Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, 20 janvier 2025, RG n° 23/00481
Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, 20 janvier 2025, RG n° 23/00481

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse

Thématique : Contrôle URSSAF : Validité des Redressements et Mandat Implicite d’Expertise-Comptable

Résumé

Procédure

La société [P] a introduit un recours le 7 juillet 2023, avec une plaidoirie prévue pour le 28 octobre 2024. Le délibéré, initialement fixé au 16 décembre 2024, a été prorogé au 20 janvier 2025.

Exposé du litige

Un contrôle URSSAF a été effectué sur la société [P] pour les années 2018 à 2020, entraînant une lettre d’observations datée du 23 juillet 2021, mentionnant six chefs de redressement pour un montant total de 65.252 € en cotisations. Une mise en demeure de payer de 71.231 € a été adressée à la société le 12 janvier 2022. La société a contesté ce redressement auprès de la commission de recours amiable, qui a partiellement donné raison à la société en annulant un des chefs de redressement.

Recours au tribunal

La société [P] a saisi le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse le 11 juillet 2023, demandant l’annulation du contrôle et des redressements, ainsi que le déboutement de l’URSSAF de ses demandes. L’URSSAF a, de son côté, demandé le déboutement de la société et le paiement de 70.024 € pour rappel de cotisations.

Arguments de la société [P]

La société [P] a soutenu que l’URSSAF avait violé ses droits en obtenant des documents par l’intermédiaire d’un cabinet d’expertise-comptable sans son accord. Elle a également contesté la justification des chefs de redressement, arguant que certains montants correspondaient à des frais professionnels.

Arguments de l’URSSAF

L’URSSAF a rétorqué que la société [P] avait la possibilité de consulter la charte du cotisant et que le cabinet d’expertise-comptable avait un mandat implicite pour agir en son nom. Elle a également affirmé que les chefs de redressement étaient justifiés et que la société n’avait pas fourni les pièces justificatives demandées.

Recevabilité du recours

Le tribunal a jugé le recours recevable, notant que la commission de recours amiable avait été saisie sur l’ensemble des redressements, même si elle n’avait statué que sur certains d’entre eux. Les délais de saisine n’ont pas été contestés.

Sur la procédure de contrôle

Le tribunal a examiné la régularité du contrôle, concluant que le cabinet d’expertise-comptable avait un mandat tacite pour transmettre les documents à l’URSSAF. Il a également jugé que la liste des documents consultés était suffisante et que l’accès à la charte du cotisant avait été correctement mentionné.

Sur les chefs de redressement

Le tribunal a analysé chaque chef de redressement. Les chefs n°1, n°2, n°3, n°5 et n°6 ont été jugés fondés, tandis que le chef n°4 a été annulé par la commission de recours amiable. La société n’a pas réussi à prouver que les montants contestés correspondaient à des frais professionnels.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré l’action de la société [P] recevable, mais a débouté toutes ses demandes. Il a condamné la société à payer 64.125 € à l’URSSAF, ainsi qu’une somme de 1.200 € pour les frais de justice, et a ordonné le paiement des dépens.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 20 Janvier 2025

Affaire :

S.A.S.U. [P]

contre :

URSSAF RHONE ALPES

Dossier : N° RG 23/00481 – N° Portalis DBWH-W-B7H-GN2E

Décision n°25/

Notifié le
à
– S.A.S.U. [P]
– URSSAF RHONE ALPES

Copie le:
à
– l’AARPI SQUAIR
– la SELAS ACO AVOCATS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Nadège PONCET

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Valérie BREVET

GREFFIER : Ludivine MAUJOIN

Statuant dans les conditions d’application de l’article L.218-1 du Code de l’Organisation Judiciaire,

PARTIES :

DEMANDEUR :

S.A.S.U. [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Thomas BERTHILLIER de l’AARPI SQUAIR, avocats au barreau de LYON (Toque 2632)

DÉFENDEUR :

URSSAF RHONE ALPES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Charlotte GINGELL de la SELAS ACO AVOCATS, avocats au barreau de LYON (Toque 487)

PROCEDURE :

Date du recours : 07 Juillet 2023
Plaidoirie : 28 Octobre 2024
Délibéré : 16 Décembre 2024 prorogé au 20 Janvier 2025

EXPOSE DU LITIGE

La société [P] a fait l’objet d’un contrôle URSSAF portant sur les années 2018 à 2020.

Une lettre d’observations du 23 juillet 2021 comprenant six chefs de redressement a été notifiée à la société [P] pour un montant de 65.252 € en principal de cotisations.

L’URSSAF RHONE-ALPES a adressé à la société [P] une mise en demeure de payer le 12 janvier 2022 portant sur la somme de 71.231 € dont 65.250 € au titre des cotisations dues.

La société [P] a contesté ce redressement auprès de la commission de recours amiable de l’URSSAF.

La commission de recours amiable, par décision du 31 mars 2023, n’a fait droit aux demandes de la société [P] que sur le chef de redressement n°4 portant sur la somme de 1.124,93€ concernant des retraits en espèces.

Par requête enregistrée le 11 juillet 2023, la société [P] par l’intermédiaire de son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse d’un recours contre cette décision.

Les parties ont été convoquées pour l’audience du 28 octobre 2024, après échanges de conclusions dans le cadre de la mise en état à compter du 13 novembre 2023.

L’affaire a été retenue et plaidée.
Il a été fait application de l’article L 218-1 du code de l’organisation judiciaire, les parties ne s’opposant pas à ce que le président statue à juge unique.

La société [P] représentée par son conseil, se référant à ses écritures, demande au tribunal, à titre principal :
-d’annuler le contrôle et le redressement tel qu’issu de la lettre d’observations du 23 juillet 2021,
-d’annuler la mise en demeure subséquente.
A titre subsidiaire, la société [P] demande au tribunal :
-d’annuler les chefs de redressement n°1 à 3 et les chefs de redressements n° 5 et 6 de la lettre d’observations du 23 juillet 2021 et la mise en demeure subséquente,
En tout état de cause la société [P] demande au tribunal :
-de prendre acte de l’annulation du chef de redressement n° 4,
-de débouter l’URSSAF RHONE-ALPES de l’ensemble de ses demandes,
-de condamner l’URSSAF RHONE-ALPES à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.

Au soutien de ses demandes, la société [P] expose :
-que le seul interlocuteur de l’URSSAF doit être le cotisant, et que le redressement ne peut être conduit sur la base d’informations et de documents transmis par un tiers, en l’espèce un cabinet d’expertise-comptable,
-que l’URSSAF a violé l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale, en obtenant des documents directement du cabinet d’expertise-comptable sans que le cotisant en ait connaissance et sans qu’il ait donné son accord,
-que les documents obtenus n’ont pas été correctement listés dans la lettre d’observations ce qui caractérise une violation du contradictoire,
-que l’URSSAF reconnaît l’absence de mandat écrit,
-qu’il n’est pas non plus caractérisé un mandat tacite, dans la mesure où c’est un consultant indépendant M. [Z] [K], qui a communiqué avec l’URSSAF, et que ces échanges relatent surtout de graves dissensions entre la société et son cabinet d’expertise-comptable,
-que le cabinet « [5] » n’était manifestement pas mandaté,
-que l’URSSAF a fait référence lors du contrôle à la charte du cotisant sans la mettre à la disposition du cotisant, en contravention avec l’article R243-59 I du code de la sécurité sociale,
-que les chefs de redressements 1 à 3 et 5 à 6 ne sont pas justifiés,
-qu’en effet, s’agissant du redressement n°3, les sommes réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales constituent en réalité des frais professionnels, qu’il en est de même du chef de redressement n°5 et que le chef de redressement n°6 est subséquent au chef de redressement n°6.
L’URSSAF RHONE-ALPES pour sa part demande au tribunal :
-de débouter la société [P] de ses demandes,
-de condamner la société [P] à lui payer la somme de 70.024 € au titre du rappel de cotisations et contributions sociales,
-de condamner la société [P] à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, l’URSSAF expose :
-que la charte du cotisant doit être consultable, et que par conséquent la transmission du site internet de référence de l’URSSAF est suffisante,
-qu’en l’espèce la société [P] s’est abstenue de solliciter une copie de cette charte alors que cette possibilité lui est ouverte,
-que l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit la possibilité pour le cotisant de se faire assister du conseil de son choix,
-que depuis la loi PACTE du 11 mai 2019 et le décret n°2019-1193 du 19 novembre 2019, les cabinets d’experts-comptables bénéficient d’un mandat implicite pour représenter leur client et être les interlocuteurs des administrations,
-que l’inspecteur de recouvrement n’a pas à solliciter la production d’un mandat exprès dès lors qu’un cabinet d’expertise-comptable se présente à lui spontanément,
-que c’est le cabinet d’expertise-comptable [6] qui a pris attache avec elle dès l’avis de contrôle, et non l’inverse,
-que c’est ce même cabinet d’expertise qui a répondu à la lettre d’observations,
-que les échanges transmis par M. [K] concernant la société et son expert-comptable confirment l’existence d’un mandat,
-qu’aucune disposition ne lui impose de lister l’intégralité des documents consultés lors du contrôle dans la lettre d’observations,
-qu’elle doit seulement mentionner les documents juridiques et comptables consultés et qui mettent en lumière les pratiques de l’employeur, ainsi que les documents obtenus de tiers, par exemple des copies de chèque obtenu d’une banque en vertu de son droit de communication,
-que la société [P] ne justifie en rien du bien-fondé de ses contestations sur le fond,
-que la société [P] n’a jamais transmis les pièces justificatives manquantes sollicitées.

Le délibéré initialement fixé au 16 décembre 2024 a été prorogé au 20 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître du contentieux visé à l’article L 211-16 du COJ, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déclare l’action de la société [P] recevable,

Déboute la société [P] de toutes ses demandes,

Condamne la société [P] à payer à l’URSSAF RHONE-ALPES la somme de 64.125 € en principal, sans préjudice des majorations, au titre du redressement consécutif au contrôle URSSAF portant sur les années 2018 à 2020,

Condamne la société [P] à payer à l’URSSAF RHONE-ALPES la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [P] aux entiers dépens de l’instance.

En foi de quoi, la Présidente et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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