Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 19 novembre 2024, RG n° 24/00516
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 19 novembre 2024, RG n° 24/00516

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand

Thématique : Problématique de la validité des dispositions testamentaires face à l’état de santé du testateur.

Résumé

Décès de Madame [B] [U] [D]

Madame [B] [U] [D], retraitée et veuve de Monsieur [W] [I] [T], est décédée le [Date décès 1] 2023 à [Localité 20]. Elle laisse derrière elle sa fille, Madame [X] [T], qui est désignée comme héritière.

Demande de protection et inquiétudes familiales

Avant son décès, Madame [J] [E], petite-fille de la défunte, a sollicité en décembre 2022 la mise en place d’un régime de protection pour sa grand-mère, en raison de préoccupations concernant sa gestion patrimoniale. Le procureur a répondu qu’aucun dossier n’était ouvert à cet effet. En parallèle, Madame [X] [T] a demandé une habilitation familiale alors que Madame [B] [D] était hospitalisée.

Intervention du juge des tutelles

Après le transfert de Madame [B] [D] en EHPAD, Madame [E] a exprimé ses inquiétudes au procureur concernant la gestion de l’héritage par sa mère. Le 7 avril 2023, le juge des tutelles a ordonné un placement sous sauvegarde de justice, désignant un mandataire spécial.

Testaments et héritage

Madame [E] a découvert l’existence de deux testaments olographes, l’un daté du 30 mars 2010 et l’autre du 23 mars 2022. Le premier testament institue ses petits-enfants comme légataires, tandis que le second révoque toutes les dispositions antérieures en faveur de Madame [X] [T] et maintient des contrats d’assurance vie pour les petits-enfants.

Contestation de la validité du testament

Madame [E] conteste la validité du testament de 2022, arguant que sa grand-mère était dans un état de santé incompatible avec la rédaction de ce document. Elle a demandé une expertise médicale pour évaluer l’état de santé de Madame [B] [D] au moment de la rédaction du testament.

Procédures judiciaires et demandes

Madame [J] [E] a assigné Madame [X] [T] et la SCP [18] pour obtenir des documents relatifs à la succession et une expertise médicale. Madame [X] [T] a contesté ces demandes, arguant de l’irrecevabilité de la demande d’expertise et de la révocation des legs.

Décision du juge des référés

Le juge des référés a rejeté la demande d’expertise médicale, considérant que Madame [E] n’avait pas qualité à agir pour contester le testament. De plus, la demande de communication de pièces par le notaire a également été rejetée, en raison du secret professionnel. La demande de communication au Ministère Public a été déboutée, faute de preuves suffisantes d’un crime ou délit.

Conséquences financières

Madame [J] [E] a été condamnée à supporter les dépens de la procédure, sans application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. La décision est exécutoire à titre provisoire.

CG/MLP

Ordonnance N°
du 19 NOVEMBRE 2024

Chambre 6

N° RG 24/00516 – N° Portalis DBZ5-W-B7I-JSK7
du rôle général

[J] [E]

c/

S.C.P. [18]
[X] [T]

EZ GOUNEL-LIBERT-PUJO
la SCP VILLATTE-DESSERT

GROSSES le

– la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO
– la SELARL DAURIAC & ASSOCIES (Limoges)
– la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES
– la SCP VILLATTE-DESSERT

Copies électroniques :

– la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO
– la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES
– la SCP VILLATTE-DESSERT

Copie :

– Dossier

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE,

par Madame Catherine GROSJEAN, Présidente du Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND

assistée de Madame Laetitia JOLY, Greffière

dans le litige opposant :

DEMANDERESSE

– Madame [J] [E]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentée par la SCP GOUNEL-LIBERT-PUJO, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

ET :

DEFENDERESSES

– La S.C.P. [18], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 19]
[Adresse 19]

représentée par la SELARL DAURIAC & ASSOCIES, avocats au barreau de LIMOGES substituée par la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

– Madame [X] [T]
actuellement [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par la SCP VILLATTE-DESSERT, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

Après débats à l’audience publique du 15 Octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré à ce jour, la décision étant rendue par mise à disposition au greffe.

~ ~ ~ ~ ~ ~

EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [B] [U] [D], en son vivant retraitée, veuve de monsieur [W] [I] [T], est décédée le [Date décès 1] 2023 à [Localité 20], laissant pour lui succéder madame [X] [T], sa fille.
Avant le décès de sa grand-mère, madame [J] [E], petite fille et filleule de madame [B] [U] [D], a écrit au procureur de la République de [Localité 12] au mois de décembre 2022 afin que soit mis en place un régime de protection confié à une personne neutre.
Le procureur de la République lui a répondu selon courrier du 12 janvier 2023 qu’aucun dossier n’était ouvert devant le juge des tutelles de Brive la Gaillarde.
Parallèlement, le 28 décembre 2022, alors que madame [D] était admise à l’hôpital de [Localité 12], madame [X] [T] a déposé une demande d’habilitation familiale.
Suite au transfert de madame [B] [D] de l’hôpital à l’EHPAD [17] situé à [Localité 20], madame [E] a écrit au procureur de la République de [Localité 13] le 23 janvier 2023 pour lui faire part de son inquiétude sur la gestion du patrimoine de sa grand-mère par sa mère, madame [X] [T].
Le 04 avril 2023, madame [E] s’est adressée au juge des tutelles de Clermont-Ferrand pour dénoncer le comportement de madame [X] [T].
Le 07 avril 2023, le juge des tutelles du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a ordonné un placement sous sauvegarde de justice avec désignation de l’[9] ([9]) en qualité de mandataire spécial.
Informée par Maître [F], notaire à [Localité 12] en charge de la succession, qu’elle n’était pas héritière et n’avait donc pas accès aux éléments de la succession, madame [E] a levé un état du fichier des dispositions des dernières volontés de sa grand-mère, laissant apparaître l’existence de deux testaments olographes dont un en date du 30 mars 2010 et l’autre du 23 mars 2022.
Aux termes du testament olographe du 30 mars 2010, la défunte a institué ses trois petits enfants, madame [J] [E], monsieur [A] [L] et monsieur [G] [T] (prénom d’usage : [N]) légataires particuliers en ces termes :
« Je demande à ma fille adoptive, [X] [T] [défenderesse] seule héritière réservataire, de délivrer les legs suivants :
– à ma petite fille [J] [E] épouse [R] née le [Date naissance 5] 1971 :
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 14],
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 11],
*un Emau de [Localité 16] (ETE)

– à mon petit-petit fils [A] [L] né le [Date naissance 7] 1977 :
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 14],
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 11],
*un Emau de [Localité 16] (HIVER) »

– à mon petit-petit fils [N] [T] né le [Date naissance 2] 1986 :
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 14],
*1/3 indivis de l’appartement sis à [Adresse 11],
*un Emau de [Localité 16] (PRINTEMPS) »

Madame [B] [D] a vendu l’appartement objet du leg à sa petite fille [J] [E] le 29 août 2016.

Suivant testament olographe du 23 mars 2022, madame [B] [D] a révoqué de manière expresse toutes dispositions antérieures au bénéfice de sa fille unique madame [X] [T] et a maintenu des contrats d’assurance vie au bénéfice de ses petits-enfants.

Madame [E] expose que le dernier testament est intervenu durant une période à compter de laquelle l’état de santé de madame [B] [D] apparaissait incompatible avec la rédaction de dispositions de dernières volontés. La petite fille de la défunte souligne que sa grand-mère a fait l’objet d’hospitalisations au CHU de [Localité 12], la dernière du 22 décembre 2022 au 11 janvier 2023, laquelle a conduit à la demande d’ouverture d’une mesure de protection.
Par actes séparés en date des 28 et 29 mai 2024, madame [J] [E] a fait assigner madame [X] [T] et la SCP [18] devant la Présidente du tribunal statuant en référé aux fins suivantes :
dire et juger Madame [E] recevable et bien fondée en ses demandes,
ordonner une expertise médicale sur pièces, de Madame [B] [U] [D], née le [Date naissance 8] 1939 à [Localité 15], et décédée à [Localité 20] le [Date décès 1] 2023, avec mission ci-après définie : convoquer et entendre les parties assistées, le cas échéant, de leur Conseil, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou la tenue des réunions d’expertise, prendre connaissance des pièces de la procédure, entendre tous sachants, notamment les médecins, personnels soignants de l’EPHAD [17] à [Localité 20], EPHAD de [10], Hôpital de [Localité 12], mais également le dossier médical confié au Juge des Tutelles, le dossier médical du Docteur [S] [O], [Adresse 4], médecin traitant de la de cujus, et le Docteur [Z], médecin consulté lors de son arrivée à la maison de retraite [17] à [Localité 20], et plus généralement tout praticien susceptible de fournir un avis sur l’état de santé de feue Madame [B] [U] [D], à la période d’élaboration du testament du 23 mars 2022,se faire remettre l’ensemble des documents médicaux concernant feue Madame [B] [D], les certificats et autres documents détenus notamment par les médecins traitants et médecins praticiens,décrire la nature et la gravité des éventuels troubles physiques et mentaux de Madame [D] avant le mois de juin 2022 et à la date du testament, en précisant autant que faire se peut, si les troubles étaient stables ou sujets à variations,donner tous éléments permettant d’apprécier si l’affection dont souffrait Madame [D] était de nature à affecter son intelligence ou dérégler sa faculté de discernement ou, en d’autres termes, si elle était en état de troubles excluant sa lucidité au moment de l’établissement du testament objet du litige,rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties autoriser Madame [J] [E] à obtenir la communication par Maître [F] de tous les documents relatifs à la succession de Madame [B] [U] [D], née le [Date naissance 8] 1939 à [Localité 15], et décédée à [Localité 20] le [Date décès 1] 2023, et notamment : les procès-verbaux d’ouverture et de dépôt de l’intégralité des testaments enregistrés au sein du fichier ADSNdu certificat médical, ou tout autre justificatif médical de la capacité de Madame [D] à ester à une période concomitante au testament du 23/03/2022 qui lui aurait été transmis
de l’acte de notoriété et inventaire dressés à l’ouverture de la succession des relevés de compte de la de cujus sollicitéscondamner Madame [X] [T], sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la signification de la Décision à intervenir, de communiquer la copie figurée et l’attestation de dépôt et d’ouverture des deux testaments rédigés par Madame [D] les 30/03/2010 et 23/03/2022, débouter toute partie de ses demandes plus amples ou contraires,réserver les dépens.L’affaire a été appelée à l’audience du 18 juin 2024 puis elle a fait l’objet de renvois successifs à la demande des parties jusqu’à l’audience du 15 octobre 2024 à laquelle les débats se sont tenus.
Par des conclusions en défense, madame [X] [T] a conclu aux fins suivantes :
débouter Mme [J] [E] de sa demande de communication sous astreinte, déclarer irrecevable la demande d’expertise judiciaire formulée par Mme [J] [E] en l’absence de motif légitime,débouter Mme [J] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de Mme [X] [T], condamner Mme [J] [E] à payer et porter à Mme [X] [T] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,condamner Mme [J] [E] aux entiers dépens. Par des conclusions en défense, la SCP [18] a sollicité de voir :
donner acte à Me [F] de sa remise à droit sous réserve de limiter les informations à délivrer par le notaire aux demandes concernant strictement la succession, à savoir les procès-verbaux d’ouverture et des dépôts des testaments enregistrés au sein du fichier ADSN, de l’acte de notoriété et de l’inventaire dressé à l’ouverture de la succession, à l’exception de tout autre document médical ou bancaire,prononcer la mise hors de cause de Maître [F] dans l’hypothèse où l’expertise médicale sollicitée par Madame [E] serait ordonnée, condamner Madame [J] [E] aux entiers dépens de l’instance. Dans ses dernières écritures, madame [J] [E] a maintenu ses demandes initiales, à l’exception de sa demande de condamnation de madame [T] à produire des pièces sous astreinte. Elle a également sollicité de voir :
ordonner la communication du dossier au Ministère Public pour enquête en application des dispositions de l’article 40 du Code de procédure pénaledébouter toute partie de ses demandes plus amples ou contrairescondamner madame [X] [T] à lui payer et porter la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure. Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions régulièrement déposées par les parties.

PAR CES MOTIFS
Le juge des référés, statuant publiquement en premier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande d’expertise médicale sur pièces,
REJETTE la demande de communication de pièces,
DÉBOUTE madame [J] [E] de sa demande de communication du dossier au Ministère Public,
DIT n’y avoir lieu à référé sur toute autre demande,
DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
LAISSE les dépens à la charge de madame [J] [E],
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
La Greffière, La Présidente,

 


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