Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, 3 janvier 2025, RG n° 25/00007
Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, 3 janvier 2025, RG n° 25/00007

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

Thématique : Prolongation de la rétention : enjeux de motivation et d’appréciation des liens familiaux.

Résumé

Demande de prolongation de rétention

Par une requête datée du 02 janvier 2025, M. le Préfet du Nord a sollicité l’autorisation de prolonger la rétention d’un individu au-delà de quatre jours, pour une durée maximale de vingt-six jours. Cette demande a été reçue au greffe à 11 heures 53.

Assistance juridique et droits de l’intéressé

L’intéressé, assisté par son avocat Me Olivier Cardon, a été informé de ses droits durant la rétention, ainsi que des possibilités de recours. Il a exprimé son souhait d’être représenté par son avocat et a fourni des informations sur sa situation personnelle, notamment son âge, son parcours scolaire et professionnel, ainsi que des détails sur son statut de séjour.

Arguments de la défense

Me Cardon a soutenu le recours en annulation de l’arrêté de placement en rétention, soulignant que l’administration avait mal évalué la situation de son client. Il a fait valoir que l’intéressé avait des attaches familiales en France, qu’il avait vécu dans le pays pendant plus de sept ans et qu’il avait un passeport valide. L’avocat a également contesté les affirmations concernant le passé pénal de son client et a demandé l’annulation de l’arrêté.

Position de la Préfecture

L’avocat de la Préfecture a demandé le rejet du recours, arguant que le placement en rétention était justifié par le passé criminel de l’intéressé et son risque de soustraction à la mesure d’éloignement. Il a également affirmé que l’administration avait respecté les procédures légales et que les éléments présentés par la défense ne remettaient pas en cause la décision de rétention.

Motifs de la décision

Le tribunal a constaté des erreurs manifestes d’appréciation dans la décision de placement en rétention. Il a noté que l’administration n’avait pas pris en compte la durée de résidence de l’intéressé en France, ses liens familiaux et la possibilité de récupérer son passeport. En conséquence, le tribunal a jugé que la demande de prolongation de la rétention administrative ne pouvait être acceptée.

Conclusion de la décision

Le tribunal a prononcé l’annulation de l’arrêté de placement en rétention administrative et a ordonné la remise en liberté de l’intéressé dans un délai de vingt-quatre heures, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire national. La demande de frais sur le fondement de l’article 700 du CPC a été rejetée.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE MAINTIEN EN RÉTENTION ET SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION

MINUTE : 25/15
Appel des causes le 03 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00007 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CTR

Nous, Madame METTEAU Pascale, Première Vice Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Mme CHAIB Samira, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de Maître Antoine PATINIER représentant M. PREFET DU NORD ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [O] [L]
de nationalité Tunisienne
né le 15 Mai 2000 à [Localité 2] (TUNISIE), a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prononcée le25 mars 2024 par M. PREFET DU NORD , qui lui a été notifié le 19 avril 2024 à 14 heures 05.
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 30 décembre 2024 par M. PREFET DU NORD , qui lui a été notifié le 30 décembre 2024 à 12 heures 40 .

Vu la requête de Monsieur [O] [L] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 02 Janvier 2025 réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 02 Janvier 2025 à 15 heures 44 ;

Par requête du 02 Janvier 2025 reçue au greffe à 11 heures 53, M. PREFET DU NORD invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de quatre jours, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de VINGT SIX jours maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Olivier CARDON, avocat au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations.

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté de Me CARDON. Je suis né le 15 mai 2005 et non 2000. Je vis chez mes parents. J’ai fait mes études, j’ai eu mon BAC. J’ai fait une année de BTS. J’ai fait une connerie et j’ai eu le bracelet électronique. Je suis encore suivi par le SPIP. Actuellement, je travaille mais mon titre a expiré le 13 septembre et je n’ai pas pu avoir mon contrat renouvelé. Mon frère a ouvert un restaurant et j’ai commencé à travailler avec lui. Il n’a pas pu vraiment me déclarer mais il a fait une promesse d’embauche. J’avais fait un recours contre l’OQTF mais je n’ai pas réussi à voir Me CARDON avant pour faire appel.

Me Olivier CARDON entendu en ses observations à l’appui des conclusions écrites déposées et soutiens le recours en annulation. Sur l’arrêté de placement, c’est une situation originale. Il avait rendez-vous à mon cabinet mardi et il a été interpellé. Je soulève un certain nombre d’arguments. Il est arrivé en France avec un visa. Toute sa famille vit en France. Certes, il a été condamné mais il a exprimé beaucoup de regrets lors de ce jugement. La préfecture a effectué un retrait de son titre de séjour.
– sur la motivation de l’arrêté de placement en rétention : l’administration connaissait parfaitement la situation de mon client. L’arrêté ne fait pas du tout état de sa présence en France depuis plus de sept ans, que ses parents sont en France, qu’il a fait ses études en France et qu’il a un passeport en cours de validité. Il y a des éléments saillants pour envisager une assignation à résidence. Il y a deux erreurs de fait majeures. On évoque deux ans d’emprisonnement. C’est faux. Cela peut préter à confusion des juges et des administrations. On dit également qu’il a encore de la famille en Tunisie. C’est faux. Il n’a plus de famille et l’administration le sait. Vous devrez donc annuler l’arrêté de placement.
– sur laviolation de l’article 8 : on va me dire que ce n’est pas à vous de statuer mais au juge administratif. Vous devez juger une mesure de placement en rétention. La Cour de cassation n’a jamais dit que le juge judiciaire ne pouvait pas statuer sur la compatibilité de sa situation personnelle et familiale avec la rétention.
On dit également que mon client s’est soustrait à la mesure d’éloignement. Or, il a exercé un recours. Le fait d’exercer des recours, ce n’est pas une soustraction. Le préfet a donc fait une erreur d’appréciation.
Il vit en France depuis sept ans. Il a un parcours scolaire en France. Il était encore en train d’étudier sa situation concernant les recours qui se présentent à lui. Je vous demande donc d’annuler l’arrêté de placement en rétention administrative.

L’avocat de la Préfecture entendu en ses observations ; sollicite le rejet du recours en annulation et la prolongation de la rétention administrative au CRA de [Localité 1].
Sur les conclusions, sur le premier moyen, nous sommes en enquête de flagrance. Les services de police ont donc des prérogatives permettant le contrôle.
Sur l’habilitation de consultation du FPR, vous avez un brigadier chef présent, OPJ qui a nécessairement l’habilitation. En outre, on ne démontre pas de grief.
Sur l’avis parquet, le placement en retenue est à 20h50. Nous sommes en deçà d’une heure. Il y a un transfert. Il n’y a donc pas de difficulté.
Sur le transfert, aucun grief n’est démontré. Sur la territorialité du parquet, il n’y a aucune difficulté. Tous les avis parquet et actes de procédure ont été envoyés au parquet compétent.
Sur l’insuffisance des diligences préfectorales, il n’y a pas de difficulté. Il appartient ensuite à l’administration de transmettre tous les éléments évoqués pour avoir un laissez-passer.
Sur le recours, le placement en rétention se fait en fonction de sa situation personnelle au moment du placement. Quand bien même il a un logement depuis sept ans, il n’a pas régularisé sa situation. Il s’est soustrait à la mesure d’éloignement précédente. Il ne veut pas repartir en Tunisie. Le fait d’avoir une résidence effective ne suffit pas à contrer un placement en rétention
Sur l’article 8, je vous demande de vous déclarer incompétent. La cour de cassation a précisé qu’elle ne s’estimait pas compétente pour connaître de cette question.
En outre, on relève la menace à l’ordre public. Monsieur a été condamné pour extorsion à 24 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire. C’était suffisamment important pour qu’on lui donne une épée de Damoclès pendant 24 mois.

Me CARDON : Sur la communication de pièces, j’aurai aimer que mon confrère m’évoque des jurisprudences communiquées. J’aurai pu le faire aussi.
Sur la question de l’adresse, Monsieur a déjà eu un titre de séjour. Ce n’est qu’en 2024, que son titre a pris fin. Ce n’est pas du tout la situation qu’évoque mon confrère.
Mon client a dit qu’il avait son passeport à son domicile. L’administration a des moyens coërcitifs pour l’obtenir. Elle ne l’a pas fait.

L’intéressé : je n’ai rien à rajouter.

Audience suspendue et mise en délibéré.

PAR CES MOTIFS

PRONONÇONS la jonction avec l’affaire n°24/00016

FAISONS DROIT au recours en annulation de Monsieur [O] [L]

REJETONS la demande de maintien en rétention administrative de M. PREFET DU NORD

ORDONNONS que Monsieur [O] [L] soit remis en liberté à l’expiration d’un délai de vingt quatre heures suivant la Notification à Monsieur le Procureur de la République de BOULOGNE SUR MER de la présente ordonnance sauf dispositions contraires prises par ce magistrat.

INFORMONS Monsieur [O] [L] qu’il est maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République et le cas échéant, jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’effet suspensif de l’appel ou la décision au fond, que pendant ce délai il peut contacter un avocat, un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

REJETONS la demande fondée sur l’article 700 du CPC.

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat de la Préfecture, L’Avocat, Le Greffier, Le Juge,
En visio

décision rendue à 11h16
L’ordonnance a été transmise ce jour à M. PREFET DU NORD
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00007 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CTR
Ordonnance notifiée à Monsieur le procureur de la République à

Décision notifiée à …h…

L’intéressé,

 


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