Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Dijon
Thématique : Expertise ordonnée pour évaluer des désordres dans un bien immobilier en copropriété
→ RésuméContexte de l’AcquisitionLe 26 avril 2022, un acheteur a acquis un appartement d’un vendeur pour un montant de 85 000 €, situé dans un immeuble en copropriété. Cette transaction a été réalisée par acte authentique. Demande d’ExpertiseLe 24 avril 2024, l’acheteur a assigné le vendeur et une société de transactions immobilières en référé devant le tribunal judiciaire, demandant une mesure d’expertise pour évaluer les désordres constatés dans l’appartement. Il a également demandé la communication de documents relatifs à l’assurance et à l’entretien de la copropriété, sous astreinte. Constatations de l’AcheteurL’acheteur a signalé des fuites d’eau peu après avoir pris possession des lieux, qu’il a déclarées à son assurance et au syndic de la copropriété. Malgré cela, le syndic n’a pas déclaré de sinistre, bien que les infiltrations semblent provenir des parties communes. Une expertise amiable a révélé des désordres importants, nécessitant des travaux urgents pour éviter des dommages structurels. Réactions du Syndic et du VendeurLe syndic a proposé des devis pour des travaux à la charge de l’acheteur, qui a refusé, arguant que le vendeur était au courant des désordres lors de la vente. Le syndic a contesté la responsabilité, affirmant qu’aucune déclaration de sinistre n’avait été faite auparavant et que les dégâts étaient mineurs. Arguments de l’AcheteurL’acheteur soutient que la responsabilité du vendeur peut être engagée pour vice caché, car les désordres étaient présents avant l’achat. Il accuse également le syndic de manquement à son obligation de conservation de l’immeuble, en raison de l’absence de déclaration de sinistre malgré des dégradations antérieures. Position de la Société de Transactions ImmobilièresLa société de transactions immobilières a contesté la demande d’expertise, affirmant qu’elle n’avait pas été informée des désordres et que l’acheteur avait agi sans la consulter. Elle a également souligné que l’acheteur, en tant que copropriétaire majoritaire, avait un rôle dans la gestion des travaux. Décision du TribunalLe tribunal a décidé d’ordonner une expertise, considérant que l’acheteur avait fourni des éléments crédibles justifiant sa demande. La société de transactions immobilières a été déboutée de sa demande de frais, et l’acheteur a été condamné à avancer les frais d’expertise. Les dépens ont été laissés à sa charge, car il était à l’origine de la demande d’expertise. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE DIJON
Affaire : [F] [D]
c/
[V] [I]
S.A.R.L. VAL DE SAONE TRANSACTIONS
N° RG 24/00222 – N° Portalis DBXJ-W-B7I-IKI7
Minute N°
Copie certifiée conforme et copie revêtue de la formule exécutoire délivrées le :
à :
la SELARL BJT – 11la SCP THIERRY BERLAND ET KATIA SEVIN – 15
ORDONNANCE DU : 05 FEVRIER 2025
ORDONNANCE DE REFERE
Nathalie POUX, Présidente du tribunal judiciaire de Dijon, assistée de Josette ARIENTA, Greffier
Statuant dans l’affaire entre :
DEMANDEUR :
M. [F] [D]
né le 13 Novembre 1997 à [Localité 12] (ALPES MARITIMES)
[Adresse 4]
[Localité 13]
représenté par Me Frédéric TELENGA de la SELARL BJT, demeurant [Adresse 1] – [Localité 6], avocats au barreau de Dijon
DEFENDEURS :
S.A.R.L. VAL DE SAONE TRANSACTIONS
[Adresse 9]
[Localité 13]
représentée par Me Katia SEVIN de la SCP THIERRY BERLAND ET KATIA SEVIN, demeurant [Adresse 3] – [Localité 6], avocats au barreau de DIJON, avocats postulant, Me Arnaud ABRAM, demeurant [Adresse 2] – [Localité 5], avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
M. [V] [I]
né le 06 Juin 1993 à [Localité 6] (COTE D’OR)
[Adresse 10]
[Localité 7]
non représenté
A rendu l’ordonnance suivante :
DEBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 décembre 2024 et mise en délibéré au 29 janvier 2025, puis prorogé au 5 février 2025 où la décision a été rendue par mise à disposition au greffe, ce dont les parties ont été avisées conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte authentique du 26 avril 2022, M. [F] [D] a acquis entre les mains de M. [V] [I] un appartement situé dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 4] à [Localité 13] pour un montant de 85 000 €.
Par actes de commissaire de justice en date du 24 avril 2024, M. [D] a assigné M. [I] et la SARL Val De Saône Transactions en référé devant le tribunal judiciaire de Dijon aux fins de voir, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, ordonner une mesure d’expertise et réserver les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, M. [D] a maintenu sa demande d’expertise et a en outre demandé au juge des référés de condamner la société Val De Saône Transaction à verser aux débats les conditions générales et particulières de son assurance ainsi que le carnet d’entretien de la copropriété, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de la décision. Il a en outre sollicité le rejet de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile de la société Val De Saône Transactions.
M. [D] expose que :
peu de temps après la prise de possession des lieux, ils a constaté des fuites d’eau à la suite d’épisodes pluvieux. Il a déclaré ce sinistre à son assurance en 2022 et a immédiatement informé le syndic de la copropriété, la société Val de Saône Transactions. Toutefois, cette dernière n’a déclaré aucun sinistre ;
il est pourtant manifeste que les infiltrations d’eaux proviennent des parties communes de l’immeuble ;
le 23 mai 2023, à sa demande, une expertise amiable a permis de constater un taux d’humidité élevé, des désordres et des non-conformités. L’expert a ainsi pointé l’affaiblissement des bois en raison des intempéries et la nécessité d’une intervention rapide pour éviter un effondrement du pignon ;
les désordres se sont ensuite aggravés, de sorte que des champignons poussent aujourd’hui au niveau des poutres. C’est donc par courrier du 5 janvier 2024 qu’il a mis en demeure le syndic de faire expertiser l’immeuble en vue de trouver des solutions adaptées. À cette demande, le syndic lui a répondu par la communication de trois devis cumulant un montant de 60 000 € à sa charge pour procéder aux travaux ;
il refuse catégoriquement de financer les travaux dans la mesure où il est manifeste que le vendeur avait connaissance des désordres au moment de la vente et que le syndic a manqué à son obligation de conservation de l’immeuble et ce pendant plusieurs années comme le démontre l’expertise amiable ; dès lors, par courrier du 18 mars 2024, il a mis en demeure le syndic et M. [I] de lui verser solidairement le montant des travaux. Le conseil du syndic lui a répondu que la fuite litigieuse n’avait pas été signalée antérieurement et que les dégâts n’étaient que légers, excluant sa responsabilité ;
au regard de ces éléments, il n’est pas douteux que la responsabilité du vendeur est susceptible d’être engagée au titre de la garantie des vices cachés puisque les désordres affectent l’immeuble depuis de nombreuses années sans que cela ne lui ait été notifié au moment de son achat ;
la responsabilité du syndic est aussi susceptible d’être engagée sur le fondement d’un manquement à son obligation de pourvoir à la conservation, à la garde et à l’entretien de l’immeuble. Il appert en effet qu’aucune déclaration de sinistre n’a été faite par le syndic malgré un état de dégradation antérieur ;
en réponse aux conclusions du syndic, il affirme que les désordres ne pouvaient être ignorés dans la mesure où il a informé de son sinistre en mars 2023 et qu’une réparation de fortune de la toiture est visible sur l’immeuble. De plus, le syndic ne fournit aucun élément pouvant attester du bon entretien de la toiture. Les factures de menus travaux ne sauraient en soi justifier d’un tel entretien ;
enfin, la défenderesse ne saurait prétendre à l’inexistence des désordres dans la mesure où son expertise contradictoire a elle-même permis de constater le sinistre. Par ailleurs, le syndic lui-même a sollicité la destruction d’un abri qu’il pensait à l’origine des désordres et lui a demandé le préfinancement des travaux de réfection de la toiture.
En conséquence, M. [D] estime être bien fondé à solliciter une mesure d’expertise et a maintenu ses demandes à l’audience du 18 décembre 2024.
La société Val de Saône Transactions demande au juge des référés de :
– juger qu’elle formule toutes protestations et réserves d’usage sur la demande d’expertise judiciaire de M. [D] ;
– ordonner que l’expertise éventuellement ordonnée soit réalisée aux frais avancés de M. [D] ;
– débouter M. [D] de toutes autres demandes, fins et conclusions ;
– condamner M. [D] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Val de Saône Transactions soutient que :
M. [D] prétend avoir déclaré un dégât des eaux à son assureur en décembre 2022. Toutefois, elle n’a jamais été informée de ce désordre et l’assureur de M. [D] n’est jamais entré en contact avec elle ;
c’est seulement à l’occasion de la présente procédure qu’elle apprend que M. [D] a mis en œuvre une expertise privée à la date du 23 mai 2023, vraisemblablement sans y être conviée ;
ce n’est que lors de la réunion d’expertise amiable du 13 octobre 2023 qu’elle a été informée de l’existence des fuites. De plus, rien n’était constaté sur place ;
il est précisé que M. [D] est copropriétaire majoritaire et qu’ainsi aucune solution technique ne peut être réalisée sans son accord. Or, malgré trois devis transmis le 15 janvier 2024, M. [D] n’a fait part de son refus qu’à la date du 20 mars 2024 ;
sa responsabilité ne saurait être envisagée. En effet, elle n’a été avisée d’aucun désordre dans l’appartement lorsqu’il appartenait encore à M. [I]. De plus, le rapport de l’expertise du 23 mai 2023 ne lui a été communiqué qu’en mars 2024. Ainsi, elle n’avait aucune raison de suspecter les désordres allégués par M. [D] ;
la copropriété est régulièrement entretenue. De plus, l’absence de M. [D], majoritaire, aux assemblées générales empêche le vote et la réalisation de travaux. Dès lors, il est manifeste que M. [D] se désintéresse de la copropriété et crée ainsi une situation de blocage ;
bien que M. [D] soit déjà en possession du carnet d’entretien sollicité, cette pièce est de nouveau versée aux débats ;
elle justifie en outre ne pas être restée passive et justifie de plusieurs travaux effectués au sein de la copropriété. Elle précise à ce sujet être elle-même propriétaire d’un appartement et donc n’avoir aucun intérêt à laisser dépérir la copropriété ;
elle dément fermement s’être abstenue d’informer son assureur du sinistre de M. [D]. Elle précise aussi verser aux débats les conditions générales et particulières de son assurance copropriété.
Bien que régulièrement assigné, M. [I] n’a pas constitué avocat ; il convient ainsi de statuer par ordonnance réputée contradictoire.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en premier ressort :
Vu l’article 145 du code de procédure civile ;
Donnons acte à la société Val de Saône Transactions de ses protestations et réserves ;
Ordonnons une expertise confiée à :
M. [N] [Y]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Mèl : [Courriel 14]
inscrit sur la liste des experts dressée par la cour d’appel de Dijon, avec mission de :
1. Convoquer les parties ;
2. Se rendre sur les lieux : [Adresse 4] – [Localité 13]
3. Entendre les parties en leurs explications et se faire remettre tous les documents et pièces qu’il jugera nécessaires pour assumer sa mission : documents contractuels et techniques, polices d’assurance ;
4. S’entourer de tous renseignements, à charge d’en indiquer la source, en entendant toute personne en qualité de sachant, à charge de reproduire ses dires et son identité, et en demandant s’il y a lieu l’avis de tout spécialiste de son choix ;
5. Établir un historique succinct du litige ;
6. Vérifier l’existence des désordres, malfaçons, non conformités et manquements aux règles de l’art allégués dans l’assignation et produire des photographies des désordres ;
7. Indiquer, pour chacun des désordres, la nature, la cause et l’origine du désordre, et notamment s’il s’agit d’une non-conformité aux documents contractuels, d’un défaut de conception ou d’exécution , d’un manquement aux règles de l’art , d’un manquement aux prescriptions d’utilisation des matériaux ou éléments d’ouvrage, ou encore d’une négligence dans l’entretien ou l’exploitation de l’ouvrage ;
8. Dire le cas échéant si le défaut de gestion et conservation de l’immeuble est à l’origine des désordres ou a contribué à l’aggravation de ces derniers ;
9. Rechercher la date d’apparition de chaque désordre et dire s’ils étaient apparents au moment de la vente ;
10. Dire s’ils sont de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ou à porter atteinte à sa solidité ;
11. Décrire les travaux éventuellement nécessaires à la réfection, préciser leur durée et chiffrer, le cas échéant, le coût de la remise en état ;
12. Fournir tous les renseignements et éléments techniques propres à permettre à la juridiction saisie de déterminer la responsabilité encourue ainsi que la nature et le quantum des préjudices subis par le demandeur ;
Disons que l’expert pourra s’adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d’en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l’avis du sapiteur à son rapport ;
Disons que l’expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires et écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
Disons toutefois que lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui lui auraient été faites après l’expiration de ce délai à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en est fait rapport au juge (article 276 alinéa 2 du code de procédure civile) ;
Fixons la provision à la somme de 4 000 € concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par M. [F] [D] à la régie du tribunal au plus tard le 5 mars 2025 ;
Disons que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque ;
Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire avant le 30 septembre 2025, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;
Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;
Déboutons M. [F] [D] de ses demandes tendant à la communication sous astreinte du carnet d’entretien de la copropriété ainsi que les conditions générales et particulières du contrat d’assurance ;
Déboutons la société Val de Saône Transactions de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons provisoirement M. [F] [D] aux dépens.
Le Greffier Le Président
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