Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Caen
Thématique : Nullité d’un titre exécutoire en raison d’une opposition pour vol et d’un chèque en blanc.
→ RésuméContexte de l’affaireEn septembre 2020, M. [X] [O] a été informé par sa banque, le Crédit Lyonnais, qu’un chèque d’un montant de 7 500 euros, tiré sur son compte, avait été présenté pour paiement. Ce chèque, daté du 2 septembre 2020, était au nom de M. [G] [E], avec qui M. [O] avait des différends. Opposition et plainteM. [O] a demandé une copie du chèque et a constaté qu’il avait été émis à son insu. Il a alors fait opposition au paiement du chèque pour vol, se rappelant avoir laissé un chéquier dans son véhicule, prêté à M. [G]. Par la suite, M. [O] a déposé une plainte pour contrefaçon ou falsification de chèque, qui a été classée sans suite en février 2021. Certificat de non-paiementLe 25 mai 2021, la banque a délivré un certificat de non-paiement pour défaut de provision, malgré l’opposition pour vol. Ce certificat a conduit à l’établissement d’un titre exécutoire le 28 juin 2021, entraînant des tentatives d’exécution forcée contre M. [O]. Actions judiciaires de M. [O]En juillet 2022, M. [O] a déposé une plainte auprès du tribunal, affirmant qu’il n’avait pas émis le chèque. Il a également assigné M. [G] pour annuler le titre exécutoire et demander des dommages-intérêts. Le juge a examiné les demandes des deux parties, notamment l’annulation du titre exécutoire. Arguments des partiesM. [O] a soutenu que le titre exécutoire était nul en raison de l’opposition pour vol, tandis que M. [G] a affirmé que la responsabilité incombait à la banque. M. [O] a également contesté la validité du chèque, affirmant qu’il avait été volé et falsifié par M. [G]. Décision du tribunalLe tribunal a annulé le titre exécutoire du 28 juin 2021, considérant que le certificat de non-paiement n’aurait pas dû être émis en raison de l’opposition pour vol. Toutes les mesures d’exécution forcée basées sur ce titre ont été invalidées. M. [O] a été débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, et M. [G] a été condamné aux dépens. Conséquences financièresLe tribunal a décidé que M. [G] devait supporter les frais liés aux mesures d’exécution, sauf recours en garantie contre la banque. Les demandes d’indemnité des deux parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. |
N° du répertoire général : N° RG 22/03086 – N° Portalis DBW5-W-B7G-ICBO
38Z Autres demandes en matière de droit bancaire et d’effets de commerce
JUGEMENT N°
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CAEN
CHAMBRE PROCEDURE ECRITE
JUGEMENT DU 30 JANVIER 2025
DEMANDEUR :
Monsieur [X] [O]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 8] ( Maroc)
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Laurence DOREL, membre de la SCP DOREL-LECOMTE-MARGUERIE, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 24
et
DEFENDEUR :
Monsieur [E] [G]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 6] ( Algérie )
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Julie SPILLEBOUT, Membre de l’AARPI CONCORDANCE AVOCATS , avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 136
Bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/005700 du 24 octobre 2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Caen)
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Présidente : Mélanie Hudde, juge, statuant en juge unique, les avocats de la cause en ayant été avisés ;
Greffières : Emmanuelle Mampouya, greffière, présente lors des débats et Béatrice Faucher, greffière, présente lors de la mise à disposition ;
DÉBATS à l’audience publique du 17 octobre 2024 ;
DÉCISION contradictoire, en premier ressort.
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025, après prorogation du délibéré fixé initialement au 16 janvier 2025.
COPIE EXÉCUTOIRE à
Me Laurence DOREL – 24, Me Julie SPILLEBOUT – 136
FAITS ET PROCÉDURE
Courant septembre 2020, M. [X] [O] a été averti par sa banque LE CREDIT LYONNAIS de ce qu’un chèque n° 9830766 d’un montant de 7 500 euros, tiré sur son compte n° [XXXXXXXXXX01], avait été présenté en vue de son paiement.
Surpris, M. [O] a demandé qu’une copie du chèque en cause lui soit adressée. Cette dernière a révélé que le chèque litigieux, daté du 2 septembre 2020, avait pour bénéficiaire M. [G] [E], personne avec laquelle M. [O] se trouve fâché.
La banque LE CREDIT LYONNAIS a par ailleurs attesté que le chèque n° 9830766 se trouvait issu d’un chéquier très ancien devant “dater de plus de 10 ans”.
Le 11 septembre 2020,M. [O] a fait opposition au paiement dudit chèque pour vol. Dans ses écritures, il expose avoir le souvenir d’avoir “laissé un chéquier dans son véhicule il y a plusieurs années, véhicule qu’il avait prêté à l’époque pendant quelque temps à Monsieur [G]”.
Courant septembre 2020, M. [O] a déposé plainte contre M. [G] auprès du Commissariat de Police de [Localité 7], notamment pour contrefaçon ou falsification de chèque. Le 2 février 2021, cette plainte a été classée sans suite au motif que les faits “n’ont pu être clairement établis par l’enquête. Les preuves ne sont donc pas suffisantes pour que l’infraction soit constituée et que des poursuites pénales puissent être engagées”.
M. [G] a présenté une nouvelle fois le chèque n° 9830766 au paiement le 14 septembre 2020.
Le 25 mai 2021, la banque LE CREDIT LYONNAIS a établi et transmis à M. [G] un certificat de non-paiement. Ce document mentionne un rejet de chèque “pour défaut de provision suffisante” et reproduit l’extrait suivant de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier :
“Un certificat de non-paiement est délivré à la demande du porteur, au terme d’un délai de trente jours, à compter de la première présentation d’un chèque impayé dans le cas où celui-ci n’a pas été payé lors de sa seconde présentation ou si une provision n’a pas été constituée, pour en permettre le paiement dans ce même délai. Ce certificat est délivré par le tiré lorsque au-delà du délai de trente jours une nouvelle présentation s’avère infructueuse.
La notification effective ou, à défaut, la signification du certificat de non-paiement au tireur par ministère d’huissier vaut commandement de payer.
L’huissier de justice qui n’a pas reçu justification du paiement du montant du chèque et des frais dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification ou de la signification délivre, sans autre acte de procédure ni frais, un titre exécutoire.
En tout état de cause, les frais de toute nature qu’occasionne le rejet d’un chèque sans provision sont à la charge du tireur.”
Le 28 juin 2021, après que le certificat de non-paiement ait été signifié à M.[O] le 11 juin 2021, la SCP d’huissiers de justice associés C2R – CROUIN – ROZEC – ROLAND a établi un titre exécutoire en application de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier.
Sur la base de ce titre exécutoire, M. [O] a fait l’objet de tentatives d’exécution forcée (saisie-vente, saisie-attribution, mise en oeuvre d’une procédure de saisie des rémunérations).
Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception de son conseil en date du 12 juillet 2022 (reçue le lendemain), M. [O] a déposé plainte auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de CAEN, faisant valoir n’avoir pas émis de chèque d’un montant de 7 500 euros. Par ordonnance du 5 octobre 2022, la somme devant être versée par M. [O] à titre de consignation a été fixée à 800 euros. La consignation a bien été versée courant novembre 2022.
Par acte de commissaire de justice en date du 9 août 2022, M. [O] a assigné M. [G] devant ce tribunal, notamment aux fins d’annulation du titre exécutoire délivré le 28 juin 2021 par la SCP C2R CROUIN ROZEC ROLAND, huissier de justice à CAEN, et d’indemnisation de son préjudice moral.
Aux termes d’une ordonnance en date du 28 juillet 2023, le juge de la mise en état a débouté M. [G] de sa demande d’annulation de l’assignation du 9 août 2022, débouté M. [O] de sa demande de sursis à statuer et indiqué que les dépens de la procédure d’incident suivront ceux de la procédure au fond.
Vu les conclusions n° 2 notifiées par la voie électronique le 1er février 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux prévisions de l’article 455 du code de procédure civile, au dispositif desquelles M. [O] demande à ce tribunal, au visa des articles 1128 et suivants du code civil, de :
– constater l’absence de dette et de consentement de sa part au paiement d’une somme de 7 500 euros,
– annuler le titre exécutoire délivré le 28 juin 2021 par la SCP C2R CROUIN ROZEC ROLAND, huissier de justice à CAEN, en application des dispositions de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier et l’ensemble des voies d’exécution subséquentes exercées sur le fondement de ce titre par M. [G],
– condamner M. [G] à lui payer la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner M. [G] au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais exposés par toute voie d’exécution.
Vu les conclusions récapitulatives notifiées par la voie électronique le 28 mai 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, au dispositif desquelles M.[G] demande à la juridiction de céans de :
– débouter M. [O] de toutes ses demandes,
– condamner M. [O] à une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle,
– condamner M. [O] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 18 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort :
ANNULE le titre exécutoire délivré le 28 juin 2021 par la SCP C2R – CROUIN – ROZEC – ROLAND en application de l’article L. 131-73 du code monétaire et financier à l’encontre de M. [X] [O] ;
CONSTATE que, ipso facto, toutes les mesures d’exécution forcée entreprises sur la base de ce titre exécutoire se trouvent invalidées ;
DEBOUTE M. [X] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
CONDAMNE M. [E] [G] aux dépens ;
DIT que M. [E] [G] devra supporter les frais générés les mesures d’exécution forcée entreprises sur la base du titre exécutoire nul, sauf à exercer un recours en garantie à l’encontre de la société LE CREDIT LYONNAIS ;
DEBOUTE M. [X] [O] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [E] [G] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Ainsi jugé le trente janvier deux mil vingt cinq, la minute est signée de la présidente et de la greffière
La greffière La présidente
Béatrice Faucher Mélanie Hudde
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