articles 1235-1 et 1345-1 du code civil de :
– juger que l’arriéré locatif du s’élève à la somme de 128 368, 84 € ;
– lui octroyer des délais de paiement à hauteur de 24 mois ;

– juger que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit ,
– débouter la société Latricogne Capital de ses demandes pour le surplus ;
– condamner la société Latricogne Capital à verser à la société Société Est Métropoles la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Latricogne aux entiers dépens.

La société Société Est Métropoles fait valoir que :

l’arriéré locatif s’élève à la somme de 128 368, 84 € ; il n’y a pas lieu d’y ajouter la somme de 1 000 €, la facture produite étant bien epu explicité et ne précisant pas le lieu d’intervention et la date de réalisation de ce débarrassage de mobilier ; les photographies ne sont pas jointes ;
la société SEM entend solliciter des délais de paiement, outre l’application d’un taux d’intérêt réduit: au cours de l’année 2021, elle a fait face à des difficultés finiancières et a décidé d’engager une phase de gestion extinctive par la cession de ses actifs et l’apurement de son passif ; elle est propriétaire d’actifs immobiliers financés par des établissements bancaires prêteurs ; elle a sollicité la désignation d’un conciliateur et un protocole d’accord a été conclu le 25 mai 2023 entre elle et certains établissements bancaires, protocole dans lequel lasociété SEM s’engage à vendre ses actifs immobiliers pour apurer au maximum son passif ; elle a donc besoin de temps pour réaliser ses actifs et solder sa dette locative et sollicite un délai de 24 mois ;
l’application du taux d’intérêt légal majoré de 500 points est manifestement excessif compte tenu des difficultés financières de la société SEM et au regard du capital servant de base de calcul , ce qui aboutirait sur une période très courte entre le 6 octobre et le 16 octobre 2024, à un montant d’intérêts de 111 205, 48 €.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en premier ressort :

Condamnons la société Société Est Métropoles à payer à titre de provision à la société Latricogne Capital la somme de 128 368, 84 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2024 ;

Déboutons la société Latricogne Capital du surplus de ses demandes ;

Déboutons la société Société Est Métropoles de sa demande de délais de paiement ;

Condamnons la société Société Est Métropoles à payer à la société Latricogne Capital la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société Société Est Métropoles aux dépens.

Le Greffier Le Président

 


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