Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 28 janvier 2025, RG n° 23/04080
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 28 janvier 2025, RG n° 23/04080

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand

Thématique : Responsabilité décennale et vices cachés : enjeux de prescription et de forclusion dans la construction immobilière.

Résumé

Contexte de l’affaire

M. [R] [W], architecte, a construit une maison sur un terrain qui lui appartient. En mai 2012, il vend cette maison à M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] (les époux [Z]). En 2018, ces derniers constatent des fissures sur l’ouvrage et déclarent le sinistre à leur assureur, la MAAF, qui leur conseille de rechercher la responsabilité de M. [W].

Procédures judiciaires

Les époux [Z] saisissent le juge des référés le 8 janvier 2021 pour demander une expertise judiciaire. Une ordonnance du 30 mars 2021 ordonne cette expertise, qui est réalisée par M. [G] [N]. Le rapport d’expertise est déposé le 25 mai 2023. En octobre 2023, les époux [Z] assignent M. [W] et la MAAF devant le tribunal judiciaire, réclamant chacun 568 907,49 euros.

Arguments de M. [W]

M. [W] conteste les demandes des époux [Z] en invoquant la forclusion et la prescription. Il soutient que la réception de l’ouvrage a eu lieu tacitement à la fin des travaux en 2009, ce qui rendrait l’action en responsabilité décennale irrecevable. Concernant les vices cachés, il affirme que les époux [Z] n’ont pas mentionné ce fondement dans leurs assignations, ce qui aurait entraîné la prescription de leur action.

Réponse des époux [Z]

Les époux [Z] répliquent que M. [W], en tant que vendeur et maître d’ouvrage, est responsable de la garantie décennale à partir de la date d’achèvement des travaux, fixée au 15 janvier 2011. Ils soutiennent également que la découverte des fissures en 2018 ne leur a pas permis de connaître l’ampleur du vice, et que le rapport d’expertise du 25 mai 2023 constitue le point de départ pour la prescription des vices cachés.

Décision du tribunal

Le tribunal déclare recevables les actions en responsabilité décennale, en garantie des vices cachés et au titre de la délivrance non conforme. Il rejette les fins de non-recevoir soulevées par M. [W] concernant la forclusion et la prescription. M. [W] est condamné aux dépens et à verser 2 000 euros aux époux [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion et prochaines étapes

L’affaire est renvoyée à une audience de mise en état virtuelle prévue pour le 1er mars 2025, où les parties pourront présenter leurs conclusions.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND
Décision du : 28 Janvier 2025
[Z], [K]
C/
[W], S.A. MAAF ASSURANCES
N° RG 23/04080 – N° Portalis DBZ5-W-B7H-JIMZ
n°:
ORDONNANCE

Rendue le vingt huit Janvier deux mil vingt cinq
par Madame Virginie THEUIL-DIF, Vice-Présidente du Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND,
assistée de Madame Charlotte TRIBOUT, Greffier

DEMANDEURS

Monsieur [U] [Z]
Madame [F] [K] épouse [Z]
demeurant ensemble [Adresse 2]
[Localité 3]

Représentés par Me Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEFENDEURS

Monsieur [R] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représenté par la SELARL TOURNAIRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.A. MAAF ASSURANCES
[Adresse 6]
[Localité 5]

Représentée par Me Xavier HERMAN de la SCP HERMAN ROBIN & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Après l’audience de mise en état physique du 10 décembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré à ce jour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [W], architecte de profession, a construit une maison située [Adresse 2] aux [Localité 3] sur une parcelle de terrain lui appartenant.

Par acte authentique en date du 25 mai 2012, M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] (ci-après les époux [Z]) ont fait acquisition de ladite maison auprès de M. [W].

Les époux [Z], ayant constaté courant 2018 l’apparition de fissures affectant l’ensemble de l’ouvrage, ont régularisé une déclaration du sinistre auprès de leur assureur multirisques habitation (MRH), la MAAF, qui les a invités par courrier du 13 septembre 2019 à rechercher la responsabilité de leur vendeur.

Par assignation en date du 8 janvier 2021, les époux [Z] ont saisi le juge des référés en vue de solliciter une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 30 mars 2021, une expertise a été ordonnée et confiée à M. [G] [N].

Le 25 mai 2023, M. [G] [N] a déposé son rapport.

Par actes délivrés respectivement le 13 et le 19 octobre 2023, les époux [Z] ont fait assigner M. [W] et la MAAF Assurances devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins de, à titre principal, condamner M. [W] à leur payer la somme de 568 907,49 euros et à titre subsidiaire condamner la MAAF Assurances à leur payer 568 907,49 euros.

Par conclusions d’incident n° 4 du 12 novembre 2024, M. [R] [W] sollicite que :
-soient déclarées irrecevables comme forcloses et / ou prescrites les demandes formées par les époux [Z] contre lui ;
– les époux [Z] soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens

Pour opposer une fin de non-recevoir à l’action en responsabilité décennale, M. [W] fait valoir, au visa des articles 1792-4-3 et 1792-6 du code civil que, étant maître d’ouvrage des travaux, il a seul qualité pour déclarer la réception de son ouvrage, que cette réception a été tacite, et qu’elle a eu lieu quand les travaux ont pris fin, c’est-à-dire en 2009. Il estime que la déclaration d’achèvement de travaux est un simple document administratif qui ne saurait être le point de départ du délai décennal, ce dernier devant être fixé fin 2009, et que par conséquent ce délai est forclos à la date de l’assignation le 8 janvier 2021.

Pour opposer une fin de non-recevoir à l’action en garantie des vices cachés et à l’action au titre de la délivrance non conforme, M. [W] indique que les époux [Z] n’ont pas visé ces fondements dans l’assignation en référé du 8 janvier 2021, ni dans l’assignation au fond du 13 octobre 2023, alors qu’ils avaient connaissance des désordres invoqués depuis 2018. Il affirme ainsi que la prescription a été acquise après un délai de deux ans, soit avant les conclusions signifiées le 17 septembre 2024 dans lesquelles ces nouveaux fondements ont été invoqués.

Par conclusions d’incident en réponse n°2, M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] sollicitent du tribunal :
-le rejet de l’ensemble des demandes de M. [W] ;
-la condamnation de M. [W] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Pole Avocats.

Pour s’opposer aux prétentions relatives à la forclusion de l’action en garantie décennale, les époux [Z] font valoir, au visa des articles 1792, 1792-1 et 1792-6 du code civil, que M. [W] étant vendeur et maître d’ouvrage, de jurisprudence constante le point de départ de la responsabilité décennale est la date d’achèvement des travaux, soit le 15 janvier 2011.

Pour s’opposer aux prétentions relatives à la prescription de l’action en garantie des vices cachés et à l’action au titre de la délivrance non conforme, les époux [Z] font valoir que, d’une part, il n’est pas établi que la suspension de la prescription ne peut intervenir que pour les seuls fondements juridiques visés dans l’assignation en référé, et que d’autre part, le point de départ de l’action en garantie des vices cachés est la date de connaissance du vice par l’acquéreur dans toute son ampleur et conséquence, qui a eu lieu à la date de dépôt du rapport le 25 mai 2023.

PAR CES MOTIFS,
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe, susceptible de recours en application de l’article 795 du code de procédure civile,

DECLARE recevable l’action en responsabilité décennale formée par M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] à l’encontre de M. [R] [W] ;

DECLARE recevable l’action en garantie des vices cachés formée par M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] à l’encontre de M. [R] [W] ;

DECLARE recevable l’action au titre de la délivrance non conforme formée par M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] à l’encontre de M. [R] [W] ;

CONDAMNE M. [R] [W] aux dépens de l’incident ;

CONDAMNE M. [R] [W] à verser à M. [U] [Z] et Mme [F] [K] épouse [Z] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état virtuelle du 01 mars 2025 pour conclusions de M. [R] [W] (SELARL TOURNAIRE [W]) et de la SA MAAF Assurances (SCP HERMAN – ROBIN & Associés).

Le Greffier Le Juge de la mise en état

 


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